Victory Program

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Le V dépend de moi. L'industrie de l'armement américaine a associé le V de la Victoire avec une hausse des cadences permettant de l'atteindre, à grand renfort de communications à l'adresse du public.

Annoncé par un discours du président des États-Unis Franklin D. Roosevelt le , le Victory Program (« Programme pour la victoire ») est un plan d'économie de guerre destiné à permettre à l'économie américaine de devenir « l'arsenal des Alliés » durant la Seconde Guerre mondiale en produisant des quantités croissantes de matériel de guerre. Roosevelt confie à son ministre de la Guerre Henry Stimson le soin de le concrétiser.

Le Programme de la victoire résulte d'une volonté antérieure de la présidence américaine de préparer, dès le , un plan pour les « besoins globaux de productions nécessaires pour vaincre nos ennemis potentiels ». Le ministre de la Guerre, Henry Stimson, et le ministre de la Marine, Frank Knox, sont chargés de le rédiger. Initialement secret, le plan est divulgué par Burton Wheeler, sénateur américain du Montana et éminent isolationniste, qui le fait fuiter[1] à Robert R. McCormick, éditeur du Chicago Tribune, également isolationniste. La publication du plan, le [2], 3 jours avant Pearl Harbor, provoque un tollé dans le bloc isolationniste, mais la controverse disparaît aussitôt connue la nouvelle de l'attaque de Pearl Harbor et la déclaration officielle de guerre.

Une planification pour abattre l'Allemagne nazie[modifier | modifier le code]

Notes prises par le président Roosevelt au lit à 3h05 le 1er , lors de l'invasion allemande en Pologne. Il ordonne d'informer immédiatement par radio tous les navires et l'armée. (À cette date, ni l'opinion publique américaine ni son armée ne sont prêts : pire, le comité isolationniste America First va se former en septembre 1940).
Réunion le des principaux dirigeants des Forces armées des États-Unis auprès du secrétaire à la Guerre et du chef d'État-Major, afin de mettre en place un programme de manœuvres intensives pour les six prochains mois. Alors que les tambours de guerre résonnent en Europe, l'opinion publique du pays, très nettement en faveur du camp isolationniste, ne leur laisse pour l'instant que cette préparation comme possibilité.

La planification globale est assurée par Albert Coady Wedemeyer, avocat d'une option « Germany first » ; un tel plan est pourtant difficile à faire accepter aux yeux de l'opinion publique, focalisée sur le casus belli occasionné par l'attaque de Pearl Harbor et par conséquent résolue à mener la guerre du Pacifique d'abord.

En tant que jeune officier de l'armée américaine, Alfred Wedemeyer avait été affecté de 1936 à 1938 au collège de guerre allemand, l'Académie de guerre de Prusse, à Berlin. Il a observé sur le terrain les manœuvres de la Heer en 1938, ce qui lui a donné une vision unique sur l'échelon tactique des opérations militaires allemandes. Quand il retourne à Washington en 1938, Wedemeyer analyse les grandes lignes de la stratégie allemande et pénètre leur mode de pensée militaire. Il acquiert de l'autorité au sein de l'État-major militaire américain sur la connaissance tactique de la Wehrmacht, et trouve l'un de ses plus ardents défenseurs en la personne de George C. Marshall[3], lequel va devenir le stratège le plus influent auprès de Roosevelt une fois la guerre déclarée. L'option Germany first passe[4].

La carrière de Wedemeyer bénéficie de l'aide de son beau-père, le lieutenant-général Stanley Dunbar Embick, directeur de la Division des plans de guerre.

Le jour même de l'offensive allemande à l'ouest, le (Hollande, Belgique et Luxembourg), un état des lieux du ministère de la Guerre est remis au président Franklin D. Roosevelt : l'armée de terre U.S. aligne moins de 100 000 hommes prêts au combat effectif. Si la levée en masse est prononcée, les équipements et munitions permettent de soutenir un demi-million d'hommes en armes[5]. Pas de quoi pavoiser alors que trois millions de soldats allemands déferlent sur le Benelux et les Ardennes en application des plans Jaune et Rouge.

Après Pearl Harbor, la conférence Arcadia entérine l'option Germany first pour les Alliés: l'objectif prioritaire pour remporter la guerre est de vaincre l'Allemagne.

Lors de l'entrée en guerre, Wedemeyer, devenu lieutenant-colonel, rejoint la division chargée de la planification stratégique dépendant du département de Guerre des États-Unis. En 1941, il est l'auteur principal du Victory Program, conçu pour abattre les armées du Troisième Reich en Europe. Débattu, le plan est adopté et étendu au fil de l'extension du conflit. En outre, en droite ligne de ses travaux, Wedemeyer contribue à la planification du débarquement de Normandie.

