Chronobiologie et rêve

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La chronobiologie (\kʁɔ.nɔ.bjɔ.lɔ.ʒi\), une discipline scientifique étudiant le rythmes biologiques, permet l’organisation temporelle des êtres vivants, des mécanismes qui en assurent la régulation (contrôle, maintien) et de ses altérations[1].

Dans la quête pour comprendre la structure et le contenu de nos rêves, la chronobiologie offre des perspectives permettant ainsi de déchiffrer ces expériences oniriques.

Le rêve (de l’ancien français resver) est un phénomène psychique qui a lieu pendant le sommeil.Caractérisé par la formation de situation ou images mentales visualisé par l’être endormi, la chronobiologie éclaire sur la manière dont nos rythmes biologiques internes modulent les cycles de sommeil, et permet par extension la compréhension des phases de rêves.

Phases du sommeil[modifier | modifier le code]

Pour poursuivre l’exploration du lien entre les rythmes circadiens et les rêves, il est essentiel de comprendre la structure et les phases du sommeil, un domaine clé de la chronobiologie. Le sommeil n’est pas un état uniforme mais se décompose en plusieurs phases distinctes, chacune jouant un rôle crucial dans notre bien-être physique et mental. Ces phases comprennent le sommeil paradoxal (REM) et non-REM. Le non-REM est subdivisé en trois étapes, dont la première est une transition entre éveil et sommeil, la deuxième étant un sommeil plus léger et la troisième est le sommeil profond ou sommeil à ondes lentes[2].

Enfin, la phase REM, appelé également sommeil paradoxal, se caractérise par une activité cérébrale intense et des mouvements oculaires rapides à basse tension et représente l’état de sommeil le plus associé aux rêves[3]. Lors d'une durée d'environ 90 minutes, le corps reste immobile, le cerveau s'engage dans de long rêves vives et hallucinatoires, souvent narratifs[4].

Hormones et neurotransmetteurs[modifier | modifier le code]

Différentes hormones sont impliquées dans la régulation des rythmes circadiens, ce qui influence non seulement notre cycle- éveil-sommeil, mais aussi nos phases de rêves. Le cortisol est une hormone stéroïde sécrétée par les glandes surrénales. Sa libération est régulée par l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA). Elle joue plusieurs fonctions dans l’organisme,  mais est principalement impliquée dans la réponse du corps au stress. Sa concentration diminue progressivement le soir pour préparer le corps à s'endormir, et elle atteint son pic tôt le matin, pour mobiliser l’énergie et préparer le corps pour la journée à venir[5].

La mélatonine est une hormone synthétisée et sécrétée par la glande pinéale à partir d’une autre hormone, la sérotonine. Sa fonction principale est d’initier et de maintenir le sommeil en réduisant la vigilance et favorisant la relaxation. Sa production est stimulée par l’obscurité et inhibée par la lumière. Ainsi, elle augmente progressivement durant la nuit et atteint son pic au milieu de la nuit, pour redescendre graduellement jusqu’au matin[6].

L’acétylcholine est un neurotransmetteur synthétisé et libéré par les neurones cholinergiques. Alors que son rôle principal est de transmettre des signaux à travers les synapses, elle joue aussi un rôle important lors du stage REM du sommeil. L’acétylcholine est abondante dans ce stage, ayant des rôles importants dans la consolidation de la mémoire, processus par lequel les souvenirs sont transférés du stockage à court terme au stockage à long terme. Ainsi que dans l’activation du cortex, influençant les aspects vifs et émotionnels du rêve[7].

Sommeil et Rêves : Dérégulation Circadienne[modifier | modifier le code]

Les troubles de sommeil altèrent significativement la qualité globale du sommeil et impactent, par extension, les rêves. Le sommeil chez les individus souffrant d'insomnie se manifeste par une sécrétion insuffisante et mal synchronisée de mélatonine rend le sommeil léger, fragmenté et facilement interrompu. En conséquence, le temps passé en sommeil REM réduit[8], diminuant ainsi la cohérence des rêves. Ils prennent des aspects plus brefs[9], ou surviennent plus tardivement, altérant l'expérience de rêve. Cependant, ils se rappellent plus fréquemment de leurs rêves, en raison de réveils nocturnes redondants et ont tendance à avoir des émotions de rêves plus négatifs, un reflet de leurs inquiétudes avant le sommeil ou l'excitation cognitive.

