Discussion:Laurent Guyard

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La Biographie universelle, ancienne et moderne, ou Histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes a été publiée par Joseph Fr. Michaud et Louis Gabriel Michaud, chez Michaud frères, au début de la Restauration. Voici ce qu'elle dit sur notre artiste en 1817, c'est-à-dire un peu plus d'un quart de siècle seulement avant le Bouillet, dans son Tome 19, à la page 242 :

GUYARD (LAURENT), statuaire, né, en 1723, à Chaumont en Bassigni, annonça de bonne heure d'heureuses dispositions pour les arts. A l'âge de neuf à dix ans, ses parents, peu favorisés de la fortune, le placèrent chez un maréchal ferrant. Ce fut là que commencèrent ses premiers essais. Un jour qu'à l'aide d'un charbon de la forge, il avait tracé sur le mur l'ombre d'un cheval retenu dans le travail, Voltaire et madame du Châtelet, venant à passer, virent cette esquisse et encouragèrent l'auteur par des éloges : Guyard, dans l'enthousiasme, supplia son père de le mettre à portée de suivre son penchant naturel. Ayant été confié aux soins de Laitier, peintre qui demeurait à Chaumont, il fit, en peu de temps, de rapides progrès ; mais préférant la sculpture à la peinture, il changea de maître, et entra chez un sculpteur en ornements, nommé Landsmann, élève de Bouchardon père.

Les succès qu'il obtint dans cette nouvelle carrière, le déterminèrent à venir à Paris où, muni d'une recommandation de Bouchardon, pour son fils, déjà célèbre, il fut admis par ce dernier au nombre de ses élèves. Quoique contrarié par l'infortune, et obligé, pour subsister, de se livrer souvent à des travaux qui retardaient ses progrès, notre jeune artiste parvint cependant, en 1750, à remporter le grand prix de sculpture. Jaloux de connaître à fond les formes et surtout l'anatomie du cheval, l'une des parties essentielles de l'art du statuaire, il profita du séjour de trois ans que les élèves pensionnaires faisaient à Paris avant leur voyage à Rome pour se livrer à cette étude particulière ; et l'on peut dire qu'il y acquit de grandes connaissances. C'était à Versailles, dans les écuries de la cour, qu'il avait établi son atelier, et à l'époque où la ville de Paris, désirant élever une statue équestre à la gloire de Louis XV, avait choisi Bouchardon pour son exécution.

Quoiqu'il n'eût point la prétention de lutter contre son maître, Guyard ne put résister à l’envie de s'exercer sur ce sujet: il y réussit au point que son modèle fut exposé dans la grande galerie, le jour de la Saint-Louis. Le roi, l'ayant aperçu en passant, s'était arrêté pour le louer, et fit même l'observation que la figure était campée sur le cheval avec beaucoup de grâce. Il n'en fallut pas davantage pour que les courtisans criassent au miracle, et trouvassent le projet de l'élève bien supérieur à celui du maître. Mme de Pompadour, alors toute-puissante, résolut même d'engager le roi à charger Guyard de l'exécution de ce monument. Cependant la justice ayant repris ses droits, et Guyard ayant concouru lui-même à la faire rendre à son maître, Bouchardon continua son travail : mais il en garda toujours une sorte de rancune contre son élève, rancune qui devint souvent préjudiciable à ce dernier. M. de Marigny, qui avait été le prôneur le plus ardent de Guyard, devint aussi, à ce sujet, un de ses plus violents persécuteurs, et le contraignit, après une vive opposition, à détruire son propre modèle. Mais les fragments en ayant été, dit-on, recueillis et réunis par les amis de l'auteur, le modèle fut moulé et courut tout Paris.

