Chronique aragonaise de 1305

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Chronique aragonaise de 1305
Image illustrative de l’article Chronique aragonaise de 1305
Sanche Ier (roi d'Aragon) a construit le château de Montearagón en 1085 pour servir de cadre religieux à la rédaction symbolique de la Chronique aragonaise en 1305.

Auteur Moine anonyme du château de Montearagón
Pays Royaume d'Aragon Royaume d'Aragon
Genre Chronique médiévale
Version originale
Langue catalan
Titre chronique des États péninsulaires
Lieu de parution Drapeau de l'Aragon Aragon
Date de parution 1305-1328

La Chronique aragonaise de 1305, iconographiquement nommée « Chronique des États péninsulaires » et « Chronique Navarro-aragonaise », a été intégralement rédigée en catalan au début du XIVe siècle. L'attribution de cette chronique médiévale s'appuie sur l'historiographie du Royaume du Sobrarbe qui aurait existé pendant la Reconquista. Elle est classée dans le cadre des origines légendaires du royaume d'Aragon. La première partie de la chronique aragonaise est publiée dès 1305 et la seconde partie, plus exhaustive, est publiée en 1328. Ubieto Arteta, historien espagnol renommé pour son étude de la période médiévale consacrée à des spécificités du royaume d'Aragon, écrit également une thèse universitaire sur cette œuvre littéraire et historique.

Origines[modifier | modifier le code]

Contexte historique[modifier | modifier le code]

En premier lieu, le contexte de création de la chronique aragonaise de 1305 s'inscrit dans une période liée à des pressions religieuses, des conflits militaires à cette période cruciale pour la Reconquista[1], et des proximités entre le monastère de Montearagón et de celui de San Juan de la Peña[2]. De plus, la chronique aragonaise de 1305 a été écrite pendant le règne de Jacques II dit « le Juste »[3]; où parallèlement ce dernier a agrandit les territoires du royaume d'Aragon avec ses conquêtes militaires des îles Baléares, de Minorque, de la Majorque et également avec la Sardaigne[4]. Secondement, le roi d'Aragon a continué la politique expansionniste de son père Pierre III «dit le Grand», connu pour avoir annexé le royaume de Sicile et surtout après avoir usurpé le titre de roi de Sicile en 1285 à la dynastie princière des ducs d'Anjou et qui étaient aussi comtes de Provence dès la fin du XIIIe siècle[5]. En effet, dès 1089, la communauté des augustins qui se trouvait au monastère de San Juan de la Peña a été transférée vers le nouveau château tout bonnement bâti[6], et ceci confirmant le nouveau rôle-clé du château-monastère de Montearagón[7], afin de mieux protéger la communauté religieuse des Augustins face aux troubles militaires notamment[8].

Contexte du document[modifier | modifier le code]

L'écriture de la chronique aragonaise a vu le jour à la suite de la composition d'un document littéraire intitulé "De rebus Hispaniae"[9], ou "historia gótica" dont l'auteur n'est autre que l'évêque de Tolède Rodrigo Jiménez de Rada[8]. En effet le roi Ferdinand III dit le saint roi de Castille a appuyé l'évêque de Tolède pour l'écriture de cette chronique dont la première réalisation a permis d'utiliser le latin comme langue vernaculaire[10]. En 1253, également, la version en aragonais a été publiée en tant que "Estoria de los Godos"[11], et ce permettant pour les deux versions de l'histoire des Goths de retracer les origines légendaires du royaume d'aragon et de Castille dans un contexte où les royaumes chrétiens cherchaient à légitimer leurs puissances afin de reprendre la mainmise sur les territoires ibériques conquis par les musulmans depuis 711[12], ou le royaume wisigoth a cessé d'exister conduisant à la primauté de l'émirat de Cordoue entre le VIIIe siècle et le Xe siècle[13]. La Chronique de San Juan de la Peña a fait suite à la seconde réédition de la chronique aragonaise republiée en 1328[14]. En effet, le roi d'Aragon Pierre IV a participé dans le cadre de la réécriture d'une histoire légendaire des rois d'Aragon à sa traduction en latin[15], et ce permettant d'enraciner son pouvoir légitime dans une hérédité dynastique propre aux rois d'Aragon[16].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Faits littéraires[modifier | modifier le code]

