Utilisateur:Djielle/Brouillon/Évolution cognitive des Hominines/Erectus

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Évolutions fonctionnelles constatées[modifier | modifier le code]

Evolution du climat[modifier | modifier le code]

L'accroissement rapide de la capacité crânienne de Erectus coïncide avec une période humide, où le Rift africain était par moment occupé par un unique grand lac en eau profonde, depuis la vallée de l'Omo en Éthiopie jusqu'au lac Baringo au Kenya, et sans aucun doute encore d'autres lacs plus au sud. Cette humidité a offert aux Hominines une nouvelle niche écologique. Le fait que ces lacs du Rift s'asséchaient fréquemment (et parfois très rapidement) leurs imposait cependant de pouvoir s'adapter rapidement à des conditions plus arides - ou aller à l'extinction[1].

Le paysage de l'époque en Afrique du sud-est était majoritairement de prairies ouvertes. La proportion entre arbre et herbe est fluctuante, suivant les variations climatiques, mais jamais au point de reconstituer une couverture forestière continue. Les arbres marquent un maximum vers 1.6Ma, les herbes en marquent un autre vers 1.0Ma[2].

Anatomie[modifier | modifier le code]

Les spécimens Ergaster découverts mesuraient entre 1,55 m et 1,70 m, pour un poids de 50 à 65 kg. Erectus, son successeur, est un peu plus petit, et mesurait entre 1,50 et 1,65 mètre, pesait entre 45 et 55 kilogrammes (45-50 pour les femelles et 50-55 pour les mâles). Le dimorphisme sexuel de cette espèce est plus réduit que chez Homo Habilis. La taille de son corps et les proportions de ses membres présentent de grandes similitudes avec ceux de l'homme moderne, au point que pour un spectateur non averti, le squelette (en dehors du crâne) est difficilement distinguable de celui d'un homme moderne.[2] Ses membres inférieurs plus longs que ceux d’Habilis font d’Ergaster un bon marcheur.

Bien que la silhouette soit dans l'ensemble moderne, la tête des proto-hommes reste assez simiesque dans sa forme générale. Ergaster reste très archaïque de faciès, avec un nez absent et une mâchoire très prognathe. Erectus a également une mâchoire puissante, un prognathisme marqué, des os épais, un front assez bas, un menton absent, un chignon occipital, un bourrelet sus-orbitaire. La forme du nez évolue cependant : au lieu de s'ouvrir vers l'avant, comme pour les autres hominoïdes, les narines s'ouvrent vers le bas, ce qui constitue une adaptation à la course permettant de minimiser les pertes d'eau. L'ensemble donne à Erectus une figure nettement plus humaine, mais d'un humain qui serait atteint de microcéphalie.

Le volume crânien augmente rapidement dès l'apparition du taxon en Afrique, à 1800ka. Ergaster, plus primitif, a une capacité crânienne de 850 cm3. Erectus avait une capacité crânienne de 850 cm3 à 1 100 cm3, à comparer aux ~600cm3 de Habilis ; sa capacité crânienne représente 75% de celle de l’homme moderne.[3] Cette augmentation du volume cérébral est en partie due à l'augmentation de la taille, mais traduit également une évolution et une complexification de la capacité cognitive. Le cas d’Erectus est complexe, dans la mesure où ce terme est supposé réunir dans une même espèce des individus anciens d‘une capacité crânienne de 700 cm3 et des individus plus récents dont le crâne dépasse 1 200 cm3[4].

La taille de Erectus, intermédiaire entre le chimpanzé et l'homme moderne, suggère que sa durée de vie a également pu être intermédiaire, de l'ordre de 70 ans. Son développement dentaire suggère que le juvénile arrivait à l'âge adulte vers quinze ans, entre les dix ans de l'Australopithèque et les vingt ans de l'homme moderne[5].

Adaptation au jet de pierre et de bâton[modifier | modifier le code]

Erectus en Asie n'était pas inféodé aux milieux arides.

Erectus se spécialise non seulement dans la course, mais également dans le jet. Les muscles fessiers (grand glutéal) se développent plus encore que pour les Australopithèques : ces muscles permettent la stabilisation durant la course en reliant le fémur au tronc ; ils permettent également de donner une énergie supplémentaire aux projectiles en fin de lancers. Sa ceinture scapulaire se libère davantage, ce qui lui permet des mouvement plus amples du bras. De même, sur le plan physiologique, la préhension devient plus précise et plus puissante. Les os du poignet évoluent, permettant une meilleure mobilité et une prise plus assurée des objets entre le pouce opposable et le reste de la main.

Erectus est en effet le premier hominine à être sorti d'Afrique, ce qui montre qu'il n'était pas inféodé à un type spécifique de terrain ou de climat. Mais avec quelle arme? Erectus ne paraît pas avoir eu la capacité physique de lancer correctement des lances, ni d'ailleurs la capacité technique d'en fabriquer (ni même probablement d'en imaginer le concept).

En revanche, il a très bien pu attraper ses proies en leur jetant des galets (ou des bâton de jet, voire des bolas). Le garçon de Turkana (1.5Ma, entre Ergaster et Erectus) héritait d'un million d'années de pratiques des Habilis jouant avec ses galets aménagés de l'Oldowayen. Il aurait été surprenant que ces derniers n'aient jamais jeté quelque chose avec succès sur des prédateurs ou des proies[1]. De ce fait, on peut imaginer que sa pratique primitive de charognard l'ait mis en concurrence avec des oiseaux charognards (vautours, marabout,...), lui imposant de chasser ces concurrents à coups de cailloux. À l'occasion, il a pu ainsi achever d'un coup de gourdin un oiseau dont l'aile avait ainsi été brisée, et le dévorer ensuite. Devenant une source non négligeable de viande, cette pratique opportuniste peut devenir délibérée, la dépendance à cette technique quand d'autres sources se font rares conduisant ensuite à une pression sélective pour améliorer la force et la précision de son lancer.

La capacité à bien viser est rare chez les singes. Le singe capucin est une exception remarquable sur ce point, qui peut jeter des pierres avec une bonne précision ; ces singes s'envoient également de la nourriture en la lançant, ce qui explique que cette capacité se soit affinée chez eux. On peut remarquer que chez le capucin, mâles et femelles sont aussi doués l'un que l'autre pour viser, alors que les mâles humain y sont significativement meilleurs que leurs congénères féminins[6].

La capacité à une lapidation efficace a donc très probablement été acquise par Erectus :

  • elle n'était pas nécessaire aux stades précédents,
  • elle justifie qu'il puisse avoir une technique de chasse non inféodée à un écosystème sans avoir développé d'outil spécifique à cette fin (à part éventuellement le bola),
  • et elle explique que les capacités neurologiques nécessaires au langage aient pu se développer au préalable, à travers une évolution comportementale.

On peut même imaginer que le tropisme des petits enfants modernes à jeter des cailloux dans les bassins des parcs (relevé dans l’Esthétique de Hegel) remonte à l'entraînement au ricochet nécessaire pour nos lointains ancêtres.

Première sortie d'Afrique[modifier | modifier le code]

Proto-hommes (bleu), hommes primitifs (rose) et hommes modernes (rouge).

Erectus au sens large est le nom d'une chrono-espèce recouvrant différents types de proto-hommes, séparés dans l'espace et dans le temps.

Le proto-homme apparaît primitivement en Afrique, avec Homo ergaster (1.8-1Ma).

La plus ancienne trace d'hominine hors d'Afrique se présente vers 1.8Ma en Georgie, dans les monts du Caucase avec Homo georgicus (1.8Ma). Homo erectus (1.5Ma-100ka stricto sensu en Eurasie) va peupler progressivement le Proche-Orient (1.4Ma en Palestine). Il atteint l’Europe (Homo antecessor, 1200-700ka) . Il s'étend en Asie (1Ma/ - 800ka) en Chine (homme de Pékin) et à Java (homme de Java).

Ce sont ses restes fossiles en Asie qui ont été reconnus pour la première fois comme « Ancêtre de l'Homme  », sous le nom de Pithécanthrope — conduisant à la théorie longtemps maintenue d'une origine asiatique de l'Homme, à présent discréditée au profit d'une origine africaine.

On trouve de ses fossiles en Chine et à Java jusqu'à 250 ka. En Asie orientale, Erectus survivra jusqu'à 60ka, et même 12ka pour l'Homme de Florès

Technique de chasse[modifier | modifier le code]

Erectus réagit certainement au changement climatique en changeant à nouveau son régime, qui de charognard devient plutôt prédateur.[7] Cependant, s'il devient prédateur, c'est pratiquement sans disposer d'arme nouvelle autre que son bâton et ses galets (il n'invente le biface que 300ka plus tard) ; il semble cependant avoir inventé le bola[8].

Sa technique de chasse n'est pas clairement identifiée, et est probablement multiforme. De même que pour Habilis, Erectus est adapté à la course de fond et peut à l'occasion pratiquer une chasse à l'épuisement, mais cette forme de chasse demande des conditions climatiques particulières. La première sortie d'Afrique réalisée par Erectus montre que l'espèce n'est plus inféodée à un écosystème particulier, et que sa chasse devient donc en un sens généraliste. En revanche, contrairement à ce qui sera le cas de l'Homme primitif, il ne semble pas avoir pratiqué la chasse collective : la performance du chasseur reste pour Erectus une performance individuelle.

Le pistage a évolué vers un « pistage spéculatif » : lorsque les traces ne peuvent pas facilement être suivies, homo anticipe la réaction de son gibier et interprète d'autres indices pour déterminer où il a le plus de chances de se diriger, et localiser ainsi à nouveau sa proie.[9] Cette méthode avancée permet de retrouver une proie dans une plus grande variété de terrains, rendant encore plus plausible l'hypothèse d'une utilisation de la course de fond pour une chasse à l'épuisement.

Cette technique de chasse est épuisante pour le chasseur presqu'autant que pour le gibier. Pour les hommes modernes la pratiquant, l'effort nécessaire pour la poursuite demande ensuite facilement une journée de repos pour reconstituer les forces. Sur le plan énergétique, elle ne se justifie donc que pour du gros gibier, qu'un chasseur ne peut guère consommer seul. Elle suppose donc l'existence d'une société collaborative, le chasseur rapportant sa proie au reste du groupe resté au campement.

Cependant, si cette technique de chasse est évidemment possible en Afrique du sud-Est et en période aride, elle se conçoit mal en période plus humide, et dans des latitudes plus élevées. S'il est clair que Erectus est d'une manière où d'une autre adapté à la course de fond, ce n'est en revanche pas ce type de chasse qui a pu faire de lui un chasseur non inféodé à un écosystème particulier.

Adaptation digestive et technicité de l'approvisionnement[modifier | modifier le code]

Déterrer un tubercule n'est pas à la portée d'un enfant.

Le changement climatique auquel Habilis a du s'adapter, contraint notamment par une saisonnalité plus marquée, a donc conduit Erectus à accéder à une nourriture plus pérenne, plus difficile à récolter, mais finalement plus digeste : typiquement petit gibier, coquillages, noix, ou racines souterraines[5]. De telles ressources sont généralement disponibles y compris pendant la saison sèche ; elles fournissent un apport calorique suffisant et sont suffisamment digestes pour assurer l'alimentation d'un individu et de ses enfants ; et sont suffisamment permanentes pour assurer une collecte journalière régulière[5]. Par rapport à son prédécesseur Habilis, Erectus mange plus de viande[7]. Il continue cependant à s'appuyer sur des végétaux. En particulier on peut remarquer que la limite nord de son expansion correspond à la limite de la zone où il est possible de subsister sur des tubercules et des rhizomes[5], ce qui suggère que son régime alimentaire s'appuyait sur ces ressources souterraines.

