Utilisateur:Soboky/Brouillon/bac à sable 2

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Soboky/Brouillon/bac à sable 2
Type Série d'incendie
Date Du 14 avril au 30 août 2005
Bilan
Morts 52

La série d’incendies de 2005 à Paris a fait en tout 52 morts, principalement des personnes d'origines africaines logées en habitat précaire. Elle se compose de l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra qui cause la mort de 24 personnes dont onze enfants dans la nuit du 14 au , de l'incendie du boulevard Vincent-Auriol dans la nuit du jeudi 25 au vendredi (dix-sept morts dont quatorze enfants) et de l'incendie de la rue du Roi-Doré qui tue sept personnes dont un enfant de six ans dans la nuit du 29 au .

Cette série de sinistres fait en tout 52 morts et débouchera sur un renforcement des normes anti-incendie[1].

Incendie de l'hôtel Paris-Opéra[modifier | modifier le code]

Déroulement de l'incendie[modifier | modifier le code]

Le premier des incendies de cette série est l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra. Il a eu lieu dans la nuit du 14 au au 76 rue de Provence à Paris et fait vingt-quatre morts dont quatorze enfants[2] ainsi que cinquante-six blessés[3]. C'est l'incendie le plus meurtrier qui ait eu lieu dans Paris depuis la Libération.[4]

Au moment des faits, l'hôtel Paris-Opéra est un établissement qui héberge principalement des personnes en situation précaire placées là par les services sociaux. Bien qu'il soit en suroccupation[5] et ne possède pas d'issue de secours[6], une inspection de sécurité a conclu le mois précédent qu'il n'y avait pas d'obstacle à la poursuite de son activité[5].

L'incendie est déclenché accidentellement vers h 10 par la petite amie du veilleur de nuit dans un accès de colère[7]. Le gardien, sous l'emprise de l'alcool et de la drogue, et sans formation à la sécurité, tarde à prévenir les secours alors qu'une intervention rapide des pompiers est indispensable[3]. Environ 300 pompiers et secouristes, dans le cadre du plan rouge, se rendent sur les lieux pour lutter contre cet incendie particulièrement violent qui n'est maîtrisé qu'à h 50[5],[6].

Au lendemain du drame, l'émotion est forte et une polémique se crée sur les conditions dans lesquelles sont hébergées les personnes en situation précaire, les demandeurs d'asile en attente d'une décision et les déboutés du droit d'asile. Il est mis en évidence que devant l'insuffisance de logements pérennes pour ces personnes, le recours à l'hôtellerie bon marché est devenu systématique. L'État dépense ainsi de fortes sommes pour des logements souvent mal entretenus, voire vétustes. Deux nouveaux incendies au mois d'août, celui du boulevard Vincent-Auriol et celui de la rue du Roi-Doré, qui touchent aussi des immigrés aux revenus modestes, relancent la polémique.

Au terme d'une instruction jugée très longue par les familles des victimes, un procès s'ouvre en . Il aboutit à la condamnation de la jeune femme responsable du départ du feu, du veilleur de nuit de l'hôtel et de l'un des gérants, sans que les pouvoirs publics soient mis en cause. Un procès en appel a lieu en 2015 dont le verdict, rendu début 2016, allège la condamnation de l'incendiaire de trois ans de prison ferme à trois ans dont un avec sursis. L'action civile étant encore en cours, la grande majorité des victimes ne sont toujours pas indemnisées à cette date.

Réactions officielles et bilan[modifier | modifier le code]

Le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, se rend sur les lieux, ainsi que Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité, Jean-Louis Borloo, ministre de la cohésion sociale, et plusieurs élus parisiens[8]. Le président de la République, Jacques Chirac, déclare ressentir « horreur » et « émotion » devant ce qui, selon lui, « constitue une catastrophe parmi les plus douloureuses qui aient endeuillé Paris »[8].

