Sucrerie d'Ardres

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La sucrerie d'Ardres est un site industriel monumental de transformation de betteraves sucrières et de raffinage construit à Pont d'Ardres en 1873 et qui a arrêté son activité en 2004.

Fleuron industriel à la fin des années 1880, il sera intégré aux sucreries Say en 1898 et en deviendra une composante essentielle après le scandale du Corner de 1905 sur le sucre égyptien.

Avant Say[modifier | modifier le code]

À partir de 1870, bénéficiant d'une amélioration des procédés de fabrication[1],[2] et d'une modification de la fiscalité du sucre de betterave, de nombreuses sucreries dites centrales voient le jour[3],[4],[5].

Dans ce contexte, l'homme d'affaires Antoine Dewailly, directeur des forges de Marquise à Boulogne-sur-mer et ancien conseiller général du Pas-de-Calais[6], fait construire à Pont d'Ardres une sucrerie de grande envergure[7],[8].

Les travaux débutent en 1873[9] et Antoine Dewailly prend la direction de la société anonyme Sucrerie centrale d'Ardres[10].

Initialement prévue pour traiter 1600 tonnes/jour de betteraves[11], la fabrique ne se hissera jamais au rang d'acteur industriel[12], très loin de ses prétentions initiales, certainement des faits conjugués de l'ampleur du projet, des priorités politiques[13],[14],[15],[16] comme de l'impréparation de ses commanditaires et dans un marché très instable où de nouvelles installations continuent de voir le jour[16] quand d'autres sont mises en vente après quelques années d'existence[17],[18],[19].

La société est mise en faillite le 18 juillet 1883[20] et la sucrerie, un temps proposée à la location, est mise en vente le 24 décembre 1883[21]. Le projet d'une ligne de chemin de fer reliant Anvin à Calais, prévu en 1882[22] et qui doit desservir Pont d'Ardres, est finalement abandonné[23]

La Société ne trouve aucun repreneur pendant 4 ans.

En 1887, le site finit par intéresser un ingénieur sucrier reconnu, le Belge François Delori, 47 ans, sous-lieutenant du Génie de l'Ecole Spéciale Militaire de Bruxelles[24], ancien ingénieur détaché à Toulon de l'Ecole d'Application Navale de Paris et ancien ingénieur de la Marine d'Etat de Belgique qui, après s'être formé de nombreuses années à l'ensemble des métiers de la filière sucrière, fut le fondateur de la sucrerie de Bruges sur le canal de l'écluse, et, en 1875 et avec six associés et collègues ingénieurs, de la Sucrerie de l'Espérance à Snaeskerke[25],[26] laquelle, finissant de rembourser ses investissements en moins de cinq ans, est réputée à l'époque être la sucrerie la mieux conduite de Belgique[27] et du nord de la France.

François Delori a également accompagné M. Jean-Baptiste Stoclin à la demande de ce dernier en 1884 pour refonder sa sucrerie de Sainte-Marie-Kerque qui fut entièrement détruite par un incendie le 19 janvier 1883[28], et on peut lui supposer, en sa qualité d'ingénieur, une part importante prise dans la mise en place dans cet établissement en 1885 du procédé Steffen pour la séparation des sucres et mélasses[29].

Face au refus de ses associés belges de fusionner les deux sites sous une même tutelle, François Delori fait un appel de fonds auprès d'Henry Say et acquiert la sucrerie d'Ardres. Il crée le 7 avril 1887 la société Sucrerie d'Ardres, Delori & Cie.[30] dont le siège social est situé à Paris, au 65 rue de la Victoire dans le 9ème arrondissement.

