Wikipédia:Projets pédagogiques/Cégep de l'arbitre-Témiscamingue/Histoire des Amériques/Amérique latine

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Oración por la paz[modifier le code]

L’Oración por la paz, (Discours pour la paix) de Jorge Eliécer Gaitán a été rédigé en février 1948, en espagnol. Celui-ci en a fait la lecture le samedi 7 février 1948, à Bogota, la capitale de la Colombie, à l’occasion de la Marcha del silencio devant plus de 100 000 personnes silencieuses rassemblées à la Plaza de Bolivar[1]. Il sera question ici du contexte historique ayant mené à la rédaction de ce discours, d’une brève présentation de l’auteur et de l’importance de ce discours dans l’histoire des Amériques.


Contexte historique[modifier le code]

Depuis la constitution de la république de Grande Colombie en 1819, la politique de la Colombie est dominée par deux grands partis en lutte constante. Il s’agit des conservateurs centralistes qui prônent l’annexion du catholicisme à l’État et des libéraux fédéralistes qui veulent réduire l’influence religieuse dans l’économie et les manières de pensées[2]. L’instabilité règne en raison de l’insuffisance des moyens de communication et les nombreux changements de gouvernement entraînent aussi des guerres civiles. À partir des années 1930, la modernisation des industries débute en Amérique latine. Cependant, en Colombie, cette modernisation est partielle et les profits qu’elle apporte sont mal distribués. De plus, toute l’économie colombienne est planifiée dans le but de combler les besoins des nombreux investisseurs étrangers, principalement ceux des États-Unis[3].


Suite à la crise économique de 1929, les libéraux reviennent au pouvoir après près de 45 années d’absence et y restent jusqu’en 1946. En effet, le président conservateur Mariano Ospina Pérez est élu cette année-là. Durant son mandat, il est accusé de défendre les intérêts des policiers plutôt que ceux des victimes et les populations urbaine et rurale tendent à se soulever [4]. En effet, le régime démocratique du gouvernement d’Ospina est critiqué, car certains attributs de la démocratie sont absents, comme la pureté du suffrage et la liberté d’expression et d’organisation[5].


C’est un climat idéal pour la naissance de partis de gauche, comme celui de Jorge Eliécer Gaitán, qui prônent l’éducation et tentent d’éveiller la conscience politique de la classe moyenne et plus pauvre. Dans un esprit de paternalisme et de volonté d’égalité et d’une meilleure distribution des richesses, Gaitán va même jusqu’à affirmer « Je ne suis pas un homme, je suis le peuple ». Sa position radicale de gauche séduit beaucoup de gens et son enfance difficile leur permet de s’identifier à cet avocat et homme politique[6].

Jorge Eliécer Gaitan
Jorge Eliécer Gaitán


La dernière démonstration de cette force politique a lieu à Bogota le 7 février 1948, alors que Gaitán proclame son « Discours pour la paix » devant plus de cent mille marcheurs silencieux rassemblés à la Plaza de Bolívar. Cette démonstration de solidarité n’obtient cependant aucune réponse auprès du gouvernement d’Ospina et la violence extrême, débutée en 1946, continue de plus belle[7].


Présentation du document[modifier le code]

L’Oración por la paz, (Discours pour la paix) de Jorge Eliécer Gaitán a été rédigé en février 1948, en espagnol. Celui-ci en a fait la lecture le samedi 7 février 1948, à Bogota, la capitale de la Colombie, à l’occasion de la Marcha del silencio[8]. Celle-ci est la démonstration la plus extraordinaire d’une série de manifestations pacifiques contre les politiques du gouvernement conservateur de Mariano Ospina Pérez (1946-1950) auquel on reprochait de défendre plus ardemment la police que ses victimes[9]. Suite aux manifestations des villes de Manizales et Pereira, où la nouvelle police conservatrice cause la mort de plusieurs manifestants libéraux, le leader politique libéral Jorge E. Gaitán organise la Marcha del silencio. Il réussit à rassembler plus de 100 000 personnes à la Plaza de Bolivar, à Bogota, la capitale de la Colombie[10].

Plaza de Bolivar
Le discours a été lu devant une foule silencieuse rassemblée dans la Plaza de Bolivar


C’est devant cette foule silencieuse, brandissant des drapeaux noirs, que Gaitán prononce son célèbre Discours pour la paix, à 16 h[11]. Ce discours montre la foi qu’a Gaitán en le peuple et l’importance qu’il accorde au respect de la démocratie. Il s’agit de la dernière grande démonstration de cet homme politique, qui sera assassiné deux mois plus tard, causant une révolte populaire nommée bogotazo et une guerre civile violente causant la mort de plus de 200 000 personnes, nommée violencia[12]. La présente analyse se base sur une version du document traduite de façon amateur qui pourrait donc présenter quelques lacunes.


