Ida Oultite

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Ida Oultit
ولتيتة
Informations générales
Nom arabe
Oultita
Nom berbère
Ida Weltit
Échelon
Confédération tribale
Géographie
Région principale
Province principale
Territoire
Anti-Atlas occidental
Histoire et anthropologie
Fait partie du groupe tribal
Nombre de fractions
3
Fractions
Ida ou Semlal, Ida ou Baâqil, Ida ou Gersmouk
Culture
Langue principale
Personnages marquants

Ida Oultit, Ida Oultite,ou Idaw-Ltit (en amazigh : Idaw Ltit, en arabe : Weltita) est une tribu berbère de l'Anti-Atlas, région montagneuse du Maroc, établie dans la région du Souss, plus précisément au sud de la vallée du Souss. Les Ida Oultit occupent une large bande du versant atlantique de l'Anti-Atlas et débordent même un peu sur l'Azaghar de Tiznit[1].

Étymologie[modifier | modifier le code]

Selon une hypothèse émise par Justinard, les Ida Oultit seraient les Scelatites citées par Pline l'Ancien[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

Les Ida Oultite se revendiquent comme étant les purs Guezoula[3]. Leur ancêtre, Moulay Zouzal, aurait émigré de Tamdoult après la destruction de la ville[4].

Les leff-s du Souss[modifier | modifier le code]

L'historien Mustapha Naïmi situe la destruction de Tamdoult par Mhand-U-Ali Amensag, officier mérinide, après 1340[5]. La destruction aurait été à l'origine d'un conflit entre les deux leff-s qui se disputaient les terres du Souss : Les Taguzult montagnards (ou Guezoula ) et les Tahuggat des plaines[6],[5]. Le parti des Tahuggat est localement méprisé tandis que les Taguzult (dont les Ida Oultit font partie et en sont le noyau[7]) sont associés à une formation guerrière sans cesse chantée et valorisée localement, ce qui vaut à l'Anti-Atlas d'être taxé de montagne Taguzult (ou montagne de Guezoula). C'est ce qui est affirmé par le savant Mokhtar Soussi dans son œuvre al-Ma'sul : « le parti Taguzult est caractérisé par une ferme piété religieuse, la virilité et la science ainsi que par l'attachement aux valeurs morales en général. »[8]. Le XIVe siècle nous apparait confirmer la domination des Tahuggat et leur alliés, notamment les Oulad Jerrar (arabes Maâqils), dans l'Anti-Atlas[9]. Au Xe siècle de l'hégire les Oulad Jerrar s'emparèrent des plaines du Souss et les Ida Oultit Guezoula (Semlala, Baâqila, Resmouka) durent guerroyer contre eux jusqu'à l'avènement des Saâdiens[10],[11].

Jazoulisme et Saadiens[modifier | modifier le code]

Au cours du XVe siècle, le Souss échappe à l'autorité des sultans wattassides et est complétement indépendant tandis que le Nord est en proie aux ambitions des puissances ibériques. C'est à cette époque troublée que vit Al-Jazouli (originaire de la fraction Ida ou Semlal), saint musulman très vénéré dont le prestige incomparable se transmet à ses disciples et successeurs[12]. Il est à l'origine de la tariqa Jazuliya (jazoulisme). Selon Al Fassi, Al-Jazouli dût quitter son village à cause de la violence qui y régnait[13]. Cette culture de violence des montagnes de Guezoula (Anti-Atlas) est confirmée par Léon l'Africain qui décrit ses habitants comme grossiers, se gouvernant d'eux-mêmes et constamment en guerre entre-eux[14],[15]. Les trêves ne durent pas plus de trois jours mais en dehors de ces jours de paix ils se tuent comme des bêtes[13]. Marmol dépeint également les habitants de Guezoula comme brutaux et grossiers[16]. L'apport confrérique du jazoulisme débouche sur la fondation de l'état des Saâdiens qualifié d'« État Guezoula »[17].

En 1505, Les Portugais s'emparent d'Agadir[18] et tentent de former des alliances avec les tribus de la région. Les Oulad Jerrar se font du parti des Portugais ce qui déclencha un conflit avec les Ida Oultit Guezoula et les Dghough de Ouijjane. Les Oulad Jerrar reculent peu à peu jusqu'au moment où les Guezoula firent appel aux Saâdiens qui leur arrachèrent toutes les terres[11]. En effet, l'initiative de créer une force organisée pour tenir tête aux Portugais dans le Souss était due aux Guezoula (leff Taguzult)[19]. Les Arabes Maâqil du Souss (dont les Oulad Jerrar), alliés des Portugais[4], sont vaincus et entrent au service du nouveau pouvoir[20].

