Lymphœdème chronique progressif

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Pattes à jus

Lymphœdème chronique progressif
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Lymphœdème chronique progressif chez un étalon breton de 12 ans

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Spécialité Médecine équineVoir et modifier les données sur Wikidata
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Le lymphœdème chronique progressif (abrégé LCP, familièrement dit « pattes à jus », « eaux aux jambes », « gratte » ou « dermatite du paturon »[1]) est une pododermatite[2], c'est-à-dire une maladie affectant la peau des membres du cheval de trait, réputée polyfactorielle[2], rebelle aux traitements. Les lésions sont principalement situées au niveau des paturons, peuvent remonter jusqu'aux jarrets et exceptionnellement jusqu'au ventre. Les lésions évoluent en nodules, s’ulcèrent souvent, tout en restant couvertes de croûtes. D’abord petites, elles finissent en général par être coalescentes (soudées entre elles) et deviennent douloureuses. Elles peuvent entraîner une boiterie allant jusqu'à un affaiblissement de l’animal, qui peut aboutir à sa mort précoce[1]. Des lésions secondaires telles que des infections ou des infestations secondaires, comme la gale chorioptique ou les folliculites bactériennes, peuvent apparaître[1].

Les éléments les plus caractéristiques du syndrome « pattes à jus » sont sa localisation centrée sur le paturon et qui s'étend par la suite de manière centrifuge, la présence de nodules qui s'accompagnent de croûtes et qui s'ulcèrent progressivement et le prurit qui joue un rôle important dans l'évolution des lésions[1].

Les raclages et cultures bactériennes peuvent permettre de mettre en évidence les infections secondaires les plus classiques, comme la gale chorioptique et la folliculite bactérienne.

La biopsie cutanée, associée à un examen histologique, permet de connaître les modifications dermiques et ainsi d'identifier le lymphœdème progressif chronique.

Difficile à soigner, l'issue peut être fatale pour l'animal. Parfois, même avec des soins, aucun remède ne parvient à traiter la maladie et la seule possibilité d'intervention consiste à ralentir sa progression et traiter ses signes cliniques[2].

Le LCP est très similaire à l'éléphantiasis chez l'être humain.

Description[modifier | modifier le code]

Membres postérieurs d'un étalon breton de 12 ans avec lymphœdème chronique progressif.

Le LCP est une maladie évolutive caractérisée par des lésions (érythème et prurit) suivies par l'apparition de crevasses et de croûtes pouvant aller jusqu'à l'ulcération, qui débutent sur les paturons. En phase chronique du LCP une fibrose s'installe et peut entrainer un gonflement progressif des membres du cheval[3], qui débute au niveau du boulet, et remonte progressivement vers le haut des membres[4], créant des difficultés de déplacement à l'animal. Les premiers signes comprennent l’épaississement, la formation de croûtes et le plissement de la peau[5]. Ces premiers signes peuvent être cachés par les longs fanons (poils) situés sur la partie inférieure des jambes du cheval de trait[6]. Les races de chevaux ayant des fanons à poils longs semblent prédisposées à ces affections[1]. Les quatre membres du cheval sont affectés, mais les membres postérieurs le sont généralement plus sévèrement que les membres antérieurs[6]. Les signes cliniques incluent un gonflement progressif, une hyperkératose et une fibrose distale des membres, similaire au lymphœdème chronique (elephantiasis nostras) chez l'être humain[7]. Les zones touchées provoquent des démangeaisons, ce qui pousse le cheval à taper du pied et à se frotter les jambes, qui sont douloureuses, de sorte que le cheval peut hésiter à se les laisser toucher[1]. Au fur et à mesure que le LCP progresse, des ulcères se développent sur les paturons, et la fibrose conduit à un durcissement de la peau et à la formation de nodules pouvant atteindre la taille d'une balle de baseball[6]. Les infections secondaires par des microbes ou des acariens entraînent généralement des complications[6]. Les infestations dues à l'acarien Chorioptes equi provoquent de fortes démangeaisons et conduisent à des traumatismes et à des dermatites[6].

La qualité du sabot est souvent pauvre ; les sabots sont sujets aux craquements, aux fissures, au développement du muguet et d’abcès[8]. Ces chevaux peuvent développer une fourbure[3]. Les châtaignes et les ergots sont souvent difformes et irréguliers[1].

Causes[modifier | modifier le code]

Les causes du lymphœdème chronique progressif restent inconnues mais des pistes sont en cours d'exploration.

Des causes génétiques affectant le métabolisme de l'élastine et empêchant les vaisseaux lymphatiques de fonctionner correctement, entraînant un œdème des membres inférieurs, sont suggérées.

D'autres pistes évoquent que la maladie est probablement causée par un dysfonctionnement du système lymphatique et un système immunitaire affaibli, affectant le métabolisme de l'élastine et empêchant les vaisseaux lymphatiques de fonctionner correctement, entraînant par conséquent un œdème des membres inférieurs[9].

Au niveau moléculaire, des dosages de desmosine, molécule formée de quatre lysines composants de l'élastine, ont montré des modifications entre les chevaux atteints et les chevaux sains. La desmosine présentait un taux moindre chez les animaux atteints, mais les colorations d'élastine chez ces chevaux ont révélé que l'élastine était présente en quantité plus importante dans le derme des atteints que chez les sains. Ces modifications permettent de supposer que l'élastine dermique présente une structure altérée et ne garantit plus son rôle de soutien des vaisseaux lors d'un lymphœdème progressif chronique[10],[1].

