Carte géologique

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Carte géologique de l'Amérique du Nord.

Une carte géologique est une représentation cartographique détaillée des caractéristiques géologiques d'une région donnée. Elle fournit des informations sur la nature et la distribution des roches, des structures géologiques présentes dans la région. Elle n'est pas une représentation de ces éléments géologiques présents à l'affleurement du sous-sol, mais un document de synthèse hautement interprétatif, un modèle construit à partir de levers de terrain peu denses et de l'extrapolation dans tous les secteurs où ce sous-sol n'affleure pas directement car caché par un sol[1]. Son objectif est de présenter la répartition spatiale des faciès lithologiques, leur succession, ainsi que les diverses structures d'ordre tectonique. Ces cartes font le plus souvent abstraction des formations superficielles récentes, pour se concentrer sur le substrat rocheux sous-jacent ; cependant, la plupart des cartes géologiques récentes d'échelle locale incorporent ces données, en vue de leur application dans certains domaines, comme la géotechnique.

Un schéma structural est une représentation graphique des principales structures visibles sur une carte géologique.

Histoire[modifier | modifier le code]

Carte minéralogique sur la nature du terrain d'une portion de l'Europe (1746)[2], Guettard et Buache.

Depuis le dernier quart du XVIIe siècle, l'idée de cartes géologiques est dans l'air du temps — et les anglais se placent aux premières loges : entre 1660 et 1710, la science de la terre dans ce pays produit « un remarquable mouvement d'étude des faits, de théorisation et d'échanges d'informations ». La Royal Society, créée précisément en 1660, publie des questionnaires enquêtant sur les minéralogies locales du pays et encourage dès ses débuts la participation des amateurs extérieurs ; une vaste source de contributions que l'académie royale des sciences française, créée quant à elle en 1666, ignore encore longtemps[3]. Grâce à cette formidable accumulation de données, les anglais abordent rapidement les notions de strates et de formations géologiques et c'est un anglais qui publie le premier exposé connu sur le sujet de carte géologique : Martin Lister, cherchant à comprendre la formation de la Terre, lit en 1683 à la Royal Society un mémoire (publié en 1684) intitulé An ingenious proposal for a new sort of maps of countreys [« Une proposition ingénieuse pour une nouvelle sorte de cartes des pays »][4]. Sa publication dans les Philosophical Transactions of the Royal Society garantit une large diffusion, y compris en France. Son influence réelle est incertaine[5]. Puis vient John Aubrey, qui publie en 1691 un livre peu diffusé : The natural history of Wiltshire, dans lequel il écrit : « I have often wished for a mappe of England, coloured according to the colours of the earth, with markes for the fossiles and minerals »[6] [« J'ai souvent souhaité une carte d'Angleterre, colorée selon les couleurs de la terre, avec des marques pour les fossiles et les minéraux »].
Mais cette démarche, très baconienne dans son origine, se heurte à la vision imposée par l'Église chrétienne d'un monde créé en seulement quelques milliers d'années et surtout exempt d'évolution biologique ; la question devient critique avec l'étude des faunes fossiles, marqueurs des différentes strates, mais impossibles à placer dans une vision globale sans que les autorités chrétiennes s'en offusquent puisque leurs formes ne correspondent à aucune espèce vivante et que, selon l'Église, ils ne peuvent donc pas avoir une origine organique[3],[n 1].

En France, un précurseur est à signaler : l'abbé Louis Coulon, qui dans ses rivières de France de 1644[7] mentionne une distinction entre régions cristallines et régions sédimentaires[8] — mais ne parle pas de carte. Ensuite, la première mention écrite est par le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences Bernard de Fontenelle qui, en 1720 (paru en 1722), conclut son résumé d'un mémoire de Réaumur sur les faluns de Touraine[9],[n 2] avec ces mots : « Pour parler sûrement sur cette matière, il faudroit avoir des espèces de Cartes Géographiques dressées selon toutes les Minières de Coquillages enfouis en terre… » puis il souligne la difficulté pour élaborer une telle carte : « Quelle quantité d'observations ne faudroit-il pas, et quel temps pour les avoir ! »[10].

Ces « quantités d'observations », le très éclectique — et très bien introduit à la cour — Réaumur s'emploie à les rassembler (s'inspirant peut-être de la généralisation des enquêtes à but scientifique en Angleterre). Usant de la protection du Régent Philippe d'Orléans (1674-1723), il réunit un grand nombre d'informations et d'échantillons « de terres, de pierres, d'insectes, de coquilles, etc. » pour en garnir son cabinet d'histoire naturelle : « Chaque semaine, je lui donnais [au régent] des mémoires, où je faisais des questions, tant générales que particulières, par rapport à ce qui se pouvait trouver dans chaque province du royaume. Il envoyait ces mémoires aux intendants qui, pour faire leur cour à un prince si éclairé et si ami des connaissances, mettaient en œuvre dans leurs départements publics, les maires et autres officiers subalternes […] J'ai eu pour faire des collections de tout ce que la France possède dans le règne minéral, des facilités qu'aucun naturaliste n'a jamais eues[11] ». Colbert, principal ministre d'État de 1661 à 1683, a rendues courantes les enquêtes par l'administration du royaume avec des questionnaires adressés aux intendants ; la nouveauté introduite par Réaumur est de faire bénéficier l'histoire naturelle des ressources de ce procédé.

