Lois de paroi

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Les lois de paroi constituent des descriptions de l'écoulement proche de la paroi dans une couche limite. Historiquement il s'agit de relations analytiques qui ont été développées pour les problèmes d'écoulements turbulents. Elles ont été étendues sous forme analytique ou numérique à des problèmes de parois inhomogènes, par exemple rugueuses.

Histoire[modifier | modifier le code]

La première description analytique de la région proche de la paroi dans une couche limite est due à Theodore von Kármán pour l'étude de l'écoulement incompressible sur une plaque plane en 1930[1].

Celle-ci sera modifiée par Ivan Nikuradzé pour prendre en compte l'effet de rugosités pariétales, à partir de nombreux essais utilisant un dépôt de grains de sable calibrés en 1933 et les années suivantes[2]. Ce type de modèle a fait l'objet de multiples lois en utilisant la notion de grain de sable équivalent, chacune étant adaptée à un problème particulier.

Dans les années 1990 une approche par décomposition de domaine a permis de traiter des surfaces comportant des rugosités périodiques et des problèmes analogues comme les parois poreuses et l'injection pariétale de gaz.

La loi logarithmique de von Kármán[modifier | modifier le code]

Loi linéaire et loi logarithmique comparées au profil réel.

La loi logarithmique a été obtenue par von Kármán en supposant un écoulement sur plaque plane incompressible parallèle à la paroi où les fluctuations liées à la turbulence sont auto-semblables, ne différant d'un point à un autre que par des facteurs d'échelle en espace et en temps. La variable choisie pour exprimer cette hypothèse est la vitesse de frottement qui mesure la fluctuation turbulente. On obtient ainsi[3],[4]

distance à la paroi normalisée par la vitesse de frottement et la viscosité cinématique
vitesse de frottement, fonction des fluctuations de vitesse et
vitesse parallèle à la paroi normalisée par
cisaillement
masse volumique
constante de von Kármán
constante

L'expérience donne et

Le profil de couche limite est donc constitué :

  • d'une zone de taille voisine de la dimension de Kolmogorov où la viscosité domine (sous-couche laminaire) et où , équation qui résulte de la linéarisation de la relation de définition du cisaillement ;
  • d'une région de turbulence développée caractérisée par la loi logarithmique et dont le sommet est assez mal défini : , étant l'épaisseur de couche limite. Ce sommet définit une « échelle intégrale » de la couche limite ;
  • d'une région externe intermittente caractérisée par une « loi de sillage » [3],[4].

Paroi rugueuse[modifier | modifier le code]

Mesures du décalage par rapport à la loi log de von Kármán (ligne continue) pour diverses hauteurs de rugosité.

Il n'existe pas de méthode générale permettant de caractériser la rugosité. Dans le cas de rugosités ayant un caractère aléatoire on utilise les caractéristiques statistiques d'une tranche de la surface. Très souvent on utilise des surfaces modèles comme les surfaces avec dépôt de grains de sable comme l'a fait Nikuradzé dans ses expériences historiques ou bien des géométries particulières (hémisphères, troncs de cône...) régulièrement espacées sur une surface plane et qui ont fait l'objet de nombreuses études expérimentales ou numériques[5]. Il existe diverses tentatives essayant de définir une rugosité grain de sable équivalente de ces rugosités discrètes par divers paramètres : espacement, hauteur, aire exposée au vent et projetée sur la surface[6]...

Dans tous les cas on se limite à des rugosités créant des perturbations locales détruites dans la région turbulente, et donc modélisables par un terme ponctuel fonction de y seulement (homogénéisation en x). On distingue trois régimes définis dans le modèle grain de sable de taille par la hauteur adimensionnée , étant la valeur sur paroi lisse :

  • le régime lisse  : les rugosités sont de taille faible devant celle de la sous-couche laminaire et n'entraînent aucun effet ;
  • le régime rugueux établi caractérisé par son indépendance au nombre de Reynolds : les effets visqueux sont négligeables et la rugosité modifie localement la pression pariétale dont la valeur moyenne en x comporte alors une composante parallèle à la paroi lisse moyennée du fait des surpressions/dépressions sur chaque obstacle ;
  • le régime intermédiaire où les effets sont dus à la pression et au cisaillement.

La structure de la région turbulente de la couche limite n'est pas modifiée par la rugosité et la modification de la région proche de la paroi entraîne un décalage vers le bas (augmentation du cisaillement) de la loi de paroi d'une valeur déterminée expérimentalement.

Loi de paroi numérique[modifier | modifier le code]

Decomposition de domaine pour une surface périodique. est le domaine physique, et les domaines de calcul effectifs.

Le terme loi de paroi recouvre également une méthode générale de décomposition de domaine consistant à découper la couche limite en une région visqueuse contenant la rugosité et le reste du domaine. Cette méthode suppose une géométrie périodique qui peut être réalisée artificiellement en utilisant une condition de type Born-von Kármán. Cette méthode est d'usage général et est utilisée en mécanique des fluides pour le problème de la couche de Knudsen ou dans la méthode des développements asymptotiques raccordés pour la couche limite.

Dans le cas général la résolution sera faite numériquement et simultanément dans les deux domaines. Dans certains cas il est possible de paramétrer les résultats du domaine intérieur (échelle mésoscopique) et de construire ainsi une loi numérique qui servira de condition aux limites « effective » pour le domaine extérieur[7],[8],[9].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. (de) Theodore von Kármán, « Mechanische Ähnlichkeit und Turbulenz », Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, Fachgruppe 1 (Mathematik), vol. 5,‎ , p. 58–76 (lire en ligne)
  2. (de) J. Nikuradse, « Strömungsgesetze in rauhen rohren », Forshung Arbeit Ingenieurwesen, no 361,‎
  3. a et b (en) Hermann Schlichting, Boundary Layer Theory, McGraw Hill, (ISBN 3662570955, lire en ligne)
  4. a et b (en) Stephen Pope, Turbulent Flows, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-59125-2)
  5. (en) Xiaolin Zhong et Xiaowen Wang, « Direct Numerical Simulation on the Receptivity, Instability, and Transition of Hypersonic Boundary Layers », Annual Review of Fluid Mechanics, vol. 44,‎ , p. 527-561
  6. Fabienne Glikson, Couche limite sur paroi rugueuse, Thèse ISAE SupAero,
  7. (en) A. Carrau, G. Gallice et P. Le Tallec, Taking into Account Surface Roughness in Computing Hypersonic Reentry Flows, Computing Methods in Applied Sciences and Engineering, , 331-343 p.
  8. (en) Y. Achdou, O. Pironneau et F. Valentin, « Effective Boundary Conditions for Laminar Flows over Periodic Rough Boundaries », Journal of Computational Physics, vol. +47,‎ , p. 198-218
  9. (en) Stéphanie Veran, Yvan aspa et Michel Quintard, « Effective boundary conditions for rough reactive walls in laminar boundary layers », International Journal of Heat and Mass Transfer, vol. 52,‎ , p. 3712-3725