Ancistrocladus korupensis

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Ancistrocladus korupensis D.W.Thomas & Gereau est une liane tropicale de la famille des Ancistrocladaceae, décrite pour la première fois dans la province du Sud-Ouest au Cameroun. Les substances qu'elle renferme ont donné des résultats prometteurs dans la lutte contre le sida ou le paludisme. C'est une plante en danger de disparition.

Description[modifier | modifier le code]

Feuilles

Ancistrocladus korupensis est une liane ligneuse pouvant grimper à des hauteurs comprises entre 60 et 120 mètres, grâce à des crampons le long de sa tige.

Elle a, la plupart du temps, un seul arbre hôte et possède une couche de cambium de couleur noire, rouge foncé ou violette.

Les feuilles se présentent sous forme de rosettes. En fin de tige, elles sont regroupées en grappes (cluster) de 8 à 10 feuilles résultant de l'accumulation d'auxine.

Les fleurs comprennent des sépales de couleur jaune à vert pâle ainsi que des pétales plus petits de couleur jaune à rose pâle. Elles possèdent 10 étamines disposées en verticilles et 2 pistils. La floraison a lieu dans la canopée et ne serait pas annuelle.

Les fruits sont sous forme de noix.

Étymologie[modifier | modifier le code]

L'épithète spécifique korupensis fait référence aux Korup[2], un groupe ethnique, regroupé du côté camerounais au sein de quatre villages : Erat, Ekon I, Ikondokondo et Akpasang[3].

Distribution et habitat[modifier | modifier le code]

Ancistrocladus korupensis est une plante originaire du Cameroun. La seule population connue est limitée aux 15 000 ha du parc national de Korup et à ses environs[4], à la frontière avec le Nigeria – ce qui fait d'elle une plante endémique de Korup.

Elle pousse dans les forêts et plaines tropicales et subtropicales[5], au niveau de la chaîne montagneuse et volcanique qui s'étire jusqu'au Nigeria[6].

Utilité[modifier | modifier le code]

Les espèces appartenant au genre des Ancistrocladaceae n'avaient jusqu'alors qu'un intérêt économique modéré. Dans les années 1990, la découverte d'alcaloïdes appartenant au groupe des isoquinolines, la michellamine (en) A, B et C, a considérablement modifié l'intérêt porté par l'industrie pharmaceutique à Ancistrocladus korupensis[7]. Ces nouvelles molécules isolées, extraites des feuilles de Ancistrocladus korupensis, présentent un large spectre d'activités antivirales, y compris anti-VIH-cytopathique[8]. La michellamine B représente 2,1% du poids net de la feuille. La quantité de substance est la plus importante dans les feuilles matures. Elle est plus faible dans les jeunes feuilles et les vieilles feuilles de couleur marron tombées au sol[9].

Des programmes de recherche se sont développés, et avec eux la culture de Ancistrocladus korupensis dans une centaine de villages du Cameroun[10]. En 1993, le gouvernement camerounais déclarait A. korupensis « Trésor national », interdisant l'export de plants ou de graines[11]. Depuis 1995, plus de 11 brevets américains ont été accordés concernant la manière d'utiliser les différents composés extraits et de créer leurs cousins synthétiques[12].

Mode d'action de la michellamine B[modifier | modifier le code]

La michellamine B agit directement sur les fonctions spécifiques de réplication virale et non sur les aspects généraux de métabolisme cellulaire. In vitro, la michellamine B est capable d'inhiber complètement les effets cytopathiques de diverses souches de HIV-1 et HIV-2 sur des cellules lymphoblastoïdes humaines. Elle agit sur le cycle de vie du VIH à la fois en inhibant les activités enzymatiques de la transcriptase inverse et la fusion des cellules en syncitium. D'après des études biochimiques, la substance peut également inhiber la production de l'antigène p24 (protéine d'enveloppe du VIH) ainsi que celle des virions infectieux dans les cellules CEM-SS infectées par le VIH.

En 1998, malgré des résultats prometteurs, la forte toxicité de la michellamine B sur les animaux a entraîné l'abandon du programme de recherche par l'Institut national du cancer.

La découverte d'autres alcaloïdes, la yaoundamine A et B, appartenant à la famille des naphtylisoquinolones, ainsi que de la korupensamine A et D a à nouveau mis en lumière cette espèce végétale encore méconnue et à l'avenir prometteur. In vitro, ces composés ont un impact positif dans la lutte contre Plasmodium falciparum et Plasmodium berghei, parasites tous deux responsables du paludisme.