Présentation de l'auteur[modifier le code]

Jorge Eliécer Gaitán est né le 23 janvier 1898[13]. Il est natif de Bogota, capitale de la Colombie située sur un vaste plateau de la Cordillère orientale[14]. Il poursuit des études en droit à la Universidad Nacional de Colombia et plus tard à Rome. Avocat de profession, il se lance en politique en créant l’Union Nacional Izquierdista Revolucionaria, parti politique gauchiste de courte durée (1933-1935)[15]. Tout au long de sa vie, il se dévoue à la classe paysanne et ouvrière, allant même jusqu’à proclamer « Je ne suis pas un homme, je suis le peuple! ». Cela lui vaut une vive popularité et un grand respect dans toutes les classes sociales [16]. Si bien qu’on s’attendait à le voir remporter l’élection de 1950 à laquelle il se présentait à la tête d’un parti radical de gauche[17]. Cela explique aussi les émeutes sanglantes qui suivent son assassinat le 9 avril 1948[18].

Commémoration en l'honneur de Gaitán
Une plaque commémorative de l'endroit de la fusillade


Deux mois seulement avant sa mort, il prononce son dernier discours à la Plaza de Bolivar, l’Oración por la paz. Dans ce discours, il s’adresse au président en fonction, Mariano Ospina Pérez, au nom de la population colombienne. Il lui demande de faire cesser la violence qui sévit dans le pays en raison, entre autres, de la nouvelle police. Il veut aussi démontrer le pouvoir de la population quand elle se mobilise en rassemblant 100 000 personnes dans le silence [19].


Crédibilité de l'auteur[modifier le code]

L’Oración por la paz énonce clairement les tendances socialistes de gauche de Gaitán. Comme celui-ci côtoie la pauvreté pendant son enfance, il se porte défenseur du peuple dès son arrivée en politique et cette tendance se démarque déjà de par le fait que celui-ci est avocat de profession[20]. Comme il est l’auteur de ce discours et qu’il le lit lui-même, ce discours démontre clairement les valeurs et les positions politiques et sociales de cet homme politique. Cependant, la politique repose beaucoup sur la rhétorique et il avait tout intérêt à ce que son discours soit poignant pour s’attirer la ferveur du peuple.


Importance et limites du document[modifier le code]

Ce discours et la manifestation qui l’entoure sont d’une grande importance dans l’histoire politique de la Colombie, car il s’agit de la dernière représentation du pouvoir de Gaitán, homme politique aimé du peuple[21]. Il y a maintenant un musée à Bogota à l’effigie de cet homme (Casa Museo Jorge Eliecér Gaitán) et l’Oración por la paz y est gravée sur un mur[22]. Il est aussi ironique de constater que l’assassinat de cet homme qui prônait tant la paix ait provoqué le déchaînement du peuple et des émeutes sanglantes partout au pays[23]. Cependant, cette manifestation, si grandiose soit-elle, n’a eu aucun impact significatif sur le climat de la Colombie, car la violence a continué de plus belle[24].


Finalement, comme ce texte n’est disponible qu’en espagnol, la présente analyse se base sur une version traduite de façon amateur et présente peut-être quelques lacunes concernant la signification profonde de certains passages. De plus, les difficultés de trouver de la documentation sont élevées, car, en 1972, les documents qui concernent ce sujet ont été détruits par la CIA, qui est d’ailleurs soupçonnée d’avoir joué un rôle dans l’assassinat de Gaitán [25].


Conclusion[modifier le code]

En somme, l’Oración por la paz montre la volonté de Gaitán de voir le peuple de son pays prendre le contrôle de celui-ci pour servir l’intérêt commun. En fait, la carrière politique toute entière de Gaitán illustre la volonté grandissante de la Colombie et de l’Amérique latine de prendre contrôle de son développement et de prendre possession des ressources et des moyens de production présents sur le territoire. Jorge Eliécer Gaitán exprimait surtout sa volonté de se libérer de la dépendance de la Colombie envers les États-Unis. Cette dépendance et cette volonté de s’appartenir est un enjeu majeur dans les pays d’Amérique latine. Cependant, les rumeurs selon lesquelles la CIA serait impliquée dans l’assassinat de Gaitán montrent aussi que les États-Unis ne sont pas prêts d'abandonner ces sources de revenus et que, donc, la lutte n’est pas terminée pour ces pays[26].