On voit chez Erectus des indices d'une réduction du tube digestif : alors que l'australopithèque a une cage thoracique conique et un bassin évasé, délinéant un abdomen assez protubérant, Erectus tend à avoir la cage thoracique plus droite et le bassin plus étroit de l'homme moderne[10]. C'est l'indice d'une alimentation plus digeste que celle de ses prédécesseurs. Par ailleurs, comparé à Habilis, Erectus avait des pratiques alimentaires nécessitant moins de mastication, et usant comparativement moins les incisives et les molaires[11].

En revanche, si ces sources alimentaires sont exploitables par des adultes, elles ne le sont généralement pas pour des juvéniles : creuser pour atteindre des tubercules demande des outils (bâton fouisseur) et de la force physique, lancer un bâton de jet demande l'outil et de l'entraînement, et dépecer du gibier demande toujours des galets tranchants. Le changement alimentaire demande une organisation sociale plus complexe pour assurer la survie de la progéniture. Le changement dans le régime alimentaire de Erectus s'est donc accompagné d'un changement comportemental allant vers une plus grande complexité dans la manière de rechercher sa nourriture et de soutenir les juvéniles. Ce changement économique s'est alors doublé d'un changement physiologique dans les arbitrages entre organes.

Dans l'anatomie humaine, cinq organes représentent 7% du poids du corps mais consomment plus de 75% du métabolisme[10],[12] : le cerveau, le tube digestif, le cœur, le foie, et les reins. Ces trois derniers sont directement liés à la taille du corps du fait de leur fonction physiologique. En revanche, le cerveau et le tube digestif peuvent varier en fonction de la niche écologique occupée. La taille et les proportions du système digestif sont très fortement dépendant du volume et de la composition du régime alimentaire. À une extrémité du spectre, les herbivores ont un régime formé d'une grande quantité de végétaux peu digestes, et ont en conséquence un système digestif important permettant la fermentation prolongée de leur bol alimentaire. À l'autre extrémité, les carnivores ont un régime formé par de faibles quantités de nourriture plus digestes, et sont caractérisés par un estomac plus petit, et un intestin grêle en proportion plus long pour favoriser l'absorption des nutriments[12]. De fait, par rapport aux grands singes, l'espèce humaine a le cœur, le foie et les reins de la taille attendue, mais le tube digestif est en proportion beaucoup plus petit, et cette réduction est justement celle qui compense la demande métabolique supplémentaire due à l'accroissement du tissu cérébral[10],[13].

La réduction du système digestif d’Erectus a rendu corrélativement possible un accroissement du volume cérébral, rendu par ailleurs nécessaire par cette nouvelle complexité[10]. À partir du moment où Erectus a pu s'adapter à ces nouvelles techniques de chasse et de cueillettes, en particulier pour ce qui est du soutien apporté aux juvéniles, ces techniques lui ouvrent l'accès à des ressources abondantes et variées. Il est devenu moins dépendant d'un écosystème particulier, et a pu se répandre en Eurasie.

Il est très peu probable que Erectus ait fait cuire ses aliments : dans la mesure où son alimentation était fortement carnée, une pratique régulière de la cuisson aurait laissé des traces d'os brûlés, ce qui n'est pas le cas[11].


Évolution comportementale et cognitive des proto-hommes[modifier | modifier le code]

Le biface[modifier | modifier le code]

Biface.

On voit apparaître de nouveaux outils, plus grands et plus élaborés, tels que les bifaces, les hachereaux ou les bolas, qui caractérisent l’Acheuléen. L’Acheuléen est contemporain de la fin de l’Oldowayen en Afrique de l’Est où il est documenté dès 1,76 million d’années avant le présent dans le site de Kokiselei 4 sur les rives du lac Turkana[14],[15],[16]. Il est présent dès 1,7 Ma avant le présent dans les sites d’Olduvai (Tanzanie)[17],[18]. Il est attesté ensuite dans tout le continent africain.

Erectus créé les premiers bifaces, en inaugurant la technique de façonnage qui permet de tailler les nucléus de manière plus élaborée et régulière. Innovante par rapport aux pratiques Habilis, la taille y est souvent réalisée avec un percuteur tendre comme le bois, ce qui permet une taille plus fine.

Il faut remarquer que bien que le biface soit une production caractéristique de Erectus, il n'apparaît pas en même temps que ses premiers fossiles (1.9Ma), lesquels continuent au départ à utiliser la technologie de l'Oldowan. La première dispersion en Eurasie (1.8Ma), par exemple, précède l'invention du biface, qui ne sera inventé que vers 1.6Ma. De fait, l'extension des bifaces n'atteint pas l'Extrême-Orient. Ceci montre qu'il y a eu une évolution de l'espèce et de ses capacités cérébrales, provoquée par une pression sélective autre que la fabrication d'outil, qui dans un deuxième temps a produit des effets sur la fabrication d'outils à travers un processus d'acculturation[19].

Extension des bifaces.

Le biface a une forme symétrique, latérale, et le plus souvent bifaciale. Sur le plan technique, il constitue donc une sculpture complexe du bloc d’origine, visant à atteindre une forme déterminée.

L’existence même d’une forme abstraite archétypale caractérisant le biface est révélatrice d’un changement de mentalité. Le biface est un outil à usage multiple (voire, pour certains, sans usage avéré), et les usages (à supposer qu'il en ait) n’imposent pas de contrainte forte sur sa forme. Sa forme est donc ici première par rapport à son utilité, la symétrie est recherchée pour elle-même, et non pour un hypothétique rôle fonctionnel. Le biface matérialise donc quelque chose de nouveau dans l’univers mental de l’homme : la norme abstraite préexiste à l'objet, c’est parce que cette forme symétrique est jugée « bonne en soi », que l’idée de cette forme est réalisée dans la pierre. Par le biface, l’homme montre qu’il est capable de concrétiser ce qui est au départ une abstraction idéale : c'est parce qu'il est capable de se représenter cette forme comme but, de manière détachée d'un stimulus réel, que Erectus est capable de la réaliser.[6],[20] Il est le premier à imposer ainsi la marque de son esprit sur la matière.

Contrairement à la simple production d'outils oldowayens, la production de bifaces acheuléen, qui suppose une activité mimétique et planifiée, mobilise l'aire de Broca et le système miroir, lesquels sont également actifs dans la production du langage[21],[22].

Capacité mimétique[modifier | modifier le code]

Jouer aux ricochets ne devient possible qu'à partir de Erectus.

Jeter une pierre avec précision est plus complexe qu'il n'y paraît, parce que le contrôle moteur du mouvement, dirigé à partir du cervelet, doit être capable d'ajuster le mouvement en cours par une boucle cybernétique ; mais le temps pour un influx moteur de partir du cervelet, atteindre le muscle, déclencher un début d'exécution et un influx nerveux sensitif en retour, qui retourne au cervelet, il s'écoule entre un quart et une demi-seconde, ce qui est bien trop long pour contrôler un geste aussi rapide. En pratique, le cervelet dispose d'une capacité de simulation, qui en fonction des influx moteurs envoyés, est capable d'en anticiper l'issue ; cette boucle courte est capable de corriger le mouvement en moins d'un dixième de seconde, et donc faire partir la correction avant même que l'ordre initial ait commencé à faire bouger le muscle. La simulation au départ est assez inefficace, mais l'entraînement permet un apprentissage de cette fonctionnalité qui améliore cette modélisation intérieure.[6] Cette modélisation interne du mouvement rapide est spécifique à l'Homme (et au singe capucin), et semble dériver du mécanisme de modélisation impliqué dans la conscience de la permanence de l'objet, avec laquelle elle présente des analogies[6].

Pour Merlin Donald, la « capacité mimétique » constitue la plus fondamentale des capacités humaine, et est la première des transition nécessaires sur la voie de l'acquisition du langage.[23] La capacité mimétique consiste essentiellement à pouvoir reproduire et affiner l'exécution d'un geste complexe.

Outre le changement de mentalité mentionné ci-dessus, la capacité à fabriquer un biface présuppose une évolution dans la psychomotricité de Erectus. Sculpter la pierre avec une bonne précision suppose d'une part que chaque geste du processus puisse être conceptualisé, décomposé et corrigé dans son détail, jusqu'à aboutir au résultat souhaité. Acquérir une habileté suffisante dans cette pratique suppose d'autre part que le geste lui-même peut être volontairement répété, et volontairement entraîné, jusqu'à devenir un automatisme acquis.[6] Ces compétences psychomotrices sont nouvelles par rapport à la pratique des grands singes. Pour prendre un exemple concrêt, on a pu apprendre à un grand singe à tailler des pierres de type Oldowayen,[24],[25] ce qui ne suppose que des gestes stéréotypés et n'implique pas d'entraînement ; mais un grand singe n'a pas une maîtrise suffisante de son corps et de son propre entraînement pour apprendre à jouer du piano.

Cependant, si la production de bifaces montre que Erectus dispose de cette compétence, cette production est tardive, ce qui implique que la compétence s'est développée antérieurement, et indépendamment de la taille de bifaces.

De son côté, la capacité à lancer des cailloux (en améliorant force et précision par rapport aux pratiques simiesques, lesquelles sont assez pathétiques), qui implique de mettre en œuvre les mêmes compétences, est difficile à attester par elle-même, mais c'est plus probablement sur elle qu'a pu porter une pression de sélection, qui a conduit à l'acquisition progressive de caractéristiques neurologiques importantes.

La « capacité mimétique » suppose en amont une représentation interne d'un tel mouvement,[26] à un niveau d'abstraction suffisamment élevé pour être « supramodale », c'est à dire susceptible de représenter simultanément des stimulus et coordonner des mouvements de n'importe quelle partie du corps. Cette capacité de représentation se manifeste déjà chez le singe, quand il parvient à imaginer un schéma d'action complexe pour résoudre un problème (typiquement, combiner des moyens pour récupérer la banane placée hors de portée par les expérimentateurs). C'est probablement elle qui est en œuvre dans l'activation des neurones miroirs. La principale différence que l'on peut invoquer est que les gestes de Erectus supposent une image du corps plus affinée. Ils supposent également de disposer d'une représentation détachée de la perception immédiate, condition nécessaire pour qu'une intentionnalité consciente puisse être avérée[6].

Vers cinq mois, le gazouillis est un tropisme mimétique préalable à l'acquisition du langage.

