Moyen okinawaïen

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Moyen okinawaïen
(adjectif : médio-okinawaïen)
Période XVIIe – XIXe siècle
Langues filles Dialectes okinawaïens modernes
Région Centre et Sud d'Okinawa
Typologie SOV, agglutinante, morique
Classification par famille

Le moyen okinawaïen (aussi appelé okinawaïen prémoderne[1] ou moyen ryūkyūan[2], souvent abrégé MOk[a]) est la forme de l'okinawaïen parlée du XVIIe siècle jusqu'à la fin du XIXe siècle. Il succède au vieil okinawaïen et précède l'okinawaïen moderne.

Classification[modifier | modifier le code]

L'okinawaïen appartient à la branche septentrionale des langues ryūkyū, qui font partie des langues japoniques[3],[4],[5].

Le vieil okinawaïen puis le moyen okinawaïen sont les ancêtres directs du dialecte de Shuri, l'ancienne capitale du royaume de Ryūkyū[6].

Histoire[modifier | modifier le code]

Les linguistes considèrent généralement que le moyen okinawaïen débute à partir du XVIIe siècle, soit lors de l'invasion du royaume de Ryūkyū par le domaine de Satsuma en 1609 et se termine entre 1872 et 1879, lors de la constitution du domaine de Ryūkyū et l'annexion formelle de l'archipel pour devenir l'okinawaïen moderne[7]. Dans la périodisation utilisée par Hokama (1977, 1981), le moyen okinawaïen fait partie d'une plus large période appelée « okinawaïen prémoderne »[8],[b].

Données[modifier | modifier le code]

Le moyen okinawaïen est la langue des premières représentations du Kumi odori au XVIIIe siècle. Elle est aussi la langue d'écriture des poèmes Ryūka zenshū et des chansons Ryūka taisei, recueillies en 1968 et 1994 respectivement. Une liste de mots en transcription chinoise est présentée dans le Zhongshan chuanxin lu (1721). D'autres sources incluent le Liúqiú Rùxué Jiànwénlù (1764) ou le Liúqiúy (1800)[9]. Le moyen okinawaïen est aussi décrit par des sources occidentales, comme Elements or Contributions towards a Loochooan and Japanese Grammar ou English-Loochooan Dictionary (1851) du missionnaire Bernard Jean Bettelheim, le second ouvrage n'ayant pas été publié[10].

Évolutions[modifier | modifier le code]

Évolutions phonologiques[modifier | modifier le code]

En évoluant en moyen okinawaïen, les trois voyelles non-postérieures du vieil okinawaïen *i, *ɪ et *ɨ fusionnent en une seule voyelle : *i. Marc Miyake (en) remarque que le Zhongshan chuanxin lu (1721) représente peut-être un stage transitionnel, puisque celui-ci distingue encore la voyelle *ɨ[10].

Serafim et Shinzato (2021) observent également la fusion entre les consonnes *k° et *kʰ en *k[11].

Évolutions morphologiques[modifier | modifier le code]

Thomas Dougherty (2014) observe deux évolutions morphologiques majeures du vieil okinawaïen jusqu'en okinawaïen moderne, en passant par le moyen okinawaïen[1] :

  • La progressive scission puis fusion de l'auxiliaire or- ‘exister’ au sein de la forme verbale, puis son changement de nature[12]. Exemple avec les verbes ‘approcher’ et ‘attendre’ :
    • vieil okinawaïen : よる yor-u ‘approcher-ADNOMINAL’
    • moyen okinawaïen : *yor-i or-u ‘approcher-INFINITIF PROGRESSIF-ADNOMINAL’ ; 待る mat-uru ‘attendre-ADNOMINAL’[c] (comparable au vieux japonais occidental mat-u ‘attendre-ADNOMINAL’)
    • okinawaïen moderne : ゆゆる yuy-u-ru ‘approcher-IMPERFECTIF-ADNOMINAL’
  • L’expansion de l'usage de la particule adnominale -ru aux racines de verbes finissant par une consonne ou une voyelle, plutôt que seulement celles qui finissent par une voyelle. Historiquement, celles que finissaient par une consonne utilisaient plutôt l'allomorphe -u. Exemple avec le verbe ‘briller’ (aucune reconstruction ou attestation en moyen okinawaïen n'est donnée) :
    • vieil okinawaïen : てる ter-u ‘briller-ADNOMINAL’
    • okinawaïen moderne : てぃゆる tiy-u-ru ‘briller-IMPERFECTIF-ADNOMINAL’

