Mad Studies

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Les Mad Studies désigne un domaine d'études universitaires et d'activisme sur les expériences, les cultures et politiques des personnes qui s'identifient comme folles, souffrant de troubles mentaux, neurodivergentes, survivante/utilisatrices de la psychiatrie, et handicapées [1] Les Mad Studies sont issues de mouvements de consommateurs/survivants de la psychiatrie organisés autour du monde, principalement dans les pays du Nord Global[2]. Les méthodologies utilisées s'inspirent d'un certain nombre de disciplines universitaires telles que les études sur les femmes, les études critiques sur la race, les épistémologies autochtones, les études queer, l'anthropologie psychologique et l'ethnographie[3]. Ce domaine partage des similitudes théoriques avec les études critiques sur le handicap, la psychopolitique [4] et la théorie sociale critique. Le mouvement universitaire s'est formé, en partie, en réponse aux mouvements de rétablissement en santé mentale, que de nombreux spécialistes des Mad studies considèrent comme étant « cooptés » par les systèmes de santé mentale[3]. En 2021, la première revue académique de Mad Studies, The International Journal of Mad Studies, a été lancée.

Origine et portée[modifier | modifier le code]

Richard A. Ingram, chercheur membre de l'école des études sur le handicap de l'Université Ryerson (2007), a été reconnu pour avoir inventé l'expression « Mad Studies » lors de la première conférence régionale sur les études sur le handicap des étudiants diplômés et de premier cycle à l'Université de Syracuse le 3 mai 2008 [3],[5],[6]. Bien que crédité comme l'inventeur du terme, Ingram fait remarquer que cette attribution est bien plus le fait de coincidences et circonstances dans un milieu déjà propice à l'utilisation et l'invention de ce terme[5]. Dans un article universitaire intitulé « Doing Mad Studies : Making (Non)sense Together », Ingram cite un certain nombre de théoriciens qui ont créé les bases intellectuelles de ce domaine, notamment Nietzsche, Bataille, Blanchot, Deleuze et Guattari [5].

Dans un article de 2014 de The Guardian , Peter Beresford nomme plusieurs universitaires canadiens à l'avant-garde de ce domaine universitaire tels que les surivivants de la psychiatrie et militant David Reville et Geoffrey Reaume, ainsi que les chercheuses Kathryn Church et Brenda LeFrancois[7]. Le journaliste Alex Gillis résume quant à lui la diffusion des programmes de Mad Studies en citant notamment plusieurs cours similaires dans les universités Simon Fraser, Memorial et Queen, ainsi qu'en Angleterre et en Ecosse[8].

Selon The Icarus Project [9], les Mad studies offrent une approche inclusive, intersectionnelle, pour contextualiser et comprendre la folie dans son cadre historique. Elle s'interessent entres autres à la construction sociale de la maladie mentale, ainsi qu'à l'expansion rapides de nosologies pour celle-ci. Elle se propose entre autres de s'interroger sur les collusions entres associations professionnelles psychiatriques et industries pharmaceutiques, aux liens entre ecocide et stress mental, aux représentations de la folies dans les médias et a l'histoire du mouvement des usagers/survivants de la psychiatrie [10]. Les personnes folles ont historiquement été exclus de l’élaboration de ce qui constitue une connaissance scientifique d’elles-mêmes[11].

Les pédagogies proposées par les Mad Studies se concentrent souvent sur la manière dont les expériences des personnes folles représentent des lieux d'apprentissage détenant des connaissances et des valeurs importante. En tant que telles, les approches pédagogiques informées par les Mad Studies mettent l'accent sur les perspectives des personnes folles comme un moyen de contrer l'oppression saniste et de remodeler le programme pour mieux apprecier et comprendre les personnes folles[12]. Réfutant ainsi une pédagogie de la "sanité "[13] et ouvrant de nouvelles possibilités. Enseigner sous l’angle des Mad Studies nécessite de désapprendre la normativité, de repenser les paradigmes sanistes et représente une pratique critique disruptive[14].

Lien avec Disability Studies[modifier | modifier le code]

Les Mad Studies sont particulièrement liées aux Disability Studies,bien que divergent de certains discours.

