Cricosaurus

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Cricosaurus
Description de cette image, également commentée ci-après
Crâne holotype, référencé MLP 72-IV-7-1,
de Cricosaurus araucanensis.
La barre horizontale mesure 5 centimètres.
Classification
Règne Animalia
Embranchement Chordata
Sous-embr. Vertebrata
Classe Sauropsida
Sous-classe Diapsida
Infra-classe Archosauromorpha
Super-ordre Crocodylomorpha
Clade Crocodyliformes
Clade Mesoeucrocodylia
Clade  Thalattosuchia
Super-famille  Metriorhynchoidea
Famille  Metriorhynchidae
Sous-famille  Metriorhynchinae
Tribu  Rhacheosaurini

Genre

 Cricosaurus
Wagner[1], 1858

Espèces de rang inférieur

  • C. elegans (Wagner[2], 1852) (Espèce type)
  • C. gracilis (Philips, 1871)
  • C. macrospondylus (Koken, 1883)
  • C. suevicus (Fraas, 1901)
  • C. schroederi (Kuhn, 1936)
  • C. araucanensis (Gasparini & Dellapé, 1976)
  • C. vignaudi (Frey et al., 2002)
  • C. saltillense (Buchy et al., 2006)
  •  ? C. lithographicus Herrera et al., 2013[3]

Cricosaurus est un genre éteint de crocodyliformes métriorhynchidés carnivores, à long rostre, presque exclusivement marins[4].

Il a vécu du Jurassique supérieur (Kimméridgien supérieur), au Crétacé inférieur (Valanginien inférieur), soit il y a environ entre 155 et 135 Ma (millions d'années), dans ce qui est aujourd'hui l'Europe de l'ouest, en Allemagne, en France, en Suisse et en Angleterre[5], et l'Amérique latine (Mexique, Argentine et Cuba[6]).

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le nom de genre Cricosaurus est composé de deux mots du grec ancien cricos, « anneau » et σαῦρος -sauros, « anneau » pour donner « lézard aux anneaux » en référence à ses grandes ouvertures (fenestrae) supra-temporales circulaires.

Historique[modifier | modifier le code]

Le genre Cricosaurus a été inventé par Johann Andreas Wagner en 1858[1], pour décrire trois crânes découverts dans le Tithonien d'Allemagne et reclasser un spécimen précédemment étudié en 1852[2].

Description[modifier | modifier le code]

Artist's impression of C. suevicus

Taille[modifier | modifier le code]

Cricosaurus est un Metriorhynchoidea de taille modérée, inférieure à 3 mètres. Son corps est fuselé pour une plus grande efficacité hydrodynamique, ce qui, associé à la présence d'une nageoire caudale, en fait un excellent nageur, bien meilleur que les crocodiles actuels[7].

Glandes à sel[modifier | modifier le code]

Un ré-examen des spécimens de Cricosaurus araucanensis en 2000, a montré la présence de glandes à sel bien développées, aussi bien chez les adultes que chez les juvéniles[8]. Celles-ci lui permettaient de « boire » de l'eau salée comme les animaux pélagiques et de manger des proies ayant la même concentration saline que l'eau de mer environnante, comme par exemple les ammonites, sans se déshydrater.

Des glandes à sel ont également été observées chez d'autres métriorhynchidés : Metriorhynchus[9], Geosaurus[10] et probablement Dakosaurus[11].

Liste des espèces[modifier | modifier le code]

Squelette de Cricosaurus suevicus au Museum am Löwentor de Stuttgart.

Espèces valides[modifier | modifier le code]

