Henri Collomb (psychiatre)

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Henri Collomb
Portrait de Henri Collomb
Biographie
Naissance
Valjouffrey
Décès (à 65 ans)
Nice
Nationalité Française
Thématique
Profession "médecin militaire, psychiatre"
Approche "psychopathologie africaine"

Henri Collomb, né Henri Célestin Marcellin Collomb, le à Valjouffrey[1] (Isère) et mort le à Nice, est un psychiatre et médecin militaire français.

Pionnier de l'ethnopsychiatrie, il a profondément marqué la psychiatrie française et celle du tiers-monde[2].

Longtemps en poste à Dakar, il est l'un des fondateurs d'une approche alors nouvelle de la psychiatrie consistant à prendre en compte les facteurs liés à la culture des patients et s'inscrivant en opposition avec la psychiatrie coloniale qui marquait son époque.

Biographie[modifier | modifier le code]

«  Familier des tribus nomades, des rebelles, des contrebandiers, médecin particulier du Roi des rois en Ethiopie, chef du service de santé du corps expéditionnaire au Viêt-Nam, ce jeune médecin militaire est, avant tout, tourné vers l'Autre. Observateur des cultures et des traditions, ami de Senghor, d'Haïlé Sélassié et de Castro, il y a dans cet homme étonnant du Saint-John Perse, du Rimbaud et du Saint-Exupéry. (Robert Arnaut)[3] »

Famille[modifier | modifier le code]

Henri Collomb est le fils de Célestin Marcelin Collomb (1877-1954), né à Valbonnais, cultivateur, et de Augustine Fege (1888-1976), ménagère, née à La Chapelle en Valjouffrey, mariés en 1911 à Valjouffrey[4].

Il se marie en 1944 à Addis-Abeba avec Lydie Fernande Lily Dietrich (1918-2003) puis en 1951 à Saïgon avec Madeleine Marie-Claire Simon. Il est le père de deux filles, Agnès et Laurence[5].

Carrière[modifier | modifier le code]

Il passe sa jeunesse dans la commune de Valbonnais et suit ses études secondaires au Lycée de La Mure. Après avoir obtenu son baccalauréat, il effectue son année préparatoire de médecine (PCB) à Grenoble[4].

Ne disposant pas de ressources importantes, en 1933, il décide de suivre sa formation de médecin à l'École du service de santé des armées de Bordeaux. En 1936, il passe le concours d’interne des hôpitaux, obtient son doctorat en 1937 puis part à Marseille compléter sa formation à l'École d'application du service de santé des troupes coloniales située au palais du Pharo[4].

En janvier 1939, il est affecté à Djibouti, alors capitale de la Côte française des Somalis, comme médecin militaire mais sa plus grande occupation est celle de médecin pour la population[6]. En décembre 1942, il part pour l'Éthiopie et en février 1943, il devient médecin chef de l’empereur Haïlé Sélassié Ier[7].

Il rentre en France en juin 1948. Il passe ensuite le concours pour devenir psychiatre et est nommé spécialiste des hôpitaux coloniaux (section neuropsychiatrie) à Marseille en décembre. Il est affecté à l'enseignement à l'école du Pharo comme professeur agrégé de médecine et de neuropsychiatrie[8].

En février 1951, promu au grade de médecin-commandant, il est appelé en Indochine. Il est nommé à l'hôpital Grall de Saigon et devient en mars 1952, médecin consultant du corps expéditionnaire français. En mai 1953, il est cité à l'ordre du corps d'armée pour sa conduite et décoré de la croix de guerre des Théâtres d'opérations extérieurs avec étoile de vermeil[9] :

« Henri Collomb, professeur agrégé du Service de santé des troupes coloniale d'une haute valeur morale et d'un dévouement total, débarqué en Indochine le 2 février 1951, assure les importantes fonctions de médecin-consultant des forces terrestres d'Extrême-Orient. A ce titre, a été appelé à se rendre fréquemment en zone d'insécurité sur les différents théâtres d'opérations pour étudier les conditions sanitaires locales et faire prendre par les troupes en opération les mesures propres à préserver la santé des effectifs. Technicien de grande classe, aussi modeste qu'efficace, animé d'une foi ardente dans l'accomplissement de sa mission, il s'est rêvé un auxiliaire précieux pour le haut commandement et le corps expéditionnaire. « Cette citation comporte l'attribution de la croix de guerre des Théâtres d'opérations extérieures, avec étoile de vermeil. ». »

A son retour en France en octobre 1953, il devient psychiatre, neuropsychiatre à temps complet et travaille à Marseille jusqu'en 1958, notamment à l'hôpital Michel-Lévy[10].