Suites politiques de l'incendie[modifier | modifier le code]

Polémique sur l'état et la suroccupation de l'hôtel[modifier | modifier le code]

Jean-Baptiste Eyraud, président de Droit au logement, ici en 2013

Une polémique se crée rapidement autour des capacités d'accueil de l'hôtel. Officiellement, l'hôtel accueillait soixante-seize personnes alors qu'il a l'autorisation de n'en recevoir que soixante-et-une[5]. Mais d'après le journal Le Parisien, l'hôtel aurait accueilli quatre-vingts occupants[9] (le chiffre de soixante-dix-sept personnes sera finalement celui donné au moment du procès[1]). La grande majorité des personnes vivant là sont des familles défavorisées en attente d'un relogement[9]. Il s'y trouve notamment trois familles (dont deux monoparentales) logées au titre de l'aide sociale à l'enfance et soixante-huit bons de réservation émis par le SAMU social[9], concernant des familles en grande précarité[10]. Sur ces soixante-huit personnes, trente-quatre sont des enfants de moins de cinq ans qui ne sont pas comptabilisés comme des adultes par le SAMU social[9]. Il y aurait eu aussi trois touristes canadiens présents ayant loué une chambre dans l'hôtel cette nuit-là[9]. Bien que la suroccupation des lieux ne semble pas être à l'origine de l'incendie, elle n'a pas facilité les secours et a augmenté le nombre de victimes potentielles[9]. Le président de Droit au logement, Jean-Baptiste Eyraud, note qu'un hôtel de ce type n'est pas adapté au séjour prolongé des familles qui y étaient hébergées[9].

Mise en lumière du recours à l'hôtellerie pour loger les familles en situation de précarité[modifier | modifier le code]

Le soir du 18 avril, une veillée funèbre est organisée rue de Provence en mémoire des victimes[11]. Le bilan s'élève alors à vingt-deux morts[11]. Cette veillée, à laquelle ont appelé plusieurs associations (Droit au logement, Droits devant, Apeis, SUD, Coordination nationale des sans papiers...), réunit plus d'un millier de personnes[11]. Des personnalités telles que le secrétaire général du MRAP, Mouloud Aounit, la porte-parole de Lutte ouvrière, Arlette Laguiller, le biologiste Albert Jacquard ou l'ancien évêque Monseigneur Gaillot sont présents dans la foule, ainsi que de nombreux immigrés parmi lesquels des sans papiers[12]. Il devait s'agir à l'origine d'une « veillée silencieuse » mais le rassemblement devient une manifestation pour réclamer la construction de logements sociaux, la réquisition de logements vacants et l'arrêt des expulsions des étrangers[10]. Des représentants de la communauté africaine de Paris demandent la régularisation des sans papiers[10] ; une banderole est brandie à l'adresse du président de la République, Jacques Chirac : « M. Chirac, n'ayez pas peur de nous donner de la dignité. Nous voulons juste des papiers. »[11] Le drame met en évidence l'existence des hôtels qui, comme le Paris-Opéra, logent pour le compte de l'État des demandeurs d'asile en attente d'une décision, des déboutés du droit d'asile et des mal-logés[13],[10]. La grande majorité de ceux qui vivaient dans cet hôtel était en effet des familles en état de grande précarité qui y étaient hébergées depuis plusieurs mois[14]. Dès le 18 avril, le journal Le Monde écrit « Où faut-il chercher les responsabilités ? Dans un système. Dans une faillite collective. Celle qui, jour après jour, année après année, détériore l'image d'une France "terre d'asile". »[15] Le journal souligne combien la France, depuis longtemps, « néglige les mal-logés, qu'ils soient immigrés, sans papiers, ou simplement sans ressources. »[15] Il rappelle que les associations de mal-logés demandent depuis longtemps la réquisition des appartements vacants qui se trouvent dans Paris, ville où, selon l'association France terre d'asile, les propriétaires d'hôtels bas de gamme, parfois dans un état déplorable, peuvent gagner beaucoup d'argent grâce à ces hébergements pour le compte de l'État[15].