  • C. elegans, l'espèce type de Wagner, découverte en Allemagne et décrite en 1858[1] ;
  • C. gracilis, nommée également Geosaurus gracilis, et décrite à l'origine en 1831 par Hermann von Meyer[12]. Elle est distinguée de Rhacheosaurus gracilis par Mark T. Young et ses collègues en 2012[6] ;
  • C. macrospondylus, découverte en Allemagne (Basse-Saxe) et décrite par le paléontologue allemand Ernst Koken en 1883 sous le nom d'Enaliosuchus macrospondylus[13] ; puis en France en 2000, dans le Valanginien inférieur à Barret-sur-Méouge dans le département des Hautes-Alpes[14](attribuée au genre Cricosaurus en 2014 par Mark T. Young et son équipe[15]) ;
  • C. suevicus, découverte dans le Kimméridgien supérieur d'Allemagne (Bade-Wurtemberg et décrite par le paléontologue allemand Eberhard Fraas (de) en 1901, et nommée précédemment Geosaurus[16] ;
  • C. schroederi, du Berriasien-Valanginien d'Allemagne, décrite par Oskar Kuhn en 1936 sous le nom d'Enaliosuchus schroederi ;
  • C. araucanensis du Tithonien d'Argentine, décrite sous le nom de Geosaurus par Gaparini et Dellapé en 1976[17], et attribuée à Cricosaurus en 2009 par Young et Andrade[4] ;
  • C. vignaudi, du Tithonien du Mexique, décrite sous le nom de Geosaurus par E. Frey et se collègues en 2002[18], et attribuée à Cricosaurus en 2009 par Young et Andrade[4] ;
  • C. saltillense, du Tithonien du Mexique, décrite sous le nom de Geosaurus par M.-C. Buchy et ses collègues en 2006[19], et attribuée à Cricosaurus en 2009 par Young et Andrade[4].

Espèces réattribuées[modifier | modifier le code]

Autres espèces[modifier | modifier le code]

  • Un spécimen non nommé, classé comme Geosaurus, a été décrit en 2001 dans l'Oxfordien de Cuba[20]. Des études postérieures en 2009 l'identifient comme proche du genre Cricosaurus[4] ; il apparait dans le cladogramme établi par Mark T. Young et ses collègues en 2012[6] (voir ci-desous) ;
  • C. lithographicus, du Tithonien d'Argentine, décrite en 2013 par Yanina Herrera et ses collègues[3].

Paléobiologie[modifier | modifier le code]

Niches écologiques[modifier | modifier le code]

Vue d'artiste de C. macrospondylus.

Dans le calcaire de Solnhofen du Tithonien inférieur de Bavière, on retrouve dans les mêmes niveaux stratigraphiques des fossiles de quatre métriorhynchidés : Cricosaurus suevicus, Dakosaurus maximus, Geosaurus giganteus et Rhacheosaurus gracilis. Cette observation conduit à envisager une ségrégation de niches écologiques entre ces espèces qui coexistaient. Les superprédateurs étaient D. maximus et G. giganteus, de très grande taille, des espèces à museaux courts porteurs de dents crénelées. Les espèces à long museau, C. suevicus et R. gracilis se nourrissaient principalement de poissons, de plus petite taille pour Rhacheosaurus gracilis[21]. Un téléosauridé de taille modérée, Steneosaurus était également le contemporain de ces quatre espèces.

Dans les couches un peu plus anciennes du Plattenkalk (de) (Kimméridgien supérieur) d'Allemagne du sud, on retrouve la coexistence de Cricosaurus suevicus et Dakosaurus maximus. Le premier se nourrissait de poissons, tandis que le second était, là aussi, en position de superprédateur[22].

Viviparité[modifier | modifier le code]

Les hanches de Cricosaurus araucanensis ont une morphologie qui permet une ouverture du bassin osseux inhabituellement large. L'articulation de la hanche entre le fémur et l'acetabulum est placée très basse dans le corps par rapport à la colonne vertébrale. Les côtes sacrées forment un angle vers le bas de l'ordre de 45°, accentuant la distance entre la colonne vertébrale et l'ensemble pubis-ischium. Chez d'autres pseudosuchiens comme Steneosaurus, Machimosaurus et Pelagosaurus les côtes sacrées sont horizontales ou faiblement inclinées.

Cricosaurus ressemble ainsi à des reptiles aquatiques comme Chaohusaurus, Utatsusaurus et Keichousaurus, ce dernier étant vraisemblablement vivipare. L'hypothèse de la viviparité de Cricosaurus et des autres métriorhynchidés est privilégiée par rapport à l’oviparité selon Herrera et ses collègues en 2017[23].

Classification[modifier | modifier le code]

La validité du genre Cricosaurus a été souvent remise en cause, avec des mises en synonymie avec les genres Metriorhynchus, Geosaurus ou Dakosaurus[5]. Les premières études phylogénétiques en 2007, remettaient même en question la monophylie du genre[24].