En janvier 1959, il part pour Dakar, s'installe au nouveau centre hospitalier de Fann et va progressivement créer ce qui deviendra l'École de Dakar ou « École de Fann »[11].

Il devient en 1965 le premier titulaire de la chaire de neuropsychiatrie de la faculté de médecine[5].

Il reste au Sénégal durant vingt ans et développe un courant de pensée aux antipodes de la psychiatrie coloniale. En effet, Collomb, en rupture avec la pensée psychiatrique de son temps qui consiste à plaquer les conceptions de la psychiatrie et de la psychologie forgées en Europe sur les populations locales, cherche à comprendre les particularités du contexte sénégalais. Il se situe ainsi en rupture avec la psychiatrie coloniale. Pour ce faire, il s'entoure de chercheurs français et africains : psychiatres, psychologues, ethnologues, sociologues, psychanalystes, mais aussi de guérisseurs locaux[11].

Participeront à ce groupe Edmond Ortigues, Marie-Cécile Ortigues, Jacqueline Rabain et Andras Zempleni.

« Si la psychiatrie moderne s'enferme dans ses murs, elle se condamne à la réclusion et à l'impossibilité d'établir le contact entre le soignant, le soigné et son environnement. La psychiatrie moderne vivra alors de ses illusions, à coups de neuroleptiques et d'électrochocs, et découvrira, dans vingt ou trente ans, qu'elle n'a pas accompli le moindre progrès, alors que toute la médecine a avancé, en un mot, qu'elle n'a pas accompli sa mission[12]. »

En 1978, un an avant sa mort, il revient en France.

En juillet 1979, il est nommé chef de service de psychiatrie au centre hospitalier et universitaire de Nice (hôpital Pasteur)[5].

Il meurt peu après, à Nice, le 9 octobre 1979.

Léopold Sédar Senghor, alors premier Président de la république du Sénégal lui rend hommage[13]  :

« De plus en plus, j’en suis sûr, l’on parlera de l’École de Dakar, de médecine négro-africaine. Et le nom du professeur Collomb y sera étroitement lié : ses vingt années de labeur à Dakar ont à jamais marqué la recherche médicale en Afrique. Car ce Français a su mourir aux préjugés les plus solidement établis. »

Henri Collomb repose à Valbonnais, dans le petit village des Alpes où il avait grandi.

Titres[modifier | modifier le code]

  • 1936 : interne des hôpitaux de Bordeaux
  • 1949 : professeur agrégé de médecine générale, service de santé de la France d’outre-mer
  • 1950 : médecin des hôpitaux psychiatriques
  • 1958 : maitre de conférences agrégé de neuropsychiatrie
  • 1965 : professeur titulaire de la chaire de neuropsychiatrie à la faculté de médecine et de pharmacie de Dakar
  • 1979 : chef de service de psychiatrie au centre hospitalier et universitaire de Nice (hôpital Pasteur)

Décorations[modifier | modifier le code]

Décorations française[modifier | modifier le code]