Un rapport réalisé par la Direction régionale de la répression des fraudes et la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales datant de quelques mois avant l'incendie et non destiné à être publié apparait dans la presse[13]. Il montre que, devant l'insuffisance des places en Centre d'accueil de demandeurs d'asile, le recours à l'hôtellerie bon marché s'est développé, 8 655 personnes y étant par exemple hébergées dans la nuit du 12 au 13 janvier 2004 dans l'ensemble de la région parisienne, ce chiffre incluant de nombreuses familles avec enfants[13]. Les hôtels où ils vivent sont souvent anciens, voire vétustes, mal entretenus, disposant de peu de confort (des lavabos mais pas de douches, des toilettes sur le palier). Les occupants des chambres doivent laver leur linge de lit eux-mêmes et cuisinent souvent dans les chambres[13]. Les hôteliers perçoivent la somme de quinze à vingt euros par personne (et non par chambre) ce qui incite à la suroccupation et rend ces établissements très lucratifs[13]. Les hôteliers ont l'assurance d'être payés par les services de l'État tout en sachant que les occupants oseront rarement faire des réclamations sur l'état des prestations[16]. En 2004, la mairie de Paris avait dépensé 9,5 millions d'euros et le Samu social 24 millions d'euros pour l'hébergement de personnes dans ce type d'hôtels[14]. Selon l'association Droit au logement, qui a manifesté dès le 15 avril devant l'hôtel, ces sommes utilisées pour héberger des personnes dans des hôtels pourraient être plus efficacement dépensées pour leur fournir un logement pérenne dans le domaine privé[17].

À la suite de l'incendie, une minute de silence est observée à la mémoire des victimes au conseil municipal de Paris et le maire, Bertrand Delanoë, réclame l'organisation d'une « conférence nationale » sur ce sujet[16] qui associerait les services de l'État, ceux de la ville et le monde associatif[18]. Cette demande est faite dans un courrier adressé à Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, et Bertrand Delanoë écrira quelques mois plus tard, dans une tribune du journal Le Monde, que cette demande est restée lettre morte[18].

Incendies en août 2005 : Boulevard Vincent Auriol et rue du Roi-Doré[modifier | modifier le code]

Deux autres incendies ont lieu dans les mois qui suivent dans des immeubles où sont logés des étrangers de Paris[19]. Cette série de sinistres fait en tout 52 morts[19]. Il s'agit dans les trois cas d'incendie dans ce qu'un haut responsable des pompiers parisiens nomme « l'immeuble parisien type » : des battements de six étages dont le dernier est mansardé, avec un seul escalier, donnant éventuellement sur une petite cour[20]. L'escalier comme la cour peuvent faire office de « cheminée » créant un fort appel d'air[20]. Un incendie dans ce type d'immeuble est rapide : si le feu prend au rez de chaussée ou des les étages inférieurs, la fumée et les gaz s'accumulent au dernier étage et sous le toit, puis les gaz pénètrent dans les étages supérieurs qui prennent feu[20]. Dans ces immeubles anciens on trouve souvent des cages d'escalier en bois, et la suroccupation fait que les habitants pauvres de ces logements y entassent leurs biens qui prennent feu très vite[20]. La panique les incite à se défenestrer, alors qu'il est impossible aux pompiers qui sont parfois déjà sur les lieux d'amortir la chute d'un corps qui tombe de plusieurs étages[20]. Des pompiers noteront que lors de l'incendie du Paris-Opéra, certaines personnes se sont défenestrées alors que les murs de chambres où elles se trouvaient n'étaient pas noircis et que la fumée n'y avait donc pas encore pénétré[21].

