Maintenance opportuniste

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Maintenance d'une éolienne à Syke, en Basse-Saxe, Allemagne, en 2008. L'élévateur peut être prolongé jusqu'à 70 m de hauteur.

La maintenance opportuniste (en anglais opportunistic maintenance) est une stratégie de maintenance préventive[1] consistant à tirer parti de l'arrêt programmé d'une machine ou d'un système pour remplacer non seulement la pièce usagée ou le composant déficient mais aussi plusieurs pièces ou composants proches qui ne sont pas encore dans cet état, quand ce n'est pas la totalité d'entre eux.

Description[modifier | modifier le code]

En France, l'expression « maintenance opportuniste » n'est pas encore définie par une norme de l'AFNOR, mais la pratique est bien connue et largement utilisée[2].

La maintenance opportuniste concerne les systèmes à composants multiples ou multicomposants (multi-component systems) et non les systèmes à un seul composant ou monocomposants (single-component systems)[3].

Elle consiste à tirer parti de l'arrêt programmé d'une machine ou d'un système pour remplacer non seulement la pièce usagée ou le composant déficient mais aussi plusieurs pièces ou composants proches qui ne sont pas encore dans cet état, quand ce n'est pas la totalité d'entre eux. Le changement d'une pièce dans un état critique donne l'occasion (en anglais opportunity) de changer préventivement les autres pièces. La raison de ce regroupement des interventions de maintenance est généralement la recherche de l'économie : il est souvent moins cher de faire un remplacement global que plusieurs remplacements ponctuels[4]. Cette politique est avantageuse lorsqu'il existe une économie d'échelle, c'est-à-dire lorsque le coût d'une maintenance groupée est inférieur à la somme des coûts des actions de maintenance séparées pour le critère coût par unité de temps où le composant a travaillé ou lorsqu'on peut réaliser plusieurs remplacements à la fois pour le critère de disponibilité des matériels et des hommes[5].

Remarque : il est possible de déclencher une action de maintenance opportuniste également à l'occasion d'une maintenance corrective entraînée par la défaillance d'un composant. Les composants faisant l'objet d'une telle action doivent posséder des propriétés de proximité par rapport au composant défaillant. Dans ce cas de figure, la décision doit être prise en temps réel, en réaction à l'événement[6].

Origines[modifier | modifier le code]

Les travaux consacrés à la « maintenance opportuniste » sont relativement récents car, jusque dans les années 1990, la plupart des modèles de maintenance ne concernaient que les systèmes de production monocomposants. Cependant, quelques chercheurs américains s'étaient intéressés à des modèles opportunistes sur des systèmes multicomposants au début des années 1960 au sein du RAND Project : John Joseph McCall, Dale Weldeau Jorgensen ou encore Roy Radner avaient fait l'étude systématique de la combinaison d'une action de maintenance préventive et d'une action de maintenance corrective sur un système de production multicomposant dans le but de réduire les coûts de remise en état (set up costs) d'un équipement. Préconisant une « politique de remplacement opportuniste » (opportunistic replacement policy), ils avaient proposé de réaliser un remplacement préventif du composant non surveillé dans un système multicomposant, en fonction de l'état (dégradé ou non) d'un ou de plusieurs autre(s) composant(s) surveillé(s) en continu[7].

Domaines d'application[modifier | modifier le code]

Des stratégies de maintenance opportuniste sont mises en œuvre dans de nombreux domaines : industrie manufacturière, industrie de l'armement, industrie automobile, réalisation d'infrastructures et de biens d'équipement[8].

En maintenance ferroviaire, des actions de maintenance opportuniste peuvent être effectuées dans une zone voisine de celle où une maintenance préventive (voire corrective) a lieu, ou encore sur un autre organe d'un système donnant lieu à une intervention. Exemple : le remplacement et/ ou le meulage de certaines portions de voies. Ce type d'action vise à optimiser les coûts de maintenance, les temps d'intervention et d'utilisation des matériels[9].

Un domaine où une maintenance opportuniste est envisageable (et conseillée) est celui des parcs d'éoliennes car il peut être plus économique de traiter plusieurs turbines et/ou leurs composants lorsque l'occasion d'une intervention préventive ou corrective se présente[10].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Edouard Thomas 1, William Derigent, Eric Levrat, Modélisation floue de la proximité pour la maintenance opportuniste, 16èmes Rencontres francophones sur la logique floue et ses applications, LFA 2008, Lens, 2008