Décorations étrangères[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

  • « Les bouffées délirantes en psychiatrie africaine », Psychopathologie africaine, 1965 ; 1(2):167-239.
  • « Psychothérapies non verbales traditionnelles en Afrique », Actualités psychiatriques, 1972 ; 3: 27-34.
  • (en collaboration avec R. Collignon), « Les conduites suicidaires en Afrique », Psychopathologie africaine, 1974; 10(1), p. 79 et suiv.
  • « De l'ethnopsychiatrie à la psychiatrie sociale », Revue canadienne de psychiatrie, 1979 ; 24 : 459-469.
  • « La mort socio-somatique », Psychologie médicale, 1979 ; 1 1 (8) : 1637-1644.
  • « Pour une psychiatrie sociale », Thérapie familiale, 1980 ; 1 (2) : 99-107.
  • « La sorcellerie-anthropophagie (genèse et fonction) », Évolution psychiatrique, 1978 ; 43(3):499-520.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
  2. « Récemment décédé à Nice, le professeur Henri Collomb aura marqué la psychiatrie française - et celle du tiers-monde - d'une empreinte profonde. », Henri Collomb : un pionnier de l'éthno-psychiatrie, Le Monde, 31 octobre 1979
  3. Robert Arnaut, La folie apprivoisée : L'approche unique du professeur Collomb pour traiter la folie, De Vecchi, Paris, 2006, 4e de couverture
  4. a b et c « Henri Collomb est né le 14 décembre 1913 à 2 heures du matin, en la Maison du Fege, dans la commune de Valjouffrey. Il était le fils de Célestin Marcellin Collomb, 36 ans, cultivateur, domicilié aux Moulins, commune de Valbonnais, et de Augustine Fege, 25 ans, ménagère. », Bulletin mensual de l'Académie delphinale, Académie delphinale, Grenoble, 1988, p.146
  5. a b c et d Who's who in France, Jacques Lafitte, 1979, p.379
  6. Robert Arnaut, op. cit., p.24
  7. Robert Arnaut, op. cit., p.83
  8. Robert Arnaut, op. cit., p.157
  9. Robert Arnaut, op. cit., p.202
  10. Robert Arnaut, op. cit., p.208
  11. a et b Stéphane Boussat et Michel Boussat, « À propos de Henri Collomb (1913-1979) : De la psychiatrie coloniale à une psychiatrie sans frontières », L'autre, Cliniques, Cultures et Sociétés 2002;3(3):411-424
  12. 1966, cité par Arnaut R, La folie apprivoisée : L'approche unique du professeur Collomb pour traiter la folie, De Vecchi, Paris, 2006
  13. Léopold Sédar Senghor, « Henri Collomb (1913-1979) ou L'art de mourir aux préjugés », Psychopathologie Africaine 1979;15(2):137-9.
  14. « Au grade d'officier : ... M Collomb (Henri-Célestin-Marcellin), professeur titulaire de chaire, chef de service de neuropsychiatrie de la clinique neurologique de Fann à Dakar. Chevalier du 31 décembre 1958 », JORF, janvier 1972, p.46
  15. « Collomb (Henri-Célestin-Marcellin), médecin lieutenant-colonel; 27 ans de services et majorations, 13 campagnes. Cité. », décret du 18 décembre 1958, JORF du 3 janvier 1959, p.204
  16. « Par décision du ministre des armées en date du 14 août 1963, la médaille d'honneur du service de santé des armées est décernée aux personnes ci-après désignées ... Collomb (Henri), médecin colonel des troupes de marine . »,Bulletin Officiel des Decorations, Medailles et Recompenses, 1963, p.540

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Robert Arnaut, La folie apprivoisée : L'approche unique du professeur Collomb pour traiter la folie, De Vecchi, Paris, 2006 (ISBN 978-2732883113).
  • Olivier Douville, Robert Arnaud : La folie apprivoisée, l'approche unique du professeur Collomb pour traiter la folie, Figures de la psychanalyse, vol. 15, no. 1, 2007, pp. 221-224
  • Stéphane Boussat et Michel Boussat, « À propos de Henri Collomb (1913-1979) : De la psychiatrie coloniale à une psychiatrie sans frontières », L'autre, Cliniques, Cultures et Sociétés 2002;3(3):411-424. résumé
  • Léopold Sédar Senghor, « Henri Collomb (1913-1979) ou L'art de mourir aux préjugés », Psychopathologie Africaine 1979;15(2):137-9.
  • Henri Collomb : professeur agrégé médecine, 1913-1979 : son œuvre, son humanité, Comité du souvenir de la personne et de l'œuvre d'Henri Collomb, Valbonnais, 1980, 62 p.
  • (en) Alice Bullard, « The critical impact of Frantz Fanon and Henri Collomb : Race, gender, and personality testing of north and West Africans », Journal of the history of the behavioral sciences, 2005, vol. 41, no 3, p. 225-248.
  • Who's who in France, Jacques Lafitte, 1979, p.379
  • Henri Collomb (1913- 1979) : le petit écolier du Moulin, Valbonnais dans La g@zette du Valbonnais, n°30, juin 2010.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]