Le moyen okinawaïen est donc un stage transitionnel entre le vieil okinawaïen et l'okinawaïen moderne.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. De l'anglais Middle Okinawan, abréviation trouvable dans les ouvrages qui traitent — entre-autres — de cette langue.
  2. Ce terme englobe aussi le vieil okinawaïen. L'usage de ce terme par Thomas Dougherty (2014) est donc différent puisque dans sa terminologie, « okinawaïen prémoderne » est strictement synonyme avec « moyen okinawaïen ».
  3. Trouvable dans le livre Ryūka Gimon Roku en caractères chinois sémantographiques.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Thomas Dougherty, « Linguistic periodization of Okinawan – Part 1 » Accès libre, sur thomasdougherty.net, (consulté le )
  2. Vovin 2021, p. 112.
  3. Vovin 2014, p. 9.
  4. Pellard (2009), p. 264
  5. Pellard (2015), p. 15
  6. (en) Stewart Curry, Kyoko Hijirida et Leon Angelo Serafim, « Documenting, Teaching, and Revitalizing Uchinaa-guchi: the Future of the Okinawan Language » Accès libre [PDF], sur core.ac.uk (consulté le ), p. 10
  7. (en) Thomas Dougherty, « The chronology of Okinawan » Accès libre, sur thomasdougherty.net, (consulté le )
  8. Lin 2015, p. 7.
  9. Lin 2015, p. 198.
  10. a et b Miyake 2020, p. 17.
  11. Serafim et Shinzato 2021, p. 28.
  12. Vovin 2009, p. 611.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Alexander Vovin, A Descriptive and Comparative Grammar of Western Old Japanese : Part Two: Adjectives, Verbs, Adverbs, Conjunctions, Particles, and Postpositions, Folkestone, Global Oriental,
  • (en) Alexander Vovin, Out of Southern China?, EHESS/CRLAO, (lire en ligne Accès libre)
  • (en) Alexander Vovin, Names of Large Exotic Animals and the Urheimat of Japonic, Brill, (lire en ligne Accès libre)
  • (en) Chihkai Lin, A Reconstruction of Old Okinawan: A Corpus-Based Approach, Honolulu : University of Hawaii at Manoa, (lire en ligne Accès libre [PDF])
  • (ja) Gyokuzan, Ryūka Gimon Roku, University of the Ryūkyūs manuscript,
  • (en) Leon Angelo Serafim et Rumiko Shinzato, The Language of the Old-Okinawan Omoro Sōshi, Brill, (ISBN 978-90-04-41468-6, lire en ligne Accès libre [PDF])
  • (en) Marc Miyake, Historical sources and periodization of the Japonic and Koreanic languages, Oxford University Press, (lire en ligne Accès libre)
  • (en) Matthew Elliot Magnuson, Semantic representation : A study of the usage and development of characteristic Okinawan verb forms and case particles, , 112 p. (lire en ligne Accès libre [PDF])
  • (ja) Shuzen Hokama, Okinawa no gengoshi [« Une histoire de l'okinawaïen »], Nihon no Gengogaku,
  • (ja) Shuzen Hokama, Okinawa no kodoba [« Vocabulaire okinawaïen »], Tokyo, Chuokoronsha,
  • Thomas Pellard, Ōgami: Éléments de description d’un parler du Sud des Ryūkyū, EHESS, (lire en ligne Accès libre)
  • (en) Thomas Pellard, The linguistic archeology of the Ryukyu Islands, CRLAO, (DOI 10.1515/9781614511151.13, HAL hal-01289257, lire en ligne Accès libre)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]