Notes et références[modifier le code]

  1. Enciclopedia Colombiana [s.d.]. Indice de libros y publicaciones por autor; Jorge Eliécer Gaitán, http://www.enciclopediacolombiana.com/indicePublicacionesAutor.php?idAutor=1 (Consulté le 20 novembre 2012).
  2. « Colombie » [s.d.]. Encyclopédie Larousse, http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Colombie/114134 (Consulté le 15 septembre 2012).
  3. Sharpless, Richard E. (1978). Gaitán of Colombia : a political biography, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 231 p.
  4. Mourre, Michel (1978). « Colombie », Dictionnaire encyclopédique d’histoire; C, Paris, Bordas, 1264 p.
  5. Dabène, Olivier (1999). L’Amérique latine au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 192 p.
  6. Sharpless, Richard E. (1978). Gaitán of Colombia : a political biography, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 231 p.
  7. Dabène, Olivier (1999). L’Amérique latine au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 192 p.
  8. Enciclopedia Colombiana [s.d.]. Indice de libros y publicaciones por autor; Jorge Eliécer Gaitán, http://www.enciclopediacolombiana.com/indicePublicacionesAutor.php?idAutor=1 (Consulté le 20 novembre 2012).
  9. Morineau, Raymond [s.d.]. « Rojas Pinilla Gustavo - (1900-1975) », Encyclopædia Universalis, http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/gustavo-rojas-pinilla/ (Consulté le 21 novembre 2012)
  10. Sharpless, Richard E. (1978). Gaitán of Colombia : a political biography, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 231 p.
  11. Sharpless, Richard E. (1978). Gaitán of Colombia : a political biography, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 231 p.
  12. Duviols, Jean-Paul (2007). Dictionnaire culturel : Amérique latine, Paris, Ellipses, 408 p.
  13. Sharpless, Richard E. (1978). Gaitán of Colombia : a political biography, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 231 p.
  14. Le Petit Robert II : dictionnaire de culture générale (1993). « Bogota », Paris, Le Robert, p.241
  15. Dabène, Olivier (1999). L’Amérique latine au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 192 p.
  16. Sharpless, Richard E. (1978). Gaitán of Colombia : a political biography, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 231 p.
  17. « Jorge Eliécer Gaitán » [s.d.]. Encyclopædia Britannica, http://www.britannica.com/EBchecked/topic/223578/Jorge-Eliecer-Gaitán (Consulté le 16 septembre 2012).
  18. Mourre, Michel (1978). « Colombie », Dictionnaire encyclopédique d’histoire; C, Paris, Bordas, 1264 p.
  19. Sharpless, Richard E. (1978). Gaitán of Colombia : a political biography, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 231 p.
  20. « Jorge Eliécer Gaitán » [s.d.]. Encyclopædia Britannica, http://www.britannica.com/EBchecked/topic/223578/Jorge-Eliecer-Gaitán (Consulté le 16 septembre 2012).
  21. Enciclopedia Colombiana [s.d.]. Indice de libros y publicaciones por autor; Jorge Eliécer Gaitán, http://www.enciclopediacolombiana.com/indicePublicacionesAutor.php?idAutor=1 (Consulté le 20 novembre 2012).
  22. Casa Museo Gaitán. (2010, 14 juillet). «Jorge Eliecer Gaitan, La Oración por la Paz» [Billet], dans Casa Museo Jorge Eliecer Gaitán, http://casamuseogaitan.blogspot.ca/2010/07/jorge-eliecer-gaitan-la-oracion-por-la.html (Consulté le 22 novembre 2012).
  23. Mourre, Michel (1978). « Colombie », Dictionnaire encyclopédique d’histoire; C, Paris, Bordas, 1264 p.
  24. Sharpless, Richard E. (1978). Gaitán of Colombia : a political biography, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 231 p.
  25. Engeland, Anisseh Van et Rachael M Rudolph (2008), From terrorism to politics, Abingdon, Ashgate Publishing, 232 p.
  26. Engeland, Anisseh Van et Rachael M Rudolph (2008), From terrorism to politics, Abingdon, Ashgate Publishing, 232 p.


Liens externes[modifier le code]

Documentaire en espagnol sur Gaitán : http://www.youtube.com/watch?v=iSZnGtMHGCA

http://casamuseogaitan.blogspot.ca/2010/07/jorge-eliecer-gaitan-la-oracion-por-la.html

http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Colombie/114134

http://www.enciclopediacolombiana.com/indicePublicacionesAutor.php?idAutor=1

http://www.britannica.com/EBchecked/topic/223578/Jorge-Eliecer-

http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/gustavo-rojas-pinilla/

http://www.enciclopediacolombiana.com/articulos/historia/republica/personajes/gaitan/oracionPaz.php?id=2

http://www.universalis-edu.com.proxy.cegepat.qc.ca/encyclopedie/colombie/