Nesher Ramla

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Nesher Ramla
Image illustrative de l’article Nesher Ramla
Fossiles de Nesher Ramla positionnés sur un crâne virtuel
Localisation
Pays Drapeau d’Israël Israël
District Centre
Coordonnées 31° 54′ 28″ nord, 34° 55′ 43″ est
Altitude 100 m
Géolocalisation sur la carte : Israël
(Voir situation sur carte : Israël)
Nesher Ramla
Nesher Ramla
Géolocalisation sur la carte : Cisjordanie
(Voir situation sur carte : Cisjordanie)
Nesher Ramla
Nesher Ramla
Histoire
Époque Paléolithique moyen

Nesher Ramla est un site préhistorique situé au sud-est de Ramla, entre Tel Aviv et Jérusalem, à la jonction des hauts plateaux de Judée occidentale et de la plaine côtière méditerranéenne, au centre d'Israël. Le site est une carrière de calcaire en exploitation et fait l'objet de fouilles depuis 2010. Il comporte une fosse karstique remplie de sédiments. Au cours de la période comprise entre environ 160 000 et 120 000 ans avant le présent (AP), le lieu a été utilisé à plusieurs reprises comme lieu de séjour par des groupes humains parcourant la région, comme en témoignent les outils lithiques trouvés au cours des fouilles. Une étude publiée en 2021 a annoncé la découverte de fossiles humains montrant des caractéristiques inhabituelles, distinctes à la fois d'Homo sapiens et des Néandertaliens, ce qui a conduit à les désigner provisoirement sous le nom d'Homme de Nesher Ramla.

Découverte[modifier | modifier le code]

Avant le début de l'exploitation prévue de la carrière de calcaire, une couche d'argile de 12 mètres d'épaisseur a été retirée du site, révélant une dépression en forme d'entonnoir de 40 à 50 mètres de large sur le bord supérieur. Lorsque cette dépression a également été curée, une première couche d'outils lithiques et d'ossements d'animaux a été trouvée à une profondeur d'environ 20 mètres sous le bord supérieur de l'entonnoir. Le diamètre de l'entonnoir karstique était d'environ 40 mètres à cette profondeur[1]. En 2010 et 2011, la séquence archéologique d'environ 8 mètres d'épaisseur, soit 450 m3 de matériaux, a été complètement fouillée et extraite dans le cadre d'une fouille de sauvetage[2].

Une étude publiée en 2021 a annoncé la découverte de fossiles humains jugés inhabituels, datés entre 140 000 et 120 000 ans AP.

Outils lithiques[modifier | modifier le code]

Pointe Levallois de Nesher Ramla
Vue de la fosse karstique lors des fouilles de 2010 / 2011
Vue de la couche où les fossiles humains de Nesher Ramla ont été trouvés
La couche VI de Nesher Ramla, riche en fossiles d'animaux

Une particularité de ce site est que les couches et les outils lithiques qui s'y trouvent respectent la succession temporelle, car la dépression n'a été comblée que progressivement et n'a pas été - comme on peut souvent l'observer dans les grottes - perturbée par des chutes de pierres ou par des infiltrations. Pour cette raison, la séquence chronologique des moindres changements dans les techniques de taille utilisées dans la fabrication des outils lithiques peut aisément être suivie[3],[4].

La densité d'outils lithiques était plus élevée dans les couches inférieures que dans les couches supérieures. Les outils trouvés sont des artéfacts typiques du Moustérien du Proche-Orient, avec débitage d'éclats selon la méthode Levallois.

Datation[modifier | modifier le code]

Le site a été daté par luminescence optiquement stimulée (LOS) en utilisant une série de mesures à simple grain[5]. Six échantillons ont livré un âge compris entre 170 000 ± 12 000 ans (au fond de la fosse) et 78 000 ± 6 000 ans AP (au sommet de la séquence archéologique), ce qui correspond aux stades isotopiques 6 et 5[5]. Nesher Ramla serait ainsi le seul site connu du Levant montrant une occupation humaine intensive entre 170 000 et 130 000 ans AP.

