Discussion:Théâtre de l'Avenue

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En quelle année a été donné cette pièce?[modifier le code]

CHRONIQUE DES SPECTACLES DE PARIS Théâtre de l'Avenue : Terre d'Israël, pièce nouvelle en 3 actes de MM. Edouard Helsey et Jean Botrot. Mise en scène de M. Pierre Aldebert. Maquettes de M. Claude Franc-Nohain. Terre d'Israël est une pièce fort intéressante et très bien jouée. Mlle Kloukowsky y est remarquable de jeunesse ardente, passionnée, fervente dans le rôle de la jeune Sara et toute une jeune troupe masculine brillante, de talents divers, tient les nombreux rôles de tous les âges avec fougue et donne au dialogue excellent un mouvement de premier ordre. M. F. Helsey est, on le sait, un reporter de grande classe et le récent recueil de son enquête journalistique en Palestine intitulé L'An dernier à Jérusalem a remporté un vif succès. Cette curieuse question du « sionisme » avait déjà tourmenté M. Pierre Benoit, et son curieux roman Le Puits de Jacob –– d'où l'on tira un beau film – contenait déjà l'évocation de ces milieux si particuliers où certaines âmes, encore bibliques, poursuivent avec le courage d'une foi tenace un idéal peut-être irréalisable en notre temps. On sait que la première idée du sionisme, celle qui prit son essor grâce à la générosité du baron Edmond de Rothschild, était de donner asile, en des fermes de Palestine, aux juifs persécutés, affamés et échappés aux massacres et aux pogroms de l'Europe centrale et de la Russie. Cette grande idée de donner là une terre et un refuge secourable à ceux sur lesquels le mauvais sort s'acharnait aurait, il me semble, dû seule se développer, s'affermir grâce à des concours toujours trouvés et à des bienfaisances toujours prêtes. Mais, Théodore Hertzl vint – les faits divers, par une curieuse coïncidence, annonçaient la mort, le suicide de son fils au moment même où Terre d'Israël fut jouée pour la première fois.– Et la grande folie, de cet apôtre enthousiaste fut de vouloir regrouper en Palestine tout le peuple d'Israël, dispersé dans l'univers. Cette étrange conception parut d'abord insensée, puis grandiose : l'idée utile et charitable qui avait d'abord été la base normale, ingénieuse, juste du sionisme se transformait en utopie et comme toutes les utopies elle enflamma les imaginations et séduisit les cœurs. Des énergies vivaces créèrent pour les juifs des « colonies nationales » en Galilée, en Judée, en Samarie. Et puis l'étonnant Elianoff, surnommé Béniouda (fils de Juda), entreprit de refaire de l'hébreu une langue vivante. Le sol, le langage... déjà la patrie. Après la guerre de 1914, appuyé par l'Angleterre, le sionisme s'étendit avec une extrême rapidité. Des sommes énormes furent données et réunies pour acheter des terres et constituer un « fonds national ». Mais la perspective d'aller vivre en Palestine ne séduisit pas sans exception tous les juifs, même malheureux. C'est ce conflit de foi, de désirs ct d'espoirs qui est à la base du drame humain, simple et vrai imaginé par MM. Helsey et Botrot et qui font de leur pièce une œuvre forte, originale et captivante. Elle nous mène d'abord devant le célèbre Mur des Lamentations à Jérusalem. De vieux rabbis l'inondent de leurs larmes et de leurs prières. Ils ont des types et des costumes d'un pittoresque parfait. Rien de tels que les jeunes gens pour se grimer en vieillards. Ils y apportent un soin et une malice tout particuliers, Des femmes aussi se prosternent devant les pierres vénérables, gémissant, pleurant. Parmi elles est la charmante petite Sara, orpheline, élevée dans une école sioniste et prête à partir pour une colonie agricole, également sioniste. Elle porte encore le costume des écolières, uniforme presque de music-hall en sa brève simplicité : petite culotte courte de toile bleue, jambes nues dans des sandales, blouse de toile, et sur les beaux cheveux un fichu noué sous