Menacé de perdre sa pension, Guyard vint à bout, à l'aide de ses protecteurs, de conjurer l'orage et partit pour Rome. Mais à l'expiration de ses quatre années, il n'obtint pas la permission de revoir sa patrie, et vécut en Italie comme dans une espèce d'exil. Chargé par M. Bouret, fermier-général et amateur des arts, de copier plusieurs statues antiques, telles que l'Apollon du Belvédère, le Gladiateur, l'Amour et Psyché, les honoraires qu'il en attendait se trouvèrent confiés à des mains infidèles : ce contre-temps le réduisit à un tel dénuement, qu'il ne se nourrit, pendant plusieurs jours, que de quelques grappes de raisin, que l'un de ses élèves lui apportait de la campagne. S'étant livré alors au désespoir, il résolut de se laisser mourir de faim. Une femme qu'il aimait, instruite de son dessein, vint à propos le consoler,et lui prodiguer des secours, qui le mirent à portée même de revoir sa patrie. De retour à Paris, en 1767, le premier soin qui l'occupa fut l'exécution d'une figure, pour se faire agréer à l'académie ; il choisit, pour son sujet, le dieu Mars en repos.

Quoiqu'il y eût beaucoup de mérite dans cette figure, l'académie la refusa. M. de Marigny n'avait point oublié que Guyard avait osé lui tenir tête, à une époque où cet artiste lui était entièrement subordonné. Pigalle, et quelques autres de ses confrères, ne l'aimaient pas : ces raisons étaient plus que suffisantes pour qu'on le traitât avec sévérité. Indigné de ce refus, Guyard écrivit une diatribe contre ses juges, et se ferma ainsi pour toujours les portes de l'académie. Cependant il avait encore des amis à Paris, ainsi que de nombreux partisans. M. de Choiseul, le cardinal de Bernis, M. de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen, Mme Geoffrin, ne cessèrent point de lui donner des marques d'estime et d'intérêt. Vers cette époque le grand Frédéric le fit solliciter de venir à Berlin. Dans le même temps, Ferdinand, duc de Parme, qui connaissait ses talents par un groupe d'Énée et d'Anchise, dont il avait fait l'acquisition, l'invita de venir se fixer dans ses États : la beauté du climat détermina Guyard en faveur de cette contrée. Ce prince, ami des arts, s'empressa de dédommager l'artiste des injustices qu'il avait éprouvées en France ; il le combla d'honneurs, et le chargea même, à différentes époques, de négociations importantes avec la cour de Rome.

Ce fut à peu près dans le même temps, que les académies de Bologne, de Padoue et de Parme, s'empressèrent de l'admettre dans leur sein. Il vivait paisiblement, depuis environ douze ans, dans cette honorable retraite, lorsque l'abbé de Clairvaux résolut d'élever dans son abbaye un monument à saint Bernard, et sollicita Guyard d'en entreprendre l'exécution. S'étant rendu à Clairvaux, en 1782, avec la permission du duc de Parme, il y passa une année entière à composer un modèle en petit : la conception ne lui fit pas moins d'honneur que l'exécution. De retour en Italie, il travailla, pendant plusieurs années, avec une ardeur peu commune : déjà plusieurs des figures de son grand monument étaient finies, et transportées à Clairvaux, lorsqu'en 1788 la mort le surprit à Carrare, où il avait établi son atelier. Entre autres ouvrages que l'on connaît de Guyard, on distingue le modèle du mausolée de la princesse de Gotha, qu'il fit à Paris avant son départ pour Parme.

En général, le caractère du talent de cet artiste est le sentiment et l'expression, plutôt que la correction et la pureté des contours : sa manière tient un peu de celle du Puget. Il travaillait, comme lui, le marbre avec une grande facilité. Sensible, désintéressé, noble dans ses procédés, généreux jusqu'à la prodigalité, Guyard était fier et même irascible, et ne mettait pas toujours dans la discussion cette modération, qui annonce un homme maître de lui-même, et un caractère conciliant. Enthousiaste des arts, plein de verve, il avait une tournure d'esprit originale et piquante. Il existe une Notice, in-8°, assez étendue sur cet artiste, par M. Vamey, imprimée à Chaumont, en 1806, et qui a été lue à la société des sciences et arts de la Haute-Marne.