La reprise de l'activité est rendue possible par une politique continue d'investissement que le conseil d'administration conduit sur la base de l'expérience et des compétences d'ingénierie et d'innovation technique de François Delori. Il s'agit de développer et de moderniser les équipements du site pour créer une raffinerie à la pointe qui sache rester compétitive dans un secteur d'activité encore instable. De nouveaux procédés de production sont régulièrement testés et brevetés et le site devient référent en matière d'ingénierie[31],[32],[33],[34]. Pour financer cette politique d'investissement, le capital social de l'entreprise est régulièrement réévalué à la hausse: initialement d'une valeur de 550 000 Frs à la création de la société en 1887, il est porté une première fois à 1 100 000 Frs en 1893[35] puis réévalué très régulièrement jusqu'à atteindre 2 200 000 Frs en 1894[36].

L'acquisition progressive[modifier | modifier le code]

Dans le cadre de son développement à l'international, le conseil d'administration de Sucrerie d'Ardres, Delori & Cie. décide de basculer en Société anonyme au 31 juillet 1895. C'est dans ce contexte qu'Henry Say, déjà à la tête de Henry SAY et Cie., une filiale alors en plein essor des établissements Say, devient actionnaire majoritaire et administrateur de l'entreprise de Pont d'Ardres en compagnie de son bras droit Ernest Cronier et de François Delori. La nouvelle société prend le nom de Société anonyme des sucreries Henry Say[37].

A cette occasion, le capital de la nouvelle société est porté à 3 300 000 Frs. Celui-ci aura été multiplié par 6 en 8 ans.

En 1898, La société est intégrée à la Société des raffineries et sucreries Say[38]

Le site de production de Pont d'Ardres devient une des nombreuses filiales de la société Henry SAY et Cie.[39]

Henry Say décède le 27 janvier 1899 à l'âge de 49 ans et c'est Ernest Cronier qui prend la présidence de la Société Say, accompagne son développement à l'étranger et entreprend la liquidation de la société Henry SAY et Cie. en procédant au rachat des apports de cette société à la maison-mère pour un montant de 49 500 000 Frs[40].

Le site de Pont d'Ardres représente à lui seul 20 à 25% de la valeur totale de ces apports.

François Delori décède cinq ans plus tard, en 1904, à l'âge de 64 ans.

La crise du Corner de 1905[modifier | modifier le code]

Face au scandale du Corner de 1905 sur le sucre égyptien qu'il a provoqué, Ernest Cronier se suicide. Ce départ et l'ampleur de la catastrophe financière mettent un coup d'arrêt au développement de l'entreprise Say.

La reprise du groupe Say est assurée par un jeune belge installé en Egypte Henri Naus.

La continuité de l'exploitation du site[modifier | modifier le code]

L'apogée de la production[modifier | modifier le code]

En 1996, la production du site est de 9000 tonnes de sucre/jour[réf. nécessaire].

La fermeture du site en 2004[modifier | modifier le code]

