Discussion:Conciliation en France

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Conciliateur de justice : médiateur, juge ou « faiseur de paix »?[modifier le code]

Le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 instituant les conciliateurs, devenus de justice en 1996 et donc auxiliaires de justice bénévoles assermentés, définit dans son article 1ier, leur mission en matière de conciliation conventionnelle consistant « à faciliter le règlement amiable des différents portant sur des droits dont les intéressés ont la libre disposition ».

Il s’agit d’une définition très large, donnant de la souplesse dans l’exercice de cette mission de « bons offices » du conciliateur de justice et conforme à la volonté des rédacteurs du décret précité de mettre en place une procédure informelle dans le règlement amiable des « petits litiges notamment de voisinage », facilement accessible pour tous les justiciables. Bref, une version « modernisée » mais amoindrie de « feu » le juge de paix disparu lors de la réforme judiciaire de 1958, la notion de justice de proximité se substituant à celle de justice de paix....

A noter que le conciliateur de justice a été institué par décret et non par une loi organique ni ordinaire, ce qui rend sa place au sein de l’institution judiciaire très fragile.....même si le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 fait une avancée importante en consacrant le rôle du conciliateur dans le Code de procédure civile.

Mais aujourd’hui, face aux contentieux de plus en plus complexes (si « les petits litiges » le restent s’agissant de leur montant, ils ne le sont de moins en moins en droit...) mais aussi au développement et à la professionnalisation des autres modes de règlements amiable des litiges, notamment la médiation, la définition de la mission du conciliateur n’est-elle pas devenue floue voir ambiguë ?

Est-il médiateur, juge de paix ou de proximité sans pouvoir juridictionnel, « faiseur de paix » ? voir conseiller juridique ou médiateur social? De l’imprécision dans les définitions nait la confusion des rôles avec un risque d’insécurité juridique voir de dérive......

S’agissant de la médiation [1], elle est mise en œuvre par des professionnels de la négociation mais aussi du droit (médiateurs diplômés, avocats, notaires, huissiers formés à la médiation) et tend à « prendre le pas » sur la conciliation mais aussi sur le conciliateur de justice dont le statut de bénévole peine à s’adapter aux nouveaux enjeux de la justice.

Hélas, il est vrai que la conciliation a toujours été, selon l’expression du Professeur Jacques POUMAREDE, « la mal aimée des juges ».

Il paraît nécessaire que dans le cadre de la réflexion qui s’ouvre sur la justice du XXIième siècle et l'incitation au recours des modes alternatifs de règlement des conflits ou des litiges (MARC/MARL), de redéfinir la fonction du conciliateur, soit médiateur (B), soit juge conciliateur ou juge de paix (C) afin de le doter d’un statut juridique adapté, celui de 1978 modifié en 1996 apparaissant comme hybride voir ambigu (A).

A/ Le statut actuel du conciliateur : un statut hybride voir ambigu, celui d’auxiliaire de justice bénévole :

En accordant aux conciliateurs devenus « de justice » la qualité d’auxiliaire de justice, l’article 1er du décret n° 96-1091 modifiant le décret du 20 mars 1978 instituant les conciliateurs, leur a donné un statut hybride voir ambigu.

En effet, le conciliateur se rapproche à la fois d’un médiateur indépendant, auxiliaire de justice pour la conciliation extrajudiciaire sur saisine directe du justiciable mais sans en avoir la formation ni les moyens mais aussi d’un juge sans pouvoir juridictionnel pour les conciliations judiciaires sur délégation expresse du juge d’instance ou du juge de proximité et sous leur tutelle mais sans en avoir ni l’autorité ni toutes les connaissances notamment en matière juridique.

Quant à ses prérogatives, le conciliateur ne dispose d’aucun pouvoir de droit mais, selon le Professeur JESTAZ, « ... de prérogatives de pur fait dont tout à chacun dispose déjà de par la Déclaration des Droits, laquelle permet ce que la loi n’interdit pas » [2]

Par ailleurs, face à la multiplication des intervenants dans le domaine juridique, les justiciables éprouvent des difficultés à identifier la nature exacte de la fonction du conciliateur  : médiateur social ou de quartier relevant de l’autorité du maire ou intégré à un centre de médiation indépendant ? Délégué du Défenseur des Droits ? Juge de proximité ? Conseiller juridique ou avocat ? Arbitre privé ?

Pour une meilleure compréhension de sa fonction, il conviendrait de trancher le débat entre ces deux conceptions du rôle du conciliateur (médiateur, auxiliaire de justice indépendant ou juge de paix relevant de l'autorité judiciaire) afin de le doter d’un statut adapté lui permettant d’exercer sa mission efficacement, soit au sein d’un centre de médiation indépendant, soit au sein du service public de la justice en renforçant son rôle et ses prérogatives.