De même, les niveaux élevés de cortisol, peuvent avoir un impact significatif sur le sommeil et, par conséquent, sur les rêves. Lors de périodes de stress, l'hyper activation de l'axe HPA permet une production de cortisol peut être élevée en continu, y compris le soir et rend l'endormissement ou le maintien du sommeil difficile[10]. Cette perturbation diminue la durée de la phase REM et réduit la fréquence et l'intensité des rêves[11]. De même, il arrive que certains individus témoignent de rêves plus angoissants ou de cauchemars, une manifestation du stress ou des inquiétudes vécues pendant la journée[12].

Rêves lucides[modifier | modifier le code]

Les rêves lucides sont marqués par une activité cérébrale vive semblable à l'éveil, où le rêveur acquiert une auto-conscience. Ils sont plus probables en fin de nuit, lorsque les cycles REM sont plus longs. Dans ces rêves sont une representation hybride, mêlant les caractéristiques de l'éveil et du sommeil REM[13].

Des études sur le cerveau montrent que pendant les rêves lucides, certaines régions du cerveau associées à la conscience de soi et à la réflexion critique sont plus actives comparées au sommeil REM non-lucide. En effet, il existe une connectivité fonctionnelle accrue entre le cortex préfrontal antérieur (aPFC) et des zones d'association temporo-pariétales chez les individus qui ont des rêves lucides fréquents, alors que ces régions sont normalement désactivées pendant le sommeil. Cela suggère que la chronobiologie derrière les rêves lucides implique une interaction complexe entre les cycles de sommeil REM, l'activité cérébrale spécifique à l'état de rêve lucide, et la capacité à manipuler ces cycles pour favoriser l'expérience des rêves lucides[14].

Chronobiologie et rêves: autres espèces[modifier | modifier le code]

Il a longtemps été un mystère sur ce que ressente les différentes espèces de notre planète, et le rêve en est un. Cependant, de nombreuses recherches ont été réalisées pour essayer de comprendre si les animaux entre eux aussi dans des phases de REM. Un pionnier de la recherche des études sur les rêves, Michel Jouvet, a réalisé l’une des premières expériences qui a pour but de décoder le rêve chez les félins. Dans ses expériences, Michel Jouvet a observé des comportements chez les chats pendant la phase de sommeil paradoxal (REM) qui suggérait une activité mentale intense, et il a interprété ces observations comme étant associées aux rêves. Les comportements qui ressemblaient à des mouvements de chasse ou de poursuite chez les chats pendant le sommeil paradoxal ont été interprétés comme des expressions possibles d'activités oniriques[15].

Une recherche faite par l’institut de technologie du Massachusetts (MIT) en 2001 sur des rats. Éveillé, le rat parcourait un labyrinthe: l’hippocampe, la partie du cerveau responsable de créer et stocker des mémoires, est actif. Cependant, lorsque les rats sont endormis, le cerveau produit les mêmes ondes cérébrales émises pendant le parcours du labyrinthe. Cette recherche était la première à démontrer que les animaux étaient capables d’avoir des rêves complexes[16].

Applications thérapeutiques[modifier | modifier le code]

L'application thérapeutique de la compréhension des rêves et de leur lien avec la chronobiologie se manifeste notamment dans la psychothérapie individuelle. Elle se traduit par des méthodes efficaces comme la thérapie de répétition d'images pour traiter les cauchemars. Cette approche encourage les patients à ré-imaginer consciemment leurs cauchemars pendant l'éveil, remplaçant les images perturbatrices par des visions apaisantes. Cela exploite la connaissance que les cauchemars surviennent principalement durant le sommeil paradoxal (REM), phase influencée par les rythmes circadiens. De telles stratégies sont démontrées efficaces par une méta-analyse de 13 études avec 511 clients. Ils réduisent ainsi la fréquence des cauchemars et améliorent la qualité du sommeil, offrant ainsi des perspectives précieuses pour améliorer la santé mentale[17].