Cette capacité implique ensuite une capacité mémorielle pouvant enregistrer puis se représenter à volonté, sans stimulus extérieur, une action ou une séquence d'actions[23] : la cause efficiente immédiate du mouvement mimétique n'est plus une réponse à un stimulus (externe ou physiologique), mais l'activation d'un engramme et son exécution volontaire (laquelle peut être réelle ou imaginaire). Seuls les êtres humains sont ainsi capables de solliciter leur mémoire à volonté. Elle suppose encore la capacité de comparer une exécution donnée à un modèle idéal abstrait, représentant le résultat que l'acteur cherche à atteindre, ce qui dénote un processus de modélisation d'un niveau d'abstraction supplémentaire. L'entraînement mimétique suppose un tropisme à répéter et corriger l'exécution d'un geste jusqu'à le faire suffisamment coïncider avec l'abstraction idéalisée qui lui sert de modèle. C'est ce même tropisme d'imitation qui pousse de nos jours l'enfant humain au stade du gazouillis à mimer et reproduire le comportement (phonétique) de ses aînés, même quand il n'en comprend pas le sens.

Enfin, cette capacité suppose en aval que l'exécution du geste puisse s'améliorer avec la répétition et l'entraînement, au point de devenir comme une seconde nature, et pouvoir être rappelée et exécutée avec la même fluidité que celle des gestes stéréotypés qui gouvernent l'action animale. Une telle capacité d'apprentissage est courante dans le monde animal et n'appelle pas de commentaire.

Capacité cognitive[modifier | modifier le code]

Dans leur aspect physique et dans leur industrie lithique (avec le biface), Erectus prend un caractère spectaculairement humain. Mais le plus spectaculaire est probablement l'évolution des capacités neuronales dont ces réalisations constituent des indices subtils. Toutefois, cette impression recouvre encore une animalité encore très présente, que trahit un comportement encore très instinctif et stéréotypé.

Le biface marque un jalon cognitif - et un blocage cognitif (1Ma sans évolution pour un outil sans fonctionnalité...).

Comparativement, les hommes améliorent leurs compétences en vision tridimensionnelle, en précision du lancer, et en capacité de concentration.

L'existence même du biface montre que Erectus échappe au comportement stéréotypé qui caractérise les animaux, et les capacités mimétiques sont à la fois nécessaires et suffisantes pour permettre à Erectus de réaliser ce que l'archéologie lui attribue. L'acquisition de cette nécessaire coordination musculaire, qui nécessite un appareillage neuronal important, est probablement antérieure, et est à rapprocher du chignon occipital de Ergaster .

Le contrôle du geste permet une forme de communication intentionnelle, intermédiaire entre le signal animal (purement holistique) et la communication verbale (qui demande une théorie de l'esprit avancée). Une forme mimétique de communication peut se limiter à attirer l'attention de son interlocuteur sur un objet donné, lui laissant le soin d'en tirer ses conclusions propres. Le meilleur moyen de voir ce sur quoi porte l'attention est de suivre le regard : la direction du regard de l'émetteur doit être claire pour que son interlocuteur identifie rapidement l'objet, et la direction du regard de l'interlocuteur permet en retour à l'émetteur de vérifier s'il a réussi à capter l'attention. Parvenir à établir une attention partagée ne suppose ni de modéliser les intentions du destinataire, ni même de modéliser les siennes propres[6].

Dans la mesure où la capacité à une telle communication par attention partagée présente un avantage sélectif à la fois pour l'émetteur (qui renforce son autorité) et pour le récepteur (qui est mieux informé de son environnement), elle peut suffire à mettre une pression évolutive de part et d'autre pour que le la direction du regard devienne plus facile à évaluer. C'est donc probablement au stade de Ergaster et Erectus que l'œil humain acquiert sa pupille étroite, contrastant avec le blanc de l’œil, signal qui marque immédiatement la direction du regard. Le fait de pointer du doigt pour désigner un objet à l'attention de son interlocuteur est peut-être également un mode comportemental acquis à ce stade[6].

Pression sélective en faveur d'une capacité mimétique[modifier | modifier le code]

Comme ce n'est pas le langage lui-même qui a pu constituer une pression sélective pour développer ces capacités mimétiques, ni la fabrication de bifaces elle-même, elles ont été nécessairement acquises à travers le perfectionnement d'un comportement plus primitif. Le comportement moderne où cette capacité mimétique se révèle le plus clairement est la propension des humains à répondre à un rythme : un rythme est spontanément repris et traduit par différentes parties du corps[27].

a lifestyle depending on social interactions among nonkin was present in Homo Habilis more than two million years ago. Language in particular would seem to be deeply woven into such interactions, in a manner that is not qualitatively different from that of our own "advanced" culture[28].

Un aspect important de la théorie supposant l'émergence du langage sur la capacité mimétique est que le type de « protolangage » initialement employé par nos ancêtres ne se cantonnait ni à la voie vocale, ni à la sphère gestuelle, mais aura été multimodal.[29] Il se caractérise par une combinaison d'expressions faciales, manuelles et vocales, le sens s'appuyant sur une forte iconicité (fonctionnant sur la reproduction de similarités) et une grande indexicalité (s'appuyant sur la contiguïté spatio-temporelle pour désigner ses objets). Le langage et les gestes des enfants vers deux ans peut être vu comme une réminiscence de ce stade de communication, mêlant gestes et vocalisations dans un comportement multimodal.[30] Bien que le canal de transmission du langage soit principalement verbal de nos jours, ce n'est qu'une question d'équilibre entre mains et bouche ; la communication s'appuie souvent sur des soulignements gestuels, et la langue des signes mobilise les mêmes capacités cognitives bien que dans un canal purement gestuel[30]. Même de nos jours pour l'homme moderne, l'acquisition du langage repose de manière critique sur toutes sortes de communications non verbales, et lorsque nous parlons, nous n'hésitons pas à utiliser la prosodie, la gestuelle ou la désignation pour appuyer et désambiguïser notre discours[31].

Transmission d'une culture mimétique[modifier | modifier le code]

Exemple de mème : le haka.

À partir du moment ou les gènes donnent la capacité d'imiter rapidement quelque chose de culturel, des mèmes (éléments culturels transmissibles proposés par Richard Dawkins) vont pouvoir proliférer et prendre les commandes dans la sphère comportementale. Tout ce qui est nécessaire au départ est que le système cognitif soit capable d'imitation et y aspire d'une manière ou d'une autre, et les mêmes satureront fatalement cette capacité.[32] Ceci étant, les mèmes sont eux-mêmes l'objet d'une sélection naturelle sévère dans l'environnement où ils doivent se reproduire : ne peuvent se propager que ceux qui sont adaptés aux conditions offertes par les capacités cognitives de leurs hôtes. Tant que ces capacités sont restreintes, les mèmes seront eux-mêmes simples.

La culture mimétique permet dans une certaine mesure de représenter et de transmettre des connaissances au sein d'un groupe, par des moyens non nécessairement verbaux — regards appuyés et attention partagée, gestes culturellement fixés, représentations d'actions marquantes, certaines activités collectives, et ainsi de suite. Par rapport aux connaissances qu'un animal peut acquérir mais non transmettre, ces connaissances partagées constituent une nouvelle classe de représentations non-verbales, qui peuvent s'accumuler et se modifier au fil du temps, d'une génération à l'autre, même si c'est d'une manière très lente. Ce prototype de culture humaine fonctionnant au ralenti a été une adaptation avantageuse, capable de se développer et d'évoluer par elle-même, et cela sans nécessiter l'appui d'un langage au sens strict, pendant plus d'un million d'années[19].

Une première étape de l'évolution vers le langage se devine dans le babillage du nourrisson, où l'enfant imite la sonorité du langage, sa forme, sans se rattacher à une intentionnalité par rapport au sens. De même, une forme primitive de culture mimétique a pu passer par une sorte de haka mêlant gestes et cris dans une séquence arbitraire mais déterminée culturellement, la capacité à participer à une telle séquence étant un marqueur identitaire permettant de distinguer un étranger des autres membres du groupe.


Langage mimétique[modifier | modifier le code]

Fondement psychomoteur du langage articulé[modifier | modifier le code]

La « capacité mimétique » permet de décomposer et répéter des gestes complexes, jusqu'à les accomplir à volonté, sans erreur et sans effort d'attention.

Le système de communication animal est initialement fondé sur des réactions holistiques, n'impliquant pas de téléologie ni de choix volontaire ; et l'animal est rivé au réel et au présent, sa communication ne prend son sens que en réaction à un stimulus. Les chimpanzés et bonobos utilisent des signes gestuels, et savent faire attention à ce que leur destinataire y prête attention ; mais ces signes sont pris dans un répertoire limité (une soixantaine de signes), instinctif et figé[33],[34].

L'acquisition d'une capacité mimétique a eu inévitablement des conséquences dans les schémas d'expression de ces hominines.[27] Par l'émergence d'un nouveau niveau de contrôle psychomoteur supramodal, susceptible d'intégrer n'importe quel mouvement auparavant stéréotypé, ces signaux peuvent à présent être mimés, travaillés, transformés et différenciés, et reproduits à volonté. Cette évolution vers une plus grande capacité de modélisation interne et de contrôle mimétique des mouvements volontaires permet aux hominines d'échapper aux comportements stéréotypés qui caractérisent l'animal, et de se composer des mouvements variés utilisant l'ensemble de leur répertoire moteur volontaire. Portant initialement sur le répertoire moteur des primate, il s'agit également d'une capacité qui sera ultérieurement nécessaire à l'acquisition du langage, avec le contrôle à venir de la langue et du souffle.[25] Ce sont bien ces caractéristiques neurologiques qui seront par la suite critiques pour maîtriser le langage oral articulé. Le caractère extrêmement lent de la capitalisation culturelle consécutive rend très peu probable qu'ils aient pu disposer à ce stade d'un véritable langage, ni même d'un protolangage[26],[10].

D'autre part, l'action mimétique devient indépendante du réel immédiatement présent, et acquiert une signification en soi. Plus le signal peut être manipulé et transformé, et moins le système de communication proto-humain qui l'utilise peut continuer à être holistique et stéréotypé. Certes, l'« immutabilité synchronique »[35] du signe s'impose à l'émetteur s'il veut se faire comprendre. Mais le rapport de l'émetteur au signal change, l'expression d'un signal ainsi contrôlé exprime à présent le désir qu'a l'émetteur d'obtenir un résultat particulier, non une situation holistique. Et enfin, ce signal est réalisé en reproduisant un comportement conforme à un modèle type reconnu au sein du groupe, et l'évolution de ce signal se découple du déterminisme génétique pour devenir le fruit de l'histoire sociale, innaugurant ainsi la progressive « mutabilité diachronique »[35] du signe.

Ces caractéristiques ressemblent à celles d'un signe linguistique dans un langage ou un proto-langage. Cependant, « il ne lui manque que la parole », rien ne permet de dire que le système de communication proto-humain soit à ce stade un système verbal. C'est une erreur courante que de penser que le langage est coextensif à la parole, et que retracer l'évolution du langage se réduit à suivre l'évolution des organes phonatoires et auditifs : ces organes sont effectivement des interfaces possibles pour le langage, mais ils ne sont qu'une possibilité, et le langage ne se réduit pas à cette interface.[36] L'évolution qui a permis ultérieurement l'apparition du langage a avant tout été une évolution cognitive: la capacité de produire volontairement des gestes, et de les utiliser comme référence symbolique grossière (contrairement aux signaux stéréotypés, liés au contexte). La communication à ce stade est probablement restreinte à des actions métaphoriques, des mimes, et des gestes élémentaires,[25] et que ce n'est que dans un second temps de l'évolution humaine que cette capacité s'est transférée et spécialisée au domaine oral.