B/ Soit le conciliateur de justice devient médiateur répondant aux critères de la directive européenne de 2008 :

Il pourrait être rattaché, soit aux collectivités locales ou à un centre de médiation indépendant :

Rattaché à la commune et relevant de l’autorité du maire, le conciliateur ne serait compétent qu’en matière de conciliation extrajudiciaire, la conciliation judiciaire lui étant alors retirée et relèverait de la compétence exclusive du juge sans délégation possible au conciliateur devenu médiateur en vertu du respect du principe de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire.

Il est à noter que le retrait des conciliations judiciaires déléguées aux conciliateurs par les tribunaux d’instance et les juridictions de proximité, ne changerait pas grand-chose à la situation actuelle, celles-ci ne représentant que 10% du total de nos saisines car beaucoup de magistrats y étant pas ou peu favorables estimant, soit que le conciliateur manque de compétence et/ou que cela les dépossède d’une partie de leurs prérogatives.

Rattaché à un centre de médiation indépendant sous condition d’expérience et de formation en médiation, le conciliateur devenu médiateur pourrait se voir confier les délégations judiciaires de tentative de conciliation.

L’accès gratuit des justiciables les plus modestes à la médiation serait garanti en cas de médiation judiciaire, par le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ou partielle en fonction de leur revenu et en cas de médiation extrajudiciaire, par des tarifs progressifs tenant compte de leur revenu.

C/ Ou bien, il devient juge de paix ou juge conciliateur, magistrat non professionnel intégré à l'institution judiciaire :

Le conciliateur deviendrait magistrat non professionnel en fusionnant avec le juge de proximité, intégré aux tribunaux d’instance [3] et doté de pouvoirs juridictionnels limités [4] (pouvoir de convocation-information et d’homologation) en matière de conciliation extrajudiciaire mais aussi judiciaire, cette dernière devenant un préalable obligatoire (comme devant le bureau de conciliation du CPH) devant le tribunal d’instance et mise en œuvre par ce nouveau juge conciliateur.

Ce nouveau juge ne constituerait pas une nouvelle juridiction contrairement aux juridictions de proximité (supprimées au 1ier janvier 2015), mais ferait partie intégrante du Tribunal d’instance, juridiction de proximité naturelle, en y jouant un rôle renforcé.

Dans la pratique de certains d’entre nous, le conciliateur est de facto, en partie « juge de paix » notamment en expliquant, de manière objective, le cadre juridique du litige aux parties mais sans pouvoir de dire le droit.

Ce nouveau statut de magistrat non professionnel à compétence juridictionnelle limitée (proche de celui des conseillers prud'hommaux devant le bureau de conciliation) permettrait une meilleure reconnaissance de notre fonction mais aussi de sortir de « l’impasse actuelle de notre statut » notamment concernant l’indemnisation de nos frais et le régime de notre responsabilité civile peu protecteur .

Sur l’indemnisation correcte de nos frais : ce nouveau statut répondrait à l’argument du Ministère de la Justice qui s’oppose à toute revalorisation substantielle de notre indemnité pour frais, au motif notamment « ...que cela pourrait constituer un gain de nature à concurrencer les professions offrant des services de même nature..... » [5]

Sur le régime de notre responsabilité civile : un statut de magistrat non professionnel permettrait au conciliateur de bénéficier de la protection judiciaire accordée à tout magistrat en ce domaine, sans avoir à financer une assurance personnelle.

En conclusion, doit-on ou non, maintenir le conciliateur au sein du service public de la justice ?

Oui, certainement notamment pour garantir l’égalité d’accès des citoyens à une justice non contentieuse gratuite, mais aussi les associer à l’œuvre de justice et ainsi les rapprocher de l’institution judiciaire. L’institution du conciliateur de justice constitue l’un des liens entre citoyenneté et justice qu’il convient de préserver mais aussi de renforcer.

Mais cela suppose une modernisation de son statut actuel ancien afin de le rendre plus attractif en terme de recrutement et de représentativité de l'institution(plus de 95 % des conciliateurs sont retraités et à peine 2 % en activité professionnelle salariale sans crédit d'heures d'absence en entreprise pour l'exercice de cette fonction judiciaire), plus crédible à l’égard des professionnels du droit mais aussi de distinguer plus clairement conciliation et médiation conventionnelles dont le régime juridique est en voie d’uniformisation (6).

C’est à ce prix que le conciliateur sera mieux reconnu et intégré au sein du service public de la justice, ce qui est loin d’être le cas.....