Références[modifier | modifier le code]

  1. M. Weil, R. Boulanger, G. Morel et A. Servent, « Quality, typicity and potential valorization of Piper borbonense, a poorly known wild pepper from Reunion Island », Fruits, vol. 75, no 3,‎ , p. 95–103 (ISSN 0248-1294 et 1625-967X, DOI 10.17660/th2020/75.3.1, lire en ligne, consulté le )
  2. Aakash K. Patel, Vamsi Reddy, Karlie R. Shumway et John F. Araujo, « Physiology, Sleep Stages », dans StatPearls, StatPearls Publishing, (PMID 30252388, lire en ligne)
  3. (en) Jerome M. Siegel, « REM sleep: A biological and psychological paradox », Sleep Medicine Reviews, vol. 15, no 3,‎ , p. 139–142 (PMID 21482156, PMCID PMC3091378, DOI 10.1016/j.smrv.2011.01.001, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) J. Allan Hobson, « REM sleep and dreaming: towards a theory of protoconsciousness », Nature Reviews Neuroscience, vol. 10, no 11,‎ , p. 803–813 (ISSN 1471-0048, DOI 10.1038/nrn2716, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Jessica D. Payne et Lynn Nadel, « Sleep, dreams, and memory consolidation: The role of the stress hormone cortisol », Learning & Memory, vol. 11, no 6,‎ , p. 671–678 (ISSN 1072-0502 et 1549-5485, PMID 15576884, PMCID PMC534695, DOI 10.1101/lm.77104, lire en ligne, consulté le )
  6. C.P. Maurizi, « The function of dreams (REM sleep): Roles for the hippocampus, melatonin, monoamines, and vasotocin », Medical Hypotheses, vol. 23, no 4,‎ , p. 433–440 (ISSN 0306-9877, DOI 10.1016/0306-9877(87)90064-8, lire en ligne, consulté le )
  7. Andrea Becchetti et Alida Amadeo, « Why we forget our dreams: Acetylcholine and norepinephrine in wakefulness and REM sleep », Behavioral and Brain Sciences, vol. 39,‎ (ISSN 0140-525X et 1469-1825, DOI 10.1017/s0140525x15001739, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Dieter Kunz, Richard Mahlberg, Cordula Müller et Amely Tilmann, « Melatonin in Patients with Reduced REM Sleep Duration: Two Randomized Controlled Trials », The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, vol. 89, no 1,‎ , p. 128–134 (ISSN 0021-972X et 1945-7197, DOI 10.1210/jc.2002-021057, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Gholami Fatemeh, Moradi Sajjad, Rasaei Niloufar et Soveid Neda, « Effect of melatonin supplementation on sleep quality: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials », Journal of Neurology, vol. 269, no 1,‎ , p. 205–216 (ISSN 0340-5354 et 1432-1459, DOI 10.1007/s00415-020-10381-w, lire en ligne, consulté le )
  10. nblbs, « Cortisol : Comment il affecte votre sommeil », sur Docteur-Sommeil, (consulté le )
  11. « Phase de sommeil paradoxal REM », sur Sommeil.org (consulté le )
  12. Louise Leboyer, « Voici d'où viendraient les cauchemars, selon une nouvelle étude », sur Psychologies.com, (consulté le )
  13. (en) Ursula Voss, Romain Holzmann, Inka Tuin et Allan J. Hobson, « Lucid Dreaming: a State of Consciousness with Features of Both Waking and Non-Lucid Dreaming », Sleep, vol. 32, no 9,‎ , p. 1191–1200 (ISSN 0161-8105 et 1550-9109, PMID 19750924, PMCID PMC2737577, DOI 10.1093/sleep/32.9.1191, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Benjamin Baird, Anna Castelnovo, Olivia Gosseries et Giulio Tononi, « Frequent lucid dreaming associated with increased functional connectivity between frontopolar cortex and temporoparietal association areas », Scientific Reports, vol. 8, no 1,‎ , p. 17798 (ISSN 2045-2322, DOI 10.1038/s41598-018-36190-w, lire en ligne, consulté le )
  15. Michel Jouvet, « What does a cat dream about? », Trends in Neurosciences, vol. 2,‎ , p. 280–282 (ISSN 0166-2236, DOI 10.1016/0166-2236(79)90110-3, lire en ligne, consulté le )
  16. Kenway Louie et Matthew A. Wilson, « Temporally Structured Replay of Awake Hippocampal Ensemble Activity during Rapid Eye Movement Sleep », Neuron, vol. 29, no 1,‎ , p. 145–156 (ISSN 0896-6273, DOI 10.1016/s0896-6273(01)00186-6, lire en ligne, consulté le )
  17. (en) Patricia T. Spangler et Wonjin Sim, « Working with dreams and nightmares: A review of the research evidence. », Psychotherapy, vol. 60, no 3,‎ , p. 383–395 (ISSN 1939-1536 et 0033-3204, DOI 10.1037/pst0000484, lire en ligne, consulté le )