Dans la mesure où une telle communication implique que la communication elle-même fasse l'objet d'une perception cognitive, il est probable que dès ce stade, le système de communication animal s'est détaché d'une émission purement holistique pour continuer à évoluer vers des signaux relativement conventionnels et contrôlés (ce qui est le cas, de manière embryonnaire, pour les grands singes).

La capacité mimétique peut servir de base à l'évolution de pratiques et de gestes culturellement déterminés. On en retrouve la trace de nos jours chez l'enfant, dont l'apprentissage du langage repose sur une reproduction mimétique des phonèmes adultes, et chez l'adulte, ou des activités de type mimétique jouent encore un rôle important comme la dance, la pantomime, ou la communication sur un mode « théâtral ». De telles activités sont largement indépendantes du langage, que ce soit dans leur mode de fonctionnement ou dans leur fonction sociale[25].

Compétence symbolique[modifier | modifier le code]

Icône : Je vois une branche cassée.
Indice : Je pense qu'un animal a dû brouter la tige.
Symbole : C'est le signal, je sais qu'on est sur la piste.

On peut distinguer trois modes de référence entre un signifiant et un signifié, non pas selon la nature du signifiant, mais selon le niveau d'interprétation qui l'associe à un signifié[37],[38].

  • Un signal peut être une « icône » s'il évoque un signifiant par sa ressemblance.
    Pour le système cognitif qui en fait la perception, un signifiant iconique informe simplement sur le monde tel qu'il est perçu, et participe à la construction d'une modélisation interne du monde extérieur immédiat.
    L'identification d'un signifiant iconique présuppose que des perceptions variées et individuelles d'occurrences soient associées et considérées comme équivalentes, en reconnaissant ce qui en fait la similarité, et en négligeant les circonstances jugées non pertinentes. La ressemblance peut être trompeuse, ou très artificielle comme dans le dessin d'enfant représentant « papa et maman » par des fils de fer.
  • Il peut être un « index » (ou « indice ») s'il évoque un signifiant par une relation objective de cause à effet. Un signifiant perçu comme un index informe sur ce qui est invisible mais attaché de manière immanente à la situation, et suppose l'existence d'une connaissance (au moins implicite et statistique, voire innée) de ses évolutions types et relations causales.
    Pour l'émetteur, un signal constituant un indice peut être produit involontairement (les traces laissées dans la nature), ou au contraire répondre à une fonctionnalité déterminée (cas de la signalisation animale). Pour le récepteur, un index permet d'enrichir la modélisation interne du monde par l'évocation d'un nuage plus ou moins flou de passés ou de devenirs possibles, et d'adapter son comportement en conséquence.
    L'identification d'un signifiant indexuel présuppose que les éléments ainsi mis en relations par une relation de causalité soient au départ identifiés sous forme d'icônes, afin qu'une régularité puisse être estimée. Le sens d'un index (quand il ne s'agit pas d'un signal instinctif) se déduit de l'étude des relations entre icônes, et l'interprétation d'un index consiste à ce que le stimulus nouveau évoque cette association d'icônes[37]. Les associations indexuelles peuvent alors se généraliser et s'enchaîner, l'observation de faits élémentaires iconiques permettant à Sherlock Holmes de reconstituer toute l'histoire du crime.
  • Un signal signifiant peut être un « symbole », s'il évoque un signifié à travers une relation ni de similarité, ni de causalité, mais simplement découlant de conventions. L'interprétation d'un langage symbolique ne se situe pas à un niveau comportemental, mais à un niveau symbolique. Il tend à modifier non pas la perception que le récepteur a du monde actuel, mais les connaissances dont ce récepteur dispose dans son univers conceptuel.
    Un signal ne peut prendre une signification symbolique que si son émetteur réalise ce signal avec une intentionnalité le reliant à la fois à ses propres connaissances et à l'information qu'il veut transmettre à son destinataire. Pour le destinataire, le symbole ne prend son sens que par rapport à l'univers conceptuel de celui qui l'interprète, et dans cet univers, son signifié est de tendre à modifier ce que l'interprète « sait ».
    Un « symbole » exprimé est un signifiant perceptible (donc iconique) qui met en lumière un point d'intérêt (donc index), mais le signifié se situe dans l'univers conceptuel et non dans l'environnement objectif du sujet. Dans sa construction, le niveau symbolique émerge de relations iconiques ou causales, mais il se conforte avant tout par les relations que les symboles tissent les uns avec les autres à travers des prédicats explicites.

Gestes iconiques et indiciels[modifier | modifier le code]

Le mime consiste à évoquer un objet et un scénario à partir de gestes et d'accessoires iconiques.

L'apprentissage animal se fait toujours d'une manière ou d'une autre par corrélation entre signal et signifié interprété comme icône ou indice : c'est la cooccurrence spatiale ou temporelle qui associe un signifiant à un signifié[37]. L'apprentissage peut résulter d'essais individuels, par succès ou erreurs, ou peut être intégré dans le phénotype au niveau de l'espèce, par élimination sur le long terme des erreurs des jugement instinctifs erronés, et conservation des individus à succès.

Se focaliser sur la seule correspondance signifiant / signifié réduit ce qui devrait être une relation multidimensionnelle à une simple cartographie[37]. L'association entre un signal et un objet (ou une action) est relativement facile à enseigner à un animal : un chien peut « comprendre » des mots comme « assis » (un ordre), « promener » (préparation à une activité), « rapporte » (une séquence d'actions) ou « gâteau » (un type d'objet) à travers l'association statistiquement constatée entre le signe arbitraire qu'il perçoit et différencie, et l'élément commun pertinent dans les circonstances où ce signe apparaît. La réaction du chien à un mot est alors un comportement associé, soit qu'il est spontané, ou obtenu par dressage. Et inversement, on peut supposer que la vue d'un gâteau puisse pré-activer pour lui le signal « gâteau ». S'il ne s'agissait que d'émettre des symboles simples et isolés, la compétence de l'homme ne serait pas tellement distinguable de celle de son chien. Associer par cooccurrence un signifiant à un objet ou à une action n'est donc pas un apprentissage très complexe, puisqu'un chien peut être dressé dans ce sens : le signifiant est alors un « indice » évoquant un signifié actuellement présent ou proche.

Dans une culture pré-verbale, le signifiant n'est pas un mot, mais est nécessairement un geste ou un objet accessoire ; tout au plus peut-il être appuyé par un grognement soulignant le signal. Dans un premier temps, faute de pouvoir établir un lien par convention, le signifiant fonctionne nécessairement comme « icône », auquel le signifié est associé par une ressemblance suffisante, donc essentiellement mimétique. Ainsi, faire le geste de porter quelque chose dans sa bouche évoque (iconiquement) l'idée de manger, et peut suggérer (indice) que l'acteur a faim ou confirme à son interlocuteur que ce qu'il tient en main est comestible.

Contrairement à ce que l'on pense habituellement, le singe n'imite pas le comportement de ses congénères : il cherche avant tout à identifier le but poursuivi. L'enfant humain s'intéresse non seulement au but, mais également à la méthode, et tend à reproduire le geste lui-même : il « singe » ce qu'il voit faire, alors qu'un singe ne sait pas le faire[39].

Apprentissage symbolique[modifier | modifier le code]

Un langage iconique ne peut évoquer que des concepts dont une expérience directe est possible. Il n'est pas possible d'évoquer un objet de nature non expérimentale.

La principale caractéristique du langage humain est dans sa seconde articulation, celle qui permet d'associer des symboles et de communiquer des prédicats. La réaction d'un homme à un prédicat n'est pas alors un comportement, mais l'intégration d'une connaissance complémentaire : un prédicat sur un symbole modifie d'une manière ou d'une autre ce que l'homme connaît de ce symbole, et modifiera potentiellement ce qui sera ultérieurement évoqué par ce même symbole.

C'est l'existence même de cet univers conceptuel et des connaissances abstraites supportées par des relations symboliques qui fait la différence entre la pensée humaine et la pensée animale : un animal peut parfois comprendre un stimuli comme une « icône » (s'il ne fait pas la différence entre le stimulus et ce qu'il est censé représenter, par exemple, pour un étalon reproducteur, le mannequin en salle de monte) ; dans la plupart des cas il réagit à un stimulus comme à un « index », en adoptant un comportement adapté aux conséquences qu'il en déduit ; mais il s'arrête à ce niveau et n'a pas (dans la nature) la capacité de faire en sorte qu'un signifiant soit émis et interprété par son destinataire de manière conventionnelle.

L'utilisation d'un niveau symbolique par un système cognitif soulève immédiatement un problème d'œuf et de poule : Un symbole n'est interprétable que par convention, et —sauf à être devinée— la convention suppose au préalable une mise en relation du symbole à d'autres symboles, dans ce même univers conceptuel. Une compréhension symbolique suppose donc au préalable que l'interprète se soit construit un univers symbolique, donc ait identifié des invariance abstraites à partir desquelles il pourra « comprendre » le monde (externe ou interne).

L'abstraction croissante du langage conduit à distinguer trois zones[40] :

  • une de coïncidence, la zone identitaire (concepts relevant de ici et maintenant) ;
  • une d’adjacence, la zone proximale (concepts dont une expérience directe est possible) ;
  • une d’étrangeté, la zone distale (concepts abstraits, par nature non expérimentale).

Le système de communication animal ne peut traiter que de la première zone - « out of sight, out of mind ». Le signal animal associe par corrélation un signifiant à quelque chose de présent et de local, ou à quelque chose qui est immédiatement proche dans l'espace et dans le temps. Un système de communication mimétique, en revanche, permet d'évoquer la « zone proximale » de manière symbolique, s'il ne permet pas encore de traiter de la « zone distale ».

Cependant, la simple évocation d'un objet (ou d'une activité, ou d'un caractère) ne se distingue pas fondamentalement de la signalisation animale : elle peut servir de signal d'avertissement différencié pour un signifié présent ou proche (temporellement ou spatialement), mais ne permet pas de fonctionner à un niveau symbolique. La pensée symbolique suppose au préalable l'émergence de symboles, et ces symboles originels ont nécessairement émergé de l'interaction, au sein d'un groupe, d'individus dont la pensée n'est au départ que analogique.[26]

Le passage d'une expression mimétique à un langage doublement articulé qui est le nôtre est supposé avoir suivi des étapes intermédiaires. C'est le linguiste américain Derek Bickerton qui a proposé la notion de protolangage comme intermédiaire, à partir de son étude des pidgins et des créoles. Pour lui, notre lignée disposait dans le passé d'une forme moins élaborée de langage, qui ressurgit à l'état de vestige dans notre répertoire comportemental quand des locuteurs de cultures différentes communiquent en pidgin, ainsi que dans l'apprentissage du langage par les enfants[4].

Protolangage[modifier | modifier le code]

Mettre un lion en fuite n'a rien d'évident.

