Cloutier (métier)

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Cloutier
Le cloutier (Jean Frédéric Wentzel, 1847[1])
Présentation
Forme féminine
Cloutière
Autres appellations
Clôteux
Secteur

Le métier de cloutier est un ancien travail artisanal consistant à vendre et à fabriquer des clous à la main. Sous l’effet de l’industrialisation, le métier a disparu en France. Le village ardennais de Gespunsart comptait 600 cloutiers en 1879 et une douzaine en 1929[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

Dans le Livre des métiers, rédigé vers 1268, sont distingués les cloutiers, les cloutiers-attacheurs et les cloutiers-épingliers[3]. La corporation est dotée d’avantages, par exemple elle peut compter des femmes dans ses rangs, n’est pas obligée de s’approvisionner uniquement auprès des Halles etc.[3]

Dans les derniers siècles du Moyen-Âge, le métier a permis de fixer la population dans la vallée de la Meuse. Au début du XIXe siècle elle y faisait vivre environ 11 000 personnes[4].

En 1747, l'Encyclopédie de Diderot & d'Alembert distingue les « cloutiers d'épingles » et les « cloutiers tout court »[5]. Elle consacre également plusieurs planches à la description des ateliers et des outils utilisés par ces deux types de cloutiers[6].

À partir de 1820, ce métier artisanal est progressivement remplacé par les machines à clou anglaises[4], une machine produisant en moyenne 10 à 50 fois plus qu’un cloutier[7]. En 1848, une enquête nationale estimait le nombre de cloutiers français (hommes, femmes, enfants) à 4 570[8].

Exercice du métier[modifier | modifier le code]

Dans la vallée de la Meuse[modifier | modifier le code]

Le métier de « clôteux »[9] se pratique dans la « boutique », l’atelier du cloutier[10], petite pièce de 12 à 20 mètres carrés[11]. La boutique comprend une forge, une enclume et une roue à chien[11]. L’enclume (ou socquette[12]) à une forme spécifique permettant la fabrication de clous de formes différentes, elle comporte au moins 4 parties : la place, l’étape, la clouière et le ciseau[11]. Une roue à chien a pour but d’actionner le soufflet de la forge[13] grâce au chien du cloutier (ou « moteur à puce »[14]). Le chien remplace ainsi, au milieu du XIXème siècle, le travail des enfants qui étaient auparavant chargés de cette tâche[14]. Il s’agit d’une entreprise familiale, la femme pouvant devenir cloutière en cas d’incapacité de son mari[15].

Le facteur de clou fournit la matière première et s’occupe de trouver des débouchés aux cloutiers (qui sont illettrés) tout en jouant de la concurrence entre eux[16]. Le travail s’effectue de 7 à 9h par jour, le cloutier façonne un clou en quelques secondes[12]. Une centaine de formes de clous différentes peuvent être produites : clou de voilier, clou de charpente, clou ordinaire pour wagon de chemin de fer, clou de chaussures de course à pied etc.[17] En 1875, le métier de cloutier rapporte un salaire de 5 Francs par semaine de 70h ; salaire à rapporter au prix d’un kilo de pain à l'époque (80 centimes)[18].

Dans la Loire[modifier | modifier le code]

L’existence de cloutiers y remonte au moins au XVIIème siècle[19]. Les critères pour faire un bon cloutier sont les suivants « Trois clous en une chaude ; Cinquante sans souffler ; Neuf-vingt (180), trois livres. »[20]. Contrairement aux Ardennes ou le métier disparaît au début du XXe siècle, on trouve encore des cloutiers dans la Loire en 1941, leur production est recherchée pour certaines applications et elle leur offre des salaires « plus justes et rémunérateurs »[21]. En effet, du XVIIème au XIXème siècle, et de la même façon que les cloutiers ardennais, les cloutiers de la Loire s’estimaient exploités par les marchands de clous[22].

Outils et équipements[modifier | modifier le code]

Pour se protéger des paillettes de métal en fusion, le cloutier Ardennais porte des sabots-bottes, des bandes de cuir autour des mollets (wagnettes) et un tablier de cuir épais (la banette)[23]. Le fer du cloutier Ardennais provient des Ardennes, de Belgique, du Luxembourg, de Lorraine ou de Suède[24].

Le cloutier Loirétain de condition modeste porte un pantalon en velours à côtes ou de grosse toile, une chemise en chanvre, un gilet de drap, une basane qui protège son corps du cou aux chevilles, un bonnet de laine, des sabots et des guêtres de drap[25].