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. L'anglicisme partiel « maintenance » employé ici est d'un usage généralisé en France mais au Canada on lui préfère « entretien ». Dans Les mots anglais du français (Belin, 1998, p. 282), Jean Tournier cite maintenance dans la section « Armement, armée » : maintenance (...) (mintt-nanss), n. f. a) 1953. Maintien numérique des effectifs et du matériel d'une troupe au combat ; b) 1962, plus généralement, ensemble des opérations d'entretien du matériel. Du moyen français maintenance « protection ». Réemprunt intégré. Admis au J. O. au sens b) dans différents domaines (18.01.73, 19.02.84, 21.03.86).
  2. Edouard Thomas, Contribution à la prise de décision dynamique en maintenance prévisionnelle par formalisation d'un principe d'opportunité, thèse présentée pour l'obtention du titre de docteur de l'université Henri Poincaré, Nancy I, en Automatique, Traitement du Signal, Génie Informatique, 15 juillet 2009, chap. 2 : Vers de nouvelles formes de maintenance opportuniste, p. 66 : « Nous verrons que des situations très différentes sont parfois qualifiées d'opportunistes, ce qui peut résulter de l'absence de définition de ce terme au sein d'une norme ou de l'absence de consensus autour de l'expression « maintenance opportuniste ». »
  3. Edouard Thomas, Contribution à la prise de décision dynamique en maintenance prévisionnelle par formalisation d'un principe d'opportunité, op. cit., p. 66 : « La notion de maintenance opportuniste devient pertinente dès lors que le système de production considéré est multicomposant : la notion de maintenance opportuniste a peu de sens pour un système monocomposant. »
  4. Valérie Zille, Modélisation et évaluation des stratégies de maintenance complexes sur des systèmes multi-composants, thèse de doctorat, Université de technologie de Troyes, Institut Charles Delaunay, 29 janvier 2009, pp. 35-36 (1.2.2. Le groupement des tâches : la maintenance opportuniste) : « Le groupement préventif [des tâches de maintenance] peut également se faire de manière opportuniste [Nachlas, 2005]. Les politiques de maintenance opportuniste ont pour objectif de prendre en compte des interactions entre les composants d'un même système. Ainsi, un matériel peut subir une action de maintenance préventive lorsqu'on doit effectuer une action de maintenance, préventive ou corrective, sur un autre composant du système. On limite ainsi les interventions sur le système et on diminue la durée d'indisponibilité pour maintenance, tout en combinant la réalisation des interventions correctives et préventives. Comme dans le cas des groupements préventifs planifiés, les coûts fixes de maintenance peuvent être réduits. » Aussi p. 92 (3.3.2. L'activation des tâches de maintenance) : « La réalisation des tâches de maintenance implique souvent l'indisponibilté programmée des matériels concernés. Pour réduire l'impact sur les performances du système, il est quelquefois possible, et de plus en plus courant, de profiter de l'arrêt d'un matériel pour maintenance, pour effectuer une opération de maintenance sur un autre matériel. On évite ainsi d'autres arrêts pour maintenance. Il s'agit alors de maintenance opportuniste [Rao & Bradbury, 2000). Elle est mise en œuvre pour tirer parti d'économies dues à des dépendances économiques principalement (set-up cost, économie d'échelle) [Wildeman, 1996]. »
  5. Pascal Vrignat et al., Génération d'indicateurs de maintenance par une approche paramétrique et par une approche markovienne, Revue Science et Maintenance (AFIM), Volume X, 2012, pp. 1-28, p. 10.
  6. Pierre Cocheteux, Contribution à la maintenance proactive par la formalisation du processus de pronostic des performances de systèmes industriels, thèse présentée pour l'obtention du titre de docteur de l'université Henri Poincaré, Nancy I, en automatique, traitement du signal et des images, génie informatique, soutenue le 15 novembre 2010, p. 46.
  7. Edouard Thomas, Contribution à la prise de décision dynamique en maintenance prévisionnelle par formalisation d'un principe d'opportunité, op. cit., p. 67.
  8. (en) Analysis and Modeling of Grouped and Opportunistic Preventive Maintenance, Reliability HotWire, The eMagazine for the Reliability Professional, issue 78, August 2007 : « Such maintenance strategies are performed in many areas and industries, including manufacturing, military, automotive, infrastructure, capital equipment, etc. »
  9. Laurent Bouillant, Patrice Aknin, Maintenance de l'infrastructure ferroviaire. État actuel et perspectives, INRETS - LTN, mai 2007.
  10. (en) Fangfang Ding, Zhigang Tian, Opportunistic maintenance for wind farms considering multi-level imperfect maintenance thresholds, Renewable Energy, vol. 45, septembre 2012, pp. 175–182 : « Economic dependencies exist among wind turbine systems and their components in the wind farm. That is, it may be more economical to maintain multiple turbines or turbine components when a corrective or preventive maintenance opportunity presents » (tiré du résumé – abstract – de l'article).

Liens externes[modifier | modifier le code]