Jean-Marie Massou

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Jean-Marie Massou
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Naissance
Décès
(à 70 ans)
Marminiac
Sépulture
Nationalité
Activité

Jean-Marie Massou, né le à Montereau-Fault-Yonne et mort le à Marminiac[1],[2],[3], est un sculpteur, dessinateur, collagiste et compositeur français.

Créateur de sculptures, creuseur de galeries souterraines, graveur sur pierre, mais aussi auteur de chants, collages et dessins rattachés à l'art brut, Massou n'adopte le qualificatif d'artiste qu'à la fin de sa vie, lorsqu'il se rend compte que cela lui permet de mieux diffuser les messages qu'il veut partager à l'humanité[4].

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille[modifier | modifier le code]

Paul et Élise, grands-parents maternels de Jean-Marie Massou, vivent à Marminiac au début du XXe siècle. Paul meurt dès le début de la Première Guerre mondiale en 1914. Veuve, Élise donne naissance à Jeanne-Paule en décembre de cette même année. Plus tard, dans les années 1940, la famille part travailler dans le sud-est parisien[5].

Jean-Marie Massou naît le . Il est le fils de Jeanne-Paule Massou et d'un père inconnu[6]. À la suite d'un premier placement forcé en hôpital psychiatrique à Auxerre en 1973, la famille retourne à Marminiac où elle trouve le soutien du maire de la ville. Massou y passera le reste de sa vie, transformant le paysage en creusant des trous, gravant des rochers et réalisant des sculptures. Il est analphabète et n'a été scolarisé que quelques jours dans son enfance[7]. C'est sa mère qui, jusqu'à sa mort en 1998, écrit sous sa dictée les messages qu'il souhaite partager[8]. Ses activités de sculpture et de creusage de galeries se réduiront après la mort de sa mère pour se concentrer sur l'enregistrement de cassettes audio, les collages et les dessins[9].

Analyse de l'œuvre[modifier | modifier le code]

Massou ne considèrera ses gestes créatifs comme artistiques qu'aux dernières années de sa vie[10], réalisant que cela lui permettait de diffuser plus largement ses messages[4], notamment par le biais d'enregistrements audio qu'il réalise sur cassettes à partir d'un vieil appareil qu'il n'a jamais voulu abandonner, même pour des technologies plus performantes et « modernes ».

« Si aujourd'hui le qualificatif d'artiste, aussi brut soit-il, lui va comme un gant, ça n'a pas été ainsi qu'il se reconnaissait lui-même durant une grande partie de sa vie. Ce n'est que sur les dernières années, voyant l'aspect esthétique de ses productions reconnu par le public extérieur, qu'il a consenti à se nommer ainsi. »[11]

— Olivier Brisson

À la fin de sa vie, Massou évoque l'idée de transformer sa propriété en musée[12].

« Mission universelle »[modifier | modifier le code]

Massou se présente comme investi d'une « mission universelle »[13] qui consiste à prévenir l'humanité de l'apocalypse à venir. Il diffuse d'abord ses messages par le biais de pancartes, affiches et tracts autour de sa propriété (transcrits par sa mère)[note 1], puis, à la fin de sa vie, dans des enregistrements qu'il réalise sur cassettes[note 2],[14]. En cause, la surpopulation de la terre qui engendre la destruction de la nature et tous les malheurs de l'humanité. Pour remédier à cela il propose, d'une part, d'interdire la procréation, et d'autre part de doter une partie de l'humanité de la vie éternelle, ce qui sera conféré par la science ou par les extraterrestres (qu'il affirme avoir aperçus). Cela permettrait de retrouver la paix dans le monde et de rétablir la place de la nature. Massou parle aussi de « Sodorome » (ou « Sodoronne »)[note 2], terme sans doute inventé mais pas clairement défini, qui désigne un ensemble de galaxies dans l'univers lointain qui serait le refuge de l'humanité[15].

Sculpture[modifier | modifier le code]

« Pour [Massou], la pierre parfaite n'a pas besoin d'être gravée, elle demande juste à être placée au bon endroit. Lorsqu'il grave une pierre, d'une certaine façon, c'est qu'elle est quelconque. »[16]

— Antoine Boutet

Depuis son arrivée à Marminiac, Massou n'a de cesse de graver la pierre, de creuser des trous, de collecter des roches, modifiant le paysage dans le but de bâtir un temple [14].

Les créations sculpturales de Jean-Marie Massou ont été rapprochées de la grotte de Lascaux[6], du Palais idéal du facteur Cheval, de la Tour d'Eben-Ezer[17]. Jean-Pierre Rehm compare son geste à celui d'un « Sisyphe à l'envers[18] ». Antoine Boutet décrit l'acte de création de Massou comme « un geste d'artiste pour nous et un geste de bon sens pour lui [19] ».

Enregistrements sonores[modifier | modifier le code]

Jean-Marie Massou est l'auteur de messages, de sketchs et de chants qu'il enregistre sur cassettes. Plus de 700 ont été retrouvées à son domicile après sa mort[20], les premières datant des années 1970. Il déclame notamment des complaintes qu'il compose ou emprunte à la musique populaire et dont le style peut être rapproché des expériences radiophoniques d'Antonin Artaud[note 3],[20]. À partir des années 2000 — après la mort de sa mère —, la pratique de l'enregistrement se fait plus quotidienne, et devient une source autobiographique, à la manière d'un journal intime [21],[22] ; il enregistre des conversations, des émissions radio, de la musique, mais aussi ses réactions et commentaires lors de multiples réécoutes de ses propres enregistrements.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Enregistrements sonores[modifier | modifier le code]

  • Sodorome, vol. 1, 2016, La Belle Brute.
  • La citerne de coulanges, [Sodorome vol. 2], 2018, La Belle Brute.
  • La mission universelle, 2018, La Belle Brute.

