Sol suppressif

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L'exemple du piétin-échaudage illustre la suppressivité des sols, attribuée à la présence de bactéries du sol du sous-groupe Pseudomonas fluorescens, rhizobactéries favorisant la croissance des plantes et qui produisent un antibiotique fongique (le 2,4-diacétylphloroglucinol (en) DAGP) permettant de réguler le piétin-échaudage du blé causé par le champignon Gaeumannomyces graminis[1].

En phytopathologie, un sol suppressif, ou sol résistant, est un sol dans lequel une maladie d'origine tellurique, notamment fongique ou bactérienne, est inhibée ou limitée dans son incidence (phénomène de suppressivité), malgré la présence de facteurs favorables : agents pathogènes, plantes hôtes sensibles et conditions climatiques ou environnementales propices au développement des maladies. Les sols suppressifs sont l'exception dans les systèmes agricoles mais on en a identifié dans des systèmes de cultures très variés[2]. Par opposition, un sol dans lequel la maladie s'exprime pleinement est dit « sensible »[3].

La monoculture peut favoriser la suppressivité des sols (monoculture de la pomme de terre associée à la capacité suppressive contre la pourriture sèche fusarienne, monoculture de fraises en maraîchage associée à l'action antifongique de Streptomyces spp contre l'oïdium du fraisier, la pourriture grise et l'anthracnose sur les fruits). En spécialisant le microbiote tellurique, les monocultures accumulent un inoculum potentiel d'agents phytopathogènes qui devient très vite un facteur limitant. La poursuite de la monoculture, loin d'aggraver les dégâts, les voit décroître : la pullulation des pathogènes déclenche un processus de régulation naturelle de leur population en favorisant leurs antagonistes[4]. De même, la rotation culturale ou la solarisation peuvent rendre les sols suppressifs et lutter contre les ravageurs[5].

Les sols suppressifs sont très étudiés car ils constituent des modèles naturels de répression des agents pathogènes qui peuvent servir à la mise au point de nouvelles méthodes de lutte contre les maladies des cultures issues du sol, alors que d'autre méthodes, comme les traitements du sol, se révèlent parfois coûteuses ou inefficaces. Les études cherchent en particulier à transférer les propriétés de résistance à des sols sensibles ou à des substrats de culture pour les transformer en sols suppressifs.

Définitions[modifier | modifier le code]

Selon le glossaire de l'American Phytopathological Society[6], un sol suppressif est « un sol dans lequel diverses maladies sont naturellement à des niveaux moins élevés que prévu en raison des facteurs biologiques présents dans le sol, c'est un exemple de lutte biologique naturelle ». Une définition plus détaillée est donnée par Baker et Cook’s (1974)[7] selon qui les sols suppressifs sont des « sols dans lesquels l'agent pathogène ne s'établit ou ne persiste pas, s'établit mais provoque peu de dégâts ou aucun dégât, ou s'établit et provoque une maladie pendant un temps, mais par la suite, la maladie est moins importante, même si l'agent pathogène persiste dans le sol ».

Exemples[modifier | modifier le code]

Des exemples connus et très étudiés de sols suppressifs sont les sols alluvionnaires de la Durance dans la région de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) qui résistent à la fusariose du melon (due à Fusarium oxysporum f. sp. melonis), ainsi que les sols de l'embouchure du Var et de la Siagne, près de Cannes résistants à la fusariose de l'œillet (due à Fusarium oxysporum f. sp. dianthi)[8].

Des sols suppressifs ont également été identifiés dans des plantations de bananiers en Amérique du Sud. Diverses espèces de nématodes foreurs s'y trouvaient incapables de se multiplier suffisamment pour atteindre un seuil de densité économiquement dommageable, même chez des cultivars sensibles[9].

