Al Mustatraf fi kul Fan Mustazraf

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Al Mustatraf fi kul Fan Mustazraf
Auteur Al-Abshihi
Pays Egypte
Genre Littérature, Encyclopédie
Version originale
Langue Arabe
Version française
Lieu de parution Égypte
Date de parution XVe siècle


Le "Mustatraf fi kul Fan Mustazraf", souvent abrégé en français "Al-Mostatraf", est un ouvrage de l'écrivain égyptien Al-Abshihi (1388-1448). Il existe diverses traductions du titre de ce livre en langues occidentales :

  • "Une Quête d'accomplissement dans chacun des beaux-arts" (A Quest for Attainment in Each Fine Art) telle que proposée par l'Encyclopaedia Britannica[1].
  • "L'amusant dans chaque art du plaisir" (Il divertente in ogni arte di diletto) dans un article de l'université de Gênes[2].
  • "Recueil de morceaux choisis çà et là dans toutes les branches de connaissances réputées attrayantes", dans la traduction française de G. Rat.

La première partie du XVe siècle est une période connue pour la compilation des plus importantes encyclopédies biographiques, bibliographiques, lexicographiques et historiographiques

L'ouvrage est fermement ancré dans la tradition arabe du genre adâb, c'est-à-dire des ouvrages en prose qui ne traitent pas strictement de disciplines scientifiques et dont le but est d'aborder toutes les branches du savoir, qu'elles soient sérieuses ou facétieuses, mais en tous les cas utiles pour éduquer et ravir le public[3].

Auteur[modifier | modifier le code]

L'auteur, né à Fayoum en Egypte en 1388, étudia la jurisprudence et la grammaire arabe[4].

Il a rédigé deux autres œuvres aujourd'hui égarées :

- Les colliers de fleurs au bord des rivières

- Ars dictamins

Description du livre[modifier | modifier le code]

Le livre comprend quatre-vingt-quatre chapitres. Le livre est une sorte d'encyclopédie très personnelle se voulant un récapitulatif de tout ce qu'il y a de mieux dans la culture et les sciences arabes.

Chapitres du livre[modifier | modifier le code]

Afin de mieux comprendre de quoi parle ce livre, et de quelle façon il est structuré, il a été reporté ici l'ensemble des 84 chapitres, tels que traduits en français par G. Rat en 1902.

  1. Chapitre I : Des dogmes fondamentaux de l'Islam en cinq sections (الباب الأول : في مبنى الإسلام و فيه خمسة فصول)
  2. Chapitre II : De l'intelligence et de la sagacité; de la sottise et de la réprobation qu'elle suscite, etc. (الباب الثاني: في العقل والذكاء و الحمق و غير ذلك)
  3. Chapitre III : Du Qôran: de son Excellence et de sa Sainteté; des hautes récompenses que le Dieu Très-Haut a promises aux lecteurs de ce livre vénéré (الباب الثالث: في القرآن و فضله و حرمته و ما أعد الله تعالى لقارئه من الثاوب العظيم والأجر الجسيم)

Résumés de quelques chapitres[modifier | modifier le code]

Chapitre LXVI, Des merveilles de la terre; des montagnes, des villes et des édifices curieux qu'elle renferme[modifier | modifier le code]

Dans la troisième section de ce chapitre, Al-Abshihi décrit les édifices mythiques et imaginaires les plus connus de l'Antiquité.

Il commence par décrire le premier édifice sur Terre, le château de Nomroud le Grand, arrière-petit-fils de Noé, édifié sur le territoire de Babylone, et dont les traces de construction seraient demeurées jusqu'à aujourd'hui, "hautes comme des montagnes très élevées". La longueur aurait été de 5000 coudées, soit environ 2,5km. Al-Abshihi indique également les quatre matériaux de construction principaux : la pierre, le plomb, mais aussi la cire et la poix, ces deux derniers servant certainement à "imperméabiliser" en quelque sorte l'édifice en vue de le protéger d'un éventuel second déluge. Mais le bâtiment sera détruit pourtant, en une seule nuit, par un simple cri qui provoqua la confusion des langues, ce qui donna au lieu le nom non pas de Tour mais de Terre de Babel.