Dans ce type de langage iconique, un objet isolé fonctionne comme un signal d'alerte (« lion! ») tandis qu'une action isolée fonctionne plutôt comme un ordre (« tue! »). C'est exactement le même mode de fonctionnement que la signalisation animale, qui traite du « ici et maintenant ». L'interprétation symbolique ne peut se développer qu'à travers l'association de plusieurs signifiants. Pour certaines théories linguistiques, le phénotype minimaliste qui caractérise le langage humain est la superposition de deux éléments en une unité syntaxique pour exprimer un énoncé élémentaire ; cette réunion, doublée de la capacité d'évocation de ces éléments, étant suffisante pour rendre compte d'une large partie de la syntaxe des langages humains (l'opérateur universel « merge » de Chomsky).[36] De fait, une communication sans grammaire peut être établie dans pratiquement n'importe quelle langue, si l'on accepte de parler « petit nègre », sans conjugaison ni accord, mais par simple superposition de mots invariables.

Un langage iconique est d'une grammaire relativement universelle, que l'on retrouve dans les différentes langues des signes : d'abord évoquer le contexte, puis le spécifier[41],[42]. L'évocation d'un objet suivi de l'évocation d'une action signifie généralement que l'objet accomplit l'action ; dans le sens inverse, la signification est plutôt que l'action est effectuée sur cet objet. Ainsi « lion tue » signifie que le lion tue (quelque objet), tandis que « tue lion » signifiera que le lion est (doit être?) tué ; les deux pouvant se combiner comme dans « lion tue gazelle ». Un objet peut être en position thématique en première position : « lion, moi tue » signifie que s'agissant du lion, c'est moi qui l'ai tué (alors que « lion tue moi ») signifie plutôt que le lion va probablement me tuer).

Pour une communication mimétique primitive, le passage du geste isolé à la superposition de deux icônes est un passage naturel, sans solution de continuité. L'ordre élémentaire « dégage! » pris isolément peut inquiéter tout le groupe, mais il s'adresse nécessairement à quelqu'un ; et pour un tiers, le geste signifiant n'est pas isolé, mais est toujours précédé d'un geste établissant de facto la communication et désignant son sujet : interaction préalable, désignation du doigt, voire simple regard. De ce fait, pour le tiers, le mimodrame de l'émetteur s'analysera en réalité en deux composantes sujet/verbe « toi : dégage! » ; et il lui suffit de constater que l'ordre ne s'adresse pas à lui pour que le « dégage! » n'ait pas alors une force performative, mais reste interprété à un niveau symbolique : le fait est que l'autre doit dégager. Et le jour où un individu racontera à qui veut prêter attention qu'un lion est venu (« lion! ») mais qu'il a été mis en fuite (« dégage! »), le mime chronologique sera en même temps interprété par des tiers suivant la même logique sujet/verbe « lion: dégage! » : le lion est parti, j'ai fait fuir le lion. Le point important est que dans ce cas, on sera passé d'une communication sur la « zone identitaire » à une communication sur une « zone proximale », puisque quand vient le temps de la narration, le lion n'est plus présent. Et dans un tel cas, n'étant plus seulement des indices de signifiés présents ici et maintenant, les gestes iconiques deviennent des symboles : leur signifié est de tendre à modifier ce que l'interprète « sait ».

De même que le langage, le symbole est lui-même le fruit de l'interaction sociale, y compris pour l'homme moderne. Comme l'observait il y a déjà longtemps Ferdinand de Saussure, le lieu d'émergence du langage se situe nécessairement « entre les cerveaux » : un langage (en tant que système global) ne traduit jamais l'accomplissement cognitif d'une pensée isolée, mais émerge à travers la pratique de communication d'un groupe d'individus en interactions[26].

Le basculement d'une pratique mimétique vers un protolangage, que l'on peut observer vers deux ans chez l'enfant, correspond à un basculement cognitif où la pensée passe d'une pratique analogique, associant idées et situations par homologie et métaphore, à une pratique analytique procédant par différentiation. Le passage d'une communication par les unités discontinues que sont les morphèmes impose à l'esprit d'étiqueter l'environnement perçu, de le catégoriser en lui imposant ces mêmes discontinuités, parce que ce sont les seuls objets pertinents qu'il pourra signaler dans une telle communication, et ce sont les seuls qui lui seront communiqués par les interactions avec le reste du groupe.[25]

Nous pouvons émettre l'hypothèse selon laquelle nos ancêtres utilisaient un langage sans syntaxe pour se signaler mutuellement les faits saillants. Les faits saillants sont ceux qui sortent de l'ordinaire, soit parce qu'ils sont inattendus.[43] Par essence, les situations saillantes possèdent un aspect inattendu. Il est impossible de signaler de telles situations si le lexique disponible est trop restreint. Il est plus vraisemblable que les premiers hominines, ne disposant pas de la capacité à combiner les mots et les représentations qui leur sont associées, se sont appuyés sur un lexique de taille non négligeable pour pouvoir évoquer des situations concrètes avec une précision suffisante[4].

Rires et pleurs[modifier | modifier le code]

Rires et sanglots font partie des rares signaux involontaires humains.

Rires et pleurs sont deux signaux innés (et à moindre titre d'autres signaux comme le sourire ou la grimace de dégoût) propres à l'espèce humaine, dont on ne trouve pas l'équivalent chez les autres grands singes. Ils fournissent une information sur l'état d'esprit de l'émetteur et sur son histoire récente, mais présentent de plus la particularité d'être facilement contagieux, en contraste flagrant avec les autres signaux utilisés dans la communication humaine[31].

Le rire des singes consiste en une série d'inspiration-expirations ; par contraste, le rire de l'Homme est formée d'une saccade d'expirations sans inspirations intercalées. Ce stress sur les muscles thoraciques déclenche l'activation d'endorphines. De plus, c'est une activité contagieuse, le rire se déclenche instinctivement quand tout un groupe éclate de rire, même si l'on n'en comprend pas la raison. Ces caractéristiques en font un facteur performant pour renforcer la cohérence sociale, plus performant que le toilettage pratiqué à cette fin par les primates[1].

Rires et pleurs sont les premiers signaux vocaux émis par les nouveau-nés[44]. Cette capacité de contagion est un facteur de cohésion du groupe où le signal est émis. Ces caractéristiques suggèrent qu'ils ont fait l'objet d'une très forte pression de sélection pour remplir la fonction sociale qu'ils accomplissent. De manière assez suggestive, ces deux signaux présentent un contraste maximal dans leur schéma respiratoire, le sanglot étant émis sur une inspiration spasmodique, le rire au contraire sur une expiration spasmodique, indiquant que ces deux formes de signaux ont été sélectionnées simultanément et en fonction l'une de l'autre[44].

Ces signaux sont de plus des incitations à rechercher ce qui a pu justifier leur déclenchement dans le contexte où ils apparaissent. Ils fournissent donc une représentation collective à la fois sur ce contexte, et sur la manière dont l'émetteur y a réagit.

Les rires et les pleurs humains sont similaires aux signaux vocaux des primates, dans le sens qu'ils tendent à se fonder sur une succession de présence et d'absence de vocalisation pilotées par un schéma respiratoire fixe et répétitif, mais n'impliquent pas de mouvement de la bouche, de la mâchoire ou de la langue[45] contrairement au langage parlé. En terme neurologique, les signaux vocaux primates sont sous le contrôle de programmes moteurs largement involontaires associés au mésencéphale et au tronc cérébral[44], non du cortex cérébral. Ils traduisent de plus une émotion intense et actuelle, non une représentation conventionnelle transmise par un discours.


Évolution sociale[modifier | modifier le code]

Différenciation du rôle des femelles[modifier | modifier le code]

Homo erectus taillant un biface au campement. Cette reconstitution donne probablement une pilosité trop importante, que réfute l'adaptation à la course.

L'adaptation du proto-homme à la course renvoie plus probablement à un comportement associé uniquement au mâle de l'espèce. En effet, les hanches des femelles restent plus larges que celles de l’Homo mâle, ce qui comparativement induit un désavantage à la course, et suggère que l'évolution de ces groupes a pu nécessiter une différenciation sexuelle des tâches. De plus, d'une manière générale, la taille croissante du volume cérébral implique que l'enfant met de plus en plus de temps à acquérir son autonomie, mobilisant de plus en plus longtemps sa mère dans des soins parentaux. Avec l’apparition du mode « chasseur-cueilleur » au sens strict, la chasse semble donc induire nécessairement une division des tâches entre mâles et femelles. Les femelles ne peuvent pas participer à la chasse, étant physiquement désavantagées par la grossesse et la charge des enfants en bas âge non sevrés. De ce fait, le mâle tend à être chasseur, et la femelle tend à être cueilleur.

De fait, avec Erectus apparaissent les premières traces de campements. Les premiers ensembles lithiques clairement identifiés en Europe comportent essentiellement des éclats et des galets ou blocs taillés, parfois associés à quelques bifaces et quelques éclats retouchés (transformés en outils plus spécialisés par de petits enlèvements sur les bords). On peut mentionner notamment les sites de Monte Poggiolo, Isernia La Pineta, Venosa-Notarchirico (Italie), Atapuerca, Orce (Espagne), Soleilhac, Abbeville et Saint-Acheul (France), qui s’échelonnent entre 1 Ma et 500 000 ans BP. Ces industries sont progressivement remplacées, peut-être lors d’une deuxième vague de peuplement, par des industries acheuléennes à bifaces et hachereaux nettement plus nombreux : on en trouve la trace, entre 500 et 300 000 ans BP, dans les sites de Torre in Pietra, Castel di Guido, Fontana Ranuccio, Venosa (Italie), de Pinedo, Aridos, Torralba, Ambrona, Atapuerca (Espagne), de Terra Amata, Tautavel, Orgnac 3, Cagny (France), de Swanscombe, Hoxne (Angleterre), de Kärlich, Schöningen, Bilzingsleben (Allemagne). Erectus est également associé à quelques traces de feu, ce qui suggère qu'il disposait peut-être du feu à l'occasion, mais la rareté de ces traces montre que ce n'était en tout cas pas sur une base régulière : le feu ne sera utilisé sur une base régulière qu'à partir de 500ka, avec l'avènement des hommes primitifs. Son alimentation courante reste donc crue.

Cependant, une telle division du travail suppose que la chasse ne se fasse pas au seul profit du chasseur, mais soit ensuite rapportée au campement et partagé dans le groupe ou la cellule familiale. Ce comportement de nature altruiste et collectif ne peut pas reposer sur une quelconque « réflexion morale naturelle », d'un niveau d'abstraction largement hors de portée des capacités cérébrales de ce stade. Il suppose des conditions très particulières pour pouvoir émerger dans un groupe animal. En revanche, une telle stratégie de collaboration a pu apparaître avec Erectus en tant que comportement inné et stéréotypé, parce qu'il avait maîtrisé le jet de pierre.

Invention de l'enfance[modifier | modifier le code]

L'enfant humain est encore immature après le sevrage.

La nécessité de pouvoir acquérir à la chasse un meilleur contrôle sensori-moteur, pour permettre un jet de précision, entraîne une pression de sélection vers un développement cortical plus important. L'accroissement du volume cérébral de l'adulte impose des conditions de croissance de plus en plus contraintes sur l'enfant[11]. La contrainte de devoir passer le canal génital lors de l'accouchement implique que le cerveau du nouveau-né reste fortement sous-développé par rapport à sa taille adulte : le poids d'un cerveau d'un nouveau-né sapiens représente 25% de celui de l'adulte, contre 50% pour un chimpanzé ; à quatre ans le cerveau du chimpanzé a sa taille adulte, contre 84% de sa taille pour sapiens[46],[47].

