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A la fin du XIXème siècle, l'invention de la photographie, perçue comme plus fidèle que la peinture, qui, elle, pouvait être modifiée par l'artiste, donc ne pas montrer la « réalité », a transformé les habitudes de pensée et de représentation, chez les professionnels comme chez les amateurs. L'utilisation de ces vues prises en direct provoque des mutations dans le domaine de l'information: ce besoin de « réel » bat son plein pendant la Première Guerre mondiale.[1] Aussi, utilisées dans des techniques de propagande modernes, notamment pour stimuler les Alliés ou encore les éloigner de la réalité de la Grande Guerre, la production et la diffusion de photographies sont devenues un phénomène de masse, exploitant le désir du public de connaître la réalité du conflit.


Techniques photographiques[modifier | modifier le code]

Avant la guerre[modifier | modifier le code]

Avant la Grande Guerre, on utilisait, pour photographier, un appareil monté sur trépied, requérant des négatifs en verre lourds qui devaient être enduits de produits chimiques et développés sur-le-champ, sous peine de perdre la photo[2]. Prendre des photos sur le champ de bataille n'était donc pas envisageable avec ce genre d'appareils qui bloquaient l'accès au champ de bataille, la mobilité du photographe et le nombre de prises possibles. Cependant, le résultat n'était pas mauvais : depuis 1880, il était possible de faire ressortir des demi-tons en projetant les photos à travers un écran qui fragmentait les blocs de couleur en de minuscules points, grâce à quoi on obtenait toute une gamme de tons en utilisant uniquement de l'encre noire et du papier blanc : c'était moins coûteux et plus fidèle à la réalité.

Pendant la guerre[modifier | modifier le code]

La Première Guerre mondiale a permis un développement conséquent de la photographie : en 1914, les progrès de l'imprimerie prouvent que ce secteur a du potentiel, et, dès 1916, des appareils portables avec des négatifs prêts au tirage apparaissent, pouvant être utilisés par des professionnels comme par des amateurs : les appareils photos Kodak, par exemple, étaient fortement appréciés des deux.

Cependant, il était quasiment impossible de photographier l'ennemi, trop loin donc, rarement visible. La photographie a aussi évolué dans son utilisation, pouvant désormais servir de vecteur d'information dans les journaux ou les magazines, d'instrument de propagande, pour rassurer les alliés, ou apeurer les ennemis par exemple, d'archive nationale, ou même d'œuvre d'art.

Cependant, le photographe n'était pas reconnu pour ses travaux: les expositions remportaient du succès, mais le nom était vite oublié.

Création de la section photographique de l'armée (SPA)[modifier | modifier le code]

En avril-mai 1915, après 8 mois de conflit, le ministère de la Guerre ouvre dans le BIP (Bureau des Informations de la Presse) la Section photographique de l'armée.

Objectifs premiers de la SPA[modifier | modifier le code]

En mai 1916, 59 photographes « spécialistes » sont affectés au ministère de la Guerre, travaillant avec leur propre matériel. Par la création de la SPA, l'État peut assurer la production et la diffusion des images, pour plusieurs buts précis:

  • La propagande: les photos ne doivent pas porter atteinte à l'esprit patriotique français. Au contraire, elle devront le renforcer, par des visions de l'ennemi en échec, par exemple.
  • L'histoire générale et les archives historiques: grâce à ces photos, le souvenir de la Grande Guerre restera dans les générations futures. Elles sont le plus consultées par des historiens qui cherchent à l'étudier.

Trois ministères participent pour que ces objectifs soient accomplis:

  • Le ministère de la Guerre fournira les hommes ;
  • Le Ministère de l'Instruction publique et des Beaux Arts laisseront la SPA utiliser ses locaux, c'est-à-dire les laboratoires de développement et surtout le personnel capable de faire ces développements et d'en constituer des archives ;
  • Le ministère des Affaires étrangères s'occupera quant à lui de la diffusion des photos à l'étranger.