Chapitre LXXII, De la poésie aux tendres sentiments,...[modifier | modifier le code]

L'auteur divise la poésie arabe en 18 catégories.

Il commence par citer de nombreux poèmes faisant partie du registre du "ghazal mudhaker", soit des poèmes d'amour masculin (où l'objet de l'amour du poète est un homme) :

Le ghazal mudhaker[modifier | modifier le code]

قبلت وجنته فألفت جيده|خجلاً ومال بعطفه المياس

فانهل من خديه فوق عذاره|عرق يحاكي الطل فوق الآس

فكأنني استقطرت ورد خدوده|بتصاعد الزفرات من أنفاسي

Je baisai sa joue et lui tourna la tête / tout confus, et inclina avec grâce sa taille flexible;

Perlèrent de ses joues sous un léger duvet / de la sueur qu'on aurait prise pour de la rosée sous un myrte.

C'est comme si je distillais les roses de ses joues / au feu des soupirs qui s'exhalaient de ma poitrine.

- Ibn Sabir

عَبَثَ النَسيمُ بِقَدِّهِ فَتَأَوَّدا|وَسَرى الحَياءُ بِخَدِّهِ فَتَوَرَّدا

رَشَأٌ تَفَرَّدَ فيهِ قَلبي بِالهَوى|لَمّا غَدا بِجَمالِهِ مُتَفَرِّدا

قاسوكَ بِالغُصنِ الرَطيبِ جَهالَةً|تَاللَهِ قَد ظَلَمَ المُشَبِّهُ وَاِعتَدى

حُسنُ الغُصونِ إِذا اِكتَسَت أَوراقُه|اوَنَراكَ أَحسَنَ ما تَكونُ مُجَرَّدا

La brise légère frôla sa taille et, sous son impulsion, sa taille s'inclina / la pudeur effleura ses joues et elles rougirent.

C'est un tendre jouvenceau sur lequel mon cœur a concentré exclusivement tout son amour / c'est que tous les charmes sont aussi concentrés dans sa personne seule.

On a été assez simple pour le comparer au flexible rameau / par Dieu! celui qui a fait cette comparaison a commis une injustice, une iniquité flagrante.

Le rameau n'est joli que lorsqu'il est couvert de feuillages, tandis que lui, remarquez-le, c'est quand il est nu qu'il est tout ce qu'il y a de plus beau!

- Safi al-Din al-Hilli

Quelques aphorismes[modifier | modifier le code]

إذا كان صاحبك عسل لا تلحسه كله (Eḏā kān ṣaḥbak ‘asal lā telḥasuh kolloh.) Même si ton ami était de miel, tu ne devrais pas le manger entièrement.

تبات نار تصبح رماد لها رب يدبرها (Tebāt nār teṣbaḥ ramād lahā rabb yedabbarhā) Passe la nuit, vient le matin et ce qui était feu devient cendre, et laisse Dieu s'en occuper.

صام سنة وفطر على بصلة (Ṣām sana we feṭer ‘alà baṣala) Après avoir jeûné pendant une année, il a rompu son jeûne avec un oignon.

Se dit des personnes qui attendent longtemps qu'une certaine chose se produise, et qui finalement obtiennent beaucoup moins que ce qu'ils attendaient.

ضرب الحبيب كأكل الزبيب (Ḍarb el-ḥabīb ka-akl ez-zebīb) Recevoir des coups de l'être aimé est aussi (doux) que de manger des raisins secs.

Emploi du vernaculaire[modifier | modifier le code]

Il y a dans le Mustaṭraf une sensibilité linguistique évidente de la part de l'auteur et une attention particulière à la reconnaissance de la langue vernaculaire et de ses diverses expressions littéraires. Par exemple, dans le chapitre LXXVI ayant pour thème les anecdotes des marins (Nawādir an-nawātiyya), on rencontre plusieurs éléments dialectaux et argotiques typiques des marins de cette période, aujourd'hui presque totalement inintelligibles.

Sans aucun doute, l'utilisation du dialecte dans les œuvres littéraires écrites reste l'une des caractéristiques les plus controversées de cette littérature arabe souvent définie comme "post-classique", située entre les 13e et 18e siècles. Comme on le sait, il existe dans le monde arabe un phénomène de diglossie, c'est-à-dire la coexistence de deux codes de communication : les variétés locales dites " basses " ('āmmiyya) pour la communication orale et l'arabe littéraire (fuṣḥà) pour la communication écrite.