Jean-Étienne Guettard, élève et assistant de Réaumur, poursuit cette méthode de systématisation de la collecte d'informations[12]. Il publie la toute première carte « minéralogique » en 1746 dans Mémoire et carte minéralogique sur la nature & la situation des terreins qui traversent la France et l'Angleterre[2].

Le terme géologie apparaît en anglais en 1735 et en français en 1751 ; il devient courant avant la fin du XVIIIe siècle[13].

La légende d'une carte géologique[modifier | modifier le code]

La carte géologique est un outil de connaissance géologique fondé sur la représentation des formations affleurantes. On y retrouve les trois principaux types de formations :

ainsi que les informations géologiques relevées par le cartographe (failles, pendages, mines...). Afin de s'y retrouver, la légende de la carte géologique est découpée en plusieurs parties. Chaque type de formation est représentée par une gamme de couleurs et un type de code. Par contre, une même formation présente sur plusieurs cartes peut avoir des nuances de couleurs et/ou des figurés différents en fonction de l'auteur de la carte et de ses besoins. De même, les codes des formations peuvent varier d'une carte à l'autre, mais doivent toujours respecter des critères globaux.

Le programme d'harmonisation des cartes géologiques de France au 1/50 000 tend à gommer les différences de notations et de couleurs d'une carte à l'autre pour une même formation. Cette harmonisation est en cours à l'échelle des départements et doit, à terme, présenter une cohérence à l'échelle nationale.

Les formations sédimentaires[modifier | modifier le code]

Les formations sédimentaires sont classées suivant leur âge de façon anti-chronologique d'après les principes de la stratigraphie. Les formations les plus récentes (remblais, formations superficielles alluviales...) se trouvent ainsi au tout début de la légende. Ces formations sont regroupées suivant une ère ou un système de l'échelle des temps géologiques.

Leur empilement en couches successives est parfois représenté en bordure de légende par un log géologique qui comprend les informations les plus représentatives de la couche (épaisseur, fossiles, formes stratigraphiques particulières).

Le code des couleurs pour les formations sédimentaires reprend globalement celle de l'échelle des temps géologiques. Il s'agit du code des couleurs adopté par la Commission de la carte géologique du monde. Le code de la formation est généralement composé d'une première lettre qui indique l'époque (pour les formations tertiaires et quaternaire) ou le système (pour les formations antérieures) suivie de chiffres et de lettres précisant la place stratigraphique de la formation.

Les formations volcaniques[modifier | modifier le code]

Les formations volcaniques (roche volcanique) sont issues des coulées de laves ou des projections pyroclastites. Quand cela a été possible, les différentes coulées sont représentées par des nuances de couleurs.

Les roches volcaniques sont représentées par des couleurs froides (tons de bleu) et des codes écrits avec des lettres grecques.

Les formations plutoniques[modifier | modifier le code]

Les formations plutoniques (roche plutonique) sont des roches intrusives qui provoquent souvent un métamorphisme de contact en se plaçant.

Elles sont souvent représentées par des couleurs chaudes (rouge) et ont aussi des codes composés de lettres de l'alphabet grec.

Les formations métamorphiques[modifier | modifier le code]

Les formations métamorphiques (roche métamorphique) sont l'ensemble des roches qui ont subi un métamorphisme. Elles peuvent être regroupées dans la légende en partie, ou bien dispersées en fonction de la roche d'origine (sédimentaire ou magmatique).

