Vitrographie

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La vitrographie est une technique de duplication de documents sur verre dépoli permettant de copier jusqu'à plusieurs centaines d'exemplaires. Le nardigraphe et l'aluminocopie (inventions notamment utilisées et développées par la pédagogie Freinet au XXe siècle) appartiennent à la vitrographie.

Son fonctionnement se place à mi-chemin du procédé lithographique et des techniques dites hectographiques[1] : le contact d'une encre autographique spéciale (généralement chimiquement basique) avec une surface grenée (comme le verre dépoli) et sensibilisée génère un relief gélatineux accrochant l'encre d'imprimerie.

Le terme « vitrographie » a été utilisé dès 1928 par Gaston Ravisse (alias L.R Heller), fondateur de la revue Mon bureau consacrée aux techniques dactylographiques[1], pour désigner l'ensemble des techniques de duplication utilisant une vitre traitée chimiquement. Ce terme sera toutefois assez peu employé en raison de l'utilisation plus répandue du terme de « nardigraphe » par onomatisme.

Historique[modifier | modifier le code]

C'est dans l'inertie du développement des techniques hectographiques de reproduction de documents (à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle) qu’apparaissent les premiers procédés vitrographiques comme le nardigraphe (de son inventeur R. Nardi[2]), mis en vente en France dès 1905[3] et dont une amélioration (sur le plan mécanique) sera brevetée quatre ans plus tard, en [4]. Le nardigraphe ne sera pas la seule invention vitrographique: d'autres marques fleuriront plus tard dans les années 1920 comme « La Vitre Magique »[5] ou encore le « Simplex »[1]. Ces inventions seront utilisées dans les bureaux par les dactylographes[6] ainsi que par les instituteurs rompus à la pédagogie Freinet[7], particulièrement à partir de la fin des années 1920.

Les besoins pratico-pédagogiques inhérentes à l'enseignement dans le primaire (typiquement la duplication de supports pédagogiques à destination de l'élève) ont impliqué dans certaines classes l'utilisation de procédés de reproduction comme le duplicateur à alcool ou encore des techniques vitrographiques (ne nécessitant pas de retourner le dessin pour qu'il soit à l'endroit sur la copie). Mais si certains se sont tournés vers le nardigraphe, d'autres, pour des raisons économiques, se sont tournés vers l'aluminocopie, système peu coûteux développé par l'instituteur Dudouit aux alentours des années 1950[8] dans le but d'étendre l'accès à des techniques d'impressions aux écoles les plus populaires[9]. Cependant l'aluminocopie exigeant une certaine maîtrise technique[7], Freinet qui relaie le fonctionnement du système Dudouit dans des revues pédagogiques comme L'Éducateur, recevra de nombreuses lettres d'instituteurs ne parvenant pas à faire de tirages corrects[10].

En France, durant l'occupation nazie, le nardigraphe sera employé pour produire des journaux ou des tracts clandestins: le premier numéro du journal La Drôme en armes, fondé par Elsa Triolet et Louis Aragon en [11], sera tiré à l'aide d'un nardigraphe[12]. Le peintre et résistant Antoine Serra produira également des tracts contre le régime de Vichy[13].

Procédé[modifier | modifier le code]

Si en lithographie l'impression d'une feuille se fait sur une pierre, en vitrographie, l'impression se fait sur une vitre en verre dépoli. Ainsi le cliché, c'est-à-dire la plaque sur laquelle on va reporter un tracé original sur une feuille vierge, est réalisé sur une vitre qui, contrairement à certains procédés hectographiques comme la gélatine, peut servir indéfiniment. En appliquant un dessin réalisé à l'encre basique sur la vitre sensibilisée par une solution adjuvante se produit une réaction chimique: il y a précipitation là où il y a eu contact entre l'encre et le verre sensibilisé qu'il conviendra de fixer ensuite avec un mordant. Ce mordant, en plus de fixer le précipité, retiendra l'encre d'imprimerie. Il s'agira enfin de badigeonner de l'encre d'imprimerie sur la surface du verre (l'encre ne se fixera que sur les parties « mordues »), de placer une feuille contre la vitre et d'appliquer une pression.

Ce principe recouvre les techniques qui vont être décrites plus bas; la composition des produits utilisés par le nardigraphe n'étant pas clairement identifiée, les différences entre les différents procédés qui vont être décrits concernent la composition chimique des produits employés.

Nardigraphe[modifier | modifier le code]

Le principe nardigraphique exige dans un premier temps la réalisation d'un cliché sur verre: pour cela, un document réalisé à l'aide d'une encre autographique ammoniaquée sera pressé sur une plaque de verre dépolie sensibilisée à l'aide d'un « netto-sensibilisateur »; ensuite, il faudra retirer l'original et fixer un dessin invisible avec un « préservateur »[14]. Il s'agira enfin d'encrer le cliché et d'y presser des feuilles vierges pour obtenir des copies.

