Massacre de Pégou

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Massacre de Pégou
Image illustrative de l’article Massacre de Pégou
Emplacement du massacre

Date 9 Avril 2021
Morts 82+ victimes civiles
Auteurs Armée de terre birmane, Force de police birmane

Le massacre de Pégou est un massacre de civils survenu le vendredi 9 avril 2021 dans la ville de Pégou, en Birmanie. Pendant le massacre, les troupes de l'armée de Birmanie et les officiers de la police de Birmanie tuent au moins quatre-vingt-deux civils[1]. À l'époque, le massacre devient l'événement national le plus meurtrier depuis le coup d'État de 2021 en Birmanie, précédé du massacre de Hlaingthaya moins d'un mois plus tôt[2]. Le massacre de Pégou fait près de 40 % des victimes civiles en avril 2021[2].

Contexte[modifier | modifier le code]

Des manifestants à Pégou en février 2021.

Le 1er février 2021, les forces armées de Birmanie organisent un coup d'État et renversent le gouvernement démocratiquement élu de la Ligue nationale pour la démocratie. Peu de temps après, l'armée crée une junte, le Conseil d'administration de l'État, et déclare l'état d'urgence national. En réponse, des civils dans tout le pays, y compris Pégou, organisent des manifestations à grande échelle pour résister à la prise de contrôle militaire. L'artère de Magadit Road, parsemée de barricades artisanales érigées par les manifestants, devient un bastion clé de la contestation à Pégou[3],[4].

Incident[modifier | modifier le code]

Palais de Kanbawzathadi près du site du massacre.

Dans les semaines qui précèdent le massacre, la junte militaire met en place une coupure nocturne d'Internet à Pégou[5]. Au cours de la soirée précédente, la rumeur d'une opération militaire imminente circule largement parmi les habitants[6]. Le matin du 9 avril 2021, les services Internet, téléphonique et électrique sont déconnectés à Pégou, pour entraver la coordination et la communication entre les manifestants[7],[5],[6].

À 4 heures du matin, l'armée lance des opérations avec 250 soldats attaquant les quartiers résidentiels de Pégou à Shinsawbu, Nantawya, Hmawkan et Ponnasu, entre les routes Magadit et Sandawtwin près du palais Kanbawzathadi[8]. Les forces militaires bloquent toutes les routes principales de la ville[4]. À 5 heures du matin, les forces de police commencent à tirer sans discernement sur les manifestants avec des armes lourdes alors que les forces armées détruisent les barrages routiers[9],[1]. Certains civils prennent des mesures défensives, lançant des feux d'artifice et des projectiles artisanaux sur les forces qui avancent[6]. À 10 heures du matin, les forces de police franchissent la dernière barricade sur Sandawtwin Road, établissant ainsi le contrôle total de la ville[7],[9]. Durant le massacre, les forces de police ont ciblé en priorité les volontaires médicaux et de nombreuses victimes sont mortes d'une perte de sang excessive[10],[11].

Les forces de sécurité utilisent des tactiques de contre-insurrection contre les civils, ce qui fait un grand nombre de victimes[7]. Immédiatement après, l'Association d'assistance aux prisonniers politiques fait état d'au moins 20 morts[12]. Le lendemain, le nombre de morts passe à 82[12]. En novembre 2021, au moins 50 victimes restent non identifiées[13].

Auteurs[modifier | modifier le code]

Les forces de l'Armée birmane et les forces de polices birmanes joignent leur force pour perpétrer le massacre[14],[7]. Une base militaire se trouve à 2 km au nord de l'emplacement du massacre[6]. Les forces de police utilisent des armes létales contre les civils, incluant des fusils d'assaut, des armes lourdes et des grenades à main[1],[12]. Les soins médicaux sont refusés aux blessés[15],[16].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Après le massacre, les troupes militaires restent stationnées près du site du massacre[17]. Par la suite, environ 100 000 habitants des cinq quartiers voisins fuient leurs maisons[18],[2],[3]. Les cadavres des victimes sont temporairement stockés dans l'enceinte de la pagode Shin Sawbu (également connue sous le nom de pagode Zeyamuni)[19],[20]. Les forces de police barricadent le site pendant plusieurs jours, empêchant les civils de récupérer les cadavres[8]. À la suite de la répression, l'armée exige le paiement de 120 000 MMK (80 €) aux familles pour récupérer les cadavres des victimes[21],[22].