Épilogue et anecdotes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Le Temps, 19 juin 1870 - p.3 - 2ème colonne bas "Grande médaille d'or ..." », sur Retronews
  2. « Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne, 1 juin 1870 - p.3 - 3ème colonne milieu "Cette année même ..." », sur Retronews
  3. « Le Droit, 27 mai 1872 - p.3 - 1/2 page bas - 6ème colonne bas "Sucrerie centrale de Cambrai ..." », sur Retronews
  4. « Le Progrès de la Somme, 11 juillet 1872 - p.3 - 2ème colonne haut "Abbeville ..." », sur Retronews
  5. « Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 19 novembre 1871 - p.4 - 2ème colonne haut "Fabrique de sucre ..." », sur Retronews
  6. « L’Ordre de Paris, 28 octobre 1871 - p.1 6ème colonne haut - 2ème paragraphe "La composition du bureau ... Secrétaires..." », sur Retronews
  7. « Journal des débats politiques et littéraires, 21 janvier 1874 - p.2 3ème colonne haut - 2ème paragraphe "Dans le Pas-de-Calais..." », sur Retronews
  8. « La Presse, 17 janvier 1874 - p.3 4ème colonne milieu "Elections - Pas-de-Calais" », sur Retronews
  9. « Journal officiel de la République française, 28 août 1873 - p.7 2ème colonne haut "Des ouvriers..." », sur Retronews
  10. « La liberté, 11 janvier 1874 - p.2 2ème colonne haut "L'élection du Pas-de-Calais... " », sur Gallica
  11. Ce tonnage prévisionnel est attesté par les équipements qui sont mis en vente en 1883 lors de la faillite de la société. Il témoigne bien de l'ampleur du projet qui est lancé en 1873 et de l'impréparation de ses commanditaires puisque ce tonnage de 1600 tonnes/jour de betteraves traitées et malgré les équipements existants ne sera réellement atteint que lors de la campagne de 1899, après 12 années de fonctionnement du site et de développements incessants sous la conduite de François Delori « L'Économiste français, 1 décembre 1900 - p.33 - 1ère colonne milieu "Nous avons à constater un progrès très sérieux... " », sur Retronews
  12. De 1873 à 1883, date de la mise en vente du site, et contrairement à ce qui est d'usage pour tous les autres sites de production français de sucre, il n'est fait aucune référence presse d'une activité sur le site d'Ardres, qu'elle soit technique, commerciale ou politique. Un fait divers témoigne d'une activité d'entretien du site en 1883.
  13. 4 références successives contradictoires qui illustrent les agissements politiques d'Antoine Dewailly et laissent supposer une motivation avant tout électorale à la mise en place du projet de sucrerie sur le site de Pont d'Ardres, mal évalué, une hypothèse que la suite des événements permet de considérer comme plausible « La République française, 8 février 1874 - p.2 4ème colonne milieu "Chronique électorale..." », sur Retronews
  14. « L’Événement, 11 avril 1875 - p.1 4ème colonne milieu "M. Dewailly (Antoine) ..." », sur Retronews
  15. « Le XIXe siècle, 6 mai 1875 - p.2 2ème colonne milieu "Ainsi, le 7 avril 1875, ..." », sur Retronews
  16. a et b « Le Courrier d’Angers, 13 janvier 1874 - p.2 1ère colonne milieu "Une élection ..." », sur Retronews
  17. « Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 2 avril 1882 - p.3 2ème colonne haut "Adjudication... " », sur Retronews
  18. « Feuille de Provins, 25 mars 1882 - p.3 - 4ème colonne haut "Etude de Me Roellinger... " », sur Retronews
  19. « L’Événement, 16 mai 1882 - p.4 - 1ère colonne haut "Etude de Me. Leflon, ..." », sur Retronews
  20. « Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne, 10 juillet 1883 - p.4 - 3ème colonne milieu "Etude de Me Dutilloy ..." », sur Retronews
  21. « Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne, 23 décembre 1883 - p.4 - 3ème colonne bas "A vendre - Une grande usine ..." », sur Retronews
  22. « Le Messager de Paris, 13 septembre 1882 - p.2 - 4ème colonne haut "Compagnie du Nord ..." », sur Retronews