Lorsqu'elles sont regroupées dans la légende, elles présentent souvent une couleur particulière avec un code en lettres grecques. Mais lorsqu'elles sont mélangées aux autres types de roches, on les retrouve souvent sous forme d'une surcharge (figuré qui couvre tout ou partie de la formation originelle sur la carte) et leur code n'est qu'une légère variation de celui de sa formation.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes
  1. D'où l'apparition d'une série de « théories de la Terre » tentant d'allier faits scientifiques et religion : Thomas Burnet (1635-1715), Telluris theoria sacra (1681) et une version anglaise modifiée (1684) ; William Whiston, A new theory ot the Earth (1696) ; Louis Bourguet, Mémoire sur la théorie de la Terre (1729) ; Buffon, Histoire et théorie de la Terre (« second discours » de l'Histoire naturelle), suivi des Preuves de la théorie de la Terre ; James Hutton, Theory of the Earth (lu à la Société géologique d'Edinburgh en 1785, publié en 1788), puis la Theory of the Earth with proofs and illustrations (2 vol.) ; le Discours préliminaire des Recherches sur les ossemens fossiles par Georges Cuvier (1812) est traduit en anglais par Robert Jameson sous le titre Essay on the Theory of the Earth (1813), et pour la réédition française de 1821 Cuvier choisit un nouveau titre : Discours sur la théorie de la Terre.
    Voir Gohau 2000, section I. Les théories de la Terre.
    Préalablement, du côté français, il y a le Traité du monde et de la lumière Descartesetc.
  2. Dans son étude de 1720 sur les faluns de Touraine (Réaumur 1720 / 1722), Réaumur suppose qu'un vaste golfe marin a existé, reliant l'océan à la Manche, sans rapport avec le Déluge — ce qui est osé dans le contexte de l'époque où l'Église encore toute-puissante a depuis des siècles érigé en dogme une création du monde en moins de 7 000 ans. Cette position à l'encontre de toutes les évidences factuelles est une pierre d'achoppement majeure dans l'avancement des sciences, un frein que l'on retrouve jusqu'au début du XXe siècle avec les débats houleux autour des vestiges d'humains préhistoriques.
Références
  1. Pierre Savaton, « Qu'est-ce qu'une carte géologique pour un géologue et... pour un élève ? », sur ens-lyon.fr, .
  2. a et b [Guettard 1746] Jean-Étienne Guettard, « Mémoire et carte minéralogique sur la nature & la situation des terreins qui traversent la France et l'Angleterre » (lu le 19 février 1746), Mémoires de l'Académie royale des sciences,‎ , p. 363-392 (lire en ligne [sur gallica]).
  3. a et b [Porter 1977] (en) Roy Porter, The Making of Geology : Earth Science in Britain, 1660-1815, London, Cambridge University Press, , XC-288 p. (ISBN 0521215218, résumé, présentation en ligne). La citation sur le mouvement en Angleterre est de François Ellenberger dans son compte-rendu du livre de Porter (voir le lien « présentation en ligne », p. 178 ; et p. 179 pour les autres paragraphes cités).
  4. [Lister 1684] (en) Martin Lister, « An ingenious proposal for a new sort of maps of countreys » (lu le 12 mars 1683), Philosophical Transactions, vol. XIV,‎ , p. 739-746 (lire en ligne [PDF] sur royalsocietypublishing.org, consulté en ).
  5. Ellenberger 1982, p. 2 du compteur PDF.
  6. [Aubret 1691] (en) John Aubret, The natural history of Wiltshire, Salisbury, Wiltshire Topographical Society, , 172 p., sur books.google.fr (lire en ligne), p. 22.
    • [Coulon 1644] Louis Coulon, Les rivières de France, ou Description géographique et historique du cours et débordement des fleuves, rivières, fontaines, lacs et estangs qui arrousent les provinces du royaume (Première partie), Paris, libr. Gervais Clouzier, , 579 p., sur gallica (lire en ligne) ; et
    • [Coulon 1644] Louis Coulon, Les rivières de France, ou Description géographique et historique du cours et débordement des fleuves, rivières, fontaines, lacs et estangs qui arrousent les provinces du royaume (Deuxième partie), Paris, libr. Gervais Clouzier, , 595 p., sur gallica (lire en ligne).
  7. [Nicklès 1969] Maurice Nicklès, « Le Service de la Carte géologique de la France. A propos d'un centenaire », Revue d'histoire des sciences, vol. 22, no 2,‎ , p. 163-166 (lire en ligne [sur persee], consulté en ).
  8. [Réaumur 1720 / 1722] René-Antoine Ferchault de Réaumur, « Remarques sur les coquilles fossiles de quelques cantons de Touraine, & sur les utilités qu'on en tire », Mémoires de l'Académie royale des sciences,‎ 1720 / 1722, p. 400- (lire en ligne [sur gallica], consulté en ).
  9. Bernard de Fontenelle, « Sur des coquilles fossiles de Touraine », Histoire de l'Académie des sciences,‎ 1720 / 1722, p. 5-9 (voir p. 9) (lire en ligne [sur gallica], consulté en ).
  10. Réaumur, Lettre du 8 avril 1738 à Louis Bourguet, citée par Louis Favre, Musée neuchâtelois, 3e année, 1866, p. 307-308 (voir Ellenberger 1980, p. 39). Référence donnée par Ellenberger 1982, p. 2 du compteur PDF, note 5.
  11. [Ellenberger 1980] François Ellenberger, « De l'influence de l'environnement sur les concepts : l'exemple des théories géodynamiques au XVIIIe siècle en France », Revue d'histoire des sciences, vol. 33, no 1,‎ , p. 33-68 (lire en ligne [sur persee], consulté en ). Voir p. 39.
  12. [Gohau 2000] Gabriel Gohau, « Thomas Burnet, la première Théorie de la Terre : entre science et religion » (séance du 17 mai 2000), Travaux du Comité français d'histoire de la géologie, t. 19, 3e série,‎ (lire en ligne [sur annales.org], consulté en ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • [Ellenberger 1982] François Ellenberger, « Les premières cartes géologiques en France : projets et réalisations », Travaux du Comité français d'Histoire de la Géologie,‎ 1982, 1re série, p. 45-65 (présentation en ligne, lire en ligne [PDF] sur hal.archives-ouvertes.fr, consulté en ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Cartes géologiques disponibles en ligne[modifier | modifier le code]