Béton bas carbone

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Le béton bas carbone est une dénomination du béton qui, pour des propriétés, des performances, des qualités d’usage et une durabilité équivalente à celles du béton traditionnel, génère des émissions de gaz à effet de serre inférieures. Le terme béton « bas carbone » est communément employé dans l'industrie, mais ne fait pas l’objet d’une définition officielle s’appuyant sur un cadre normatif ou réglementaire[1].

Définition et enjeux[modifier | modifier le code]

Pour la production d’un béton utilisant du ciment traditionnel (CEM I ou ciment Portland), l’impact carbone du béton est principalement dû à celui du ciment. Ainsi la plupart des appellations « béton bas carbone » réfèrent à l’utilisation d’un « ciment bas carbone »[2].

L’impact carbone de la production du ciment provient de la cuisson du clinker à 1450°C via des combustibles fossiles ou de substitution (responsable d’environ 40% des émissions de GES ) et de la décarbonatation du calcaire lors de la cuisson (responsable d’environ 60% des émissions de GES)[2].

La seule fabrication du ciment émet 2,3 milliards de tonnes de CO2 par an, soit 6,5 % des émissions mondiales de CO2[3]. Le béton représentant 2,4% des émissions françaises de gaz à effet de serre et constituant le troisième secteur industriel le plus polluant après la chimie, les enjeux entourant le béton bas carbone sont importants[4].

La notion de « béton bas carbone » ne prend pas en compte l'épuisement des ressources non renouvelables telles que le granulat et les sables. Ainsi la notion de « béton bas carbone » ne permet pas à elle seule de quantifier l'impact sur l’environnement[2].

Il est à noter que l’industrie cimentière et la filière béton mettent à disposition depuis plus de 10 ans les déclarations environnementales produit (DEP) ou fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) de leurs produits, en conformité avec la réglementation en vigueur[5].

Méthodes d'obtention d'un béton bas carbone[modifier | modifier le code]

Cuisson du clinker[modifier | modifier le code]

Les émissions liées à la cuisson du clinker peuvent être diminuées par une meilleure efficacité énergétique des usines. Cependant la performance déjà atteinte par les usines en France rend la marge d'amélioration minime. Les émissions peuvent aussi être diminuées en utilisant des combustibles de substitution, c'est-à-dire des déchets n’ayant pu faire l’objet d’un recyclage, afin de les valoriser énergétiquement[2]. En 2021, les combustibles de substitution ont représenté 44% des apports énergétiques ; et les industriels représentés par le Syndicat Français de l’Industrie Cimentière (SFIC) se sont fixés l’objectif d’atteindre 80% en 2030[6].

Décarbonatation[modifier | modifier le code]

Les émissions liées à la décarbonatation peuvent être réduites en diminuant la quantité de calcaire amenée à décarbonater et en utilisant des matériaux de substitution tels que les cendres volantes, issues des centrales thermiques, et les laitiers de haut fourneau, issus de la sidérurgie.

La prise en compte de l’impact environnemental des laitiers est sujette à controverse : utilisés depuis des décennies par les cimentiers, ils ne sont déjà plus considérés comme des déchets de la sidérurgie mais comme des coproduits. Aussi, les laitiers et les cendres volants constituent une source limitée de substitut[2],[7].

Développement de nouveaux ciments[modifier | modifier le code]

Des solutions de remplacement pour le ciment Portland sont en cours d'élaboration pour utiliser moins de clinker et chauffer celui-ci à une température plus faible lors de la fabrication du cru. Les technologies en cours de développement utilisent principalement, en complément du calcaire, l’argile, le plâtre et le sodium[2].

En mai 2021, les ciments ternaires (à trois composants) ont été normalisés : les CEM II/C-M (M pour mélange) et les CEM VI. Leurs spécifications, caractéristiques, et performances, doivent répondre à la nouvelle norme EN 197-5:2021[8],[9],[10]. Ils associent au clinker un ou plusieurs composés secondaires. Ces compositions permettent d’obtenir une réduction d’empreinte carbone de 35 à 65 % par rapport au CEM I, le ciment utilisé pour les ouvrages d’art[11].