Incendie du boulevard Vincent-Auriol[modifier | modifier le code]

Dans la nuit du jeudi 25 au vendredi , un incendie fait dix-sept morts dont quatorze enfants dans un immeuble où résidaient cent trente personnes originaires d'Afrique de l'Ouest[22], 20 boulevard Vincent-Auriol dans le 13e arrondissement[23]. Le feu aurait pris au rez-de-chaussée, sous la cage d'escalier, et la présence d'un vasistas ouvert au dernier étage aurait fait un appel d'air permettant au feu de s'étendre rapidement[24]. L'immeuble n'est pas classé « insalubre » (notion qui tient compte de l'état du bâtiment, et non de sa suroccupation) ; il n'a pas de sortie de secours et son escalier est en bois[24].

Il ne s'agit pas d'un immeuble d'hébergement d'urgence[22], mais d'un bâtiment géré par un bailleur associatif, France Europe Habitation (Freha), qui a conclu un bail emphytéotique de cinquante ans avec l'État[24]. Freha gère l'immeuble pour l'association Emmaüs et y loue des logements à des familles avec des baux classiques à un coût réduit[24]. Ces habitants sont en situation régulière et disposent de revenus mais ne trouvent pas de logement dans le parc privé[24]. Il s'agit de familles polygames, avec de nombreux enfants, souvent une dizaine, qui vivent souvent dans des regroupements d'appartements[24]. Le bâtiment devait être réhabilité, mais il est très difficile de reloger des familles qui ont ainsi besoin de très grandes surfaces[24]. Ces habitants ont fait partie, au début des années 1990 d'un campement de mal-logés qui s'était installé quai de la Gare[25]. Après négociation avec l'État, ils ont été relogés dans ce bâtiment, d'une manière qui ne devait être que provisoire, le préfet d'Île-de-France s'étant engagé fin 1991 à ce qu'ils soient relogés dans un délai de trois ans[25].

L'immeuble avait fait l'objet d'un reportage de France 2 après l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra où il était montré comme exemple de logement mal entretenu et à destination des personnes en situation précaire[26]. Une habitante y déclarait que trois départs de feu avaient eu lieu dans l'immeuble mais que, « par chance », ils n'avaient pas touché l'escalier[26]. Après l'incendie, un autre résident de l'immeuble déclare qu'il y avait d'importantes fissures dans l'immeuble et que son système électrique était vétuste[26].

Incendie de la rue du Roi-Doré[modifier | modifier le code]

Le troisième incendie de cette série est celui du 8 rue du Roi-Doré, dans le 3e arrondissement de Paris, dans le quartier du Marais, dans la nuit du 29 au [27], quatre jours après l'incendie du boulevard Vincent-Auriol[28]. Il s'agit d'un immeuble « vétuste » de cinq étages squatté par des familles ivoiriennes[27]. Il y a environ une quarantaine de personnes dans l'immeuble dont une quinzaine d'enfants[28]. L'immeuble avait fait l'objet d'un arrêté « d'insalubrité irrémédiable » en et la Société immobilière d'économie mixte de la Ville de Paris (SIEMP) le gérait depuis [29]. À cause des délais légaux et de la trêve hivernale, les familles, qui devaient de toute manière être relogées par la ville de Paris, n'auraient été expulsables qu'en [29]. Sept familles sur les seize qui vivaient là avaient déjà pu être relogées, si le gros des travaux de réhabilitation devait avoir lieu à l'été 2006, la SIEMP avait entamé quelques travaux de réhabilitation pour permettre aux familles restantes de pouvoir passer l'hiver[29].

L'incendie se déclare dans la cage d'escalier vers 22 h et les pompiers ne peuvent le maîtriser que vers h 30 du matin[27]. Le feu détruit en particulier la zone située entre le premier et le quatrième étage[28]. Le premier bilan est de sept morts dont un enfant de six ans défenestré depuis le quatrième étage par sa mère qui essayait ainsi de le sauver[27]. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, se rend sur place pendant l'incendie et organise le relogement d'urgence des rescapés[27]. Le président Jacques Chirac exprime sa « profonde compassion » aux familles des victimes et demande aux enquêteurs de faire en sorte de déterminer rapidement les causes de cet incendie[30]. L'ambassadeur de Côte d'Ivoire se rend sur les lieux et fait part de son « écœurement »[30].