La toute première des caractéristiques littéraires relevée dans la chronique aragonaise concerne le terme catalan poagra, dont la racine est originaire du grec podágra. Ce terme a été documenté en première forme, notamment à cause d'une maladie marquée par une élévation de l'acide urique concentrée dans le sang et qui touche également les pieds. Une mention très spécifique expliquée et mise par écrit dans la chronique aragonaise montre la cause de la mort du roi de León, Ordoño IV ou Bermudo II, surnommé "el Gotoso" à cause d'effets indésirables causés par le poagra[17].

Faits historiques[modifier | modifier le code]

En second point, la chronique aragonaise relate avant tout le contexte de la Reconquista[18], et le rôle qu'ont joué les successions de rois d'Aragon contre les musulmans établis dans la péninsule ibérique avec des souverains tels que Pierre 1er d'Aragon, Pierre II d'Aragon[19], Pierre III d'Aragon «dit le Grand»[20]; mais aussi au travers de l'enfance du futur roi d'Aragon Pierre IV «dit le Cérémonieux», et qui n'est encore que l'héritier présomptif de la couronne aragonaise au moment de la seconde réédition de la chronique vernaculaire en 1328. On peut citer notamment la bataille de Las Navas de Tolosa qui a eu lieu en 1212[21], auquel la coalition castillo-aragonaise menée par Pierre Ier d'Aragon et Alphonse VIII de Castille a vaincu l'armée musulmane, ce qui a permis à la chronique de montrer comment les rois d'Aragon avaient leurs propres rôles à jouer pour libérer les territoires hispaniques de la domination musulmane au début du XIIIe siècle[22]. La bataille d'Alcoraz remportée par les aragonais au Xe siècle et le rôle qu'a joué Rodrigo Díaz de Vivar surnommé «El Cid Campeador»[23], permettant de lutter efficacement contre les Maures établis dans la péninsule ibérique, de par sa reconquête de la ville de Tolède au XIe siècle notamment témoignent d'éléments centraux de la Chronique aragonaise enracinant la légitimée du document littéraire et iconographique liée à sa publication comme une histoire à la fois du royaume d'aragon liée à sa lutte contre les musulmans pendant le contexte de la Reconquista[24], mais aussi afin de renforcer le pouvoir des rois d'Aragon[25].

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie condensée[modifier | modifier le code]

  • (es) Ubieto Arteta, Crónica de los Estados peninsulares: texto del siglo xiv, Grenade, Université de Grenade, , 146 p. (ISSN 0211-8572)
  • Philippe Nourry et Joseph Pérez pour la préface, « Moros et Christianisme: Un Double Moyen-Âge avec section l'Aragon entre en scène », dans Philippe Nourry et Joseph Pérez, Histoire de l'Espagne - Des origines à nos jours, Paris, Éditions Tallandier, , 955 p. (ISBN 979-10-210-4053-3), pp. 87-98
  • Hilário Franco Júnior, « Les trois doigts d'Adam : Liturgie et métaphore visuelle au monastère de San Juan de la Peña », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 62, no 2,‎ , p. 413-439 (lire en ligne Inscription nécessaire, consulté le )
  • Alexandra Beauchamp, « L’âge des responsabilités : discours et attitudes envers la vieillesse de l’infant Pierre d’Aragon (1305-1381) », Médiévales, vol. 82,‎ , p. 117-134 (lire en ligne Accès limité, consulté le )