Une partie du budget prévu pour la restauration des Monuments historiques est utilisée pour le financement de la SPA, et depuis sa création en 1916, celui de la SPCA (Section Photographique et Cinématographique de l'armée)

Publications et expositions, puis fin de la SPA[modifier | modifier le code]

Le 8 août 1916, à Londres, la première exposition de la SPA est présentée. Remportant un grand succès, elle circule à travers toute l'Angleterre. Une autre est installée à Paris, nommée "Interalliée" la même année, au Louvre, et encore une autre au Musée du Jeu de Paume en 1917. D'autres expositions circulent, avec l'accord des sections photographiques de chaque pays, en Italie, Espagne, Russie, Suisse, Mexique, et d'autres pays d'Amérique du Sud. "Toutes ont remporté les plus grands succès"[3]

Photographie et mort pendant la guerre[modifier | modifier le code]

La mort est un sujet sensible pendant la guerre : par décence et par sentiment patriotique, on se refuse a "violer le plus intime de l'homme"[4], sa fin. A-t-on réellement le droit de montrer les sacrifiés de ce champ de bataille?

La mort montrée dès 1914[modifier | modifier le code]

Les premières photos de la mort sont celles d'animaux : ce sont des chevaux jetés sur la chaussée qui apparaissent pour la première fois dans L'Illustration, le 22 août 1914, et qui rappellent que la guerre tue.[5] Le 26 septembre, les premiers corps humains, morts, sont montrés : ce sont ceux de soldats allemands. Même dans ces images, qui, au départ, choquent, le but est de réunifier l'arrière, de leur faire croire que la guerre sera simple et courte, que les ennemis sont faibles, et que ce sont eux qui meurent le plus, et surtout de prouver "l'héroïsme des combattants dans l'action"[6]. Cependant, on ne fait aucun gros plan sur les visages, on évite les yeux et la bouche, significatifs de la vie.

Par le biais de la photo, l'arrière assiste à la mort. On assiste à une banalisation de la violence: c'est la mort des « autres », elle exprime l'héroïsme des « nôtres », cultive la « haine de l'ennemi » et familiarise avec l'idée de la mort en général, y compris celle des proches. Peu à peu, les photos se font plus nombreuses, et plus choquantes: certaines images de cadavres mutilés, brûlés ou de monceaux de cadavres[7] sont mises au même endroit que d'autres moins violentes. Malgré cela, l'arrière ne s'en offusque pas : il se déshumanise, en plus des soldats du front.

À partir de 1915, la mort cachée[modifier | modifier le code]

Après 1915, il y a une volonté de ne plus montrer la mort : Le Miroir publie des photos très explicites sur le déroulement des combats, mais ne montre plus de morts, animales ou humaines. Cette dernière disparaît au profit de scènes quotidiennes, comme les surveillances, les patrouilles bien rangées, fusil sur l'épaule, ou encore les loisirs : la danse, la musique, les jeux.

Pourquoi cache-t-on désormais la mort ? La mort pouvait être regardée car le soldat avait « choisi » de mourir pendant la guerre de mouvement. Lorsqu'elle est devenue guerre de position, la mort est devenue insupportable: les amis, la famille, même ceux que l'on ne connaît pas, sont morts « sans avoir bougé », ils ont perdu cette « initiative » de la mort.

La propagande clame que ces soldats sont morts en héros, morts pour leur patrie, et pourtant, bien qu'ils l'acceptent, les populations voient leurs proches mourir alors qu'ils ne l'ont pas voulu, ce n'est pas une « belle » mort.

De plus, le tabou sur la mort empêche de pleurer les morts comme on le voudrait, on ne peut pas vraiment faire le deuil des personnes perdues. C'est pour cela que les magazines, les journaux et autres supports évitent le thème de la mort dans leurs images: c'est beaucoup trop pénible pour l'arrière, car la guerre a déjà fait beaucoup de veuves et d'orphelins.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Photographie et cinéma »,Encyclopédie de la Grande Guerre, page 701
  2. dans Voir ne pas voir la guerre.
  3. Voir ne pas voir la guerre, page 57.
  4. Inventaire de la Grande Guerre, Guerre et photographie, page 549
  5. date et nom du magazine dans Voir ne pas voir la guerre, au chapitre Voir ne pas voir la mort, page 63
  6. Voir ne pas voir la guerre, page 65
  7. Page 66 de Voir ne pas voir la guerre. Il est possible de voir cette image dans Le Miroir, 19 mars 1916.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Par Thérèse BLONDET-BISCH, "Guerre et photographie" (chapitre 10, page 548) Inventaire de La Grande Guerre, sous la direction de François Lagrange
  • "Voir ne pas voir la guerre. Histoire des représentations photographiques de la guerre.", Somogy, éditions d'art, Paris, 2001.
  • "Encyclopédie de la grande guerre.", sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean Jacques Becker (Chapitre "Photographie et cinéma" de Laurent Véray)