Hircocerf

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L'hircocerf (du latin hircus (« bouc ») et cervus (« cerf »)), appelé aussi tragélaphe (du grec ancien : τραγέλαφος (tragélaphos), « bouc-cerf » ; composé de τράγος / trágos, « bouc » et ἔλαφος / élaphos, « cerf »), est un animal fabuleux, moitié bouc moitié cerf[1].

Mentions[modifier | modifier le code]

Dessin d'hircocerf dans L'Histoire naturelle de Pline l'Ancien, édition Heimeran 1973.

L'une des premières mentions de l'hircocerf figure dans La République de Platon :

« Le traitement qu'on fait aux sages dans les états où ils vivent a quelque chose de si étrange et de si particulier, que personne n'a jamais éprouvé rien qui en approche; de sorte que je suis obligé de former de plusieurs parties, qui n'ont ensemble aucun rapport, le tableau qui doit servir à leur justification, et d'imiter les peintres lorsqu'ils nous représentent des hircocerfs, ou d'autres assemblages monstrueux[2]. »

— Platon, La République, Livre VI, 259.

Dans son Histoire des Animaux, Aristote mentionne l'hippélaphe (du grec ancien ἱππέλαφος, hippelaphos « cheval-cerf »). Quant à Pline, il parle d'un tragélaphe qui est sans doute le même animal[3]. Buffon a reconnu sous ces deux noms un vieux cerf dont le cou finit par se couvrir de longs crins et le fait ressembler de loin à un cheval[4].

Dans son ouvrage De l’interprétation, Aristote a utilisé l’idée de l'hircocerf pour exprimer la notion de quelque chose de définissable, même si elle n’existe pas vraiment:

« Et de même qu'il existe dans l'âme tantôt un concept indépendant du vrai ou du faux, et tantôt un concept à qui appartient nécessairement l'un ou l'autre, ainsi en est-il pour la parole; car c'est dans la composition et la division que consiste le vrai et le faux. En eux mêmes les noms et les verbes sont semblables à la notion qui n'a ni composition, ni division : tels sont l'homme, le blanc, quand on n'y ajoute rien, car ils ne sont encore ni vrais, ni faux. En voici une preuve : bouc-cerf signifie bien quelque chose, mais il n'est encore ni vrai, ni faux, à moins d'ajouter qu'il est ou qu'il n'est pas, absolument parlant ou avec référence au temps[5]. »

— Aristote, De l'interprétation, Traduction de J. Tricot, 9.

Le nom d'hircocerf fut utilisé au XVIIe siècle (Fontenelle et Saint-Simon) pour désigner une chose qui n'existe pas[6].

« A ces reproches, il en ajouta d'autres fondés sur la lenteur de Montéléon à faire savoir en Espagne ce qui regardoit l'armement et la destination de l'escadre angloise, car il étoit persuadé que la cour de Londres; ayant mis toute son étude à tromper le roi d'Espagne par un projet idéal que le cardinal nommoit un hircocerf, attendoit seulement le moment de se déclarer en faveur de l’empereur, afin de le mettre en possession de la plus belle partie de l’Italie, et de lui donner ce nouveau moyen d’usurper les autres États de cette partie de l’Europe sans que qui que ce soit pût l’empêcher[7]. »

— Duc Saint-Simon, Mémoire du Duc Saint-Simon, Volume 10, 153.

En 1935, Charles Maurras utilise le mot hircocerf dans le sens de « monstre hybride », il écrit dans L'Action française du à propos de Léon Blum qu'il est « (un) Juif allemand naturalisé ou fils de naturalisé […], n'est pas à traiter comme une personne naturelle. C'est un monstre de la République démocratique. Et c'est un hircocerf de la dialectique heimatlos. Détritus humain à traiter comme tel […], un homme à fusiller, mais dans le dos »[8].

Description[modifier | modifier le code]

On trouve dans le traité intitulé Proprietes des Bestes une description du tragélaphe, considéré comme hircocerf (bouc-cerf) : « Les tragélaphes sont bêtes monstrueuses et contrefaites, qui sont moitié bouc et moitié cerf. C'est une bête qui a grandes oreilles velues et longue barbe comme un bouc sous le menton. Ils ont les cornes tortues, les pieds entiers comme un cheval; haut et grand comme un cerf, et plus puissant de membres et plus gros que le cerf; et paissent l'herbe comme boeufs. »

Le cabinet des estampes conserve un dessin colorié du XVIe siècle, tiré d'un recueil anonyme, qui représente ce cheval-cerf des Indes (Aesculape, janvier 1950)[9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Informations lexicographiques et étymologiques de « hircocerf » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. Platon, L'État ou la République de Platon, Lefèvre, (lire en ligne)
  3. Jean-Paul Clébert, Bestiaire fabuleux, Albin Michel, , 472 p. (ISBN 9782705007881, lire en ligne), p. 206
  4. Georges-Louis Leclerc de Buffon, Histoire naturelle : Quadrupèdes, vol. V, Librairie stéréotype de Firmin Didot et Pierre Didot, (lire en ligne), p. 104
  5. Platon (trad. J. Tricot), De l'interprétation, Les Échos du Maquis,
  6. Jean-Paul Clébert, Bestiaire fabuleux, Albin Michel, , 472 p. (ISBN 9782705007881, lire en ligne), p. 207
  7. Duc Saint-Simon, Mémoires complets et authentiques sur le siècle de Louis XIV et la régence, Librairie Hachette, (lire en ligne)
  8. Charles Maurras, « La Politique. II. L'homme du Filon », L'Action française, no 99 (28e année), 9 avril 1935, p.  1. Lire en ligne.
  9. Jean-Paul Clébert, Bestiaire fabuleux, Albin Michel, , 472 p. (ISBN 9782705007881, lire en ligne), p. 207

Bibliographie[modifier | modifier le code]