Du fait que le cerveau est un tissu très consommateur d'énergie, les besoins associés à sa croissance propre, outre les besoins liés à la croissance corporelle, représentent une charge énergétique importante pour la mère tant que le nourrisson n'est pas sevré. Pour Ergaster et Erectus, un développement cérébral aussi rapide que celui d'un chimpanzé aurait induit un coût énergétique prohibitif pour la mère[46]. Ce coût induit une pression sélective pour réduire la vitesse de croissance, prolongeant la période d'immaturité du jeune Homo. Ce mode de croissance montre que à l'époque où il a été mis en place, la mère nourrissant était effectivement soumise à une contrainte sur son budget énergétique et horaire, et donc ne bénéficiait pas d'un soutien assuré de la part d'un compagnon mâle ou d'une parentèle[46].

Cependant, cette croissance ralentie ne s'est pas traduite par un allongement de la lactation : là où des jeunes chimpanzés sont typiquement sevrés à quatre ou cinq ans, et peuvent ensuite s'alimenter de manière autonome, le jeune humain est typiquement sevré vers trois ans[11]. Mais le jeune Homo est alors sevré alors qu'il est immature, et en particulier incapable de s'alimenter de manière autonome. Jusqu'à l'âge de sept ans, sa dentition est incomplète, son tube digestif est insuffisamment développé, mais sa croissance entraîne néanmoins des besoins énergétiques importants. De ce fait, l'enfant a besoin d'une alimentation spécifique, énergétique et facile à digérer, comme de la graisse animale et des protéines[11] ; et reste dépendant des soins parentaux. C'est ce passage à une alimentation riche en protéines qui permettra le développement cérébral important de l'homme moderne.

Le sevrage se fait au risque d'une protection immunitaire moindre qu'avec le lait maternel[47] ; mais ceci permet à la mère de commencer un nouveau cycle reproductif, augmentant son propre potentiel reproductif. Du moment que le taux de mortalité dans cette petite enfance n'est pas plus que doublé par un sevrage avant sept ans, ce risque supplémentaire est plus que compensé par la réduction du délai entre naissances.

Au-delà de sept ans, il devient un juvénile, capable de s'alimenter seul et de digérer les mêmes nourritures que l'adulte, même s'il n'a pas encore atteint sa maturité sexuelle.

Nouvelle pression vers une ménopause[modifier | modifier le code]

L'avantage d'une ménopause ne profite pas uniquement aux enfants, comme indiqué pour Habilis, mais potentiellement, également aux petits-enfants de la ligne maternelle.

L'enfant humain doit faire l'objet de soins actifs pendant une longue durée, bien au-delà de l'âge où il est sevré. Mais d'une manière générale, quand elles deviennent vieilles, les femmes tendent à devenir moins efficaces pour élever leurs enfants, parce qu'elles sont plus faibles, moins performantes, et que leur espérance de survie s'amoindrit. Par rapport à l'espérance de vie qu'aurait l'enfant d'une jeune femme, l'espérance de vie d'un enfant diminue d'autant plus que sa mère est âgée, parce qu'elle ne pourra pas apporter le même soutien : si une vieille femme voit le même jour naître un enfant et un petit-enfant, des deux c'est objectivement le petit-enfant qui a la meilleure espérance de vie.

Avec l'augmentation de l'espérance de vie des femmes, les femmes peuvent finir par atteindre un état de vieillissement tel qu'un nouvel enfant n'a même plus la moitié des chances de survie d'un de ses petits-enfants. À partir d'un tel âge, ce sont les petits-enfants qui assurent le mieux l'avenir de son patrimoine génétique : certes, ce patrimoine se retrouve à 50% chez les enfants contre 25% chez les petits enfants, mais la plus grande espérance de vie de ces derniers fait que le capital génétique de la grand-mère sera à présent mieux préservé par des petits-enfants que par des enfants.

De ce fait, tout gène favorisant à partir de cet âge l'investissement sur les petits enfants tendra à prospérer. Comme une femme ne peut pas s'investir sur ses petits-enfants tant qu'elle a elle-même des enfants, l'expression de ce gène est d'interrompre la fertilité : la femme d'un certain âge devient ménopausée, parce que la sélection naturelle devient alors en faveur de l'altruisme grand-maternel[32].

Soins grand-maternels[modifier | modifier le code]

L'espèce humaine est unique en ce que la vie des femmes se prolonge longtemps après la fin de la période reproductive.

Le sevrage précoce de l'enfant permet à une mère de diminuer l'intervalle entre naissances, mais une mère en âge de procréer est alors typiquement en charge d'un nourrisson (qu'elle allaite) et d'un enfant (qui ne sait pas s'alimenter seul). Sa charge de travail est donc potentiellement importante, et une stratégie comportementale qui puisse l'alléger présenterait un évident avantage sélectif.

Le candidat le plus évident pour apporter un soutien est alors la grand-mère maternelle, à condition que celle-ci ait déjà atteint l'âge de la ménopause et n'ait donc pas elle-même d'enfant à charge. Si un mâle ne peut jamais être totalement sûr de sa paternité, les liens individualisés dans le groupe font qu'une grand-mère sait exactement quels sont les petits-enfants qu'elle a eu de ses filles. Pour une grand-mère, prendre soin du petit de sa fille procure un avantage de survie, en moyenne, à un quart de son patrimoine génétique. De plus, cette aide permet à sa fille de diminuer l'intervalle entre naissances par un sevrage précoce, ce qui donne un avantage sélectif à la moitié de son patrimoine génétique[11]. C'est donc un comportement bénéficiant d'une pression sélective favorable, sous condition qu'il ne défavorise pas son propre score reproductif.

En retour, à partir du moment où les grand-mères maternelles prennent soin de leurs petits-enfants, ce comportement contribue à leur succès reproductif, et met une pression de sélection pour reculer l'âge où la manifestation de la sénescence rendra un tel soutien impossible. Cette pression de sélection opère tant que ses filles ne sont pas elles-mêmes ménopausées. Et inversement, si l'aide d'une grand-mère ménopausée est un avantage sélectif pour les mères, elles subissent une pression de sélection pour ne pas démarrer leur fécondité trop tôt, une puberté trop précoce conduisant à un risque beaucoup plus important de mort en bas âge. Si l'âge de la ménopause est de l'ordre de quarante ans, ces pressions de sélection conduiront naturellement à une puberté réalisée avant une quinzaine d'années, une période reproductive d'une vingtaine d'années, et donc une durée de vie active s'étendant au-delà d'une trentaine d'années après la ménopause.

La théorie des histoires de vie prédit alors que ralentir la sénescence allonger la durée de vie implique de retarder le développement juvénile et la maturité, et d'augmenter la taille[11]. De fait, Erectus augmente nettement sa taille par rapport à Habilis, et le dimorphisme sexuel diminue, non pas tellement parce que les mâles se sont rapprochés des femelles, mais parce que les femelles ont grandi proportionnellement beaucoup plus que les mâles. Le retard du développement juvénile permet un plus long temps d'apprentissage, favorisant le développement culturel[11].

Philopatrie féminine[modifier | modifier le code]

L'investissement grand-maternel n'est possible que si la fille reste attachée au groupe de sa mère, y compris lorsqu'elle devient féconde, ce qui est contraire à la pratique des grands singes permettant de diminuer le risque de consanguinité. Chez le chimpanzé, la réponse femelle à la ménarche est généralement de quitter le groupe natal, pour ne pas avoir à subir d'accouplements incestueux avec ses frères, père et oncles : un accouplement doit se faire avec de nouvelles têtes, non avec un individu qu'elle a connu juvénile (ou qui a été connu juvénile) ; l'évitement de l'inceste prend la forme d'une inhibition sexuelle due à la familiarité[48],[49]. Or, s'il y a une pression de sélection sur les femelles pour éviter la consanguinité, le mâle au naturel y est généralement indifférent à cause de son faible investissement parental : un descendant supplémentaire, même handicapé par la consanguinité, est toujours bon à prendre si l'occasion se présente, et aucune raison ne le pousse à quitter son groupe natal pour diminuer ce risque[50].

Pour permettre à une femelle de rester dans son groupe natal (comportement de philopatrie), condition nécessaire pour l'investissement grand-maternel, il faut une action positive des femelles pour chasser du groupe un jeune mâle devenant sexuellement actif et s'intéressant à ses sœurs et cousines, en lui interdisant en pratique de tels accouplements.

Le mécanisme d'exclusion doit reposer sur une coalition féminine, stratégie de collaboration rendue possible par la consanguinité des femelles dans le groupe. Cette solidarité interdit au mâle une sexualité de proximité, en défendant activement les femelles qui en seraient victimes contre les mâles cherchant une copulation non acceptée. Cette défense active impose au mâle d'avoir un comportement de parade nuptiale pour se faire accepter, ce qui augmente son investissement parental. Mais si la tendance à n'accepter un accouplement qu'avec de nouvelles têtes est maintenue, le jeune mâle ne peut pas trouver de partenaire consentant dans son propre groupe natal.

Stratégie de collaboration[modifier | modifier le code]

Scène de lapidation.

Avec l'adaptation au jet de pierre, Erectus est probablement devenu le premier hominine à pouvoir tuer ses congénères à distance. Pour P. Bingham, cette capacité est à l'origine d'une révolution sociale sans précédent : la coopération à grande échelle au sein du groupe, indépendamment des liens de parenté[51].

Le problème adaptatif que rencontre généralement une stratégie de collaboration est celui des tricheurs : des individus déviants cherchent à profiter du bénéfice de la stratégie collective, mais en évitant de participer à son coût. Une telle stratégie est immédiatement profitable au tricheur, puisque non seulement il bénéficie de l'avantage compétitif de la collaboration, mais il en prive en même temps ses compétiteurs. De ce fait, chaque membre de la collaboration a un intérêt objectif le poussant à tricher : la collaboration n'est pas une stratégie évolutivement stable.

Le rapport coût/bénéfice du tricheur peut en théorie être inversé, si tricher expose à une punition sociale suffisante. Le problème est que dans les sociétés animales, personne, dans le reste du groupe, n'a intérêt à se charger d'une telle punition : punir consiste à déclencher une lutte à armes égales, à très courte portée, et donc le plus souvent à un contre un. Pour que le tricheur ait toutes les chances d'être suffisamment rossé, au point que le coût de la triche devienne important, le justicier risque donc d'en souffrir tout autant. Entre le risque important d'être rossé et le bénéfice marginal qu'il tirera de faire respecter la collaboration, aucun individu ne prendra finalement le risque de jouer le justicier. De ce fait, la stratégie de punition n'est pas non plus une stratégie évolutivement stable.

La situation est en revanche très différente si les membres du groupe sont capable d'agresser un individu à distance, par exemple par jet de pierre. Dans ce cas, si N membres s'attaquent à un individu unique, la sanction tombe N fois plus vite, et chaque membre punitif ne s'expose qu'à 1/N des ripostes : l'un dans l'autre, le coût de la punition se réduit dans une proportion de 1/N² (Lanchester’s Square Law).

Dans ce cas, une stratégie collaborative peut se mettre en place, dans la mesure où une stratégie collaborative devient possible pour punir les tricheurs. De plus, les membres du groupe ont tout intérêt à participer à la punition, parce que cette stratégie est elle-même collaborative : y participer aurait un coût en 1/N², mais s'y soustraire exposerait à de nouvelles représailles et aurait un coût proche de l'unité : même si le membre n'est pas très motivé, son intérêt objectif est de se conformer à la collaboration et participer à la punition.