  23. Cette voix de chemin-de-fer, dépendant fortement du fonctionnement de la raffinerie ne sera finalement réalisée qu'en 1900« L'Économiste français, 1 décembre 1900 - p.33 - 1ère colonne milieu "Le chemin de fer d'Ardres... " », sur Retronews
  24. « L'Indépendance Belge , 2 janvier 1903, Ed 0-2 - 6ème colonne haut - 4ème paragraphe "Un dîner intime a réuni à Bruxelles... " », sur belgicapress KBR
  25. « L'Echo Du Parlement, 21 mai 1877 - ED 0-2 - 5ème colonne haut - 2ème paragraphe "Nous avons assisté, (...), dans la fabrique de sucre de MM Delori et Ce à Snaeskerke... " », sur belgicapress KBR
  26. Stadsarchief Antwerpen, Iconografie, 15.3 en Kbb. Kaarten en plannen, II 16.178 D 31 bis, Kaart van de stad Oostende - Jacques Horenbault, (1602). Stadsarchief Brugge, Pieter Pourbus, Heraldische kaart van het Brugse Vrije (1561-1571). DEKEYSER H., Gistel in oude prentkaarten, waarin enkele afbeeldingen van Moere en Zevekote, Zaltbommel, 1972. DE SMEDT H., Stene, een dorp in de stad, s.l., s.d. QUINTENS D., Snaeskerke, een stuk verleden, s.l., 1992.« GEOGRAFISCH THEMA, Snaaskerke - Beschrijving 12 "In 1883..." », sur Inventaris
  27. « Annales industrielles, 01 janvier 1843 - p.787 1ère colonne milieu "En Belgique, l'appareil Cayen... " », sur Gallica
  28. « Le Progrès de la Somme, 20 janvier 1883 - p.3 1ère colonne haut "Sainte-Marie-Kerke... " », sur Retronews
  29. « Revue industrielle: journal hebdomadaire illustré, fondé en 1870, H. Josse, 12 mai 1887 - p.186 3ème colonne bas "Le procédé de séparation Steffen..." », sur Gallica
  30. « Cote de la Bourse et de la banque et le Messager de la bourse réunis, 29 avril 1887 - p.3 2ème colonne milieu "Annonces légales financières - Sucrerie d'Ardres..." », sur Retronews
  31. « Le journal des transports: revue internationale des chemins de fer et de la navigation, 23 juillet 1898 - p.360 1ère colonne milieu - 3ème paragraphe "(...); La Sucrerie, (...), se tient constamment à la hauteur des améliorations... " », sur Gallica
  32. « L'Acclimatation des animaux et des plantes. Journal des agriculteurs, des éleveurs et des chasseurs, 1 janvier 1898 - p.387 1ère colonne milieu "Culture de la betterave à sucre... " », sur Gallica
  33. « Traité de la fabrication du sucre de betterave et de canne. Tome 1 / par MM. L. Beaudet, H. Pellet, Ch. Saillard, 1894 - p.174 2ème paragraphe "Quant à la capacité des diffuseurs sucre..." », sur Gallica
  34. « Traité de la fabrication du sucre de betterave et de canne. Tome 1 / par MM. L. Beaudet, H. Pellet, Ch. Saillard, 1894 - p.80 "Couvertures (milieu) A la sucrerie du Pont d'Ardres... " », sur Gallica
  35. « Cote de la Bourse et de la banque et le Messager de la bourse réunis, 9 octobre 1893 - p.3 3ème colonne milieu "Annonces légales financières - Sucrerie d'Ardres..." », sur Retronews
  36. Les augmentations qui portent le capital social de l'entreprise de 1 100 000 Frs à 1 925 000 Frs ne sont volontairement pas référencées« Cote de la Bourse et de la banque et le Messager de la bourse réunis, 28 septembre 1894 - p.3 3ème colonne milieu "Annonces légales financières - Sucrerie d'Ardres..." », sur Retronews
  37. « Cote de la Bourse et de la banque et le Messager de la bourse réunis, 31 juillet 1895 - p.3 3ème colonne haut "Annonces légales financières - Sucrerie d'Ardres..." », sur Retronews
  38. « Le journal des transports: revue internationale des chemins de fer et de la navigation, 23 juillet 1898 - p.360 1ère colonne milieu "Etudes financières..." », sur Gallica
  39. « Cote de la Bourse et de la banque et le Messager de la bourse réunis, 11 octobre 1905 - p.4 4ème colonne bas - 2ème chapitre "... Mais MM Henry Say et Cie. ..." », sur Retronews
  40. « Journal des chemins de fer et des progrès industriels, 1 janvier 1900 - p.703 1ère colonne haut - "La nouvelle société, ..." », sur Gallica