Vert de Paris

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Vert de Paris
Image illustrative de l’article Vert de Paris
Identification
Synonymes

acéto-arsénite de cuivre
vert de Schweinfurter
vert émeraude
vert de Vienne
vert de Mitis

No CAS 12002-03-8
No ECHA 100.125.242
Propriétés chimiques
Formule C4H6As3Cu4O15Cu(C2H3O2)2·3Cu(AsO2)2
Masse molaire[1] 773,03 ± 0,02 g/mol
C 6,21 %, H 0,78 %, As 29,08 %, Cu 32,88 %, O 31,05 %,

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.
auto portrait de Vincent Van Gogh réalisé en 1888 pour son ami Gauguin. Son visage ce détache sur un ton verts émeraude réalisé avec le pigment à l'arsenic.
Vincent van Gogh, autoportrait dédié à Paul Gauguin (1888), musée Fogg de Cambridge (Massachusetts). L'à-plat au second plan est peint en vert de Paris[2].

Le vert de Paris ou vert de Schweinfurt est le nom commun pour l'acéto-arsénite de cuivre, ou "Pigment vert CI 21", un complexe bleu-vert très toxique. Il est utilisé dans quatre principales fonctions

Histoire[modifier | modifier le code]

Ce pigment vert de Paris ou de Schweinfurt fut très utilisé autrefois par les artistes peintres. La luminosité de ce pigment n'a pas été compensée par des pigments modernes de la chimie. L’imitation moderne est appelée « vert permanent ».

Il était autrefois utilisé pour tuer les rats dans les égouts parisiens, d'où le nom commun de vert de Paris[3],[4]. Il fut également utilisé en Amérique et ailleurs comme produit insecticide sur les pommes. Vers 1900, il fut mélangé avec de l'arséniate de plomb. Mais si ce mélange attaquait de surcroît les mauvaises herbes autour des arbres, il nuisait également à ces arbres, ce qui, outre la toxicité pour l'homme, était un inconvénient majeur.[réf. souhaitée][5]

Les artistes préparaient leur propre peinture à l'huile avec le vert de Paris obtenu à partir d'un mélange toxique. Les vapeurs toxiques de l'arsenic se dégagent de la peinture finie. Des impuretés mais également les molécules se dégradent spontanément : un gaz pyrophorique très toxique, l’arsine, issu de l’arsenic. Le peintre Cézanne utilisa beaucoup de vert de Paris[6]. Ce pigment fut également largement utilisé par d'autres artistes de cette époque, tel que Van Gogh. Cézanne développa un grave diabète qui est un symptôme chronique de l’intoxication à l’arsenic. La cécité de Monet et les troubles neurologiques de Van Gogh furent très certainement liés à leur utilisation du vert de Paris, mais également par l’intoxication aux pigments de plomb, à base de mercure vermillon, et des solvants tels que l'essence de térébenthine.[réf. nécessaire]

En 1921, Hackett[7] met en évidence les propriétés larvicides du vert de Paris (sur les larves de moustiques), ce qui est en fait, avant la découverte du DDT, un outil dans la lutte contre le paludisme.

Le vert de Paris est également utilisé comme pigment des toiles colorées utilisées pour la reliure des livres, dans l'édition au XIXe siècle[8]. Il donne aux ouvrages une couleur verte. Ce n'est que très récemment que la présence de ce pigment a été identifié dans les collections des bibliothèques en Europe et aux états-unis. Dès 2022, la responsable du laboratoire de conservation de la bibliothèque du Winterthur Museum], et l'université du Delaware (dans l'état du Delaware), créé un nouveau projet d'inventaire : Poison Book Project[9] (PBP). L'objectif est de réussir à localiser, cataloguer et sécuriser tous ces volumes, puisqu'à force de manipulation, ils peuvent mettre en danger les libraires, bibliothécaires et chercheurs qui souhaiteraient les utiliser. En efet la manipulation régulière de ses ouvrages peut provoquer des complications pour les personnes qui les manipulent comme des démangeaisons, problèmes respiratoires, nausées.