Besoins d'appartenance et d'amour
(affection des autres)

Besoins de sécurité
(environnement stable et prévisible, sans anxiété ni crise)

Besoins physiologiques
(faim, soif, sexualité, respiration, sommeil, élimination)

Pyramide des besoins : Besoin d'appartenance

Cette logique permet l'évolution de comportements collaboratifs, parce qu'ils peuvent former une stratégie évolutivement stable à partir du moment où le tricheur s'expose à une punition collective sévère dont le coût est faible pour les justiciers. Dans de telles conditions, chaque comportement individuel tend à respecter la « règle du jeu » de la collaboration collective. L'intériorisation comportementale de cette règle collaborative se traduit par un sentiment de culpabilité de celui qui envisage de l'enfreindre, et un sentiment d'ostracisme collectif de la part de ceux qui en constatent l'infraction. L'émergence d'un besoin sociologique en comportement collaboratif se traduit par l'émergence sur le plan psychologique d'un troisième niveau sur la pyramide des besoins, celui des « Besoins d'appartenance et d'amour ».

Ainsi, « le commencement de la sagesse c'est la crainte  » : c'est sa capacité à tuer ou bannir collectivement ses congénères tricheurs qui a probablement permis aux hominines d'intérioriser les racines de la morale et de l'éthique de réciprocité : « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent. » C'est probablement au niveau de Erectus qu'apparaît les racines du mécanisme psychologique du surmoi. Et avec la capacité à développer des stratégies de collaboration, le groupe peut se structurer et devenir une société.

Le modèle de l'investissement social suppose que des individus non égoïstes vivent dans un groupe social où l'on peut s'attendre à interagir avec les mêmes individus sur une très grande durée, de manière à pouvoir établir la coopération mutuellement bénéficiaire à laquelle mène la confiance mutuelle. Pendant la plus grande partie de son histoire, le genre humain a vécu en petits groupes ou en villages, où tout le monde se connaît, et où la réputation d'un égoïste peut se répandre immédiatement. Dans une telle société, les individus sont d'autant plus incités à être altruistes[6].

La séduction chez Erectus[modifier | modifier le code]

Collaboration inter-sexe[modifier | modifier le code]

Les travaux de Catherine Key sur le dilemme du prisonnier dans le cas de protagonistes sexués[52] montrent que dans certaines conditions, les mâles peuvent être conduits à collaborer même quand la réciproque est incertaine voire absente. Pour que ce soit le cas, le coût énergétique de reproduction de la femelle doit être beaucoup plus élevé que celui du mâle ; et les femelles doivent être capables d'exclure les mâles tricheur de leur stratégie de coopération. Les femelles s'appuient alors sur le désir d'accouplement des mâles, offrant la possibilité d'accouplements, mais sans nécessairement devoir garantir une paternité certaine. Le modèle prédit alors que les mâles sont alors conduits à s'investir sur un partenaire déterminé (ou plusieurs), à condition que cela ne les prive pas de la possibilité de s'accoupler par ailleurs avec au moins une autre femelle, si l'occasion s'en présente.

Ces travaux montrent que face à la difficulté croissante d'élever les juvéniles, les femelles ont pu faire évoluer leur comportement vers une stratégie de coopération, ne laissant accès à la ressource sexuelle qu'aux seuls mâles acceptant de chasser au loin et rapporter leur proie au campement. Cette stratégie ressemble à celle du gorille, où les femelles cherchent à s'attirer le service d'un protecteur ; mais le « service » est ici la fourniture d'une nourriture régulière et non une protection physique contre les agressions des autres mâles.

Pour qu'une telle stratégie puisse être stable, les femelles devaient pouvoir former des alliances suffisamment fortes pour imposer un boycott aux mâles qui auraient été tentés d'obtenir leurs faveurs notamment par la menace ou la force. De cette manière, le coût imposé aux mâles dominants (pour une copulation imposée et sans engagement) peut devenir suffisant pour qu'il lui soit préférable d'en passer par les exigences féminines. Inversement, les femelles tentée de ne pas respecter la coalition (donc d'accepter sans contrepartie la dominance physique du mâle) risquent d'être ensuite abandonnées par leur partenaire sexuel et d'avoir à élever seules leur progéniture.[52] Les femelles Erectus ont pu bénéficier de cette capacité à exclure les mâles tricheurs à travers un dimorphisme sexuel moins prononcé, une locomotion plus rapide, et en s'assurant le soutien des autres femelles du groupe, de leur parenté ou ayant dépassé l'âge de se reproduire[53]

Face à cette stratégie, les mâles qui acceptent les exigences des femelles et redéployent leur force musculaire et leur habileté pour les consacrer à la chasse, au lieu de lutter entre eux, bénéficient également d'un avantage sélectif ; ils continuent d'être en compétition pour accéder au potentiel reproductif des femelles, mais ce n'est plus la dominance brutale dans le groupe qui se traduit par un succès reproductif - ils n'ont pas d'autre choix que de rentrer en compétition pour paraître aux yeux des femelles les chasseurs les plus productifs et les plus généreux possibles[54].

De fait, chez Erectus le dimorphisme sexuel devient réduit. En revanche, l'espèce ne devient pas monogame mais reste le lieu d'une compétition sexuelle, comme le montre le rapport index/annulaire.

Sur le plan chronologique, la capacité à blesser et capturer des oiseaux et petits gibiers a pu se développer sans différentiation sexuelle, conduisant à la possibilité de mettre en place des stratégies collaboratives. Des périodes de sécheresse ultérieures ont alors pu conduire à une stratégie de chasse plus orientée sur du gros gibier, de type « chasse à l'épuisement », à laquelle les femelles ne pouvaient guère participer.

Dévalorisation de la stratégie d'opportunité[modifier | modifier le code]

La fécondité n'est possible qu'en présence de réserves alimentaires. Une disette saisonnière entraine une forte mortalité infantile et une synchronisation des créneaux de fertilité.

Dès que les femelles sont en âge de procréer, elles ont rapidement un premier enfant, et le gardent relativement longtemps à l'allaitement (de l'ordre de trois ans), ce qui retarde d'autant le retour de couches. Si néanmoins elle a des rapports sexuels fréquent, y compris pendant la période d'allaitement, une nouvelle grossesse peut généralement commencer dès que la période d'infertilité due à l'allaitement est achevée. Une femelle peut ainsi passer sa vie entière sans jamais avoir de menstruation.

Pour le mâle, l'œstrus caché rompt le lien entre copulation et reproduction[55]. Dans la mesure où l'œstrus de la femelle n'est plus apparent, le mâle n'a plus de signal lui indiquant un créneau de fécondité particulier. Pour le plus clair du temps, les femelles de son espèce qu'il voit passer sont soit gravides soit allaitant, et n'offrent alors un « créneau de fertilité » de l'ordre d'une semaine que tous les trois ou quatre ans — soit moins de un pourcent du temps. La stratégie consistant à harceler une femelle en œstrus n'est donc plus possible, et celle consistant à harceler une femelle en espérant tomber sur un créneau de fécondité n'est pas payante — et d'autant moins payante que se mettre à dos une femelle risque d'entraîner son rejet par l'ensemble du groupe, parce que les femelles auront acquis une stratégie de solidarité, ayant avec la lapidation collective le moyen de la faire respecter.

Les femelles peuvent conserver ponctuellement une stratégie d'appel à la copulation d'un partenaire pour une relation ponctuelle, et les mâles peuvent toujours tenter leur chance sur une passe sans lendemain, dans la mesure où une telle copulation n'implique pas d'investissement et est donc relativement gratuite pour eux. Elle n'est cependant « gratuite » que si elle ne met pas en danger une relation à long terme, soit parce qu'elle reste une liaison discrète, soit parce qu'il n'y a pas de telle relation en cours. Mais avec la perte d'autonomie croissante des nouveau-nés, et la dépendance à la chasse pour l'alimentation, la stratégie efficace pour la femelle devient de s'assurer une relation à long terme dans laquelle un partage des tâches sera possible.

Une stratégie mâle de « butinage sexuel » sera d'autant moins payante que le créneau de fertilité des femelles tendra à être synchrone et que la mortalité infantile sera importante ; or la fécondité est liée à une alimentation suffisante, et dans un contexte de saisonnalité marquée, le bilan énergétique des femelles est exposé à un stress saisonnier, qui tend à synchroniser les périodes de reproduction[11], stress d'autant plus violent que la nouvelle organisation sociale d’Erectus qui permettra de le contourner n'est pas encore stabilisée.

Relations de couple sur le long terme[modifier | modifier le code]

La stratégie reproductive en réponse à un œstrus caché consiste à inscrire une sexualité permanente dans une relations à long terme.

Dans ce contexte, pour un mâle, sa progéniture ne sera pas statistiquement consécutive à des copulations de rencontre, mais à un investissement dans une relation raisonnablement stable avec une femelle donnée, avec laquelle les copulations sont suffisamment fréquentes pour qu'il puisse profiter du « créneau de fertilité » avec une confiance suffisante. La stratégie reproductive mâle se modifie en conséquence vers un investissement à long terme, ce qui implique alors d'être beaucoup plus exigeant sur la sélection sexuelle qu'il fait de sa partenaire.

Le maintien du mâle dans la paire pendant la fin de la grossesse et le début de l'allaitement ne correspond évidemment pas directement à une stratégie reproductive. Le mâle peut cependant y être poussé dans la mesure d'une part où le soutien apporté à la mère favorise ce qui est probablement sa propre progéniture, et il est moins coûteux pour lui d'attendre la prochaine période de fécondité d'un couple établi que de passer par le coût supplémentaire d'une nouvelle parade nuptiale.

Ces contraintes sont à la base de ce que l'on observe à présent dans les stratégies sexuelles humaines. Les femmes savent qu'il est relativement facile d'amener un homme de leur choix à coucher, mais beaucoup plus difficile de l'amener à s'impliquer dans une relation de long terme[55]. Dans une relation sans lendemain, la différence de stratégie habituellement rencontrée en sélection sexuelle reste apparente, la femme étant plus regardante que l'homme dans le choix de son partenaire ; en revanche, l'homme devient beaucoup plus regardant dans son choix dès qu'il s'agit de s'impliquer sur le long terme.

Transformation des signaux sexuels féminins[modifier | modifier le code]

Signal initial de fécondité : Femelle Macaca nigra en œstrus.

C'est au plus tard à ce stade que l’œstrus n’entraîne plus de signal physique spécifique chez la femelle. Cette absence de signal correspond à une stratégie adaptative des femelles, d'après le modèle de la « coalition femelle / grève du sexe » : ce modèle lie cette inversion de la dominance au coût de plus en plus élevé que représente la grossesse et l'allaitement de rejetons dont la maturité est de plus en plus tardive. Les mâles qui cherchent un accouplement opportuniste ont en effet besoin d'une information sur la fertilité potentielle de leur cible, afin de maximiser leur potentiel reproductif, tout en minimisant le risque d'exposition aux représailles du mâle dominant. Mais inversement, avec une différenciation croissante des rôles entre mâles et femelles, ces dernières ont intérêt à refuser ce modèle pour au contraire rechercher l'attachement permanent d'un mâle protecteur, afin de ne pas s'exposer à la charge de devoir gérer sa progéniture sans aide extérieure. De ce fait, favoriser un comportement sexuel opportuniste devient pour elles un désavantage sélectif.[56],[57]

Les glandes mammaires chez l'Homme se transforment en signal sexuel positif, corrélatif à une stratégie de disponibilité sexuelle permanente.