Fossiles humains[modifier | modifier le code]

Description[modifier | modifier le code]

Deux ensembles de fossiles humains ont été trouvés sur le site. Le fossile Nesher Ramla 1 (NR-1) se compose d'un os pariétal droit complet et de quatre fragments de l'os pariétal gauche. Les quatre fragments et l'os pariétal droit ne viennent pas en connexion anatomique, mais en raison des signes d'altération présents sur tous les fragments, leur appartenance au même individu est considérée comme assurée. Le fossile NR-2 est une mandibule robuste, qui a conservé l'une de ses deux branches et sur laquelle il ne manque que la deuxième dent gauche. Les molaires et les racines des autres dents sont présentes. La mandibule s'est brisée en plusieurs morceaux lors de la fouille, mais ils ont pu être remontés. Les deux fossiles ont été trouvés à environ trois mètres l'un de l'autre, mais appartiendraient au même individu selon les auteurs de l'étude.

Analyse[modifier | modifier le code]

La comparaison des os pariétaux avec d'autres fossiles du genre Homo a révélé que NR-1 diffère significativement des Homo sapiens actuels et anciens. Les os sont également plus épais que chez les Néandertaliens. En revanche, une similitude est observée avec le crâne fossile de l'Homme de Petralona, découvert en Grèce, et avec celui de l'Homme de Kabwe, découvert en Zambie. Les chercheurs pensent en conséquence que NR-1 occupe une position intermédiaire entre l'Homme de Néandertal et Homo heidelbergensis. Selon les auteurs de l'étude, les caractéristiques de NR-1 rappellent certains fossiles du Levant remontant à 300 000 ou 400 000 ans. Concernant la mandibule NR-2 et la très grosse molaire M2, la comparaison avec d'autres fossiles a montré que les deux se classent en dehors de la plage de variation d'Homo sapiens et que leurs caractéristiques sont plus cohérentes avec celles des Néandertaliens. Une attribution à Homo heidelbergensis n'est pas retenue en raison des différences avec le spécimen-type de cette espèce, la mandibule de Mauer[6].

Les auteurs de l'étude anatomique comparative de NR-1 et NR-2 parviennent à la conclusion qu'il y a environ 130 000 ans existait au Levant une population archaïque du genre Homo, qu'ils rapprochent des fossiles humains trouvés dans les grottes de Qesem, de Tabun et des Voleurs. Étant donné que des Homo sapiens vivaient dans la même région au même moment, un flux génétique entre ces deux populations archaïques ne peut être exclu.

Les outils lithiques trouvés dans la même couche que les fossiles ont été attribués à l'Homme de Nesher Ramla. Leur technique de fabrication ne diffère pas de celle trouvée avec des fossiles d'Homo sapiens de la même époque. Cela pourrait être interprété comme l'indication d'un échange culturel entre les deux populations[7].

Débat[modifier | modifier le code]

Le paléoanthropologue français Jean-Jacques Hublin estime que les fossiles de Nesher Ramla pourraient représenter une variante régionale de Néandertaliens, car la dent la mieux conservée - les dents sont les éléments les plus importants pour caractériser un fossile – ressemble à une dent de Néandertal[8]. Les chercheurs israéliens Assaf Marom (anatomiste) et Yoel Rak (paléoanthropologue et expert des Néandertaliens)[9],[10] considèrent que la mandibule NR-2 est caractéristique des Néandertaliens. Les auteurs de la découverte ont toutefois maintenu leur analyse[11].

Autres vestiges archéologiques[modifier | modifier le code]

Début 2021, des chercheurs du groupe dirigé par Yossi Zaidner (responsable des fouilles) ont présenté la découverte d'un os d'animal portant des gravures[12]. Le fragment osseux d'un aurochs, d'une dizaine de centimètres de long, présente six marques parallèles, d'environ quatre centimètres de long, auxquelles est attribué un âge d'environ 120 000 ans. L'artéfact est considéré comme la plus ancienne trace de modification abstraite d'objet connue au Levant.