L'enquête montre que des problèmes électriques seraient la cause de cet incendie[31].

Ce troisième incendie met de nouveau en évidence le problème du logement des immigrés et des logements sociaux à Paris[28]. Les habitants de cet immeuble y vivaient pour la plupart depuis six ans, mais devaient être relogés par la mairie de Paris en septembre 2005, avant la réhabilitation du bâtiment[30].

Nouvelles réactions[modifier | modifier le code]

Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement.

Manifestations et réaction du monde associatif[modifier | modifier le code]

Cette série d'incendies provoque de nouvelles réactions, aussi bien dans le monde associatif que de la part des responsables politiques, relançant le débat sur les problèmes de logement qui touchent notamment les immigrés[32]. Dès le dimanche , une manifestation réunit environ 1 500 personnes à Paris pour réclamer « un logement pour tous. » dans un parcours allant de l'immeuble du boulevard Vincent-Auriol jusqu'au gymnase où sont hébergés les rescapés[32]. Le cortège réunit des mal-logés ainsi que des militants des associations Droits devant ! et Droit au logement[32].

La Fondation Abbé Pierre souligne qu'il existe en France plus de trois millions de personnes mal logées et le président de Droit au logement, Jean-Baptiste Eyraud, déplore le manque d'action pour améliorer la situation depuis l'incendie du Paris-Opéra et demande une nouvelle fois la création de logements sociaux[33].

Réactions politiques[modifier | modifier le code]

Martine Aubry, maire PS de Lille, déclare que ni les gouvernements de gauche ni ceux de droite ne se sont véritablement confrontés au problème du logement social en France[34].

Du côté du gouvernement, le premier ministre, Dominique de Villepin, doit annoncer le des moyens afin de réduire la pénurie de logements sociaux[33]. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, annonce une réunion dans les deux semaines avec la mairie de Paris, les associations et les bailleurs de logements sociaux afin de mettre en place des actions destinées aux familles très nombreuses[32]. Il précise aussi que le gouvernement s'est engagé à aider la mairie de Paris à hauteur de 560 millions d'euros et reconnait que la France a « accumulé un retard énorme en matière de logement social » durant la décennie précédente et que les logements existants ne sont pas faits pour les très grandes familles[32]. Il juge qu'il faut relancer la construction de ces logements, mais il explique qu'il faudra du temps et compare cela au fait de faire redémarrer « un paquebot » avec l'objectif de passer de 38 000 logements construits en 1999 à 100 000 par an (il annonce 77 000 constructions de logements neufs pour l'année en cours)[32]. Il déclare aussi qu'il est nécessaire de faire en sorte que le seuil de 20 % de logements sociaux soit respecté dans les communes[32].

Bertrand Delanoë, maire de Paris.

Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, publie le une tribune dans le journal Le Monde intitulée « Insalubrité : qui est responsable de quoi ? »[35]. Il y affirme que la mairie de Paris, sous sa mandature, a lancé, en 2002, un « vaste plan d'éradication de l'habitat indigne » dont faisait partie l'immeuble de la rue du Roi-Doré où l'incendie a eu lieu, mais que les délais légaux n'ont pas permis d'y agir plus tôt[35]. Il précise que ce plan concerne environ mille immeubles avec un budget de 152 millions d'euros sur six ans et pointe du doigt l'inaction de l'équipe municipale précédente qui, selon lui, n'aurait réhabilité que dix-sept immeubles entre 1995 et 2001[35]. Il souligne que ces opérations sont d'autant plus difficiles qu'il faut reloger provisoirement les familles qui vivent dans ces immeubles alors que les structures d'accueil ne sont pas assez nombreuses[35]. Il considère que le plan de cohésion sociale du gouvernement est insuffisamment financé[35]. Il demande une application véritable de la loi SRU, affirmant que, depuis 2001, 25 % des logements sociaux de la région Île-de-France sont produits par Paris alors que d'autres communes en construisent très peu, les sanctions en cas de non-respect de cette loi étant trop légères[35]. Il demande aussi aux pouvoirs publics de mieux encadrer les loyers, d'imposer une proportion minimale de logements sociaux dans tous les programmes de constructions, de réglementer la vente à la découpe et de réfléchir aux possibilités de réquisition des logements vacants[35].

