L'Adolescente

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L'Adolescente

Réalisation Jeanne Moreau
Musique Philippe Sarde
Acteurs principaux
Pays de production Drapeau de la France France
Drapeau de l'Allemagne Allemagne
Genre Drame
Durée 90 minutes
Sortie 1979

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

L'Adolescente est un film franco-allemand réalisé par Jeanne Moreau, sorti en 1979.

Synopsis[modifier | modifier le code]

En ce jour du , Jean (Jacques Weber), un boucher qui travaille à Paris, se prépare à partir en vacances avec sa famille dans un village de son Auvergne natale, retrouver « Mamie » (Simone Signoret), sa mère qui vit seule à la campagne depuis son veuvage. Il amène sa jeune épouse Eva (Edith Clever) et sa fille Marie (Laetitia Chauveau) qui vient d'avoir douze ans. Très complice avec sa grand-mère paternelle, Marie retrouve ses camarades de jeux de province et parcourt sans relâche la campagne avec son vélo. Un jour, sa bicyclette heurte brutalement la voiture du jeune et séduisant Alexandre (Francis Huster), le nouveau médecin de campagne dont elle tombe vite amoureuse.

Pendant que Jean quitte la maison pour aider ses cousins à faire les moissons, Marie sympathise de plus en plus avec Alexandre. Elle découvre aussi que son corps change, elle a ses premières règles et sa poitrine grandit. Lors d'une escapade en pleine nuit, elle s'introduit dans la maison d'Alexandre et tente de s'offrir à lui, mais ce dernier la repousse. Marie découvre alors qu'Alexandre lui préfère sa propre mère Eva et que les deux adultes profitent de l'absence de Jean pour entretenir une liaison amoureuse. Mamie essaie de consoler Marie en lui conseillant de rester très discrète sur cette affaire. Cependant, l'adolescente voudrait que l'amour entre ses parents puisse renaître. Elle décide alors de demander à Augusta (Hélène Vallier), la « sorcière » du village de lui préparer un philtre qu'elle fait boire à Jean et Eva pour qu'ils s'aiment à nouveau. Au cours d'un bal nocturne, Alexandre veut danser avec Eva mais, ivre de jalousie, Jean s'interpose entre eux quelques minutes après et frappe violemment le jeune homme, entraînant une bagarre générale.

Peu de temps après ces événements, la Seconde Guerre mondiale éclate et la famille doit repartir en urgence à Paris, Marie et ses parents font alors leurs adieux à Mamie.

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Production[modifier | modifier le code]

Genèse[modifier | modifier le code]

Après son mariage avec le réalisateur William Friedkin (célébré le à Paris[1]), Jeanne Moreau vit à Los Angeles dans le quartier de Bel Air à Beverly Hills[2]. Cependant, la réalisatrice se languit de son pays natal et notamment de son réseau amical et professionnel. Elle profite tout de même de cet éloignement pour entamer, avec l'écrivaine Henriette Jelinek, la co-écriture du scénario et des dialogues de son second long-métrage[3].

Jeanne Moreau avait d'abord pensé à des titres comme La Mise à mort, Douce France ou Adolescence, mais c'est finalement L'adolescente qui fut choisi[3]. La réalisatrice désirait évoquer « le passage périlleux de l'enfance à la féminité, le moment où la conscience s'éveille, où le langage des adultes devient clair au lieu de paraître codé[3] ».

Pour écrire L'Adolescente, la réalisatrice s'est inspirée de sa propre histoire. En effet, elle avait quasiment le même âge que son héroïne dans l'immédiat avant-guerre et avait connu dans son enfance une parente éloignée qui tenait une auberge dans le village de Saint-Maurice-près-Pionsat, et qu'elle avait coutume d'appeler « mémé » ; c'est cette dernière qui servira de modèle au personnage de grand-mère incarné à l'écran par Simone Signoret. Cette figure de femme forte et douce à la fois symbolisait pour Jeanne Moreau : « la vertu du travail, la force de la nature et les mystères de la vie profonde »[3].

Tournage[modifier | modifier le code]

Le tournage a eu lieu du 16 août au 26 septembre 1978 dans l'Aveyron à Castelnau-de-Mandailles, Saint-Chély-d'Aubrac[4] et Espalion[5].

L'histoire était censée se dérouler en Auvergne (région de naissance de Anatole-Désiré Moreau, le père de la réalisatrice[6]) mais Jeanne Moreau a préféré choisir l'Aveyron et plus particulièrement le Rouergue[7], notamment pour la qualité de son silence et ses décors naturels[3].