Alfred Wedemeyer est finalement réaffecté entre 1943 et 1944 au théâtre d'opérations du Sud-Est asiatique, rattaché à Lord Mountbatten.

L'effort de guerre à produire est titanesque et vise à armer assez de divisions pour l'emporter sur les armées de l'Axe, ce que les concepteurs de plans de guerre de la War Plans Division estiment par un calcul global fondé sur le nombre de divisions de l'armée de terre. Au total, pour la durée du conflit, toutes armées confondues, onze millions d'hommes servent sous la bannière étoilée[6]. Six millions de femmes (symbolisées par le personnage emblématique de Rosie la riveteuse) contribuent également à l'effort de guerre en occupant des postes dans l'industrie de l'armement et les arsenaux navals.

Les conditions matérielles pour la victoire[modifier | modifier le code]

Ces GI de la 1re division d'infanterie intégrés à la 1re armée en progression vers Frauwullesheim, en Rhénanie-du-Nord, le 28 février 1945. Ils croisent une colonne de jeeps Willys MB. Y compris le Victory Program, 640 000 jeeps (General Purpose) seront construites.

La guerre déclarée, Henry amplifie la production des moyens militaires. Le complexe militaro-industriel des États-Unis, intriquée entre bureaucratie publique et firmes privées, se structure. Stimson gère le retour à la conscription obligatoire et l'entraînement de 13 millions de soldats et employés de l'armée de l'air ; de plus, il gère l'acquisition par l'État et l'acheminement vers les champs de bataille sur tous les théâtres d'opérations de 30 % de la production industrielle domestique. Il s'entoure d'hommes-clé tels que Robert Patterson (son adjoint, qui lui succède en tant que secrétaire à la guerre)[7], Robert Lovett pour la prise en charge des besoins de l'Air Force et l'influent avocat d'affaires John J. McCloy[8] comme assistant, lequel figure parmi les Wise Men sous Truman.

L'ampleur de cette mobilisation en hommes et en matériel permet aux Alliés de mener simultanément en 1944, sur les deux théâtres d'opérations, deux débarquements avec des flottes considérables : l'opération Neptune déclenchée le en Normandie, et l'opération Forager le dans les îles Mariannes visant à la reconquête des Philippines.

Fabrication de masse[modifier | modifier le code]

Les usines produisent en trois ans 275 000 avions, 6 340 000 véhicules légers, 90 000 chars, 65 millions de tonnes de navires. La standardisation permet de fabriquer plus rapidement en série des cargos, les Liberty ships, qui sortent de leurs chantiers au rythme d'un tous les 12 jours[9].

Les objectifs de production sont extrêmement élevés, et des équipes de planificateurs sont montées pour en assurer le foisonnement. La Air War Plans Division (en) en est une illustration pour les aéronefs de guerre, visant à obtenir la suprématie aérienne.

Engagement des femmes en Amérique du Nord[modifier | modifier le code]

Le photographe Alfred T. Palmer, engagé par l'(en)Office of War Information, immortalise l'engagement massif des femmes dans l'industrie lourde du Victory Program. Malgré un retour à la société traditionnelle dans les années 1950, cet investissement contribue à leur émancipation.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Marc Wortman, « Who Leaked America’s Secret War Plans Into Hitler’s Hands? », The Daily Beast,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) « FDR's War Plan », Chicago Tribune,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. Mark Perry, Partners in Command. Penguin Books, 2007, Kindle loc. 4738-45
  4. Du reste, l'amirauté est déjà tournée vers la bataille de l'Atlantique depuis le 12 novembre 1940 : lire Plan Dog memo (en).
  5. Arnaud Blin, Comment Roosevelt fit entrer les États-Unis dans la guerre, André Versaille, février 2011 (ISBN 978-2-87495-129-9) p. 169.
  6. vidéo L'effort de guerre allié sur le site de France 2.
  7. Kieth Eiler, Mobilizing America: Robert P. Patterson and the War Effort (Cornell U.P. 1997)
  8. Walter Isaacson et Evan Thomas, The Wise Men: Six Friends and the World They Made: Acheson, Bohlen, Harriman, Kennan, Lovett, and McCloy (1986)
  9. (fr) Une guerre mondiale et totale, HISTOIRE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE : 1939-1945

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Poster de propagande émis par le War Production Board.
Poster de propagande émis par le War Production Board.