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Carlos López Rodríguez, « Orígenes del archivo de la Corona de Aragón, (en tiempos, Archivo Real de Barcelona) », Hispania, vol. 67, no 226,‎ , p. 413–454 (ISSN 1988-8368 et 0018-2141, DOI 10.3989/hispania.2007.v67.i226.49, lire en ligne, consulté le )
  2. (es) Ubieto Arteta (trad. de l'espagnol), Crónica de los Estados peninsulares: texto del siglo xiv, Grenade, Université de Grenade, , 146 p. (ISSN 0211-8572, lire en ligne)
  3. (es) T. Odena, Delgado de Molina Rafael et Antonio María Conde, Delgado de Molina Rafael et Antonio María Conde (trad. de l'espagnol), Las cancillerías de la Corona de Aragón y Mallorca desde Jaime I a la muerte de Juan II (Diplomatics -- Spain. Notaries -- Spain -- History -- Sources. Diplomatics. Notaries. Spain -- History -- 711-1516 -- Sources. Spain.), Saragosse, Zaragoza : Cátedra "Zurita", Institución "Fernando el Católico, , 202 p. (ISBN 8400053494, lire en ligne), p. 105-110
  4. Stéphane Péquignot, « Carte : la couronne d’Aragon autour de 1300 », dans Au nom du roi, Casa de Velázquez, (ISBN 978-84-96820-29-6, lire en ligne)
  5. (ca) Jaume Sobrequés Callicó et Mercè Morales i Montoya, Contes, reis, comtesses i reines de Catalunya, Barcelone, Editorial Base, coll. « Base Històrica » (no 75), , 272 p. (ISBN 978-84-15267-24-9, lire en ligne), p. 109-119
  6. Hilário Franco Júnior, « Les trois doigts d'Adam : Liturgie et métaphore visuelle au monastère de San Juan de la Peña », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 62e année, no 2,‎ , p. 413–439 (ISSN 0395-2649, lire en ligne, consulté le ) :

    « Or, si un peu plus tard, au début du siècle suivant, y fut sculptée une image conventionnelle d’Adam posant cinq doigts sur sa gorge, ce ne peut être que parce que, à comparer sa situation à celle de San Juan de la Peña, le passé mozarabe pesait moins sur Loarre (car, avant Sanche Ramírez, sa fonction fut uniquement militaire), de même que les pressions religieuses (sa communauté de chanoines réguliers augustins, bien que partie prenante, elle aussi, de la réforme grégorienne, était peu concernée par les questions liturgiques et réformistes, au contraire des clunisiens) et la présence ecclésiastique (en 1089, la communauté des augustins fut transférée vers le château récemment bâti de Montearagón). »

  7. (es) Ricardo Cierbide, APORTACIONES A LA ONOMÁSTICA MEDIEVAL ARAGONESA : DOCUMENTOS DE MONTEARAGÓN (1058-1205) (Thèse de doctorat en histoire médiévale du Pays-Basque), Universidad del País Vasco – Vitoria, Université du Pays Basque - Vitoria, , 28 p. (lire en ligne)
  8. a et b Inés Fernández-Ordóñez, « La técnica historiográfica del Toledano. Procedimientos de organización del relato », Cahiers d'Études Hispaniques Médiévales, vol. 26, no 1,‎ , p. 187–221 (DOI 10.3406/cehm.2003.2019, lire en ligne, consulté le )
  9. Sophie Hirel-Wouts et Mathilde Baron, « Ramire et ses frères ou les origines du royaume d’Aragon. Stratégies discursives et altérations significatives dans les chroniques de Fabricio de Vagad et de Gonzalo García de Santa María », dans Dire, taire, masquer les origines dans la péninsule Ibérique : Du Moyen-Âge au Siècle d’Or, Presses universitaires du Midi, coll. « Méridiennes », , 85–96 p. (ISBN 978-2-8107-0960-1, lire en ligne)
  10. (es) Ubieto Arteta, « La Historia gothica del Toledano y la historiografía romance », revue scientifique, vol. Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales,‎ , pp. 50—51 (lire en ligne Accès libre)
  11. francescagranell, « JACQUES LE CONQUÉRANT – la mémoire de l’image », sur Espagnes Médiévales, (consulté le )
  12. (es) Diego Catalán, Removiendo los cimientos de la Historia de España en su perspectiva medieval (thèse de doctorat en histoire médiévale espagnole), Espagne, Fundación Ramón Menéndez Pidal, (ISSN 1133-7613, lire en ligne) :