Réactions dans la presse [modifier | modifier le code]

Des articles virulents sont publiés dans la presse. Le journal Le Monde écrit le 27 août[36] : 

« Que la France de l'abbé Pierre, moins de dix ans après la fin de la guerre, se soit trouvée aux prises avec une crise du logement était plus compréhensible. Mais que des familles - et pas seulement immigrées - vivent aujourd'hui en France dans des conditions dignes des romans de Zola est simplement inadmissible. L'État, en coopération avec les élus, doit s'attaquer vraiment à l'insuffisance de construction de logements sociaux, dans des régions très urbanisées comme l'Île-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, et, d'une façon plus générale, au problème du logement. »

Le Monde considère que le plan de recensement des immeubles insalubres annoncé par le ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy ou le plan de création d'hôtels sociaux proposé par Jean-Louis Borloo ne suffiront pas à pallier le problème[36]. Il déclare qu'il faudrait doubler le nombre de logements sociaux construits chaque année, cette carence en habitations accessibles aux plus modestes entraînant de multiples problèmes d'urbanisme : « vieillissement des centres-villes, étalement urbain désordonné, circulation accrue, productrice d'embouteillages et de pollution supplémentaires, ménages pris dans le piège du surendettement[34]... ». Il critique le fait qu'il n'existe plus en France de ministère qui s'occupe exclusivement du logement et que la loi « habitat pour tous » qui avait été annoncée par Gilles de Robien, ministre du logement entre 2002 et 2004, ne semble toujours pas rédigée[36]. L'article souligne que le « jeu du marché » ne peut régler les questions relatives au logement et qu'il est indispensable que les élus en prennent conscience afin d'éviter l'aggravation de « l'impression d'abandon » ressentie par les plus pauvres[36]

Le 1er septembre, le quotidien Libération déplore aussi le fait qu'il n'y ait plus de « ministre du Logement à temps plein » depuis la nomination de Jean-Louis Borloo, pourtant postérieure à l'incendie du Paris-Opéra, montrant qu'aux yeux du gouvernement « c'était donc un accident et non pas l'irruption d'un problème politique » et décrit cette attitude comme de « l'aveuglement. »[37] Le journaliste regrette que les autorités considèrent qu'il s'agit de « coups du sort » en précisant que les situations étaient différentes entre les trois incendies (hôtel meublé au Paris-Opéra, immeuble insalubre à rénover rue du Roi-Doré, immeuble géré par une association avec des baux normaux boulevard Vincent-Auriol) alors que ces logements font courir autant de risques à leurs habitants[37]

À l'étranger, le 27 août, le journal espagnol El País indique que si les habitants du boulevard Vincent-Auriol étaient en situation régulière et disposaient de droits, ces droits n'incluaient visiblement pas celui à un logement digne et sans danger[38],[n 1]. Le journal déplore que l'alerte donnée par le reportage de France 2 qui montrait les dangers de cet immeuble n'ait pas été prise en compte[38]. L'article se termine par la déclaration d'un survivant du boulevard Vincent-Auriol : selon lui, si, au lendemain de l'incendie, la presse, les associations et les politiques sont présents, ils arrivent trop tard[38].

