Logistique pendant la Première Guerre mondiale

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Goulot d'étranglement du train de ravitaillement allemand devant deux ponts provisoires près de la ville d'Étricourt (Somme), lors de l'opération Michael,

La logistique pendant la Première Guerre mondiale concerne l'organisation et la livraison de matériel et d'équipement aux forces armées engagées dans ce conflit. Cet aspect connait d'importantes mutations et est confronté à de nouveaux enjeux en raison de la nature et de l'échelle de ce conflit.

Histoire et développements[modifier | modifier le code]

Les premières étapes de la guerre[modifier | modifier le code]

Avec le développement de la conscription militaire et des systèmes de réserve dans la seconde moitié du xixe siècle, l'effectif des armées s'accroit de manière significative. Cette période voit également une industrialisation de la puissance de feu avec le développement de nouvelles technologies comme le fusil à verrou qui augmente la cadence de tirs. Les artilleries voient aussi leur nombre devenir plus important ainsi que leurs calibres[1]. Le réseau de chemin de fer qui se développe massivement entre et permet un acheminement et une concentration rapide des troupes, du matériel et du ravitaillement. Dès , cela conduit les militaires prussiens à s'impliquer directement dans le développement du transport ferroviaire[1]. À cet effet, la Prusse intègre une section ferroviaire dans leur Grand État-Major général ainsi qu'un organisme mixte civil et militaire pour encadrer le développement du réseau ferroviaire à des fins militaires[2].

D'autres technologies viennent s'y ajouter comme les mitrailleuses, la poudre sans fuméesetc. Tous ces éléments entrainent une multiplication conséquente de la quantité de munitions dont les unités ont besoin sur le champ de bataille; quasiment en continu. Néanmoins, à la veille de première guerre mondiale, les systèmes logistiques militaires continuent à s'appuyer sur la technologie du xixe siècle.

Le principal mode de transport du ravitaillement au début de la guerre est encore le cheval en raison du manque d'alternatives disponibles en et en raisons du rythme rapide de la guerre durant les premières semaines éloignant les troupes de leurs réseaux de chemin de fer nationaux. Les capacités d'approvisionnement par voie ferrée et par chevaux sont poussés à leurs limites. Au fur et à mesure que la guerre progresse, il devient de plus en plus difficile de permettre le ravitaillement des troupes par les moyens traditionnels en raison des conditions au front. Les voies d'approvisionnement sont devenues boueuses et impraticables. L'amélioration de l'artillerie des deux côtés et des nouvelles tactiques conduisent à avoir un train de ravitaillement de plus en plus livré sous le couvert de la nuit ce qui réduit considérablement la vitesse d'approvisionnement.

La guerre de tranchées et le blocus de l'Allemagne[modifier | modifier le code]

Ci-dessus, des paniers de munitions russes pour les obus de l'artillerie lourde. Le ravitaillement de l'artillerie de la Première Guerre mondiale est un défi. Cela aboutit pour la Grande-Bretagne à la crise des obus de 1915.

Par la suite, la stabilisation du front et le passage à une guerre statique de tranchées, il devient plus facile pour les armées de subvenir aux besoins de leurs troupes par l'usage du transport ferroviaire - en particulier pour l'artillerie. Le transport du matériel devient ainsi plus facile et plus rapide entre les usines et la ligne de front. Cette situation n'est pas sans poser des problèmes, comme en témoigne la crise des obus de 1915. Avec le développement des tranchées, des chemins de fer spéciaux à voie étroite sont construits pour étendre le réseau ferroviaire jusqu'aux lignes de front. La taille de l'armée allemande se révèle trop lourde pour que ses chemins de fer puissent la soutenir, sauf lorsqu'elle est immobile[3]. Les succès tactiques comme l'opération Michael se transforment en échecs opérationnels puisque la logistique ne parvient pas à suivre l'avancée de l'armée sur un terrain dévasté par les obus. Cette difficulté se rencontre également dans la préparation de la logistique pour la mise en œuvre de grandes offensives qui accroit les temps de préparation global[4].

Une station de chargement de munitions. Les wagons sont disposés sur un chemin de fer à voie étroite. Ci-contre, la 5e Division du Canada en France, entre et .

Sur le plan maritime, le blocus britannique de l'Allemagne maintient une mainmise sur les matières premières, les biens commerciaux et les denrées alimentaires nécessaires pour soutenir les efforts de guerre de l'Allemagne. Cette stratégie est considérée comme un élément clef de la victoire des Alliés. Du côté de ces derniers, les États-Unis sont un important producteur de matériel militaire, ce qui implique un transport transatlantique vers le Royaume-Uni et la France. Dans le même temps, la guerre sous-marine à outrance que mène l'Allemagne montre la vulnérabilité des routes maritimes malgré la supériorité navale des Alliés. Cette situation révolutionne la façon dont la guerre maritime est menée et donne lieu à la première utilisateur de convois militaires pour contrer la menace causée par les sous-marins allemands.