Épidémiologie[modifier | modifier le code]

Cette maladie a été identifiée chez les races de l'âne du Poitou et du Poitevin mulassier[1], du Comtois[1], du Trait du Nord[1], de l'Auxois, du Boulonnais[1], de l'Ardennais, du Breton[11], du Shire, du Clydesdale, du Trait belge, du Frison[11] et du Cob Gypsy / Tinker[4]. Les signes apparaissent généralement chez les chevaux après deux ans[4]. Les deux sexes sont touchés[6].

Traitement et soins[modifier | modifier le code]

Albion, cheval de race Shire dont les fanons ont été rasés pour permettre les soins du LCP

Le syndrome « patte à jus » est, dans certains cas, une gale chorioptique compliquée d’infection bactérienne qu’il est possible de traiter[2], dans d'autres cas, il n'existe aucun remède[3].

Pour le "vrai" LCP, le seul traitement consiste à tenter de réduire sa progression, et à soigner les signes cliniques tels que les démangeaisons[4]. Ces soins demandent une attention quotidienne pour prévenir toute infection de la peau[1].

La première étape consiste à raser les fanons du bas de la jambe, afin de s'assurer qu'aucune zone touchée ne soit oubliée, et de permettre l'application de traitements directement sur la peau affectée[1].

Les infections bactériennes peuvent être traitées en lavant et en séchant la peau en douceur[4]. Des traitements topiques sont nécessaires pour traiter la gale chorioptique (causée par l’acarien Chorioptes equi), car les acariens ne sont pas vulnérables aux traitements oraux ou systémiques quand ils se trouvent dans les croûtes de la peau[4].

Un exercice quotidien aide à l'écoulement de la lymphe[1].

La thérapie décongestive combinée consiste en un massage de la jambe pour déplacer la lymphe, suivi d'un bandage de compression spécialisé qui crée un gradient de pression vers le haut de la jambe[1]. Si le sabot est de mauvaise qualité, il est nécessaire de les tailler régulièrement pour les garder en bonne santé[1].

Pour le syndrome « patte à jus » causé par une gale chorioptique compliquée d’infection bactérienne, les étapes de soin incluent une tonte régulière, un traitement topique antibactérien (shampooing au peroxyde de benzoyle ou à la chlorhexidine), avec topique hydratant, et antiparasitaire (fenvalérate, phoxime, dimpylate), 2 puis 1 fois par semaine, et un traitement antibiotique per os (triméthoprime-sulfaméthoxypyridazine) jusqu’à guérison clinique plus 3 semaines, soit pendant 6 à 16 semaines[2].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p et q Chloé, Régine BONNISSENT, « ÉTIOLOGIE DU SYNDROME « PATTES À JUS » CHEZ LE BAUDET DU POITOU ET LE TRAIT MULASSIER POITEVIN » [PDF], sur www.google.com (consulté le )
  2. a b c d et e Didier Pin, « Conférences AVEF, AVEF 2016 Reims - Le syndrome « Patte à jus » est-il incurable ? » [PDF], sur AVEF : Journées annuelles, (consulté le )
  3. a b et c Affolter 2015, p. 521-524.
  4. a b c d e et f de Keyser, Janssens et Buys 2015, p. 260-266.
  5. Mair et Divers 2016, p. 232.
  6. a b c d e et f Scott et Miller 2011, p. 431-433.
  7. (en) « Chronic Progressive Lymphedema (CPL) in Draft Horses », University of California, Davis (consulté le ).
  8. Affolter 2013, p. 589–605.
  9. Miller et Gal 2017, p. 604.
  10. Hilde E.V. De Cock, Verena K. Affolter, Thomas B. Farver et Leen Van Brantegem, « Measurement of Skin Desmosine as an Indicator of Altered Cutaneous Elastin in Draft Horses With Chronic Progressive Lymphedema », Lymphatic Research and Biology, vol. 4, no 2,‎ , p. 67–72 (ISSN 1539-6851, DOI 10.1089/lrb.2006.4.67, lire en ligne, consulté le )
  11. a et b www.cofichev.ch, COFICHEV, « Chronic progressive lymphedema - COFICHEV », sur www.cofichev.ch (consulté le ).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • [Affolter 2013] (en) Verena K. Affolter, « Chronic progressive lymphedema in draft horses », The Veterinary clinics of North America. Equine practice, vol. 29, no 3,‎ , p. 589–605 (PMID 24267677, DOI 10.1016/j.cveq.2013.08.007)
  • [Affolter 2015] (en) Verena K. Affolter, « Chapter 24. Draft horse lymphedema », dans Robinson's Current Therapy in Equine Medicine, W B Saunders Co., , 7e éd., 521–524 p. (ISBN 978-1-4557-4555-5)
  • [de Keyser, Janssens et Buys 2015] (en) K. de Keyser, S. Janssens et N. Buys, « Chronic progressive lymphoedema in draught horses », Equine Veterinary Journal, vol. 47, no 3,‎ , p. 260–6 (PMID 24593274, DOI 10.1111/evj.12256.)
  • [Mair et Divers 2016] (en) Tim S. Mair et Thomas J. Divers, Self-Assessment Color Review Equine Internal Medicine, CRC Press, , 2e éd., 399 p. (ISBN 978-1-4822-2537-2, lire en ligne), « Answers. Case 76 », p. 232
  • [Miller et Gal 2017] (en) Lisa M. Miller et Arnon Gal, « Chapter 10. Cardiovascular system and lymphatic vessels. Disorders of horses. Chronic progressive lymphedema in draft horses », dans Pathologic basis of veterinary disease, Elsevier, , 6e éd. (ISBN 978-0-323-35775-3), p. 604
  • [Scott et Miller 2011] (en) Danny W. Scott et William H., Jr. Miller, « Chronic progressive lymphedema », dans Equine dermatology, Maryland Heights, Missouri, Elsevier/Saunders, , 2e éd., 431-433 p. (ISBN 9781437709216)