le menton et dont la pointe retombe dans le dos. Devant ce mur on se querelle, on se chamaille. Les Arabes doivent venir réparer les pierres branlantes. Les vieux juifs poussent des hurlements de profanation. A nous, disent les Arabes, car il dérobe aux regards impies la sainte mosquée d'Omar Un jeune officier anglais essaie, non de les mettre tous d'accord, ce qui est impossible, mais de donner à chacun des marques de protection suffisantes pour les apaiser au moins momentanément. Les jeunes gens sionistes, au drapeau blanc et bleu, au costume sain et gai de boy scouts, viennent à leur tour prêcher les vieux juifs, entêtés dans leur mendicité et leurs lamentations toutes remplies de vociférations antiques et de prophéties toujours actuelles. Venez chez nous, lisent les jeunes. Vous aurez le pain et la paix. Mais les vieillards sont courroucés par ces nouveau les inadmissibles, et entre juifs également, entre vieux et jeunes, on ne s'entend pas non plus. Le jeune officier anglais a mené avec lui, pour contempler ces scènes pittoresques, un jeune négociant français, Jacques Lebel, qui est marchand de drap d'Elbeuf et voyage en Palestine pour « affaires ». Ce jeune homme, israélite aussi, est léger et frivole. Tout ceci lui paraît plus comique que émouvant. Mais il est frappé par la grâce et la beauté de Sara. Il l'aborde, il lui parle, il l'interroge. Mais à son ton, à ses questions, à ses réponses, elle juge qu'il n'est pas « un bon juif » : il s'excuse, s'humilie, ne demande qu'à être converti par Sara. Que faut-il faire ? Commencer par prier, par se frapper le front sur le mur vénérable et habité des cris de tant de générations. Mais Jacques ne trouve aucune formule de prière et de foi et il se frappe le front avec une mollesse ridicule. Il ne sait qu'une chose : admirer Sara, lui dire qu'elle est belle et elle le fuit ayant l'habitude de mépriser tous ces séducteurs qui courent derrière sa jeunesse. Elle le fuit, mais un des vieux pleurards, à qui le jeune Anglais donne une livre, promet de savoir son adresse avant trois jours. Et sans doute a-t-il tenu sa promesse puisque au second acte Jacques et Sara sont mariés. Par amour pour Sara, Jacques l'a suivie dans la colonie agricole que dirige un Russe excellent et sioniste austère et fanatique, Staiëff. Sara est une travailleuse infatigable, Jacques fait ce qu'il peut, c'est-à-dire pas grand chose et fort paresseusement. Ses habitudes de confort moderne souffrent en cette colonie rudimentaire où tous travaillent si dur, couchent sur de pauvres paillasses et ne connaissent aucune des douceurs de la civilisation un peu raffinée. Il faut une grande foi pour illuminer une telle existence. Jacques a surtout l'amour. Mais il voudrait bien emmener sa Sara, retourner à Paris et ne pas être, à jamais, obligé de soigner les poules et de déchirer les télégrammes où on lui fait de si belles commandes de drap d'Elbeuf. Mais Sara est une sioniste fanatique. Elle ne quittera jamais la colonie. Tout cela est environné de scènes pittoresques, de l'arrivée d'un délégué faisant visiter les colonies sionistes à un journaliste américain et de différents incidents qui nous mettent bien « dans l'atmosphère ». Une dépêche – - encore une commande ? -- Non, mais l'annonce de la brusque mort du père de Jacques. Il faut donc que Jacques parte, qu'il revienne en France, à Paris. Après une lutte douloureuse, Sara consent à manquer à ses serments sionistes, à le suivre. Il est son mari et Staiëff lui-même, l'apôtre l'ami qui les chérit et les dirige, conseille à Sara ce départ. Mais ce départ sera retardé par une attaque de la colonie par une troupe arabe. Les péripéties d'un combat, les coups de feu, les cris et les émotions diverses, très bien réglés, terminent brillamment ce deuxième acte original et coloré. Mais c'est au troisième qu'éclate le vrai conflit, celui entre Sara et Jacques. Ce dernier, blessé dans le