Abus et greenwashing[modifier | modifier le code]

Comptage du bilan carbone des laitiers[modifier | modifier le code]

L’imprécision de la norme NF EN 15804, oubliant d’attribuer aux laitiers une part du CO2 émis par les hauts fourneaux, constitue un vide juridique qui permet artificiellement aux entreprises du BTP de baisser leur bilan carbone[12]. Selon le ministère du logement : « Chacun se renvoie la balle. En amont, les aciéries qui produisent ce déchet ne le comptent pas dans leur bilan carbone. En aval, les gens du béton ne le comptabilisent pas non plus. C’est compté nulle part sauf que ce matériau existe bien. »[13]. Alors que certains vont jusqu'à revendiquer un bilan carbone 5 fois plus faible que le béton traditionnel, ce même béton permet, selon une étude réalisée par le cabinet d'ingénieur Elioth, seulement un gain de 35%[7].

Importation des clinkers[modifier | modifier le code]

Les importations hors-UE et la stratification de la production permettent d'effacer une partie du bilan carbone du ciment grâce à des techniques légales et marketing. Des entreprises importent ainsi un clinker dont le bilan carbone n'est pas établi, depuis l’extérieur de l’Union européenne, évitant ainsi les contraintes réglementaires du marché européen du CO2, comme Cem'In'Eu qui fait notamment venir son ciment de Turquie. Cette stratégie fait partie d'un phénomène plus large de « Fuites Carbone » contre lequel l’Union européenne projette d’agir à l'horizon 2026 avec la création d’une taxe carbone aux frontières (CBAM)[14],[15],[16],[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Béton bas carbone : Définition », sur unicem.fr, (consulté le ).
  2. a b c d e et f « Béton bas carbone : de quoi parle-t-on ? », sur batiactu.com, (consulté le ).
  3. Comment décarboner la production de ciment et d’acier, Pour la Science, 2 mai 2022.
  4. « Décarboner la filière ciment-béton », sur theshiftproject.org, (consulté le ).
  5. « Le béton bas carbone », sur Infociments (consulté le )
  6. Production, consommation, décarbonation, économie circulaire : chiffres clés de l'industrie cimentière française pour l'année 2021.https://www.infociments.fr/chiffres-cles
  7. a et b « Le vrai du faux béton bas carbone », sur elioth.com, (consulté le ).
  8. Afnor, « NF EN 197-5. Ciment – Partie 5 : Ciment Portland composé CEM II/C-M et Ciment composé CEM VI », sur Afnor Editions, (consulté le )
  9. DIN, « DIN EN 197-5. Ciment – Partie 5: Ciment Portland composé CEM II/C-M et Ciment composé CEM VI - Version allemande EN 197-5:2021 », sur Afnor Editions, (consulté le )
  10. « NBN EN 197-5:2021. Cement – Part 5: Portland-composite cement CEM II/C-M and Composite cement CEM VI », (consulté le )
  11. « Les ciments "bas carbone" : de nouveaux mélanges ternaires », sur Infociments (consulté le )
  12. Anne-Elisabeth BERTUCCI, « Le béton bas carbone est-il vraiment écologique ? », sur Ouest-France.fr, (consulté le )
  13. « Le ciment bas carbone est-il réellement écologique ? », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
  14. « L’arnaque des cimentiers pour polluer tout en spéculant sur le climat », sur reporterre.net, (consulté le ).
  15. « Greenwashing : comment certaines entreprises trompent leur clientèle », sur pressecologie.com, (consulté le ).
  16. « Greenwashing : comment certaines entreprises trompent leur clientèle », sur lyon-entreprises.com (consulté le ).
  17. « Cem'In'Eu va lever 55 millions d'euros pour développer son réseau », sur lesechos.fr, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]