Guerre colla-inca

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Guerre Colla-Inca
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Les seigneuries de l’Altiplano au moment de la conquête Inca
Informations générales
Date 1445–1450
Lieu Lac Titicaca
Casus belli Chuchic Capac prend le titre de Cápac Inca. Entrée des forces incas dans le territoire Kolla
Issue Victoire Inca. Fin de la domination Kolla dans l’Altiplano
Belligérants
Llaqta Colla Empire Inca
Commandants
Chuchic Capac Pachacutec

Batailles

Bataille d’Ayaviri

La guerre colla-inca oppose, entre 1445 et 1450, les Collas (Kollas) aux Incas. Elle voit l’entrée de l’Empire inca dans l’Altiplano andin[1]. Elle est l’une des premières grandes guerres de l’empereur inca Pachacutec[2],[3],[4].

L’Empire colla s’étend sur un territoire de plus de 800 000 km2. Les Collas ont des domaines sur la côte chilienne, dans le piedmont amazonien et dans les environs d’Arequipa[5].

Cette guerre fait suite à la conquête des territoires chancas. Elle accentue considérablement le pouvoir inca dans la région. Cependant le pouvoir impérial n’est pas bien consolidé puisque, sous les règnes de Pachacutec et de Tupac Yupanqui, cette région se révolte trois fois[6].

Antécédents[modifier | modifier le code]

Le premier conflit entre les Incas et les Collas a lieu durant le règne de Viracocha Inca. À cette époque, les Collas et les Lupacas se disputent la domination dans la région. Viracocha, qui a accordé son soutien aux deux puissances, fait en secret une alliance avec Cari, le seigneur de Lupaca. Le seigneur des Collas apprend cette alliance secrète et se dirige vers le territoire Lupaca avant que les Incas n’arrivent. Dans le même temps, Viracocha soumet les peuples Canchis et Canas[7],[1].

La bataille s’engage alors entre les Lupacas et les Collas. Finalement c’est Cari, le seigneur Lupaca, qui bat son ennemi. Viracocha se dirige vers la scène pour recevoir son allié. La réunion des deux alliés a lieu à Chucuito, la capitale Lupaca, où ils se jurent une paix éternelle en partageant un qero (vase) de chicha.

Déroulement[modifier | modifier le code]

Le lac Titicaca et les villes environnantes au début du XVe siècle. La capitale Colla est Atuncolla (Hatun Colla)

Les causes de la guerre ne sont pas très claires. D’après le chroniqueur et navigateur espagnol Pedro Sarmiento de Gamboa, il s’agit d’une agression Colla. En effet, le souverain Colla aurait, selon cet historien, pris le titre de Cápac Inca[8]. Ce titre, qui signifie « souverain Inca », ou « puissant Inca », est réservé à l’empereur Inca de Cuzco. Ainsi le fait que le Colla Cápac (« souverain Colla ») prenne ce titre indiquerait qu'une invasion de l’Empire inca a été prévue par les Collas. En revanche, Bernabé Cobo, missionnaire et chroniqueur espagnol, estime que la cause de la guerre est l’entrée des armées incas dans le territoire Colla[3]. L’ethno-historienne María Rostworowski, qui pourtant utilise les écrits de Sarmiento de Gamboa en abondance, note elle aussi qu’il s’agit d’une agression inca. Selon elle, « on ne peut croire que l’Inca ait pu s’aventurer dans des guerres lointaines sans avoir auparavant conquis Collao »[9].

Tandis que s’achève la reconstruction du Qoricancha, Pachacutec envoie une armée commandée par Apo Conde Mayta (du quechua Apu Kunti Maita) à Lurucache, à la frontière méridionale de l’Empire avec les Collas. Selon Henri Favre, cette guerre et la campagne de Capac Yupanqui dans le Chinchay Suyu ont lieu simultanément. À partir de la chaîne (Sierra) de Vilcanote s’étend le territoire du puissant souverain (apu kuraka) des Collas, Sapana[10], également appelé Chuchic Capac. À Lurucache, le général inca doit attendre le souverain et espionner Chuchic Capac afin d'avoir connaissance de ses décisions. Pachacutec étant arrivé avec des renforts, les armées incas traversent la Sierra de Vilcanote[11]. Une autre version, soutenue par le chroniqueur colonial Pedro Cieza de León, indique que l'empereur envoie deux généraux Chancas subjuguer la région[4].

Chuchic Capac, informé de l’invasion Inca, se dirige vers la ville d’Ayaviri (ou Ayawiri) pour attendre l’armée adverse.