Des sols suppressifs ont été identifiés pour de nombreux agents pathogènes telluriques, notamment :

Causes[modifier | modifier le code]

Le pouvoir suppressif des sols a diverses causes encore mal connues, parfois liées à leur composition chimique ou à des facteurs physiques comme le pH, le taux de matière organique et d'argile qui peuvent influencer le caractère suppressif d'un sol, mais c'est généralement la présence de certains micro-organismes qui est le facteur déterminant. Le caractère suppressif général est dû à un ensemble de micro-organismes qui inhibent le développement des agents phytopathogènes par compétition et antagonismes. Le caractère suppressif spécifique est associé à un seul micro-organisme contre un pathogène spécifique par antagonisme, antibiose ou compétition[10],[11].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Roeland L Berendsen, Corné M J Pieterse, Peter A H M Bakker, « The rhizosphere microbiome and plant health », Trends Plant Sci, vol. 17, no 8,‎ , p. 478-486 (DOI 10.1016/j.tplants.2012.04.001).
  2. Info Musa, Bioversity International (lire en ligne).
  3. Pierre Davet, Vie microbienne du sol et production végétale, Éditions Quae, coll. « Mieux comprendre », , 383 p. (ISBN 978-2-7380-0648-6, ISSN 1144-7605, lire en ligne), p. 192.
  4. Bernadette Dubos, Jean-Marc Olivier, Les antogonismes microbiens. Modes d'action et application à la lutte biologique contre les maladies des plantes, Société française de phytopathologie, , p. 3.
  5. (en) R. D. Peters, A. V. Sturz, M. R. Carter & J. B. Sanderson, « Developing disease-suppressive soils through crop rotation and tillage management practices », Soil and Tillage Research, vol. 72, no 2,‎ , p. 181-192.
  6. (en) «  Illustrated Glossary of Plant Pathology -S-T-U-V », American Phytopathological Society (consulté le ).
  7. a et b (en) D.M. Weller, J.M. Raaijmakers , B.B. Gardener , L.S. Thomashow, « Microbial populations responsible for specific soil suppressiveness to plant pathogens », Annual Review of Phytopathology, vol. 40,‎ , p. 309-348 (PMID 12147763, lire en ligne).
  8. Jean Semal, Pathologie des végétaux et géopolitique : une étude de l'interaction entre les phénomènes pathologiques des végétaux, les événements historiques et l'évolution des mœurs, des sciences et des techniques, La Maison rustique, coll. « Techniques d'avenir », , 270 p. (ISBN 978-2-7066-0137-8), p. 174-178.
  9. Richard A. Sikora et Luis E. Pocasangre, « Nouvelles technologies pour améliorer la santé des racines et augmenter la production », Info Musa, Réseau international pour l'amélioration de la production de la banane et de la banane plantain (Inibap), vol. 13, no 2,‎ , p. 25-29 (lire en ligne).
  10. Sophia Boivin et Russell Tweddell, « Les sols suppressifs : s’inspirer de la nature pour lutter contre les maladies des cultures », sur Horti-Plus, Fédération des sociétés d’horticulture et d’écologie du Québec, (consulté le ).
  11. Mathieu Allaire, « Diversité fonctionnelle des Pseudomonas producteurs d'antibiotiques dans les rhizosphères de conifères en pépinières et en milieu naturel (thèse) », Université Laval - Faculté des Sciences de l'Agriculture et de l'Alimentation, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Mélanie Michaud, Étude des sols suppressifs envers Helminthosporium solani, agent responsable de la tache argentée de la pomme de terre, Université Laval, , 238 p..

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • (en) Claude Alabouvette, « Fusarium-wilt suppressive soils from the Châteaurenard region : review of a 10-year study », Agronomie, EDP Sciences, vol. 6, no 3,‎ , p. 273-284.
  • (en) Fran M. Scher, Ralph Baker, « Mechanism of Biological Control in a Fusarium-Suppressive Soil », Phytopathology, The American Phytopathological Society, vol. 70,‎ 1979., p. 412-417 (DOI 10.1094/Phyto-70-412, lire en ligne, consulté le ).