À l'instar des Disability Studies, les Mad Studies se sont développées à partir de mouvements militants existant et s'appuient sur les modèles sociaux du handicap, qui soutiennent que le handicap résulte d'un ensemble de forces politiques, sociales et culturelles plutot que les conséquences inévitable d'une déficience personnelle [15] (p109). En outre, ces deux cadres placent au centre des préoccupations les personnes touchées par ces discours (c'est-à-dire les personnes folles et handicapées), car ils considèrent que celles-ci produisent des connaissances essentielles à sa comprehension[15]. Cela signifie en partie que les connaissances produites et diffusées sur les disciplines ont pour objectif d'être accessible.

Cependant, une critique récurrent des Mad Studies sur ce sujet est que la conception des Disability Studies a souvent centrées les handicaps physiques durant son développement[15]. Cela devient plus évident dans la focalisation sur la déficience par rapport au handicap. Selon Disabled Peoples' International, la déficience fait référence à la limitation fonctionnelle chez l'individu causée par une déficience physique, mentale ou sensorielle, tandis que le handicap fait référence à la perte ou la limitation des opportunités de participer à la vie normale de la communauté de manière niveau égal avec les autres en raison des barrières physiques et sociales. [16] (p5)Les personnes folles peuvent ainsi avoir l’impression que le langage de la déficience est inadaptée à leur experience.

Enfin, même si la plupart des personnes avec des conditions mentales n’aiment pas les termes liés la folie, ils n’ont pas non plus le sentiment que le modèle social du handicap représente de manière adéquate leurs besoins et leurs luttes[17].

Textes clés[modifier | modifier le code]