En , les Alliés créent le Comité militaire de ravitaillement allié qui s'avère être un mécanisme inestimable pour la coordination des besoins logistiques des armées opérant à proximité les unes des autres pendant les dernières batailles de l'automne. Le rapport de ce comité contient un plan d'ensemble des systèmes logistiques des principales armées de l'Entente[5].

Au cours de la guerre, la complexification de la logistique nécessite de développer l'administration et de multiplier de nouveaux services militaires en temps normal dévolus aux secteurs civils - ces évolutions débutent dès la fin du xixe siècle mais se concrétisent durant la Grande Guerre. Des unités spécialisées dans différents domaines se développent et évoluent parmi les divisions et corps d'armées (transport, hospitalier, ordonnance pour la livraison de matériel, etc.), augmentant de manière générale l'effectif de personnel non-combattant dans les armées[2].

Focale sur différents fronts[modifier | modifier le code]

Front de l'Ouest[modifier | modifier le code]

France[modifier | modifier le code]

La défaite de la guerre de 1870 est un traumatisme pour l'armée française qui se lance dès le printemps dans la réforme totale de son armée. Elle prend acte des erreurs tactiques et opérationnelles durant ce conflit et prend pour modèle le système prussien - maintenant allemand.[6]

États-Unis[modifier | modifier le code]

Les distances transatlantiques et le manque d'expérience des forces armées américaines en matière d'opérations à grande échelle pour rendre le soutien aux corps expéditionnaires américaines extraordinairement difficile. La production en masse de munitions, y compris de navires de charge, n'atteint son plein potentiel que vers la fin de la guerre. Durant ce temps, les États-Unis dépendent de leurs alliés européens pour la plupart des armes et de la Grande-Bretagne pour le transport maritime. En France, les Américains construisent ou améliorent les ports, les voies ferrées, les dépôts et autres installations pour acheminer le matériel vers le front. Avec le temps, les Américains apprennent les multiples fonctions associées au soutien d'un conflit de grande ampleur, ce qui permet à leurs forces expéditionnaires d'opérer comme une force indépendante. L'expérience acquise au cours de la Première guerre mondiale se révèle inestimable lors des conflits ultérieurs[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Cochet 2017, p. 254-256.
  2. a et b (en-GB) Richard M. Leighton et Encyclopædia Britannica, « Logistics : Logistic specialization » Accès limité, sur Britannica Academic, (consulté le )
  3. Creveld 1977, p. 138-141.
  4. Cochet 2017, p. 291.
  5. (en + fr) Allied and Associated Powers (1914-1920), Report of the Military board of allied supply., vol. 2, Washington, U.S. Government, 1924-1925 (lire en ligne)
  6. Boniface 2018.
  7. Hirrel 2017.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Alexander F. Barnes, « Over There: Army Expeditionary Forces Logistics in World War I », Army Logistician, vol. 41, no 4,‎ (lire en ligne)
  • François Cochet, Les Français en guerres : De 1870 à nos jours, Paris, Perrin, (ISBN 9782262050368), p. 544
  • Xavier Boniface, « 3. Refaire l’armée française », dans Hervé Drévillon, Olivier Wieviorka, Histoire militaire de la France, t. 2 : De 1870 à nos jours, Paris, Perrin, coll. « Hors collection », , 720 p. (ISBN 9782262099930), p. 77-102
  • (en) Ian Malcolm Brown, British Logistics on the Western Front : 1914–1919 (ISBN 0275958949)
  • (en-US) Leo P. Hirrel, Supporting The Doughboys : US Army Logistics and Personnel During World War I, Fort Leavenworth (Kansas), Combat Studies Institute Press, , 172 p. (ISBN 978-1-940804-32-3, lire en ligne [PDF])
  • Martin van Creveld, « 4. The wheel that broke », dans Supplying War : Logistics from Wallenstein to Patton, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-21730-X), p. 109–141
  • Martin van Creveld, « 3. World War I and the Revolution in Logistics », dans Great War, Total War Combat and Mobilization on the Western Front, 1914–1918, Cambridge University Press, (ISBN 9780521773522, DOI https://doi.org/10.1017/CBO9781139052528.004), p. 57-72
  • Gary Sheffield, « Logistics », dans War on the Western Front, Osprey Publishing (ISBN 9781846032103), p. 41-42

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]