« J’ai longtemps cherché le lieu de tournage idéal, celui d’un pays que la vie moderne n’aurait pas trop abîmé, où les légendes restaient encore présentes, où l’on pouvait, tout à fait normalement, parler de sorcière, d’eau lustrale et de philtre d’amour. Sur les conseils d’une amie quelque peu médium, je m’en allai explorer l’Aubrac et découvris le petit village de Mandailles. […] Un décor naturel rare, paisible, avec des gens authentiques, encore pénétrés du passé, et où j’ai pu, sans problème, faire intervenir le mystère, l’irrationnel. »

— Jeanne Moreau, propos recueillis par René Quinson[8].

Accueil[modifier | modifier le code]

L'Adolescente a reçu un accueil critique assez mitigé[9]. Mireille Amiel déplore une mise en scène trop appliquée et scolaire[10], tandis que Josiane Delacour lui reproche son aspect excessivement soigné à la façon d'un « bel ouvrage de dame »[11]. D'autres, comme René Prédal, trouvent que le film (comme le long-métrage précédent de la réalisatrice) n'échappe pas à une certaine mièvrerie[12].

Plus nuancé, le journaliste Jean de Baroncelli, même s'il note lui-aussi que dans certaines séquences, « la réalisatrice glisse dans le chromo sentimental et frôle la mièvrerie », il reconnaît tout de même qu'« il y a des scènes très belles dans L'Adolescente, des scènes qui décrivent avec une rare justesse de ton les émois et les incertitudes de Marie, les ronces auxquelles elle s'accroche en chemin, les échardes qui la blessent[13]. ». Selon lui, « L'Adolescente est un film aquarelle aux couleurs du passé. C'est par sa délicatesse, ses frémissements qu'il nous touche. Par la fluidité musicale de sa mise en scène. Et par le talent de ses interprètes : la jeune Laetitia Chauveau, […] ; Simone Signoret, grand-mère de rêve, chaleureuse et lucide ; Francis Huster, enfin, dont on ne finit pas d'écrire qu'il est un des meilleurs comédiens de sa génération. »[13]

Analyse[modifier | modifier le code]

Selon le biographe Jean-Claude Moireau[14], L'Adolescente mêle le récit initiatique (la jeune Marie voit son corps transformé par la puberté) à la description d'un mode de vie ancestral encore empreint de magie (la sorcière du village qui élabore des philtres d'amour, et la grand-mère qui récolte l'eau de lune sur des draps avec l'aide de sa petite-fille lors d'un rite nocturne)[15]. Pour cet auteur, autant Lumière, le premier long-métrage de Jeanne Moreau, pouvait « apparaître solaire et masculin », autant ce second film lui semble « plus lunaire et féminin »[9].

Le biographe souligne également la proximité de L'Adolescente avec l'esthétique impressionniste du cinéaste Jean Renoir voire même de son père Auguste[9]. Les prises de vues et les mouvements d'appareil (« tantôt fluides, tantôt retenus, hésitants comme pour sonder les mystères du délicat passage d'un âge à un autre[9] ») participent au parti-pris artistique choisi par la réalisatrice.

Toujours selon Jean-Claude Moireau, la séquence du bal nocturne rappelle que « chaque instant est unique […] et que le temps, dont la marche irréversible donne au film une coloration proustienne, est un acteur prodigieux[9] ».

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Clément Mathieu, « Quand William Friedkin se confiait à Paris Match », sur Paris Match, (consulté le ).
  2. Moireau 2011, p. 174-175.
  3. a b c d et e Moireau 2011, p. 175.
  4. Olivier Courtil, « Cet été de 1978 durant lequel Jeanne Moreau tournait à Castelnau-de-Mandailles », Centre Presse Aveyron,‎ (lire en ligne).
  5. « Fiche du film L'Adolescente, onglet Tournage » », sur Ciné-Ressources (consulté le ).
  6. Moireau 2023, p. 61.
  7. Il y a Jeanne, Daniel Edinger (réalisateur), dans Ciné regards sur FR3 (, 14 minutes).
  8. « L’Adolescente - Manifestation », sur Festival Lumière (consulté le ).
  9. a b c d et e Moireau 2011, p. 177.
  10. Mireille Amiel, « Critique du film "L'Adolescente" », Cinéma 79, no 243,‎ , p. 96.
  11. Josiane Delacour, « Critique du film "L'Adolescente" », Jeune Cinéma, no 117,‎ , p. 45.
  12. René Prédal, Le cinéma français depuis 1945, Paris, Nathan, (ISBN 978-2091907123), p. 301.
  13. a et b de Baroncelli 1979, p. 25.
  14. « Fiche biographique de Jean-Claude Moireau », sur Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (consulté le ).
  15. Moireau 2011, p. 176-177.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]