Christophe M. COURTAU - Diplômé d'études supérieures en droit de l'Université Paris Panthéon-Sorbonne - Conciliateur de Justice


'Management, échanges professionnels Forum conciliateur de justice et justice de proximité....'

[1] Consacrée par la Directive UE 2008/52/CE du 21 mai 2008 relative à certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. Elle omet la conciliation judiciaire et extra judiciaire, spécificités de notre procédure civile

[2] Revue Trimestrielle de Droit Civil, 1978, p.755

[3] « Une justice de proximité en retrait face au développement des modes alternatifs au règlement des litiges ? », par Ch. Mollard-Courtau in revue Gazette du Palais, étude J0049, juillet 2012

[4] « Conciliation et médiation : une fusion inéluctable consécutive à l’uniformisation de leur régime juridique » par Ch. Mollard-Courtau www.village-justice.com du 24 juillet 2013

[5] Réponse du Ministère de la Justice publiée au J.O. du 25 décembre 2012 à une question écrite posée par le député J.L. CHRIST sur le statut des conciliateurs

[6] La fusion entre conciliation et médiation conventionnelles pour sortir de la confusion - Ch. M. Courtau in La Revue Experts Judiciaires Oct. 2015, n° 122 p. 4

Conciliateur de justice du XXIème siècle : entre enthousiasme, réalité, immobilisme et questionnement[modifier le code]

Par Christophe M. COURTAU Diplômé d’études supérieures en droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Conciliateur de Justice près le Tribunal d’Instance de Versailles


« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? ». Extrait de Barbe Bleue, les Contes de Ma Mère l’Oye, de Charles Perrault.

Le débat ouvert en 2014, à l’initiative du gouvernement, sur la justice du XXIème siècle impliquant l’ensemble des acteurs du service public de la justice, n’aurait-il « accouché que d’une souris voir d’une souricette » s’agissant, notamment des modes alternatifs de règlement des différends (M.A.R.D.s) ?

Le projet de loi n° 661 portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle [1] déposé au Sénat, le 31 juillet 2015 et adopté en 1ère lecture le 5 novembre dernier, comporte différentes mesures relatives à la conciliation et au conciliateur : l’article 3 impose une tentative de conciliation obligatoire conduite par un conciliateur de justice préalablement à toute saisine du tribunal d’instance ou de la juridiction de proximité mais sans repenser son statut ni sa place au sein de la justice de proximité, dont les juridictions éponymes doivent disparaître le 1er janvier 2017.

Ce projet de loi s’inscrit dans la suite logique de 2 autres textes importants : d’une part, le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends imposant à tout justiciable de justifier dans l’acte introductif d’instance, de « ses diligences aux fins de tentative de règlement amiable de son différend », formalité non prescrite à peine de nullité [2] ; d’autre part, l’ordonnance 2015-1033 du 20 août 2015 transposant la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 sur le règlement extra-judiciaire des litiges de consommation (R.E.L.C) [3] qui impose à tous les professionnels de proposer aux consommateurs une procédure de médiation gratuite en cas de litiges les opposants ; Un décret récent du 30 octobre 2015 précise notamment, la mission du médiateur de la consommation [4].

Si les modes amiables constituent, à l’évidence, un « outil » supplémentaire pour résoudre certains litiges, ils ne seront jamais, selon le Premier Président de la C.A de Bordeaux, Dominique Ferrière, « un mode de désengorgement des juridictions", ce qui tempère l’enthousiasme voir l’engouement immodéré de certains, pour le recours systématique aux modes alternatifs de règlement des litiges » [5].

Le débat sur la justice du XXIème dans son volet relatif à la promotion des modes amiables, a éludé 4 interrogations majeures : l’offre « pléthorique » des M.A.R.D.s notamment à l’accès gratuit concurrençant la conciliation conventionnelle également gratuite ; l’opportunité d’instituer une tentative de conciliation obligatoire préalable à la saisine du tribunal d’instance en contradiction avec la nature volontaire de tout processus amiable ; la notion ambigüe et erronée de « petits litiges » éligibles aux modes amiables ; enfin, le statut du conciliateur de justice inadapté aux nouvelles attributions ambitieuses accordées à ce dernier.

1/ Sur le développement des modes amiables gratuits concurrençant la conciliation conventionnelle : beaucoup de confusion.

