Mobilier Silex

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Détail d'un meuble Silex.

Le mobilier Silex est un type de mobilier créé par Gustave Serrurier-Bovy. Il est fabriqué pour la première fois lors de l’Exposition universelle de Liège de 1905 dans le cadre de sa participation au concours d’habitations ouvrières, dont l’objectif est de créer un mobilier de qualité et abordable[1].

Gustave Serrurier-Bovy (1858 – 1910)[modifier | modifier le code]

Gustave Serrurier, plus connu sous le nom Gustave Serrurier-Bovy, est un architecte, créateur de meubles et décorateur belge né en 1858 et décédé en 1910 à Liège. Souvent présenté comme l’un des principaux représentants belges de l'Art nouveau aux côtés de figures comme Victor Horta et Henry Van de Velde, Gustave Serrurier-Bovy est également considéré comme un précurseur du modernisme, de l’esthétique industrielle et du design, en s’inscrivant dans un art résolument social.

Le projet Silex : un mobilier accessible à tous[modifier | modifier le code]

En créant le mobilier Silex, Gustave Serrurier-Bovy crée un mobilier qu’il souhaite accessible à tous, harmonisant les normes esthétiques et fonctionnelles. En effet, il rassemble et concrétise les grands principes de réflexion de l’artiste que sont le rationnel et le social[2].

Il s’éloigne des références aux styles antérieurs, des tendances artisanales et luxueuses au profit d’une fabrication mécanisée, d’une esthétique industrielle caractérisée par la fonctionnalité, la rationalité et la simplicité. Au regard de ces éléments, les pièces de mobilier Silex sont emblématiques de la production en série.

Si ce mobilier est souvent considéré comme précurseur du mobilier « en kit », il s’agit d’une idée reçue, celui-ci étant non démontable malgré son apparente simplicité de construction comme l'atteste le nombre important de vis et plaquettes le composant[3].

Il s’agit aujourd’hui peut-être du mobilier « le plus connu et le plus emblématique de toute la production de Serrurier »[4].

Principes et caractéristiques[5][modifier | modifier le code]

Principes directeurs[modifier | modifier le code]

  • Retour à la forme élémentaire, recherche de la fonctionnalité maximale ;
  • Ergonomie dans une optique de facilité d’emploi au quotidien ;
  • Solidité des matériaux et lisibilité de la construction ;
  • Économie de moyens.

Spécificités du dessin et de la construction[modifier | modifier le code]

  • Volumes ouverts et définis au sein d’une construction orthogonale lisible
  • Plans aux lignes géométriques (droites ou courbes), simples et épurées (planéité des surfaces et netteté des angles). Les jeux de superposition et recoupements des plans ne se font pas au détriment de la netteté et de la lisibilité du mobilier
  1. Segments de droites groupés verticalement. Si interrompus, par des groupements horizontaux.
  2. Segments d’arcs de cercle horizontaux et tendus
  • Rythme harmonieux, entre pleins et vides
  • Travail par assemblage, au moyen de vis sur plaquettes carrées ou rondes, de planchettes découpées

Matériaux[modifier | modifier le code]

  • Bois : le peuplier, utilisé exclusivement sous forme de planchettes peu coûteuses
  • Métal : le fer peint

Éléments décoratifs[modifier | modifier le code]

  • Généralement peu invasifs, toujours dans un souci de lisibilité, éléments de construction et fonctionnels devant rester au premier plan.
  • Éléments métalliques (vis et plaquettes) peints en bleu, vert ou rose
  • Décoration des meubles peints au pochoir, en aplat, associant des motifs épurés composés de lignes et de fleurs (iris) stylisées. Cette décoration n’est pas systématique ; elle habille généralement les pièces plus imposantes.

En résumé[modifier | modifier le code]

Ce mobilier présente un aspect épuré et robuste. Il est caractérisé par un assemblage de formes simples (par exemple, la planchette et le barreau). Cet assemblage, facile et pratique, peut être effectué rapidement et aisément. Créées à base de bois peu coûteux, les planchettes et parties composant le meuble sont fixées grâce à des vis sur plaquettes, toutes deux en fer, apparentes et généralement peintes. La décoration du meuble est réalisée grâce à des pochoirs.