La position idéologique, éprouvée par la majorité des critiques, philologues et linguistes arabes encore aujourd'hui, qui voit dans le recours aux variétés dialectales dans les œuvres littéraires écrites, une profanation de la haute variété du fuṣḥà et une menace réelle pour sa survie, a été un élément déterminant dans la condamnation massive de la décadence de la production littéraire de ces siècles.

Si au Xe siècle de nouvelles formes strophiques (zağal et mawāliyya) en langue pseudo-vernaculaire (c'est-à-dire en arabe sans inflexion) font irruption sur la scène littéraire, à partir des XIIe et XIIIe siècles, la progression de la langue vernaculaire comme véhicule littéraire, notamment dans la production poétique, ne peut être arrêtée. En outre, en l'absence de mécènes omeyyades (VIIe – VIIIe siècles) et abbassides (VIIIe – XIIIe siècles), qui promouvaient une littérature résolument élitiste, nombre des plus grands poètes de la période mamelouke se tournèrent vers des poèmes dialectaux qui interprétaient les valeurs des classes populaires et rencontraient manifestement leur appréciation.

Au cours de l'ère ottomane, grâce au succès remarquable du dialecte en tant que véhicule d'expression littéraire, de nombreux écrivains y ont eu recours pour la première fois, y compris dans la prose, et c'est dans ce contexte que les premières versions dialectales écrites des célèbres épopées chevaleresques (siyar) et de nombreux contes des Mille et Une Nuits ont vu le jour[2].

Traduction française[modifier | modifier le code]

La première traduction française a été réalisée par G. Rat entre 1899 e 1902. En 1907, le "Journal of the Royal Asiatic Society" fait l'éloge de cette effort de traduction effectuée par Rat:

« The Mustatraf has until now been a sealed book in the West to all excepting Arabic scholars. M. Rat has placed European students interested in a rival civilization under a debt of gratitude bis his careful translation of a work the value of which is hardly known to the general world of literature. »

« Le Mustatraf était jusqu'à présent un livre hermétique en Occident pour tous, sauf les spécialistes de la langue arabe. M. Rat a donné aux étudiants européens qui s'intéressent à une civilisation rivale une dette de gratitude pour sa traduction soignée d'un ouvrage dont la valeur est à peine connue du monde littéraire général. »

- Journal of the Royal Asiatic Society, Volume 39, Issue 1, January 1907, pp. 218 - 220[5]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Al-Mostatraf. Recueil de morceaux choisis çà et là dans Toutes les Branches de Connaissances réputées attrayantes, par l'Imâm, l'Unique, le Savant, le très Érudit, le Disert, le Perspicace, le Śaïk Śihâb-ad-Dîn Âḥmad Al-Âbśîhî, que Dieu le couvre de sa Miséricorde et lui accorde des marques de sa satisfaction ! Amen ! Ouvrage Philologique, Anecdotique, Littéraire, et Philosophique, traduit pour la première fois par G. Rat, Membre de la Société Asiatique. (Paris: Ernest Leroux, tome premier en 1899, tome second en 1902)

Sources[modifier | modifier le code]

  1. (en) Robert L. Collison Warren E. Preece, « History Of Encyclopaedias », sur www.britannica.com/.
  2. a et b (it) Ahmed Ismail NASSER, « Gli aforismi dialettali in “al-Mustaṭraf” di aš-Šihāb al-Abšīhī (1388-1450) », sur publifarum.farum.it.
  3. « CFP – 15/01/2016 – HORS D’ESPAGNE : POSTÉRITÉ ET DIFFUSION DU CORPUS MÉDIÉVAL ALIENTO EN EUROPE ET MÉDITERRANÉE », sur modernum.hypotheses.org, .
  4. (en) Aiman Sanad al-Garrallah, « The Islamic Tale of Solomon and the Angel of Death in English Poetry: Origins, Translations, and Adaptations », Forum for World Literature Studies (8:4), 2016,‎ , p. 524-547 (lire en ligne)
  5. (en) « Notices of Books », Journal of the Royal Asiatic Society,‎ (lire en ligne)