Aluminocopie[modifier | modifier le code]

Le principe de l'aluminocopie s'apparente à celui du nardigraphe[15]. Avec le système de l'aluminocopie détaillé dans les revues pédagogiques[7], nous obtenons la composition du sensibilisateur, de l'encre spéciale ainsi que du mordant.

Le sensibilisateur est composé de sel d'alun (ou alun de potassium), d'eau et de glycérine. L'encre, elle, doit être basique; pour cela on mélangera de la « bonne encre de stylo »[7] avec du bicarbonate de soude voire de l'ammoniaque. Le mordant que l'on applique pour fixer le produit de la réaction entre l'encre basique et le sensibilisateur (une alumine) est une solution de benzoate de sodium, qu'il convient d'utiliser avec précaution.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Gardey Delphine, Écrire, calculer, classer — Comment une révolution de papier a transformé les sociétés contemporaines (1800-1940)., Paris, La Découverte, (lire en ligne), p.113 — p.145, paragraphe 32.
  2. Selon ce site consacré à la pédagogie française : http://www.le-temps-des-instituteurs.fr/doc-la-classe.html La date correspond aux éléments de publicités et le dépôt de brevet sous-cités. Concernant M.B.R Nardi, on retrouve une archive d'une transaction datant de 1944 où l'on a accès à l'adresse de son entreprise, le 7 rue Marnata, à Toulon. https://www.delcampe.net/fr/collections/item/0332842552.html
  3. Voir notamment le document commercial datant de 1928 faisant mention de la date de la mise en vente des premiers nardigraphes, dès 1905: https://www.delcampe.fr/fr/collections/factures-documents-commerciaux/france/imprimerie-papeterie/imprimerie-le-nardigraphe-ets-nardi-toulon-83-document-commercial-lettre-a-en-tete-france-maroc-algerie-1928-39-202455681.html Un brevet sera déposé quatre ans plus tard, en mars 1909; la référence suivante, une notice de brevet présent dans la base de données de l'INPI, nous autorisera à penser ce document comme valide.
  4. Le « brevet d'invention française » mentionné dans la note précédente sera effectivement présent dans la base de données de l'INPI à la date du 30 mars 1909. https://bases-brevets.inpi.fr/fr/document/FR401423/publications.html?p=6&s=1521485562746&cHash=3852fcc8c962558d541aaa1258868ab3
  5. La publicité suivante, datant du 31 décembre 1927 fait mention d'une "innovante" invention, "La vitre magique". https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63184803/f6.image.r=vitre%20magique%20duplicateur
  6. Ibid.
  7. a b c et d Bibliothèque d’éducation nouvelle populaire, « Techniques d'illustration », éd. de l’École Moderne Française, no 45 – avril-mai 1949.
  8. Selon la revue L'éducateur du mois de juin 1951, p. 186. Mais ceci n'est pas certain car l'archive n'est pas bien indexée et incomplète. Le choix typographique et l'URL de l'archive nous force à penser qu'il s'agit bien de l'année 1951. http://www.icem-freinet.fr/archives/educ/50-51/6/28-30.pdf
  9. Voir l'article A pied d'œuvre dans la revue L'éducateur du 1er Octobre 1950: « Par notre limographe, que nous venons d’enrichir par notre tampon-limo, nous mettons nos techniques à la portée de toutes les écoles pauvres. L’aluminocopie sera sous peu un nouveau pas vers ce perfectionnement nécessaire de nos outils de travail, gage de la rénovation de notre pédagogie populaire ».
  10. Voir dans la revue L'éducateur, dont le numéro et la date de celle-ci n'ont pu être identifiées, à l'article « L'encyclopédie scolaire coopérative », p. 81: http://www.icem-freinet.fr/archives/educ/46-47/14/15-22.pdf
  11. « Louis Aragon, Elsa Triolet; Emmanuel Mounier, dans la clandestinité », sur etudesdromoises.com, (consulté le ).
  12. Ce premier numéro sera d'ailleurs écrit à main levé par Elsa Triolet: http://www.etudesdromoises.com/pages/pages_revue/numeros_speciaux/drome_en_armes_man.htm
  13. « Antoine Serra », sur ajpn.org (consulté le ).
  14. Voir notamment la brochure éditée par les établissements Nardi faisant mention du « préservateur » et du « netto-sensibilisateur »: http://completement.pt/vitrographie/archives/CNAM_nardigraphe_2.pdf
  15. Voir la dernière page de la revue L'éducateur, du 15 mars 1947, à la rubrique « À propos de l'aluminocopie »: « Au cours des récents numéros de L'Éducateur, nous avons publié divers articles au sujet d'un procédé de polycopie qui s'apparente au procédé du Nardigraphe, ce qui suffit à marquer à quel point peut être délicate la réalisation indiquée ». http://www.icem-freinet.fr/archives/educ/46-47/12/educ_12_46-47.pdf