Influences et inspirations[modifier | modifier le code]

Dès les débuts de sa carrière d’architecte (ca. 1880), Gustave Serrurier-Bovy est marqué par les écrits d’Eugène Viollet-le-Duc, qu’il considère comme un mentor. Il partage son goût pour le rationalisme constructif en architecture[6].

« Serrurier voulait, raconte Paul Jaspar, que son travail de menuiserie soit établi à partir des raisonnements théoriques de Viollet-le-Duc. Il s’agit là des principes de la rationalité constructive, tels qu’on les trouve dans l’Histoire de l’habitation humaine, transposés aux problèmes de construction mobilière, c’est-à-dire le ‘principe de légitimité’ [nécessité pour une forme d’être utile et fonctionnelle], le ‘principe de double vérité’ [conformité du produit au but fixé et matériaux adaptés à leur emploi] et le ‘principe de lisibilité’ [nécessité pour une construction d’être directement lisible à l’œil] »[7].

L’influence des idéaux philosophiques du mouvement Arts and Crafts est également perceptible : création d’un art pour tous, présent dans les objets du quotidiens ; retour vers l’artisanat et ses techniques traditionnelles ; utilisation valorisation de matériaux naturels ; emploi de formes et lignes simples. Serrurier-Bovy s’éloigne toutefois du principe de propriété artistique défendu par ce même mouvement[8].

René Dulong a été l’ami et collaborateur de Serrurier-Bovy pendant plusieurs années. Ils se sont rencontrés en 1899, ont collaboré sur plusieurs projets (dont celui du château de la Cheyrelle) et ont fondé la société « Serrurier et Cie », active entre 1903 et 1907.

Leur collaboration est si étroite que l’attribution de mobilier à l’un et/ou à l’autre est parfois difficile à établir. Concernant le mobilier Silex, « tout plaide en la faveur d’une création personnelle de l’artiste [Gustave Serrurier-Bovy] : l’utilisation d’un bois non coûteux (peuplier), les particularités stylistiques et techniques aboutissant à l’originalité de la série (…), et la visée évidemment sociale d’une telle série. L’influence de René Dulong y est pourtant légèrement sensible. Il a dessiné les pentures en fer à évidements carrés. On en possède le projet graphique de sa main. »[9]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Il est considéré qu’une première mouture du mobilier « Silex » a vu le jour en 1904 au château de La Cheyrelle, dans le cabinet de toilette de Pierre Felgères. Elle a été dessinée et produite en série à partir de 1905. DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008, p. 168.
  2. DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008, p. 76-83. Concernant l’aspect social, « l’homme [Serrurier-Bovy] avait des bases politiques et philosophiques solides, un intérêt majeur pour les questions de société, la volonté de travailler pour l’avenir et non pour le seul présent, un tempérament de militant, et, une créativité constamment soumise à une autocritique intellectuelle et morale ».
  3. Cette information est relayée dans l’ouvrage DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008, p. 95 et dans le catalogue d’exposition Gustave Serrurier-Bovy, acteur du futur (cat. exp.), MAMAC, Liège, 27.09.2008 – 18.01.09, p. 24.
  4. Gustave Serrurier-Bovy, acteur du futur (cat. exp.), MAMAC, Liège, 27.09.2008 – 18.01.09, p. 23.
  5. DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008, p. 88-99. Ces grands points y sont détaillés de manière approfondie.
  6. DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008, p. 23.
  7. DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008, p. 77-78.
  8. DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008, p. 74
  9. DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008, p. 168.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • DU MESNIL DU BUISSON, Étienne, BIGOT DU MESNIL DU BUISSON, Françoise, Serrurier-Bovy, un créateur précurseur, 1858-1910, Éditions Faton, Dijon, 2008.
  • Gustave Serrurier-Bovy, acteur du futur (cat. exp.), MAMAC, Liège, 27.09.2008 – 18.01.09.
  • WATELET, Jacques-Grégoire, Gustave Serrurier-Bovy, architecte et décorateur (1858-1910), Palais des Académies, Bruxelles, 1975.
  • WATELET, Jacques-Grégoire, Gustave Serrurier-Bovy, architecte et décorateur liégeois (1858-1910), Éditions du Perron, Alleur-Liège, 2000.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]