Ancistrocladus korupensis a une distribution limitée (environ une liane par hectare)[13], d'où la nécessité de la domestiquer[14]. Afin de préserver la plante dans son milieu naturel, seules les feuilles tombées au sol sont collectées pour analyse. Elle est en effet classée sur la liste rouge des espèces menacées de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. The Plant List (2013). Version 1.1. Published on the Internet; http://www.theplantlist.org/, consulté le 6 mai 2017
  2. (en) Sarah A. Laird, A. B. Cunningham and Estherine Lissinge, « One in Ten Thousand? The Cameroon Case of Ancistrocladus korupensis », in Charles Zerner (dir.), People, Plants, and Justice: The Politics of Nature Conservation, Columbia University Press, 2012, p. 345, [lire en ligne]
  3. (en) U. Röschenthaler, Culture, history and perceptions on resettlement: a baseline study of the six villages in the Korup National Park, Korup Project Study, Mundemba, 2000, p. 108
  4. (en) P. Foster et V. Sork, « Population and genetic structure of the West African rain forest liana Ancistrocladus korupensis (Ancistrocladaceae). », American Journal of Botany, vol. 84, no 8,‎ , p. 1078–1078 (ISSN 0002-9122 et 1537-2197, PMID 21708663, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) « Ancistrocladus korupensis - ZipcodeZoo », sur zipcodezoo.com via Wikiwix (consulté le ).
  6. « L'Ancistrocladus Korupensis, un espoir de guérison du VIH/SIDA », sur www.panapress.com (consulté le )
  7. (en) Klaus Kubitzki, Clemens Bayer, Flowering Plants · Dicotyledons: Malvales, Capparales and Non-betalain Caryophyllales, Springer Science & Business Media, 2013, p. 27 [1]
  8. Abayomi Sofowora, Plantes médicinales et médecine traditionnelle d'Afrique, Karthala, Paris, 2010, p. 255, [lire en ligne]
  9. (en) Anil Karn, Maheshwar Sharon, Madhuri Sharon, « Medicinal Application of Naphthyl-Iso-Quinoline Alkaloid from Ancistrocladus – A Review », in Indian Journal of Applied Research, vol. 6, no 2, February 2016, p. 89-92, [lire en ligne]
  10. « GRAIN — Biodiversité à vendre: Rétablir la vérité sur le partage de bénéfices », sur www.grain.org (consulté le )
  11. (en) « Non-Wood News No. 7 », sur www.fao.org (consulté le )
  12. (en) « Ancistrocladus: Potential Anti-AIDS Source », sur hort.purdue.edu (consulté le )
  13. (en) J. A. Beutler et al., « The National Cancer Institute and Natural Product-Based Drug Discovery in Africa », in Kelly Chibale, Mike Davies-Coleman, Collen Masimirembwa, Drug Discovery in Africa: Impacts of Genomics, Natural Products, Traditional Medicines, Insights into Medicinal Chemistry, and Technology Platforms in Pursuit of New Drugs, Springer Science & Business Media, 2012, p. 46, [lire en ligne]
  14. (en) « Full text of "Nature et faune : revue internationale pour la conservation de la nature en Afrique = Wildlife and nature : international journal on nature conservation in Africa" », sur archive.org (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-Michel Onana, Synopsis des espèces végétales vasculaires endémiques et rares du Cameroun : check-liste pour la gestion durable et la conservation de la biodiversité, Yaoundé, Ministère de la Recherche scientifique et de l'Innovation, coll. « Flore du Cameroun » (no 40), , p. 66-67
  • (en) Jean-Michel Onana et Martin Cheek, « Ancistrocladus korupensis D.W.Thomas & Gereau », in Red Data Book of the Flowering Plants of Cameroon: IUCN Global Assessments, Royal Botanic Gardens, Kew, 2011, p. 78-79 (ISBN 9781842464298)
  • Thomas D.W., Gereau R.E. 1993. Ancistrocladus korupensis (Ancistrocladaceae): a new of liana from Cameroun. Missouri botanical garden press. 3(4): 494-498.
  • Boyd M.R.,Hallock Y.F, Cardellina J.H., Manfredi K.P., Blunt J.W., McMahon J.B., BuckheitJr. R.W., Bringmann G., Schaeffer M. 1994. Anti-HIV Michellamines from Ancistrocladus korupensis. Journal of Medicinal Chemistry. 37 (12), pp 1740–1745.
  • Foster P.F.,Sork V.L. 1997. Population and genetic structure of the west african rain forest liana Ancistrocladus Korupensis (Ancistrocladaceae). American Journal of Botany. 84(8): 1078-1091.
  • Hallock Y.F., Manfredi K.P., Blunt J.W., Cardellina J.H., Schäffer M., Kulden K.P., Bringmann G., Lee A.Y., Clardy J., François G., Boyd M.R. 1994. Korupensamines A-D, novel atimalarial alkaloïds from Ancistrocladus korupensis. The journal of organic chemistry. 59: 6349-6355.
  • HallockaY F., Cardellina J.H., Schäffer M., Stahl M., Bringmann G., François G., Boyd M.R. 1997. Yaoundamines A and B, new antimalarial naphthylisoquinoline alkaloids from Ancistrocladus korupensis. Elsevier. 53(24): 8121–8128.
  • McMahon J.B,Currens M.J.,Gulakowski R.J., Buckheit R.W., JR., Lackman-Smith C., Hallock Y.F.,Boyd M.R. 1995. Michellamine B, a Novel Plant Alkaloid, Inhibits Human Immunodeficiency Virus-Induced Cell Killing by at Least Two Distinct Mechanisms. Atimicrobial agents and chemotherapy. 39(2): 484–488.

Liens externes[modifier | modifier le code]