Éditions posthumes :

  • Amore, 2021, La Belle Brute.
  • Chante avec Tom Waits, 2022, La Belle Brute.
  • Autobiographie, 2022, La Belle Brute.
  • Sodorome vol. III : les romans de Massou, 2024, La Belle Brute.

Expositions[modifier | modifier le code]

Expositions collectives[modifier | modifier le code]

Expositions monographiques[modifier | modifier le code]

Postérité[modifier | modifier le code]

D'abord connu à l'échelle du village de Marminiac, Jean-Marie Massou fait l'objet d'un premier article rédigé par Walter Lewino dans Le Nouvel Observateur en 1984. La télévision régionale lui consacre quelques reportages dans les années 1980 et 1990[23],[24],[25].

Plus tard, Massou est révélé à un plus large public par le film Le Plein Pays d'Antoine Boutet sorti en 2009.

En 2015, le label La Belle Brute est créé pour diffuser ses enregistrements sur cassettes[26].

En 2021 est créée l'association du Club de l'amitié de Jean-Marie Massou dans le but de protéger sa propriété et valoriser ses œuvres[27]. La même année paraît le livre Homo Zetor. Le prophète, la grotte et les extraterrestres dont il est le personnage principal[28],[note 4].

Notes et Références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Une photographie de pancarte illustre l'article de Lewino (Lewino 1984, p. 8) ; cette même image figure dans le catalogue de l'exposition Jean-Marie Massou (Massou, p. 25, 40), retranscrite dans Brisson 2022, p. 184.
  2. a et b Voir son enregistrement Sodorome : la mission universelle, La Belle Brute, 2018, 1h30.
  3. Voir par exemple Pour en finir avec le jugement de dieu d'Antonin Artaud.
  4. Le titre est une référence au nom du tracteur de Jean-Marie Massou, un « Zetor Crystal 8011» (Massou, p. 190).

Références[modifier | modifier le code]

  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. Massou 2022, p. 18.
  3. « Art brut : les mondes intérieurs de Massou, ermite mué en artiste, disparu au printemps », sur Franceinfo, (consulté le )
  4. a et b Massou 2022, p. 173.

    « Jean-Marie Massou était moins préoccupé par l'aspect artistique ou esthétique de ses œuvres que par sa motivation à faire entendre à l'humanité les messages qu'il avait à lui délivrer. »

  5. Massou 2022, p. 17.
  6. a et b Lewino 1984, p. 8.
  7. Brisson 2022, p. 193.

    « Jean-Marie Massou ne savait ni lire ni écrire. Il nous disait n’avoir été scolarisé que quelques jours dans son enfance. »

  8. Brisson 2022, p. 184.
  9. Massou 2022, p. 180.
  10. Brisson 2022, p. 193.

    « Et c’est sous la nomination choisie d’“artiste” que Jean-Marie Massou a tiré sa révérence : “Bien sûr que je suis un artiste, vous avez vu le travail ? Je suis un artiste, et au paradis, il n’y a que des artistes.” »

  11. Massou, p. 205
  12. Brisson 2023, p. 201.
  13. Massou, Olivier Brisson, « La mission universelle comme autothérapie », p. 205-210.
  14. a et b Massou, p. 208.
  15. Brisson 2022, note no 5 p. 197, appelée p. 188.
  16. Massou 2022, p. 59
  17. Massou 2022, p. 8.
  18. Jean-Pierre Rehm, « Le plein pays », sur FID Marseille, (consulté le ).
  19. Massou 2022, p. 59.
  20. a et b Brisson 2022, p. 187.
  21. Massou 2022, p. 191.
  22. Massou 2022, p. 179.
  23. Lot - Limoges de Marminiac : palais souterrain, France 3 Midi Pyrénées, .
  24. Lot / Cazals : le creuseur, France 3 Midi Pyrénées, .
  25. Brisson 2022, p. 184-184.
  26. Brisson 2022, p. 185.
  27. « Le Sidéral — Présentation », sur Le Sidéral (consulté le ).
  28. Martin Mongin, Elsa Amsallem (ill.), avec la participation de Mathias Cabanes, Homo Zetor : Le prophète, la grotte et les extraterrestres, Gourdon : ABC'éditions ; Plougasnou : Lagans, 2021 (ISBN 978-2-919539-28-4).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • [Lewino 1984] Walter Lewino, « Le Malthusien des bruyères », Le Nouvel Observateur, no 102,‎ , p. 8-11. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • « Jean-Marie Massou : L’homme qui creusait des trous », Gazogène, no 17,‎ , p. 15-16 (ISSN 1245-3706, lire en ligne).
  • Christophe Boulanger, « Le corps de la lettre », Empan, no 110,‎ , p. 28-33 (lire en ligne).
  • [Brisson 2022] Olivier Brisson, « Écrire sa vie sur la bande », La Revue Documentaires, no 32,‎ , p. 183-197 (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • [Massou 2022] Olivier Brisson, Matthieu Morin et al., Jean-Marie Massou, Knock Outsider, La Belle Brute, Art et Marges Musée, , 208 p. (ISBN 9782390220350). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • [Brisson 2023] Olivier Brisson, Pour une psychiatrie indisciplinée, La Fabrique éditions, , 256 p. (ISBN 9782358722513), « Jean-Marie Massou ou l'autothérapie soutenue par un tiers », p. 194-201. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]