Conséquences sur l'hébergement d'urgence à Paris[modifier | modifier le code]

En 2005, après cette série d'incendies, les contrôles sur les lieux qui hébergent les populations précaires sont accrus et une « liste noire » des lieux les plus dangereux est créée[39]. Néanmoins, trois ans après, il semble que l'habitat insalubre soit loin d'être éradiqué[39]. Si une trentaine d'hôtels meublés, sur les 650 que compte Paris, ont fait l'objet d'une fermeture administrative, il en resterait encore quatre-vingt-neuf sur la liste des hôtels jugés prioritaires par la préfecture de police fin 2007[39]. Et l'opération d'aide à la rénovation des meublés de la SIEMP aurait attiré moins d'une dizaine de dossiers, toujours en 2008[39]. En 2009, il y a encore dans Paris plus de 600 hôtels meublés qui hébergent des personnes placées par les services sociaux dont 20 % seraient dangereux d'après les associations qui aident ces personnes[40].

Le SAMU social modifie en 2006 ses modalités d'action avec les hôtels meublés[41]. Alors qu'au moment de l'incendie, la structure travaille avec des associations qui servent d'intermédiaire, sans possibilité de contrôle sur les lieux et en agissant uniquement en tant que « payeur », elle crée un « Pôle d’hébergement et de réservation hôtelière » (PHRH) qui traite les demandes d'hébergement de familles arrivées par le numéro d'urgence 115 venues de Paris, de Seine-Saint-Denis et de Seine-et-Marne[41]. Ce pôle traite aussi les chambres d'hôtels des personnes venues de la Coordination de l'accueil des familles demandeuses d'asile, par l’association pour les travailleurs migrants et par les Œuvres hospitalières françaises de l'ordre de Malte[41]. Ce pôle peut effectuer des contrôles dans les hôtels afin d'informer les services de l'État en cas de problème[41].

Il faut néanmoins remarquer que le recours aux hôtels meublés pour loger les populations en situation de précarité est resté extrêmement répandu[41]. Les dépenses hôtelières représentent en 2012 79 % du budget du SAMU social, soit 113 millions d'euros : 12 468 familles, soit 37 107 personnes, ont été logées dans 440 hôtels pour cette année-là, pour un total de 6,1 millions de nuitées, chiffre en augmentation de 17 % par rapport à 2011[41]. Les nuitées sont réglées aux hôtels en moyenne 17,50 euros par personne[41].