Si lors de sa création en 1978, le conciliateur, devenu de justice en 1996, bénéficiait du monopole de l’accès gratuit en matière de conciliation conventionnelle des litiges du quotidien relevant du droit privé, ce n’est plus le cas aujourd’hui. En effet, d’autres institutions publiques ou privées ont mis en place des procédures de règlement amiable des différends à l’accès également gratuit : on peut citer notamment : la médiation en matière de consommation à l’accès gratuit qui vient d’être étendue à tous les secteurs de la consommation par l’ordonnance précitée ; les correspondants ou médiateurs locaux financés par les villes dans le cadre des C.L.S (contrat local de sécurité) intervenant notamment pour les troubles de voisinage ; les conciliateurs bénévoles nommés par certains maires chargés des troubles de voisinages et du stationnement ; les bailleurs sociaux qui mettent en place un service de médiation notamment pour les litiges entre locataires et/ou un tiers ; les commissions départementales de conciliation pour les litiges opposant les propriétaires et locataires (C.D.C) ; les maires qui disposent d’un pouvoir de rappel à l’ordre en matière de troubles à la tranquillité publique (article L 2212-2-1 du C.G.C.T) ; les associations de consommateurs qui conseillent mais aussi tentent de négocier pour leurs adhérents en contrepartie d’une adhésion annuelle modique ; Enfin, les citoyens bénévoles volontaires de la Police Nationale ayant un rôle de médiation sociale mis en place depuis 2007.

Les justiciables ne savent plus vers quel interlocuteur se tourner sauf à s’informer auprès de leur assureur protection juridique ou un professionnel du droit réglementé ; en matière de simplification de l’accès au droit, on peut faire mieux…

2/ Sur le projet de tentative de conciliation préalable obligatoire pour les litiges du quotidien : une mesure contraire à la nature même de tout mode amiable fondé sur l’accord des parties.

Certes, notre procédure judiciaire connaît, mais de manière exceptionnelle, la conciliation préalable obligatoire avant toute saisine du juge notamment en matière prud’homale (saisine obligatoire du bureau de conciliation préalablement au bureau de jugement) avec un taux de succès très faible (moins de 10% de conciliation) mais aussi devant le J.A.F dans le cadre d’une procédure de divorce (tentative de conciliation souvent formelle faute de temps).

En effet, une telle obligation est contraire à la nature même de tout processus amiable fondée sur le consentement libre et éclairé des parties. Bref, pas de contrainte mais une acceptation des parties à tout processus amiable. Selon les termes de Fabrice Vert, conseiller à la cour d’appel de Paris et chargé de la coordination des modes de règlement amiable dans cette juridiction, « …..la réussite du processus de médiation suppose que des parties soient d’abord convaincues de l’intérêt même de la médiation pour trouver un bon accord. Si l’audition est contrainte, ce ne sera qu’un passage obligatoire purement formel qui ne donnera pas plus de résultats que les tentatives préalables obligatoires de conciliation devant les Conseils des Prud’hommes ou le Tribunal » [6].

Il est à craindre que cette tentative préalable de conciliation devenant obligatoire avant toute saisine du tribunal d’instance ou de la juridiction de proximité, ne devienne qu’une simple formalité vidée de toute sa substance pour certains justiciables ne souhaitant pas concilier. Cela est parfois, déjà le cas, pour le décret du 11 mars 2015 précité, certains justiciables nous saisissant en conciliation conventionnelle juste pour « obtenir, sur les conseils de leur avocat ou de leur protection juridique, un document de non conciliation » afin de satisfaire à l’exigence issue de ce décret, de justifier dans l’acte de saisine de la juridiction, « de ses diligences aux fins de tentatives de règlement amiable de son différend » .


3/ Sur la notion inexacte de « petits litiges » du quotidien éligibles aux M.A.R.Ds : la confusion entre son faible montant, son ressenti par la victime et sa qualification juridique.

D’abord, le terme « petit litige » n’est pas une notion définie expressément par notre droit positif : l’article 1ier du décret du 20 mars 1978 modifié en 1996 instituant les conciliateurs de justice utilise le terme de « règlement amiable des différends » sans utiliser l’adjectif « petit ». Le C.P.C prend en compte le montant du litige uniquement pour déterminer d’une part, la compétence matérielle des juridictions civiles (jusqu’à 4.000 € pour la juridiction de proximité, de 4.001 € à 10.000 € pour le tribunal d’instance et plus de 10.000 € pour le tribunal de grande instance) et d’autre part, le recours ou non à la voie de l’appel (taux de ressort : plus de 4.000 € en matière civile, commerciale et prud’homale).

Ensuite, un litige « petit » par son montant n’est pas synonyme de qualification juridique simple car il peut poser une question de droit difficile, notre droit positif (interne et européen) devenant de plus en plus complexe (règles de preuve, droit de la consommation, résolution/résiliation d’un contrat, reconnaissance de dette, inconvénient anormal de voisinage, responsabilité civile délictuelle, quasi contrat….) étant source de nombreuses difficultés ou pièges juridiques.