    « A mediados del siglo XIII, el Arzobispo de Toledo don Rodrigo Ximénez de Rada concluía la que puede ser considerada como la primera Historia de España: De rebus Hispaniae. Desde el primer momento este trabajo suscitó un enorme interés entre sus contemporáneos iniciándose con prontitud las traducciones y adaptaciones a las distintas lenguas existentes en la Península. El enorme valor de esta obra se mantiene intacto hoy en día cuando continúa siendo objeto de atención por parte de los historiadores. A ella ha dedicado su trabajo de los últimos años el autor, presentando en este artículo algunas de las primeras conclusiones o hipótesis, anticipo de una obra mucho más extensa, a las que ha podido llegar en su crítica textual. »

  13. « Memorias e imágenes entrelazadas: el reinado de Alfonso VI en la Estoria de los godos | Medievalia », sur revistas-filologicas.unam.mx (consulté le )
  14. Alexandra Beauchamp, « L’âge des responsabilités : discours et attitudes envers la vieillesse de l’infant Pierre d’Aragon (1305-1381) », Médiévales. Langues, Textes, Histoire, no 82,‎ , p. 117–134 (ISSN 0751-2708, DOI 10.4000/medievales.12215, lire en ligne, consulté le )
  15. Sophie Hirel-Wouts, « Le Justicia d’Aragon dans quelques chroniques de la couronne d’Aragon aux XIVe et XVe siècles : entre fiction juridique et représentation du pouvoir royal », Cahiers d'Études Hispaniques Médiévales, vol. 29, no 1,‎ , p. 277–300 (DOI 10.3406/cehm.2006.1971, lire en ligne, consulté le )
  16. « Cuadernos de Historia del Derecho 11 (Departamento de Historia del Derecho y de las Instituciones, Facultad de Derecho, Publicaciones Universidad Complutense de Madrid, 2004), 379 págs », Revista de estudios histórico-jurídicos, no 27,‎ (ISSN 0716-5455, DOI 10.4067/s0716-54552005000100032, lire en ligne, consulté le )
  17. (es) « Diccionario histórico de la lengua española », dictionnaire académico-historique espagnol, vol. REAL ACADEMIA ESPAÑOLA, no Crón Estados [1955] Esp,‎ (lire en ligne)
  18. « Institución - Monasterio de Jesús Nazareno de Montearagón de Quicena (Huesca, España) », sur PARES (consulté le )
  19. (es) Francisco M. et Gimeno Blay, 1336-1387 La Experiencia Gráfico -Textual de Pedro IV el Ceremonioso Escribir Reinar, Madrid, ABADA Editores, , 233 p. (ISBN 978-84-96258-67-9 et 84-96258--67-X, lire en ligne)
  20. (es) Esteban Sarasa Sánchez, El reino de Aragón en la época de Jaime II (1291-1327), Université d'Alicante, Universidad de Alicante, 1996-1997 (ISSN 2695-9747, lire en ligne), p. 301-314
  21. Philippe Nourry, Histoire de l'Espagne: des origines à nos jours, Éditions Tallandier, coll. « Texto », (ISBN 979-10-210-4053-3, lire en ligne)
  22. Carlos Laliena Corbera, « Juan Fernando Utrilla Utrilla. Trayectoria universitaria e investigación », Aragón en la Edad Media, no 30,‎ , p. 23–54 (ISSN 2387-1377 et 0213-2486, DOI 10.26754/ojs_aem/aem.2019304279, lire en ligne, consulté le )
  23. (es) Collectif, Crónica de Castilla: Édition et présentation, Castille, e-Spania Books, (ISBN 978-2-919448-07-4, lire en ligne)
  24. Stéphane Péquignot, Au nom du roi : Pratique diplomatique et pouvoir durant le règne de Jacques II d'Aragon (1291-1327), Casa de Velázquez, coll. « Bibliothèque de la Casa de Velázquez », (ISBN 978-84-9096-125-4, lire en ligne)
  25. Enrique Jerez, « La Historia gothica del Toledano y la historiografía romance », Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, vol. 26, no 1,‎ , p. 223–239 (ISSN 1638-2455, DOI 10.3406/cehm.2003.2020, lire en ligne, consulté le )