En 2007, un observatoire des hôtels pratiquant de l’hébergement social est mis en place[41]. Élaboré par l'Atelier parisien d'urbanisme, ce site internet met en commun les informations de la mairie de Paris, de la préfecture de police et de la préfecture de Paris afin d'informer les travailleurs sociaux sur l'état des hôtels en ce qui concerne les risques d'incendie, l'insalubrité et la sécurité[41]. Il est actualisé mensuellement et les hôtels qui reçoivent un avis défavorable ne peuvent plus être sollicités pour l'hébergement des populations précaires[41].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Citation originale : Entre esos derechos no figuraba, sin embargo, el acceso a una vivienda digna y segura.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b AFP, « Ouverture du procès du dramatique incendie de l'hôtel Paris-Opéra », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  2. AFP, « Jugement attendu pour l'incendie de l'hôtel Paris-Opéra », Libération,‎ (lire en ligne)
  3. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées :9
  4. AFP, « Trois ans de prison ferme pour la responsable de l'incendie au Paris-Opéra », Libération,‎ (lire en ligne)
  5. a b c et d Timothée Boutry, « L'enfer du feu », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  6. a et b « Vingt morts dans l'incendie d'un hôtel à Paris cette nuit », L'Obs,‎ (lire en ligne)
  7. Stéphane Albouy et Jean-Marc Ducos, « L'amie du veilleur de nuit est passée aux aveux », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  8. a et b Franck Johannès, « Un incendie a ravagé un hôtel du centre de Paris, faisant au moins 21 morts et 60 blessés », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  9. a b c d e f et g Timothée Boutry et J.-M.D., « Polémique sur la capacité d'accueil », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  10. a b c et d « Recueillement et colère », Le Parisien,‎ (lire en ligne).
  11. a b c et d Tonino Serafini, « Veillée pour les morts du Paris-Opéra », Libération,‎ (lire en ligne).
  12. AFP, « Manifestation en hommage aux victimes de l'incendie », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  13. a b c d et e Tonino Serafini, « Héberger les précaires, un métier qui rapporte », Libération,‎ (lire en ligne)
  14. a et b Marie-Anne Gairaud, « Les centres d'hébergement d'urgence sont saturés », Le Parisien,‎ (lire en ligne).
  15. a b et c « Terre d'asile ? », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  16. a et b Stéphane Albouy, « Une femme en garde à vue », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  17. AFP, « En mars, un contrôle n'avait pas trouvé d'obstacle à la poursuite de l'exploitation du Paris-Opéra », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  18. a et b Bertrand Delanoë, « Insalubrité, qui est responsable de quoi ? », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  19. a et b AFP, « Ouverture du procès du dramatique incendie de l'hôtel Paris-Opéra », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  20. a b c d et e Jacky Durand, « Pour les pompiers, une course contre la montre », Libération,‎ (lire en ligne)
  21. Jacky Durand, « Incendies: le coup de blues des pompiers », Libération,‎ (lire en ligne)
  22. a et b « Incendie boulevard Vincent-Auriol : la douleur et la colère », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  23. William Molinié, « Vincent-Auriol, Paris-Opéra, Roi-Doré: Que sont devenus les immeubles incendiés des mal-logés ? », 20 minutes,‎ (lire en ligne).
  24. a b c d e f et g Jean-Pierre Thibaudat et Patricia Tourancheau, « Le feu récidive dans l'habitat précaire », Libération,‎ (lire en ligne).
  25. a et b Tonino Serafini, « Hommage aux morts de l'hôtel Paris-Opéra, mais pas de procès en vue », sur Avec ou sans toit, (consulté le ).
  26. a b et c (es) Octavi Marti, « Mueren 17 inmigrantes, entre ellos 14 niños, al incendiarse un edificio en París », El País,‎ (lire en ligne).
  27. a b c d et e « Nouvel incendie à Paris : l'impuissance des politiques », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  28. a b c et d Gérard Ségui, Éric Le Mitouard, Violette Lazard et Frédéric Gouaillard, « Nouvel incendie meurtrier hier soir à Paris », Le Parisien,‎ (lire en ligne).
  29. a b et c Bertrand Delanoë, « Insalubrité, qui est responsable de quoi ? », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  30. a b et c « RFI - France - Nouvel incendie meurtrier à Paris », sur www1.rfi.fr (consulté le ).
  31. Julien Dumond, « L'incendie du boulevard Vincent-Auriol serait criminel », Le Parisien,‎ (lire en ligne).
  32. a b c d e f et g AFP et Reuters, « Logement social : 1 500 personnes manifestent à Paris, la Mairie accorde une aide aux rescapés », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  33. a et b « RFI - France - Nouvel incendie meurtrier à Paris », sur www1.rfi.fr (consulté le ).
  34. a et b « Logement : urgence », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  35. a b c d e f et g Bertrand Delanoë, « Insalubrité, qui est responsable de quoi ? », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  36. a b c et d « Logement : urgence », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  37. a et b Jean-Marc Salmon, « Un incendie chasse l'autre », Libération,‎ (lire en ligne).
  38. a b et c (es) Octavi Marti, « Mueren 17 inmigrantes, entre ellos 14 niños, al incendiarse un edificio en París », El País,‎ (lire en ligne).
  39. a b c et d Benoit Hasse et Marie-Anne Gairaud, « Paris-Opéra : les rescapés réclament un procès », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  40. « Les rescapés du Paris-Opéra réclament justice », Le Parisien,‎ (lire en ligne)
  41. a b c d e f g h i et j Catherine Rollot, « Depuis le drame de Paris-Opéra, des contrôles plus sévères dans les hôtels d'urgence », Le Monde,‎ (lire en ligne)