  • This is Survivor Research, éditée par Angela Sweeney, Peter Beresford, Allison Faulkner, Mary Nettle, et Diana Rose (2009)[18]
  • Mad at School: Rhetorics of Mental Disability and Academic Life, par Margaret Price (2011)[19]
  • Mad Matters: A Critical Reader in Canadian Mad Studies, édité by Brenda A. LeFrançois, Robert Menzies, and Geoffrey Reaume (2013)[20]
  • Psychiatry Disrupted: Theorizing Resistance and Crafting the (R)evolution, édité par Bonnie Burstow, Brenda A. LeFrançois et Shaindl Diamond (2014) [21]
  • Decolonizing Global Mental Health: The Psychiatrization of the Majority World par China Mills (2014)[22]
  • Disability Incarcerated: Imprisonment and Disability in the United States and Canada, édité par Liat Ben-moshe, Allison C. Carey, et Chris Chapman (2014)[23]
  • Madness, Distress, and the Politics of Disablement, édité par Helen Spandler, Jill Anderson, et Bob Sapey (2015)[24]
  • Psychiatry and the Business of Madness: An Ethical and Epistemological Accounting par Bonnie Burstow (2015)[25]
  • Searching for a Rose Garden: Challenging Psychiatry, Fostering Mad Studies, édité par Jasna Russo et Angela Sweeney (2016)[26]
  • Deportation and the Confluence of Violence within Forensic Mental Health and Immigration Systems par Ameil J. Joseph (2015)[27]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Castrodale, « Mad matters: a critical reader in Canadian mad studies », Scandinavian Journal of Disability Research, vol. 17, no 3,‎ , p. 284–6 (DOI 10.1080/15017419.2014.895415)
  2. (en) Peter Beresford et Diana Rose, « Decolonising global mental health: The role of Mad Studies », Cambridge Prisms: Global Mental Health, vol. 10,‎ , e30 (ISSN 2054-4251, DOI 10.1017/gmh.2023.21, lire en ligne, consulté le )
  3. a b et c Mad matters: a critical reader in Canadian mad studies, Toronto, Canadian Scholars' Press Inc, (ISBN 978-1-55130-534-9)
  4. Cresswell & Spandler, « The Engaged Academic: Academic Intellectuals and the Psychiatric Survivor Movement », Social Movement Studies, vol. 12, no 2,‎ , p. 138–154 (DOI 10.1080/14742837.2012.696821, S2CID 55495048, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  5. a b et c Ingram, « Doing Mad Studies: Making (Non)sense Together », Intersectionalities, vol. 5, no 3 (Special Issue) Mad Studies: Intersections with Disability Studies, Social Work, and ‘Mental Health’,‎ , p. 11–17 (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  6. « Mentally Sound Show 9 (13/11/15) Mentally Sound Radio Show podcast », sur web.archive.org, (consulté le )
  7. « Mad studies brings a voice of sanity to psychiatry », The Guardian,‎
  8. « The Rise of Mad Studies », University Affairs,‎
  9. « Mad Studies » [archive du ], Asheville Radical Mental Health Collective, (consulté le )
  10. « Mad Studies » [archive du ], sur Asheville Radical Mental Health Collective, (consulté le )
  11. Castrodale, M. A. (2018). Teaching (with) dis/ability and madness. In M. Jeffress (Ed.), International perspectives on teaching with disability (pp. 188–204). Routledge.
  12. (en) Castrodale, « Critical Disability Studies and Mad Studies: Enabling new Pedagogies in Practice », Canadian Journal for the Study of Adult Education, vol. 29, no 1,‎ , p. 49–66 (ISSN 1925-993X, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  13. (en) Procknow, « The pedagogy of saneness: a schizoaffective storying of resisting sane pedagogy », International Journal of Qualitative Studies in Education, vol. 32, no 5,‎ , p. 510–528 (ISSN 0951-8398, DOI 10.1080/09518398.2019.1597208, S2CID 150685760, lire en ligne)
  14. (en) Snyder, Pitt, Shanouda et Voronka, « Unlearning through Mad Studies: Disruptive pedagogical praxis », Curriculum Inquiry, vol. 49, no 4,‎ , p. 485–502 (ISSN 0362-6784, DOI 10.1080/03626784.2019.1664254, S2CID 210372162, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  15. a b et c (en) Hannah Morgan, The Routledge International Handbook of Mad Studies, Routledge, , 108–118 p. (ISBN 978-0-429-46544-4, DOI 10.4324/9780429465444-16, S2CID 243074532), « Mad Studies and disability studies »
  16. Mike Oliver, Disability and Equality Law, Routledge, , 3–18 p. (ISBN 9781315094861, DOI 10.4324/9781315094861), « Defining Impairment and Disability: issues at stake »
  17. (en) Beresford et Russo, « Supporting the sustainability of Mad Studies and preventing its co-option », Disability & Society,‎ , p. 1–5 (ISSN 0968-7599, DOI 10.1080/09687599.2016.1145380)
  18. Sweeney, Beresford, Faulkner, Nettle, Rose, This is Survivor Research, UK, PCCS Books, (ISBN 978-1906254148)
  19. Margaret Price, Mad at School: Rhetorics of Mental Disability and Academic Life, Ann Arbor, The University of Michigan Press, (ISBN 978-0472051380)
  20. Mad matters: a critical reader in Canadian mad studies, Toronto, Canadian Scholars' Press Inc, (ISBN 978-1-55130-534-9)
  21. « Psychiatry disrupted: theorizing resistance and crafting the (r)evolution », Disability & Society, vol. 30, no 7,‎ , p. 1133–1136 (ISSN 0968-7599, DOI 10.1080/09687599.2015.1037561)
  22. China Mills, Decolonizing Global Mental Health: The Psychiatrization of the Majority World, East Essex, Routledge, (ISBN 9781848721609)
  23. Liat Ben-Moshe, Chris Chapman et Allison C. Carey, Disability incarcerated: imprisonment and disability in the United States and Canada, New York (N.Y.), Palgrave Macmillan, (ISBN 978-1-137-39323-4)
  24. Madness, distress and the politics of disablement, Bristol Chicago, Policy Press, (ISBN 978-1-4473-1458-5)
  25. Bonnie Burstow, Psychiatry and the Business of Maddness, New York, Palgrave MacMillan, (ISBN 978-1137503848)
  26. Searching for a rose garden: challenging psychiatry, fostering mad studies, Ross-on-Wye, Herefordshire, PCCS Books, (ISBN 978-1-910919-23-1)
  27. Joseph, Ameil, Deportation and the Confluence of Violence within Forensic Mental Health and Immigration Systems, London, Palgrave MacMillan, (ISBN 978-1-349-55826-1)