En 2009, une synthèse conduite par Mark T. Young et M. B. Andrade confirme la validité des espèces déjà rattachées à Crisosaurus et leur adjoint plusieurs espèces à long museau attribuées précédemment aux genres Geosaurus, Enaliosuchus and Metriorhynchus [4].

Cladogrammes[modifier | modifier le code]

Les cladogrammes ci-dessous montrent pour le premier la position de Cricosaurus au sein des Metriorhynchinae et, pour le second, celle des huit espèces valides de Cricosaurus ainsi que l'espèce non nommée de Cuba. Ils ont été établis par Mark T. Young et son équipe en 2012[6]. Le second reprend, quasiment à l'identique, celui d'Andrea Cau et Federico Fanti de 2010[25] :

Metriorhynchinae 

Metriorhynchus




Gracilineustes


Rhacheosaurini 

Rhacheosaurus



Cricosaurus






Cricosaurus 

Cricosaurus sp. (Cuba)




C. elegans



C. saltillense



C. suevicus




C. vignaudi



C. gracilis




C. araucanensis




C. schroederi



C. macrospondylus







Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (de) Wagner A. 1858. Zur Kenntniss der Saurier aus den lithographischen Schiefern. Abhandlungen der Mathemat.-Physikalischen Classe der Königlich Bayerischen Akademie der Wissenschaften 8: 415-528
  2. a et b (de) Wagner A. 1852. Neu-aufgefundene Saurier-Überreste aus dem lithographischen Schiefern und dem oberen Jurakalk. Abhandlungen der Mathemat.-Physikalischen Classe der Königlich Bayerischen Akademie der Wissenschaften 6: 661-710
  3. a et b (en) Yanina Herrera, Zulma Gasparini and Marta S. Fernández, « A new Patagonian species of Cricosaurus (Crocodyliformes, Thalattosuchia): first evidence of Cricosaurus in Middle–Upper Tithonian lithographic limestone from Gondwana », Palaeontology, vol. 56, no 3,‎ , p. 663–678 (DOI 10.1111/pala.12010)
  4. a b c d e f et g (en) Mark T. Young et Marco Brandalise de Andrade, « What is Geosaurus? Redescription of Geosaurus giganteus (Thalattosuchia: Metriorhynchidae) from the Upper Jurassic of Bayern, Germany », Zoological Journal of the Linnean Society, vol. 157, no 3,‎ , p. 551–585 (DOI 10.1111/j.1096-3642.2009.00536.x)
  5. a et b (de) Steel R. 1973. Crocodylia. Handbuch der Paläoherpetologie, Teil 16. Stuttgart: Gustav Fischer Verlag, 116 pp.
  6. a b c et d (en) Mark T. Young, Stephen L. Brusatte, Marco Brandalise De Andrade, Julia B. Desojo, Brian L. Beatty, Lorna Steel, Marta S. Fernández, Manabu Sakamoto, José Ignacio Ruiz-Omeñaca et Rainer R. Schoch, « The Cranial Osteology and Feeding Ecology of the Metriorhynchid Crocodylomorph Genera Dakosaurus and Plesiosuchus from the Late Jurassic of Europe », PLoS ONE, vol. 7, no 9,‎ , e44985 (PMID 23028723, PMCID 3445579, DOI 10.1371/journal.pone.0044985, lire en ligne)
  7. (en) Massare JA. 1988. Swimming capabilities of Mesozoic marine reptiles; implications for method of predation. Paleobiology 14 (2):187-205
  8. Fernández M, Gasparini Z. 2000. Salt glands in a Tithonian metriorhynchid crocodyliform and their physiological significance. Lethaia 33: 269-276
  9. (en) Gandola R, Buffetaut E, Monaghan N, Dyke G. 2006. Salt glands in the fossil crocodile Metriorhynchus. Journal of Vertebrate Paleontology 26 (4): 1009-1010
  10. (en) Fernández M, Gasparini Z. 2008. Salt glands in the Jurassic metriorhynchid Geosaurus: implications for the evolution of osmoregulation in Mesozoic crocodyliforms. Naturwissenschaften 95: 79-84