Enfin, un litige quel que soit son montant même minime, n’est jamais un « petit litige » pour le justiciable qui en est victime et cela nous l’avons tous constaté dans notre pratique quotidienne. Un litige qui paraît « dérisoire » à celui qui ne le subit pas, peut avoir des répercussions psychologiques et physiques désastreuses pour la ou les victimes.

Réserver les modes amiables aux « petits litiges » et donc à une solution en équité, notion floue par nature et les « grands litiges » au règlement juridictionnel et à une solution en droit, repose non seulement sur des notions inexactes mais aussi pouvant conforter les justiciables dans l’idée d’une justice à « 2 vitesses » ;

4/ Enfin, sur le statut inadapté du conciliateur de justice : le constat alarmant dressé dans le rapport du Sénat sur le projet de loi J21.

Le rapport fait par le sénateur Detraigne, au nom de la commission des lois sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle [7] s’il loue les avantages indéniables de la conciliation et le dévouement des conciliateurs, dresse aussi un constat alarmant sur la fonction du conciliateur.

Il insiste sur « le pari risqué d’une telle mesure (la tentative préalable obligatoire de conciliation prévue à l’article 3 du projet de loi) » en s’interrogeant sur « la capacité pour les conciliateurs de justice d’absorber le surplus d’affaires qui leur seraient ainsi confiées » mais aussi évoque les points suivants :

  • L’âge des conciliateurs qui augmente : « ......La moyenne d’âge se situe entre 66 et 70 ans, mais 17,5 % des conciliateurs ont plus de 76 ans » ;
  • L’absence de mixité des profils des conciliateurs : « Quasiment tous les conciliateurs sont retraités. Ce mode de recrutement ne favorise pas une mixité des profils, alors même que les contentieux exigent des compétences diversifiées. » ;
  • Un recrutement de plus en plus difficile : « … les acteurs déplorent la difficulté à susciter des vocations pour une fonction exigeante en termes de compétences, sans attrait financier, peu connue et manquant à l’évidence de reconnaissance. » ;
  • Une formation non obligatoire et insuffisante : « En outre, avec la généralisation de la tentative de conciliation préalable, se pose la question de la formation des conciliateurs » ;
  • Enfin, des propositions de la Garde des Sceaux jugées insuffisantes pour susciter des vocations : « ..... Certes, une amélioration des conditions de leur défraiement, qui ne permettent pas actuellement de couvrir les frais engagés, ainsi qu’une amélioration de leurs conditions matérielles d’exercice, comme l’a annoncé Mme Christiane Taubira, ministre de la justice, lors de son audition par votre commission, pourrait constituer une incitation à se porter candidat à ce type de fonctions mais votre rapporteur doute que cela suffise.  ».

L’institution du conciliateur et de la conciliation, héritière des juges de paix de 1791, piliers de la justice de proximité citoyenne notamment au 1er janvier 2017, mérite mieux que son statut actuel. La création d’un conciliateur juge de proximité à compétence juridictionnelle limitée qui a été proposée dans le dernier rapport du ministère de la Justice [8], exprime une volonté de renouveau et de modernité de cette institution.

Notes bibliographiques:

[1] Article 3 du projet de loi n° 661 disposant que : « A peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office, la saisine de la juridiction de proximité ou du tribunal d’instance selon les modalités prévues à l’article 843 du code de procédure civile doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf : 1° Si les parties sollicitent conjointement l’homologation d’un accord ; 2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ; 3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime ; 4° Si cette tentative de conciliation risque, compte tenu des délais dans lesquels elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable ».

[2] Articles 56 et 58 du C.P.C issus du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends.

[3] Le nouvel article L. 152-1du Code de la consommation issue de ordonnance 2015-1033 du 20 août 2015 dispose que « tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel. »

[4] Décret n° 2015-1382 du 30 octobre 2015 relatif à la médiation des litiges de la consommation.

[5] Audience solennelle de rentrée cour d’appel de Bordeaux 2015 in Journal des Annonces de la Seine, n° 6 du jeudi 12 février 2015.

[6] La tentation de la médiation obligatoire par Fabrice Vert, in Gazette du Palais édition professionnelle des 17 et 18 janvier 2014, Doctrine page 11.

[7] Rapport n° 121 du 28 octobre 2015 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle.

[8] Rapport de l’Inspection Générale des Services Judiciaires sur le développement des M.A.R.D d’avril 2015 (n°22-15) in www.justice.gouv.fr.

Déroulement de la conciliation[modifier le code]