Pavol Mária Hnilica

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Pavol Mária Hnilica
Image illustrative de l’article Pavol Mária Hnilica
Pavol Hnilica, dans l'église jésuite de Trnava (1998)
Biographie
Naissance
à Uňatín Drapeau de la Slovaquie Slovaquie
Ordre religieux Compagnie de Jésus
Ordination sacerdotale
Décès (à 85 ans)
Nové Hrady Drapeau de la Tchéquie République tchèque
Évêque de l'Église catholique
Ordination épiscopale par Robert Pobožný (en)
Évêque titulaire de Rusadus
Évêque clandestin en Slovaquie

(en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Pavol Mária Hnilica, né le à Uňatín (Slovaquie) et mort le à Nové Hrady (République tchèque), est un prêtre jésuite consacré évêque en Tchécoslovaquie dans la clandestinité avant de devoir s'exiler en Italie où il reçoit le siège titulaire de Rusadus. Promoteur d'apparitions mariales controversées, il est également mis en cause dans des affaires de malversations financières.

Biographie[modifier | modifier le code]

Prêtre et évêque dans la clandestinité[modifier | modifier le code]

Pavol Mária Hnilica est né le à Uňatín dans l'archidiocèse de Trnava situé dans la partie slovaque de l'ancienne Tchécoslovaquie. Entré chez les Jésuites, il est ordonné prêtre le 29 septembre 1950[1]. La répression du régime communiste contre l’Église catholique est particulièrement dure : 2000 prêtres sont envoyés en camps de travail la même année. « La hiérarchie décapitée ou déportée, les consécrations deviennent clandestines. »[2] C'est dans ces conditions que trois mois plus tard, Pavol Hnilica aurait été clandestinement consacré évêque le 2 janvier 1951. Sa consécration derrière le rideau de fer est douteuse. Au moment où il est mis en cause par la justice italienne en 1989, des prélats font observer que la date et le lieu de sa consécration sont absents de l'Annuaire pontifical[3],[4],[5]. Ses activités sont connues de la police communiste et il doit s'exiler à l'Ouest à l'automne 1951[6].

Soutien en faveur des églises de l'Est[modifier | modifier le code]

Il se rend alors à plusieurs reprises au sanctuaire des apparitions de Fatima au Portugal où il rencontre l'une des voyantes, sœur Lucie[7]. Privé de diocèse, il est nommé par Paul VI évêque titulaire de Rusadus le 13 mai 1964[1],[4]. En 1968, au moment de l'invasion de la Tchécoslovaquie par les forces armées du Pacte de Varsovie, il crée l'association Pro Fratribus, dont le siège est à Vienne[8], destinée à venir financièrement en aide aux églises catholiques d'Europe de l'Est. Un institut religieux est fondé : La Famille de Marie co-rédemptrice, qui essaime jusqu'en Russie[7]. L'institut est l'ancêtre de la Famille de Marie, refondée deux décennies plus tard en 1990[9]. L'organisation Pro Fratribus, renommée Pro Deo et Fratribus[4], aurait dans les années 1980 servi au transfert de sommes d’argent considérables vers la Pologne (en faveur du syndicat Solidarność) et divers pays d’Amérique latine afin d'y soutenir l'opposition anticommuniste[9]. Selon le journaliste David Yallop, le syndicat polonais n'aurait cependant jamais vu la couleur de la centaine de millions de dollars collectée[10].

Propagandiste de prétendues apparitions mariales[modifier | modifier le code]

À partir de 1984, Pavol Hnilica fréquente assidûment le sanctuaire de Medjugorje où la Vierge apparaîtrait depuis 1981. En se prévalant de la confiance de Jean-Paul II, il y multiplie les prises de parole publiques en faveur des apparitions au grand dam de l’évêque du lieu, Pavao Žanić, qui ne les reconnaît pas[5]. Les franciscains, qui entourent et conseillent les voyants, reçoivent une part importante des donations réunies par Hnilica au profit de la lutte anticommuniste. L'argent est « recyclé » à Medjugorje avant de partir aux États-Unis vers des destinataires inconnus. Les transferts de fonds cessent provisoirement avec la guerre en Yougoslavie qui éclate au début des années 1990[11],[7].