combat sauvé par le journaliste américain, a senti en guérissant que l'envahissait une nouvelle âme. Il a quitté la terre de Sion mais a emporté avec lui le sionisme brûlant. Alors que dans des expériences de nouvelle vie et les visions d'Europe el de Paris, Sara, intelligente et subtile, comprenait peu à peu tout ce qu'elle ignorait, Jacques, héritier de grosses affaires et d'une grande fortune, consacrait toute sa nouvelle puissance au sionisme bien-aimé. Et – ceci est fort profondément et finement indiqué – Sara devient jalouse de cette ardente conviction, de ce prosélytisme fiévreux qu'elle a pourtant éveillé elle-même dans le cœur de son mari. Et elle se détache de l'ancien rêve. D'ailleurs, l'injustice de la passion éclate dans beaucoup des bienfaits de Jacques. Il ne songe qu'à envoyer des colons en Palestine. Il cherche de l'argent de tous côtés. Il emploie Sara à cette quête. Un charmant vieux banquier vient la voir et lui donne un chèque en blanc pour l'œuvre. Elle l'interroge sournoisement. Et il lui avoue que s'il recommençait sa vie il ne croirait plus au sionisme. Or, Sara a grande estime et confiance en ce vieillard intelligent et généreux qui fut l'ami de Hertzl et un apôtre enthousiaste de la première heure. Cet aveu achève de l'éclairer. Déjà elle avait frémi lorsque son mari avait durement refusé de secourir un vieux juif polonais et sa fille parce que ceux-ci ne veulent pas partir pour la Palestine ; déjà elle avait senti l'injustice lorsque Jacques, tout à l'heure, avait refusé de rendre sa parole à un pauvre jeune homme dont il paya les dettes et sauva la situation en échange de la promesse de départ pour la colonie agricole. Cet homme, Yacoubovitch, a trouvé de nouveau une situation, un associé et compte se marier avec une femme qu'il aime. Devant ses chances revenues, il demande que Jacques lui rende sa parole, lui épargne ce départ. Féroce, Jacques refuse, exige. Alors, Yacoubovitch, résigné, désespéré, revient chercher son billet de bateau. Il est seul avec Sara, et Sara le délivre ; elle lui rend sa parole, le reçu de la somme qui l'a sauvé ; elle lui dit : « Mariez-vous et soyez heureux où bon vous semble... » Quand Jacques apprend par Sara ce qu'elle vient de faire, il sent monter en lui une fureur sacrée. Soit. Il partira, lui, à la place de Yacoubovitch. La scène est très belle, bien qu'elle s'exprime de la part de Sara par de petites larmes de femme et une sorte de rage d'enfant sans doute vraie, mais qui empêchent un peu ce dialogue entre deux époux et entre deux âmes devenues ennemies d'avoir sa signification tout à fait haute. Car il y a là le retournement dramatique de la situation de Paphnuce et de Thaïs. Thaïs convertie par le moine ne pense plus qu'à Dieu, lorsque Paphnuce, rejetant la foi, ne veut plus que Thaïs et la volupté. Ici, Jacques, converti par Sara, n'aime plus au monde que le sionisme, et l'ancienne naïve petite sioniste n'aime plus, avec Jacques, que la conviction, de plus en plus forte en elle, que l'on peut en tous lieux secourir ceux qui souffrent et qu'il ne faut pas les obliger à vivre où ils ne veulent pas. Elle se vouera à la cause des juifs, mais à sa manière et seule. L'amour et la croyance ! en un rêve, une fois de plus, sont désunis. J'ai déjà dit quelle artiste est la jolie et ardente Mlle Kloucowsky. Je veux nommer aussi, en les applaudissant, MM. Balpêtré (Staïeff excellent), François de Kerdec, charmant Nathan, amoureux de Sara ; Maurice Varny, très remarquable Jacques Lebel ; M. Ray Roy, très drôle en délégué et très bon en Vacoubovitch ; M. Pierre Geay, très bon Smoots : Mlle Debat, Golem, Garcia, Lopes ; M. Moreau, émouvant en divers vieillards successifs, et enfin tous les jeunes artistes qui ont représenté avec autant de vraisemblance que d'entrain des vieux israélites, des Arabes, etc., etc. Gérard d’Houville.--2.11.146.76 (discuter) 7 juin 2017 à 08:56 (CEST)[répondre]