Yossi Zaidner pense que la fosse karstique était probablement utilisée comme lieu de stockage ou comme lieu de rencontre par les chasseurs du Paléolithique moyen qui y découpaient leurs carcasses d'animaux[13]. La présence d'anciens foyers a également été mise en évidence sur le site[14],[15].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. David E. Friesem, Yossi Zaidner, Ruth Shahack-Gross, Formation processes and combustion features at the lower layers of the Middle Palaeolithic open-air site of Nesher Ramla, Israel, Quaternary International, volume 331, 2014, p.128–138, doi:10.1016/j.quaint.2013.03.023, lire en ligne
  2. Yossi Zaidner et al., An Open-Air Site at Nesher Ramla, Israel, and New Insights into Levantine Middle Paleolithic Technology and Site Use, in Yoshihiro Nishiaki & Takeru Akazawa (dir.), The Middle and Upper Paleolithic Archeology of the Levant and Beyond, Springer Nature, Singapour, 2018, p.11–33, lire en ligne
  3. Yossi Zaidner et Leore Grosman, Middle Paleolithic sidescrapers were resharped or recycled? A view from Nesher Ramla, Israel, Quaternary International, volume 361, 2015, p.178–187, doi:10.1016/j.quaint.2014.11.037
  4. Laura Centi et Yossi Zaidner, The Levallois Flaking System in Nesher Ramla Upper Sequence, Journal of Paleolithic Archaeology, volume 4, article 9, 2021, doi:10.1007/s41982-021-00088-3
  5. a et b Yossi Zaidner et al., A series of Mousterian occupations in a new type of site: The Nesher Ramla karst depression, Israel, Journal of Human Evolution, volume 66, 2014, p.1–17, doi:10.1016/j.jhevol.2013.06.005, lire en ligne
  6. Marta Mirazón Lahr, The complex landscape of recent human evolution, Science, volume 372, n° 6549, 2021, p.1395–1396, doi:10.1126/science.abj3077
  7. Yossi Zaidner et al., Middle Pleistocene Homo behavior and culture at 140,000 to 120,000 years ago and interactions with Homo sapiens, Science, volume 372, n° 6549, 2021, p.1429–1433, doi:10.1126/science.abh3020
  8. New fossils reveal a strange-looking Neanderthal in Israel, sciencemag.org, 24 juin 2021
  9. Assaf Marom et Yoel Rak, Comment on A Middle Pleistocene Homo from Nesher Ramla, Israel, Science, volume 374, n° 6572, 2021, doi:10.1126/science.abl4336
  10. A Bitter Archaeological Battle Is Rocking Tel Aviv University, haaretz.com, 9 décembre 2021
  11. Hila May et al., Response to Comment on “A Middle Pleistocene Homo from Nesher Ramla, Israel”, Science, volume 374, n° 6572, doi:10.1126/science.abl5789
  12. Marion Prévost et al., Early evidence for symbolic behavior in the Levantine Middle Paleolithic: A 120 ka old engraved aurochs bone shaft from the open-air site of Nesher Ramla, Israel, Quaternary International, pré-article en ligne, 20 janvier 2021, doi:10.1016/j.quaint.2021.01.002, résumé en ligne
  13. Archaeologists uncover evidence of the oldest human use of symbols, mfa.gov.il, 3 février 2021
  14. Alyssa Victoria Pietraszek, Yossi Zaidner, Ruth Shahack-Gross, The distribution and treatment of fire remains across Unit V of the Middle Paleolithic open-air site of Nesher Ramla, Israel, Quaternary International, pré-article en ligne, 25 mars 2021, doi:10.1016/j.quaint.2021.03.027
  15. Ethel Allué et Yossi Zaidner, The charcoal assemblage from Nesher Ramla, Israel: A contribution to the paleo-environmental dataset from Marine Isotope Stage (MIS) 5 in the Levant, Quaternary International, pré-article en ligne, 6 mai 2021, doi:10.1016/j.quaint.2021.04.025

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Yossi Zaidner et al., Landscapes, depositional environments and human occupation at Middle Paleolithic open-air sites in the southern Levant, with new insights from Nesher Ramla, Israel, Quaternary Science Reviews, volume 138, 2016, p.76–86, doi:10.1016/j.quascirev.2016.02.016
  • Marion Prévost et Yossi Zaidner, New insights into early MIS 5 lithic technological behavior in the Levant: Nesher Ramla, Israel as a case study, PLOS One, volume 15, n°4, e0231109, doi:10.1371/journal.pone.0231109
  • Eduardo Paixão et al., The Middle Paleolithic ground stones tools of Nesher Ramla unit V (Southern Levant): A multi-scale use-wear approach for assessing the assemblage functional variability, Quaternary International, pré-article en ligne, 11 juin 2021, doi:10.1016/j.quaint.2021.06.009

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]