Dans la culture[modifier | modifier le code]

  • Le roman Macajotte de l'écrivain Jean-Paul Vaillant, publié en 1931, et dont le héros et un cloutier Ardennais du XIXème siècle.
  • Le chant du cloutier composé par Théophile Malicet : « […] L’enclume sonne clair ! Nos marteaux sont d’accord ! […] La flamme monte droit comme une gerbe d’or ; La tuyère effiloche un vieil épithalame ! […] »[26]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : L'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart,
  • Jean-Paul Bravard, La clouterie artisanale dans la région de Firminy (Loire) : Une activité et un genre de vie moribonds, Ambierle, Centre forézien d'ethnologie, (ISBN 2-901286-06-2, BNF 34601885, SUDOC 051081229, lire en ligne)
  • Hargnies... métiers et travaux d'autrefois, Charleville-Mézières, CDDP des Ardennes, (BNF 37063671, lire en ligne)
  • René Debriel, Lexique picard de trois anciens métiers du Doullennais : boutonnier, cerclier, cloutier, Doullens, (BNF 32976108)
  • Henri Bataille, Enquêtes sur la vie traditionnelle en Bigotte. Vieux métiers disparus. Le Dernier cloutier de Saint-Pé-de-Bigorre, Tarbes, (BNF 32914964, SUDOC 066309271)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
  2. La vie des cloutiers Ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 21
  3. a et b « les cloutiers-attacheurs et les cloutiers-épingliers. », sur associationmedievale1412.e-monsite.com (consulté le )
  4. a et b « Vallée de la Meuse: c’était la vallée des cloutiers à la main », sur Journal L'Ardennais abonné, (consulté le )
  5. Denis Diderot, Jean d'Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Tome troisième. (lire en ligne), p. 552
  6. Denis (1713-1784) Auteur du texte Diderot et D' (1717-1783) Auteur du texte Alembert, L'Encyclopédie. [37], Travail du fer : [recueil de planches sur les sciences, les arts libéraux et les arts méchaniques, avec leur explication] ([Reprod. en fac-sim.]) / Diderot et d'Alembert, 1751-1780 (lire en ligne)
  7. J. Laude, Les industries de la Vallée ardennaise de la Meuse, en France, Lille, Société de Géographie de Lille, , 141-165 p. (lire en ligne), p. 159
  8. J. Laude, Les industries de la Vallée ardennaise de la Meuse, en France, Lille, Société de géographie de Lille, , 141-165 p. (lire en ligne), p. 161
  9. Yanny Hureaux, Le dur temps des cloutiers ardennais..., (lire en ligne)
  10. Gracia Dorel-Ferré, Les mémoires de l'industrie en Champagne-Ardenne, Lyon, Lieux-Dits, , 224 p. (ISBN 978-2-36219-141-1), p. 146 à 161, La boutique du cloutier, ultime vestige d'une proto-industrie disparue par René Colinet
  11. a b et c La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 29
  12. a et b La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 36
  13. La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 30
  14. a et b La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 32
  15. La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 35
  16. La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 39
  17. La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 36-37
  18. La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 40
  19. Albert Boissier, Essai sur l'histoire et les origines de l'industrie du clou forgé dans la région de Firminy, (lire en ligne), p. 66
  20. Albert Boissier, Essai sur l'histoire et les origines de l'industrie du clou forgé dans la région de Firminy, (lire en ligne), p. 101
  21. Albert Boissier, Essai sur l'histoire et les origines de l'industrie du clou forgé dans la région de Firminy, (lire en ligne), p. 69
  22. Albert Boissier, Essai sur l'histoire et les origines de l'industrie du clou forgé dans la région de Firminy, (lire en ligne), p. 94
  23. La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 31
  24. J. Laude, Les industries de la Vallée ardennaise de la Meuse, en France, Lille, Société de géographie de Lille, , 141-165 p. (lire en ligne), p. 156-157
  25. Albert Boissier, Essai sur l'histoire et les origines de l'industrie du clou forgé dans la région de Firminy, (lire en ligne), p. 96
  26. La vie des cloutiers ardennais au XIXème siècle : l'exemple de Gespunsart, Charleville-Mézières, Commune de Gespunsart, , 57 p., p. 52

Articles connexes[modifier | modifier le code]