Cette technique fut principalement utilisée dans les pays anglo-saxons, en Allemagne et exceptionnellement en France; En mars 2024 certaines bibliothèques universitaires allemandes ont procédé à la mise en quarantaine d’ouvrages contaminés. Tout comme la BnF en croisant les données de son catalogue avec la liste des ouvrages référencés par le PBP.

Sur les 28 ouvrages de la BnF présents sur la liste du Poison Book Project, seulement quatre – après vérification – possèdent une couverture teintée au vert de Schweinfurt. Certains ouvrages possédaient en effet des cartonnages d’origine sans le pigment concerné tandis que, pour d’autres, les reliures ont été remplacées au cours des XIXe et XXe siècles pour assurer la conservation des ouvrages. Par précaution la BnF poursuit des investigations au-delà de la liste du Poison Book Project pour s’assurer qu’il n’y a pas d’autres ouvrages de ce type dans ses collections. Les quatre ouvrages ayant une couverture teintée au vert de Schweinfurt ont été analysés au laboratoire de la BnF par spectrométrie de fluorescence de rayons X et spectroscopie de réflectance à fibre optique (FORS), examen qui a confirmé la présence d’acétoarsénite de cuivre[10].

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Articles et podcast[modifier | modifier le code]

France info culture Sébastien Baer : " Ça peut déclencher des malaises, vomissements ou diarrhées" : en Allemagne, des livres du 19e siècle colorés à l'arsenic sont retirés des bibliothèques. (2024)

France inter : Pourquoi le vert est-il tabou sur les scènes de théâtre ? https://www.radiofrance.fr/franceinter/pourquoi-le-vert-est-il-tabou-sur-les-scenes-de-theatre-3302804 (2017)

France Inter : La symbolique du vert https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/grand-bien-vous-fasse/le-vert-dans-notre-vie-quotidienne-1167625 50mn (2017)

En bibliothèque[modifier | modifier le code]

  • BNF : Recherches sur les dangers que présentent le vert de Schweinfurt, le vert arsenical, l'arsénite de cuivre, Chevallier, Alphonse (1793-1879), J.-B. Baillière et fils (Paris), 1859. Livre numérisé consultable en ligne avec mode texte : ark:/12148/bpt6k65272084

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (en) V. Jirat-Wasiutynski et al., Vincent van Gogh's Self-Portrait Dedicated to Paul Gauguin. A Historical and Technical Study, Cambridge MA, .
  3. Bruno Schiffers, « L'emploi des pesticides dans les cultures : entre tracteurs et détracteurs », Probio,‎ (lire en ligne)
  4. Sylvie Aballea, Marie Barras, Joanna Haefeli et Martine Struelens, « Tissus , tenues ou teintures : la mode est un marqueur des goûts comme des us et coutumes de la société. Tour d'horizon en neuf compositions du XVIIIe siècle à nos jours », Le Temps Magazine,‎ , p. 21 (lire en ligne)
  5. Anne Morin et Dominique Jullien, « [https://ineris.hal.science/ineris-00972209/document Aspects réglementaires sur l’arsenic : Séminaire ”Société des indus- tries minérales”] » Accès libre, sur "Ineris", Salsigne, France., (consulté le )
  6. (en) F. Zieske, « An Investigation of Paul Cezanne's watercolors with Emphasis on Emerald Green », The Book and Paper Group of the American Institute for Conservation Annual, no 14,‎ , p. 105-115
  7. François Nouvion et Robert Schlesinger, « Charles Hackett, : 4 November 1887 Worcester – 1 January 1942 New York » Accès libre, sur HISTORICAL TENORS
  8. Justin Brower, « Ces livres verts sont toxiques, et plus répandus que vous ne le croyez » Accès libre, National Geographic, (consulté le )
  9. (en) University of Delaware, « Poison Book Project » Accès libre, sur Poison Book Project
  10. Bnf, « Eléments d’informations de la direction de la BnF concernant la présence d’arsenic dans des reliures d’ouvrages du XIXe siècle (vert de Schweinfurt ou vert de Paris) », sur Bnf.fr