Avec l’arrêt des grands pèlerinages à Medjugorje en raison du conflit yougoslave, Pavol Hnilica se concentre sur les États-Unis où il se fait l’apôtre des apparitions au gré de tournées de conférences à travers le pays. C'est ainsi qu'il rencontre, par l'entremise de son secrétaire particulier, Luciano Alimandi, l'américaine Theresa Lopez au début de l'année 1992 à Colorado Springs. Escroc notoire, auteure de plusieurs fraudes à l'assurance, Theresa Lopez s'était elle-même rendue un an auparavant à Medjugorje en mars 1991. À son retour, elle prétend avoir elle aussi des apparitions de la Vierge. Theresa Lopez et Hnilica s'associent dans la promotion des visions dont elle serait gratifiée au sanctuaire de sainte Françoise-Xavière Cabrini, dans la ville de Golden située à une trentaine de kilomètres de Denver. Les prétendues apparitions de Theresa Lopez attirent une foule de fidèles et de prêtres friands de merveilleux dans ce nouveau Medjugorje américain. Occasion est donnée à Hnilica de collecter des millions de dollars en faveur des victimes de la guerre dans l'ex-Yougoslavie[4], jusqu'à diffuser, afin d'apitoyer les fidèles américains, l'existence d'un terrible massacre, inventé de toute pièce, dans la ville de Makarska, située dans la partie croate épargnée par les combats, et non en Bosnie comme allégué[12]. La destination réelle des fonds demeure incertaine[13]. L'aventure prend fin en février 1994 avec le jugement négatif de l’évêque de Denver, James Francis Stafford, sur les prétendues apparitions de Theresa Lopez[5].

Hnilica se fait alors le promoteur des apparitions d'Amsterdam. Il joue de son influence auprès de Joseph Maria Punt, évêque de Haarlem, qui reconnaît leur authenticité le 31 mai 2002[14]. La Congrégation pour la doctrine de la foi les déclarera cependant en 2020 dépourvues de tout caractère surnaturel[4].

Refondation de la Famille de Marie en 1990[modifier | modifier le code]

Avec la chute des régimes communistes en Europe, l'organisation Pro Deo et Fratribus perd sa raison d'être. Pavol Hnilica la reconstitue cependant sous le nom de la Famille de Marie, sur les cendres de l'Œuvre du Saint-Esprit (OSS), dissoute en 1990 par le Vatican, qui avait été cofondée en 1972 par Gebhard Paul Maria Sigl et Joseph Seidnitzer (de), pédocriminel condamné à de multiples reprises en Autriche. L'année de la reconnaissance canonique de la Famille de Marie, en 1992, Hnilica ordonne à Fátima, discrètement et à la hâte, cinq membres venant de l'OSS, qui n'étaient passés par aucun séminaire, dont son secrétaire particulier Luciano Alimandi, et Gebhard Paul Maria Sigl[13], tous les deux ayant déjà officié comme prêtres au sein de l'OSS, sans avoir été ordonnés[15]. La famille de Marie accueille dans ses rangs à Rome Theresa Lopez[16], qu'Hnilica continue d'emmener, malgré la condamnation de l'évêque de Denver, dans des retraites spirituelles pour riches catholiques[11]. En raison de ses graves dérives sectaires, la Famille de Marie sera mise sous tutelle en 2022[17].

Inculpation dans l'affaire de la mallette de Roberto Calvi[modifier | modifier le code]

En 1989, Hnilica est trouvé en possession de documents des services secrets italiens (SISMI) portant sur les derniers jours de Roberto Calvi, membre de la loge P2, avant son assassinat à Londres en 1982 dans des circonstances obscures après la faillite de la Banco Ambrosiano[9],[18]. En 1993, Hnilica est jugé aux côtés des maffiosi Flavio Carboni (it) et Giulio Lena. Il est condamné en première instance à trois ans et demi de prison avec sursis pour le recel de la mallette de Roberto Calvi. Il avait versé 1,35 million de francs suisses provenant de son œuvre Pro Deo et Fratribus en échange de documents détenus par Flavio Carboni, bras-droit de Licio Gelli, grand maître de la loge P2[19], destinés à le mettre hors de cause dans le blanchiment de fonds disparus qui proviendraient de la mafia[20],[21],[13]. Le jugement est cassé pour vice de forme et Hnilica est finalement relaxé en appel en mars 2000[5],[7].