Les Ida Oultit, en tant que tribu du leff Taguzult, soutinrent activement la dynastie saâdienne depuis leur début: ils fournirent des marabouts meneurs de jihad tels que Sidi el-Ghayat et Sidi Boulknadel, des grands saints mystique comme Sidi Rahal el Kouch ou Sidi Ahmed ou Moussa, un des pôles associé à la dynastie[5] et maître spirituel du sultan saâdien Abdallah el-Ghalib[21], des chroniqueurs ( Abou 'Imran Musa al-Ouijjani était l'écrivain personnel du sultan Mohammed ech-Cheikh[22]), juriconsultes (Abou Zeid al Baâqili), etc. Ils prirent part tout aussi activement à la libération d'Agadir en 1541[23] avec l'armée du Souss, composé principalement de Berbères de l'Anti-Atlas[24]. Mais bien qu'en soutenant la dynastie, les Ida Oultit conservaient une certaine autonomie[25]. Un autre indice de cet état d'autonomie voire insoumission est l'imprécision du tableau de commandement du « Diwan des tribus Souss » : " Ida Oultit: 3000 selles, et le décompte est entre les mains de leur chioukhs". D'après le Diwan, les Ida Oultit (Oultita) était la tribu la plus nombreuse des Ahl Souss ayant accompagner le Sultan Ahmed al-Mansour en harka[2](soit 30.000 sur 125.000 au total). D'après Marmol, les Ida Ou Baâqil et les Ida Ou Gersmouk étaient (avec les Ilalen) les tribus les plus puissantes de la contrée[26],[27]. Les Ida ou Baâqil, qu'il décrit comme vivant à l'état sauvage, pouvaient mettre sur pied plus de 20,000 combattants[28].

Le Tazeroualt[modifier | modifier le code]

Alaouites[modifier | modifier le code]

En 1670, après avoir soumis les Chtouka et saccagé le Sahel, Moulay Rachid fit une expédition contre Iligh (capitale du Tazeroualt). Toutes les tentatives contre cette place échouèrent[29] et il ne réussit pas à exercer une autorité véritable dans la région[30] malgré la fuite des fils de Bou Dmia vers le désert. Selon Germain Moüette, la chute du Tazeroualt est dû aux nombreuses troupes employé par Moulay Rachid pour son expédition (plus de 80.000 hommes) et aussi la trahison des tribus contrôlant l'accès à la montagne[1].