Initialement, la glande mammaire des femelles hominidés n'est gonflée par la lactation que pendant la grossesse et l'allaitement, et est peu manifeste le reste du temps. De ce fait, une « poitrine avantageuse » pour un grand singe démontre une situation d'infertilité, et pour ce qui est de l'attrait sexuel, fonctionne comme un signal négatif sur le mâle (au contraire donc du signal positif qu'est l'œstrus apparent). Or la grossesse et l'allaitement peuvent se prolonger très longtemps, d'autant plus qu'avec un rythme de maturation plus lent, le sevrage définitif peut n'intervenir que vers trois ans, ce qui est un facteur naturel d'espacement des grossesse. La pression écologique étant pour les femelles de favoriser une disponibilité sexuelle quasi-permanente, afin de maintenir le lien d'interdépendance avec le mâle, une pression de sélection favorise alors les femelles dont la poitrine est de taille sensiblement constante, plutôt que de varier visiblement en fonction de la fertilité. Symétriquement, et dans la mesure où la poitrine ne devient apparente qu'avec la puberté, la même pression de sélection va favoriser les mâles pour lesquels la poitrine féminine volumineuse devient un signal positif, parce que l'attrait spécifique d'une poitrine plate, qui dirigerait le désir sexuel vers des copulations infertiles, ne constitue alors plus un avantage sélectif.[58]

Une forte poitrine devient ainsi l'objet d'une sélection sexuelle (mais le signal négatif d'une telle poitrine peut continuer à se manifester comme atavisme). Cette poitrine importante n'est pas corrélée à une meilleure capacité de lactation, puisqu'elle est due à une accumulation de tissus adipeux au niveau du sein[59]. Elle présente tous les signes d'une sélection sexuelle effective (effectuée de manière atypique par le mâle, puisqu'il se développe chez la femelle) : le trait d'accumuler des tissus adipeux au niveau de la glande mammaire, contrairement aux autres grands singes, est plutôt contre-performant pour ce qui est de la sélection de survie, puisqu'il déséquilibre la course et la rend énergétiquement plus coûteuses par les masses oscillantes qu'il induit. En revanche, il constitue un bon indicateur de la valeur sélective, le volume des seins variant rapidement en fonction de l'état général de l'individu[59]. Il peut jouer un rôle important lors de la parade sexuelle au sens large : les seins n'apparaissent qu'à la puberté, ils sont généralement considérés comme plaisants à regarder, et attirent d'autant plus le regard qu'ils oscillent pendant la marche — ce que ne fait ni une poitrine naissante pré-pubère, ni une poitrine plus tombante post-ménopause[59].

Représentation mimée des menstruations[modifier | modifier le code]

Hutte de niddah permettant à la femme de s'isoler pendant sa période d'impureté rituelle.

D'une manière générale, les mâles cherchant à s'investir dans des accouplements d'opportunité ont intérêt à choisir leur « cible » de manière à maximiser le succès reproductif d'un accouplement. Dans le cas d'espèces à œstrus apparent, c'est un tel signal qui provoque le passage à l'acte. En l'absence d'un tel signal, le choix de la « cible » se fonde sur des indices de jeunesse et de valeur reproductive[11]. Mais dans un contexte où les femelles sont elles-mêmes gravides ou allaitantes, elles ne sont généralement pas fertiles, et le coût d'une stratégie d'opportunité (si elle risque d'être sanctionnée par une lapidation) peut être beaucoup plus lourd que l'intérêt reproductif d'une simple passe.

Plus grande est l'incertitude sur la période pendant laquelle un œstrus est possible, moins il est intéressant pour un mâle de quitter une partenaire infertile pour une autre potentiellement fertile[11]. Dans ce contexte, le signal qu'est la menstruation acquiert de l'importance pour le mâle, puisqu'elle est l'indice d'une période de fécondité future. Dès lors qu'une femelle se signale ainsi, elle se signale à l'attention des mâles en quête d'aventure, déclenchant potentiellement un scénario de harcèlement de la femelle et de compétition entre mâles, et détournant ces mâles aventureux de ce qui devrait être leur partenaire régulier[11].

Si cette stratégie est naturellement payante pour les mâles, elle l'est au détriment des femelles qui sont négligées. Pour les femelles, le signal d'une menstruation peut donc être le facteur déclenchant un signal collectif amplifié, le groupe entourant la femelle ainsi indisposée de cris et d'agitation, mimant des menstruations par des cosmétiques, et éloignant le plus possible les mâles, rendant ainsi indistinct le signal initial[11]. Il y aura une pression de sélection forte pour un tel comportement, parce qu'il permet aux femelles de préserver leur propre stratégie reproductive basée sur des appariements à long terme. La participation de la femelle en menstruation à cette stratégie peut être vue comme une stratégie d'altruisme réciproque (j'accepte de collaborer, parce qu'à leur tour les autres participants accepteront de collaborer). Elle peut également être vue comme le fruit d'une menace collective (j'accepte de collaborer pour ne pas me faire exclure et massacrer).

La ritualisation progressive de ce comportement transforme la menstruation en un tabou que le mâle ne doit pas voir, et qui provoque une frénésie collective de chants et de danses à symbolisme de génitalité sanglante ; le pigment rouge fonctionne comme un leurre et un symbole d'un sang réellement présent mais qui doit rester caché[11].

De plus, si cette représentation ritualisée de danses et de cosmétiques est un bon indicateur de la capacité d'organisation de la coalition et de sa cohérence interne, donc de sa capacité à assurer la survie de ses rejetons, les mâles auront tendance à sélectionner et rechercher comme partenaire les femelles qui démontrent leur aptitude à susciter, conduire et animer le rituel, mettant ainsi une pression de sélection sexuelle sur cette capacité même[11].

Préférence pour un conjoint non psychopathe[modifier | modifier le code]

L'attitude entre animaux est par défaut l'indifférence.

La psychopathie est fondamentalement une absence de sympathie. Les psychopathes ne sont pas tous violents ; ils utilisent la manipulation pour obtenir ce qu'ils souhaitent. En général, ce sont des individus qui se soucient peu de ce que les autres pensent d'eux et les utilisent pour atteindre leur but. Dans l'espèce humaine, la psychopathie est peu représentée chez les femmes, probablement parce qu'un manque de sympathie féminin tend à être nuisible à la survie de leurs nouveaux-nés. Mais l'absence de sympathie masculin n'entraîne pas nécessairement un désavantage reproductif. Au contraire, un mâle psychopathe hésitera d'autant moins à séduire une femme et à l'abandonner à sa grossesse[60]. C'est une situation que les femmes tendent à éviter, et de ce fait, les psychopathes savent qu'ils doivent feindre la sympathie dans leurs manœuvres de séduction.

Pour un animal, en général, l'attitude normale vis-à-vis d'un autre (qu'il soit ou non un congénère) est l'indifférence[60]. En effet, l'apathie est l'attitude à moindre coût ; et la sélection naturelle ne pousse pas à des comportements coûteux sans bénéfice. Ce qui demande une explication, ce sont les comportements altruistes coûteux, ou les comportements agressifs coûteux[60].

Sélection sexuelle ?[modifier | modifier le code]

Coment frapper avec un biface sans se blesser soi-même?

L'utilité réelle du biface (et à moindre titre du hachereau) est une énigme, parce qu'aucune raison ne justifie qu'il soit soigneusement taillé de manière à être tranchant sur toute sa périphérie. Au-delà de la « perfection » de sa forme, la pierre taillée peut continuer à être utilisée au quotidien : dans la continuité des galets aménagés, les bifaces peuvent toujours être utilisés comme arme de poing ou servir à dépecer, ou encore à travailler le bois. D'autres emplois moins vraisemblables ont été suggérés : arme de jet, pointe de lance ou de javelot, hache à emmancher, matière première pour fabriquer des éclats... Cependant, si des traces d'usage sont effectivement relevées sur certains bifaces, la majorité semblent ne pas avoir été utilisée. De fait, il est difficile d'imaginer un usage qui ne soit pas plus pratique en utilisant un galet aménagé ou un simple éclat, et ces éléments étaient par ailleurs disponibles, puisqu'ils se retrouvent avec les bifaces dans l'industrie lithique de l’Acheuléen.

Indépendamment l'un de l'autre, Marek Kohn et Steven Mithen ont proposé que les bifaces aient pu être le résultat d'une sélection sexuelle fondée sur la valeur sélective du partenaire.[61] Kohn souligne que le biface est en effet « un indicateur manifeste de compétence manuelle, susceptible de constituer un critère pour sélectionner son partenaire sexuel ».[62] Les bifaces révèlent une symétrie et un savoir-faire technique bien au-delà de ce qui est purement nécessaire sur le plan pratique, et sont souvent trop petits ou trop grands pour être pratiquement utilisés ; en revanche ils témoignent d'une attention particulière prêtée à la forme et à la finition. De plus, ils ne montrent souvent pas de trace d'utilisation au microscope électronique.

Le psychologue évolutionniste Geoffrey Miller a approfondi cette analyse, soulignant que les bifaces ont en effet toutes les caractéristiques qu'auraient un objet de parade sexuelle : pendant un million d'années, ils ont été fabriqués en très grand nombre en Afrique, en Europe et en Asie, sans pouvoir être rattaché à une quelconque utilité pratique. Pour lui, la stabilité de cette forme dans le temps et dans l'espace ne peut pas s'expliquer par la simple imitation culturelle, et rappelle par exemple la fonction de la tonnelle du Ptilonorhynchidae ; le biface paraît refléter une « propension génétiquement conditionnée à fabriquer un certain type d'objet ». De plus, ils entrent bien dans le cadre de la théorie du handicap de Amotz Zahavi : pour l'artisan ils reflètent un coût d'apprentissage élevé ; leur fabrication demande de la force et de la précision dans des gestes complexe, de la planification et de la patience ; et le coût d'un risque important de blessure montre également que l'opérateur résiste à la douleur et à l'infection[63].

Même dans un emballement fisherien entre un mâle faisant sa cour et une femelle évaluant le résultat pour déterminer son choix, dans la mesure où la « performance » consiste à manifester une activité à la fois créative et plaisante, les capacités cognitives du mâle devront internaliser les préférences des femelles et en tenir compte dans leur propre manière de faire la cour, de manière à améliorer cette performance. Et les capacités cognitives des femelles tendront à internaliser les capacités mimétiques du mâle dans leur propre mécanisme de sélection, de manière à mieux juger de ce que représente réellement la performance du mâle en terme d'originalité[55]. Cette description est cependant incomplète, parce qu'elle ne tien pas compte du fait que dans l'espèce humaine la situation est beaucoup plus symétrique qu'une sélection sexuelle classique, dans la mesure où le mâle fait également un choix parmi les femelles candidates, et les femelles sont en concurrence pour être choisies[55].

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