Réactions[modifier | modifier le code]

Internes[modifier | modifier le code]

Le lendemain, le journal dirigé par l'armée, le Global New Light of Myanmar, qualifie les manifestants d'émeutiers et affirme qu'ils avaient attaqué les forces de police avec des armes à feu artisanales, des cocktails Molotov, des flèches et des grenades[1]. Un leader de la contestation, Ye Htut,compare le massacre à un génocide[20].

Internationales[modifier | modifier le code]

Michelle Bachelet, du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, publie une déclaration condamnant l'escalade de la violence aveugle et l'utilisation d'armement militaire contre des civils[1]. Elle compare la violence aux incidents de la guerre civile syrienne[23] .

Le 12 avril, le Conseil Consultatif Spécial pour la Birmanie demande au Secrétaire général des Nations Unies d'agir immédiatement en réponse à la répression à Pégou[24]. Thomas Andrews, le rapporteur spécial de l'ONU pour la Birmanie, qualifie le massacre de crime contre l'humanité[5].

Le 10 décembre 2021, le gouvernement américain annonce qu'il impose des sanctions à Myo Swe Win, le ministre en chef nommé par la junte de la région de Pégou, en réponse au massacre[25].

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e (en) Hancocks et Salai TZ, « Witnesses to Bago killings describe relentless military onslaught against Myanmar civilian population », CNN, (consulté le )
  2. a b et c « Nowhere is Safe": The Myanmar Junta's Crimes Against Humanity », Fortify Rights,
  3. a et b (en) « Large numbers feared dead in Bago as soldiers crush protest stronghold », Myanmar NOW, (consulté le )
  4. a et b (en) « Digital investigation sheds light on deadly incident in Myanmar », NHK WORLD, (consulté le )
  5. a b et c (en) « Myanmar’s Military Massacre in Bago: Hour by Hour Internet Access Measurement », Insights @ Monash University IP Observatory, (consulté le )
  6. a b c et d (en) « Violence against protestors in Bago », Myanmar Witness, (consulté le )
  7. a b c et d (en) Lee, Mahtani, Kelly et Mirza, « How Myanmar’s military terrorized its people with weapons of war », Washington Post, (consulté le )
  8. a et b (en-US) « Myanmar Junta’s Worst Massacres of 2021 », The Irrawaddy, (consulté le )
  9. a et b (en) « Anatomy of a Massacre: How Myanmar’s Military Killed Dozens of Pro-Democracy Protesters », Vice, (consulté le )
  10. (en-US) Nay Lin Tun, « Frontline doctors risk persecution, careers – and their lives », Frontier Myanmar, (consulté le )
  11. (en-US) « ‘The military is hunting us’: volunteer medics in the crosshairs », Frontier Myanmar, (consulté le )
  12. a b et c (en-US) « Daily Briefing in Relation to the Military Coup », Assistance Association for Political Prisoners, (consulté le )
  13. « Recent Fatality List », Assistance Association for Political Prisoners,
  14. (en) « Myanmar: Protesters Targeted in March Massacre », sur Human Rights Watch, (consulté le )
  15. (en) « Myanmar violence ‘must cease immediately’: UN agencies | UN News », sur news.un.org, (consulté le )
  16. (en-US) AFP, « Myanmar's post-coup civilian death toll climbs past 700 », sur Frontier Myanmar, (consulté le )
  17. (en-US) « Death Toll in Myanmar Regime’s Latest Massacre Rises as Details Emerge », The Irrawaddy, (consulté le )
  18. (en) « Tens of Thousands of Residents Flee Bago in Wake of Assault by Myanmar Security Forces », Radio Free Asia, (consulté le )
  19. (my) « ပဲခူးမြို့ပစ်ခတ်မှုတွင် သေဆုံးသူအရေအတွက် ၈၂ ဦး ရှိလာ », Myanmar NOW,‎ (consulté le )
  20. a et b (en) « 'It's like genocide': Myanmar security forces with rifle grenades reportedly kill over 80 protesters », SBS News, (consulté le )
  21. (en) Regan, « UN rights chief fears Myanmar heading to 'full blown conflict' with echoes of Syria », CNN, (consulté le )
  22. (en) Hollingsworth et Sharma, « Myanmar's military is charging families $85 to retrieve bodies of relatives killed in crackdown », CNN, (consulté le )
  23. (en) Helen Regan, « UN rights chief fears Myanmar heading to 'full blown conflict' with echoes of Syria », sur CNN, (consulté le )
  24. (en) « SAC-M: After Horror in Bago the United Nations Secretary General Must Act - Special Advisory Council for Myanmar », (consulté le )
  25. (en) « Treasury Sanctions Perpetrators of Serious Human Rights Abuse on International Human Rights Day », U.S. Department of the Treasury, (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]