Mokhtar Soussi affirme que les Ida Oultit ne furent pas soumis par Moulay Ismaïl[31]. En effet, ils soutinrent son neveu et rival Ahmed Ibn Mahrez et après sa chute s'opposèrent au makhzen ismaélien. En 1695, le sultan leur ordonne d'accompagner son fils Moulay Abdelmalek à sa harka au Oued Noun, chose qu'ils ne firent pas à son arrivée. En 1697, Moulay Ismaïl nomme son fils Mohammed el-Alam gouverneur du Souss et les Ida Oultit sont toujours insoumis au Makhzen[32]. Il tente d'utiliser la tribu Mejjate, fidèle à sa cause, pour soumettre les Oultita mais abandonne face à la puissance de la tribu. Au même moment les Ida Oultit se coalisent avec les gens d'Iligh et s'emparent de la casbah d'Idegh (Oulad Jerrar). Quelque mois plus tard le chef d'Iligh refuse de quitter la casbah du Makhzen à Massa tout en exigeant des compensations à l'autorité en place. Ces agissement des tribus montrent le degré d'insoumission de la région au pouvoir central.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Hespéris: archives berbères et bulletin de l'Institut des hautes-études marocaines, Librairie Larose, (lire en ligne)
  2. a et b Justinard (Commandant, Léopold Victor) et Rachid Agrour, Léopold Justinard: quarante ans d'études berbères : choix de textes, Editions Bouchene, (ISBN 978-2-912946-98-0, lire en ligne)
  3. Archives Marocaines, (lire en ligne)
  4. a et b Marie-France Dartois, Agadir et le sud marocain: à la recherche du temps passé, des origines au tremblement de terre du 29 février 1960, Courcelles, (ISBN 978-2-916569-30-7, lire en ligne)
  5. a b et c Mustapha Naïmi, La dynamique des alliances ouest-sahariennes. De l'espace géographique à l'espace social., Les Editions de la MSH (ISBN 978-2-7351-1643-0, lire en ligne)
  6. Publications de l'Institut des hautes études marocaines, E. Leroux, (lire en ligne)
  7. Société des africanistes (France), Journal de la Société des africanistes, Société des africanistes, (lire en ligne)
  8. Ahmed Joumani, L'oasis d'Asrir: éléments d'histoire sociale de l'Oued Noun, Eddif, (ISBN 978-9954-1-0233-6, lire en ligne)
  9. Mustapha Naïmi, Wad Nun & Saguia al-Hamra: la dynamique des alliances sahariennes, Centre Tarik Ibn Zyad, (ISBN 978-9954-0-3357-9, lire en ligne)
  10. (ar) ماء العينين، محمد الشيخ الطالب أخيار الشيخ, الشيخ ماء العينين: علماء وأمراء في مواجهة الاستعمار الأوروبي, مؤسسة الشيخ مربيه ربه لإحياء التراث والتبادل الثقافي،,‎ (ISBN 978-9954-0-9337-5, lire en ligne)
  11. a et b Mohammed Kably, Société, pouvoir et religion au Maroc à la fin du "Moyen-Age" (XIVe-XVe), Maisonneuve et Larose, (ISBN 978-2-7068-0891-3, lire en ligne)
  12. Publications de l'Institut des hautes études marocaines, E. Leroux, (lire en ligne)
  13. a et b (en) Vincent J. Cornell, Realm of the Saint: Power and Authority in Moroccan Sufism, University of Texas Press, (ISBN 978-0-292-78970-8, lire en ligne)
  14. Leo (Africanus), Description de l'Afrique, Adrien-Maisonneuve, (lire en ligne)
  15. Jean Céard, Esculape et Dionysos: mélanges en l'honneur de Jean Céard, Librairie Droz, (ISBN 978-2-600-01181-5, lire en ligne)
  16. Archambault, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, G. Masson, (lire en ligne)
  17. NAIMI Mustapha, L'Ouest saharien. La perception de l'espace dans la pensée politique tribale, KARTHALA Editions, (ISBN 978-2-8111-0823-6, lire en ligne)
  18. Marie-France Dartois, Agadir et le sud marocain: à la recherche du temps passé, des origines au tremblement de terre du 29 février 1960, Courcelles, (ISBN 978-2-916569-30-7, lire en ligne)
  19. (en) Africana Bulletin, Uniwersytet Warsawski, Studium Afrycanistyczne., (lire en ligne)
  20. Portugal e o Sul de Marrocos: contactos e confrontos (séculos XV-XVIII). Vol. II – Documentos, vol. 2, CHAM - Centro de Humanidades / Laboratório de Paisagens, Património e Território (Lab2PT) - Universidade do Minho, coll. « Colecção Arqueoarte », (lire en ligne)
  21. Legado Andalusí, Itinéraire culturel des Almoravides et des Almohades: Maghreb et Péninsule ibérique, Fundación El legado andalusì, (ISBN 978-84-930615-1-7, lire en ligne)
  22. (ar) معلمة المغرب: Mayyārah - Muḥammad Ḥajjī, مطابع سلا،,‎ (lire en ligne)
  23. Philippe BONIFACE, Agadir et les Ahl Agadir, 1927
  24. Andrzej Dziubinski, « Armée et la flotte de guerre marocaines à l'époque des sultans de la dynastie saadienne », Hesperis Tamuda, vol. 13, no 1,‎ , p. 61–94 (ISSN 0018-1005, lire en ligne, consulté le )
  25. (en) Africana Bulletin, Wyd. Uniwersytetu Warszawskiego, (lire en ligne)
  26. Luis del Marmol y Carvajal et Diego de Torres, L'Afrique de Marmol. 1 / de la traduction de Nicolas Perrot, sieur d'Ablancourt... avec l'Histoire des chérifs, traduite de l'espagnol de Diego Torrès par le duc d'Angoulème le père, revue et retouchée par P. R. A. [Pierre Richelet], (lire en ligne)
  27. Daniel Nordman, « Le Maroc dans les premières années du XVIe siècle. Tableau géographique d’après Louis Massignon », dans Léon l’Africain, Karthala, coll. « Terres et Gens d'Islam », , 289–309 p. (ISBN 978-2-8111-0263-0, lire en ligne)
  28. (ar) ماسي، سيدي إبراهيم, أخبار سيدي إبراهيم الماسي عن تاريخ سوس في القرن التاسع عشر: النص الأمازيغي مع ترجمات الى العربية والفرنسية والإنجليزية, مملكة المغربية، المعهد الملكي للثقافة الأمازيغية، مركز الدراسات التاريخية والبيئيية،,‎ (lire en ligne)
  29. A. Le-Chatelier, Tribus du Sud-Ouest Marocain: bassins cotiers entre Sous et Draa, Ernest Leroux, (lire en ligne)
  30. Prosper Ricard, Maroc, Hachette, (lire en ligne)
  31. (ar) سوسي، محمد المختار, الرسالتان: البونعمانية والشوقية, S.n.،,‎ (lire en ligne)
  32. المخزن وسوس، 1672-1822 (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]