Bataille[modifier | modifier le code]

Pachacutec envoie alors des émissaires pour faire sa requête réciproque, c’est-à-dire sa demande de facto de soumission dans le cadre du mutualisme des Andes. Le souverain colla répond « qu’il se réjouissait de voir l’Inca lui offrir son allégeance tout comme les autres nations qu’il avait conquises ; mais que si cela n’était pas son intention, alors que sa tête soit préparée, puisqu’il projetait d’y boire pour célébrer la victoire qui serait la sienne s’ils se rencontraient en bataille »[12].

Le jour suivant s’engage la bataille dans les environs d’Ayaviri. Après de longs combats, Pachacutec exhorte vivement ses armées à la victoire. Le chroniqueur espagnol Sarmiento de Gamboa rapporte que Pachacutec s’écrie alors : « Ô Incas de Cuzco ! Victorieux en tous les lieux de la terre ! Comment n’avez-vous pas honte qu’un peuple si inférieur, si inégal dans la guerre, vous égale et vous résiste aussi longtemps ? »[12]. Les encouragements de Pachacutec enhardissent les soldats incas qui repoussent les forces collas. Chuchic Capac, constatant l’ardeur des armées ennemies, se retire pour atteindre la ville de Pukara. Les Incas poursuivent l’ennemi jusqu’à ce que Chuchic Capac soit capturé par l’armée inca[13]. Selon certaines sources, Pachacutec aurait même personnellement vaincu le seigneur colla[12]. Après la capture de Chuchic Capac, les armées incas arrêtent les soldats collas qui battaient en retraite jusqu’à ce que tous les généraux collas soient saisis.

Après la bataille, Pachacutec se dirige vers Hatun Colla, la capitale des Collas. Il y prolonge son séjour jusqu’à ce que tous les peuples auparavant soumis aux Collas lui rendent allégeance. En apprenant la victoire inca sur leurs anciens ennemis, les Lupacas se soumettent également[5].

Conséquences[modifier | modifier le code]

La victoire des Incas a pour conséquence directe la consolidation du pouvoir inca dans la région de l’Altiplano et la conquête des peuples du lac Titicaca[14]. En effet, l'entité Kolla est tout aussi puissante que celle des Incas et elle domine l’Altiplano avant l’arrivée de ces derniers. Le prestige de Pachacutec est d’autant plus grand à la suite de cette guerre. Ce conflit marque définitivement le début de l’expansion Inca, car peu de peuples, comme par exemple les Chimús, peuvent encore faire face à l’Empire inca[15].

Cependant le bilan de cette campagne n’est pas uniquement positif. D’après l’historien français Henri Favre, pendant que Pachacutec vainc les Collas, son frère, Capac Yupanqui, entreprend un raid dans le Chinchay Suyu afin de préparer un coup d’État. Ce raid met les Incas dans une situation très délicate[16].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Henri Favre, Les Incas, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », p. 20
  2. (es) Juan de Betanzos, Suma y Narración de los Incas
  3. a et b Bernabé Cobo, Historia del Nuevo Mundo
  4. a et b (en) Terence N. D'Altroy, The Incas [« Les Incas »], Wiley-Blackwell, , 2e éd. (1re éd. 2002), p. 96-97
  5. a et b (en) Pedro Sarmiento de Gamboa, The History of the Incas, University of Texas Press, p. 240
  6. (en) María Rostworowski (trad. Harry B. Iceland), History of the Inca Realm, Cambridge University Press
  7. (de) Ulrike Peters, Die Inka, marixwissen
  8. (en) Pedro Sarmiento de Gamboa (trad. Brian S. Bauer et Vania Smith), The History of the Incas, University of Texas Press, p. 238
  9. María Rostworowski, Le Grand Inca Pachacútec Inca Yupanqui, Paris, Tallandier, p. 118
  10. (es) Pedro Cieza de León, El Señorio de los Incas
  11. María Rostworowski (trad. Simon Duran), Le Grand Inca Pachacútec Inca Yupanqui, Paris, Tallandier, (ISBN 978-2-84734-462-2)
  12. a b et c (en) Pedro Sarmiento de Gamboa (trad. Brian S. Bauer et Vania Smith), History of the Incas, p. 239
  13. María Rostworowski, Le Grand Inca Pachacútec Inca Yupanqui, Paris, Tallandier, p. 120
  14. Ulrike Peters, Die Inka, marixwissen, p. 101-102
  15. Netherly Patricia, El Reino de Chimor y el Tawantinsuyu, Quito
  16. Henri Favre, Les Incas, Paris, Presses universitaires de France, p. 121

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]