  11. (en) Buchy M-C, Stinnesbeck W, Frey E, Gonzalez AHG. 2007. First occurrence of the genus Dakosaurus (Crocodyliformes, Thalattosuchia) in the Late Jurassic of Mexico. Bulletin de la Société Géologique de France 178 (5): 391-397
  12. (de) Meyer H von 1831. Neue fossile Reptilien aus der Ordung der Saurier. Nova Acta Academiae Leopoldino-Carolinae Curios 15 (2): 173-184
  13. (de) E. Koken. 1883. Die Reptilien der norddeutschen unteren Kreide. Zeitschrift der Deutschen geologischen Gesellschaft 35:735-827
  14. S. Hua, P. Vignaud, F. Atrops and A. Clément. 2000. Enaliosuchus macrospondylus Koken, 1883 (Crocodylia, Metriorhynchidae) du Valanginien de Barret-le-Bas (Hautes Alpes, France): un cas unique de remontée des narines externes parmi les crocodiliens. Geobios 33(4):467-474
  15. (en) M. T. Young, M. B. d. Andrade, J.-J. Cornée, L. Steel, and D. Foffa. 2014. Re-description of a putative Early Cretaceous "teleosaurid" from France, with implications for the survival of metriorhynchids and teleosaurids across the Jurassic-Cretaceous Boundary. Annales de Paléontologie 100(2):165-174
  16. (de) Fraas E. 1901. Die Meerkrokodile (Thalattosuchia n. g.) eine neue Sauriergruppe der Juraformation. Jahreshefte des Vereins für vaterländische Naturkunde, Württemberg 57: 409-418
  17. (es) Gasparini ZB, Dellapé D. 1976. Un nuevo cocodrilo marino (Thalattosuchia, Metriorhynchidae) de la Formación Vaca Muerta (Jurasico, Tithoniano) de la Provincia de Neuquén (República Argentina). Congreso Geológico Chileno 1: c1-c21
  18. (en) Frey, E., Buchy, M.-C., Stinnesbeck, W. & López-Oliva, J.G. 2002. Geosaurus vignaudi n. sp. (Crocodylia, Thalattosuchia), first evidence of metriorhynchid crocodilians in the Late Jurassic (Tithonian) of central-east Mexico (State of Puebla). Canadian Journal of Earth Sciences 39: 1467–1483
  19. (en) Buchy, M.-C., Vignaud, P., Frey, E., Stinnesbeck, W. & González, A.H.G. 2006. A new thalattosuchian crocodyliform from the Tithonian (Upper Jurassic) of northeastern Mexico. Comptes Rendus Palevol 5 (6): 785-794
  20. (en) Gasparini Z., Iturralde-Vinet M. 2001. Metriorhynchid crocodiles (Crocodyliformes) from the Oxfordian of Western cuba. Neues Jahrbuch für Geologie und Paläontologie, Monatshefte 9: 534–542
  21. (en) Andrade MB, Young MT. 2008. High diversity of thalattosuchian crocodylians and the niche partition in the Solnhofen Sea. The 56th Symposium of Vertebrate Palaeontology and Comparative Anatomy]
  22. (en) Dietl G, Dietl O, Schweigert G, Hugger R. 2000. Der Nusplinger Plattenkalk (Weißer Jura zeta) - Grabungskampagne 1999
  23. (en) Y. Herrera, M.S. Fernandez, S.G. Lamas, L. Campos, M. Talevi et Z. Gasparini, « Morphology of the sacral region and reproductive strategies of Metriorhynchidae: a counter-inductive approach », Earth and Environmental Science Transactions of the Royal Society of Edinburgh,‎ , p. 1–9 (DOI 10.1017/S1755691016000165, lire en ligne)
  24. (en) Young MT. 2007. The evolution and interrelationships of Metriorhynchidae (Crocodyliformes, Thalattosuchia). Journal of Vertebrate Paleontology 27 (3): 170A.
  25. (en) Andrea Cau; Federico Fanti, « The oldest known metriorhynchid crocodylian from the Middle Jurassic of North-eastern Italy: Neptunidraco ammoniticus gen. et sp. nov. », Gondwana Research, vol. 19,‎ (DOI 10.1016/j.gr.2010.07.007)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Références taxinomiques[modifier | modifier le code]

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]