Pavol Hnilica meurt le à Nové Hrady en République tchèque.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) « Bishop Pavel Mária Hnilica, S.J. † », sur Catholic-hierarchy.org (consulté le )
  2. Yvonnick Denoël, Les Espions du Vatican : De la Seconde Guerre mondiale à nos jours, Nouveau Monde Editions, , 648 p. (ISBN 978-2380941562), chap. 5 (« Tous les coups sont permis »)
  3. (it) Gianni Cipriani, « In Vaticano prendono le distanze "Monsignor Hnilica? Non è vescovo" », l'Unità, no 249,‎ , p. 8 (lire en ligne)
  4. a b c d et e Joachim Bouflet, Faussaires de Dieu, Paris, Presses de la Renaissance, , 728 p. (ISBN 2-85616-697-0), p. 680-683
  5. a b c et d Joachim Bouflet, Impostures mystiques, Éditions du Cerf, , 392 p. (ISBN 9782204155199), « Theresa Lopez (*1960) », p. 295-297
  6. (en) Stanislav J. Kirschbaum, Historical Dictionary of Slovakia, The Scarecrow Press, , 2e éd., 424 p. (ISBN 978-0810855359), p. 141
  7. a b c et d (en) David Yallop, The Power and the Glory : Inside the Dark Heart of Pope John Paul II's Vatican, New York, Carroll & Graf edition, , 566 p. (ISBN 9780786719563, lire en ligne), p. 457-464
  8. Yvonnick Denoël, Les Espions du Vatican : De la Seconde Guerre mondiale à nos jours, Nouveau Monde Editions, , 648 p. (ISBN 978-2380941562), chap. 21 (« Croisade polonaise »)
  9. a b et c Raphaël Zbinden, « 'La Famille de Marie’, une communauté «sulfureuse» sous tutelle (1/2) », Cath.ch,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. « The reality is that Solidarity never saw or had use of a single cent of this money, a sum approaching $100 million. Bishop Hnilica’s final destination for this money and what has subsequently happened to it remains a carefully kept secret known only to him and his business associates. » in (en) David Yallop, The Power and the Glory : Inside the Dark Heart of Pope John Paul II's Vatican, New York, Carroll & Graf edition, , 566 p. (ISBN 9780786719563, lire en ligne), p. 460
  11. a et b Yvonnick Denoël, Les Espions du Vatican : De la Seconde Guerre mondiale à nos jours, Nouveau Monde Editions, , 648 p. (ISBN 978-2380941562, lire en ligne), chap. 23 (« Marcinkus s’en va... la corruption reste »)
  12. Joachim Bouflet, Impostures mystiques, Éditions du Cerf, , 392 p. (ISBN 9782204155199), « Vicka Ivanković-Mijatović », p. 309
  13. a b et c Ludovica Eugenio, « Enquête sur la Famille de Marie : les raisons de sa mise sous tutelle et de la destitution du Père Gebhard Paul Maria Sigl », Adista,‎ (lire en ligne)
  14. René Laurentin et Patrick Sbalchiero, Dictionnaire des « apparitions » de la Vierge Marie, Fayard, , 1426 p. (ISBN 9-782-21363-1011), p. 83
  15. Ludovica Eugenio, « La Famille de Marie: quand Gebhard Paul Maria Sigl célébrait la messe sans être prêtre », Adista,‎ (lire en ligne)
  16. Ludovica Eugenio, « Famille de Marie : le noviciat fermé, un nouveau témoignage parle d'abus de pouvoir, psychologiques et spirituels », Adista,‎ (lire en ligne)
  17. Raphaël Zbinden, « 'La Famille de Marie’, une communauté «sulfureuse» sous tutelle (2/2) », Cath.ch,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. (it) Gianni Cipriani, « Dossier Sismi in casa del prelato », l'Unità, no 249,‎ , p. 8 (lire en ligne)
  19. François de Labarre, « Un mafieux en odeur de sainteté - Flavio Carboni », Paris-Match,‎ (lire en ligne)
  20. « On reparle de la mal[l]ette de Roberto Calvi », Cath.ch,‎ (lire en ligne)
  21. « Vatican dans l’affaire du recel de la mallette de Roberto Calvi », Cath.ch,‎ (lire en ligne)

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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