Zaï (agriculture)

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Pratique du zaï au Niger (Tajaé).

Le zaï est une technique culturale traditionnelle originaire d'Afrique de l'Ouest (Mali, Niger, Burkina Faso) permettant de cultiver sans eau ou presque[1], aujourd'hui principalement pratiquée par la population du Nord du Burkina Faso (Yatenga). Elle y est réapparue dans les années 1980 à la suite des périodes de sécheresse connues dans l'ensemble du Sahel après avoir été plus ou moins abandonnée à la suite de périodes d'abondance (1950-1970), de l'éclatement des familles et de la mécanisation de la préparation des nouveaux champs. Yacouba Sawadogo, paysan burkinabé, compte parmi ceux qui contribuent à faire renaître cette technique.

Cette technique particulièrement adaptée aux zipellés, surfaces pédologiques encroûtées fortement dégradées, est restée pendant longtemps considérée comme anecdotique par les chercheurs mais rentre aujourd'hui dans les techniques de Conservation des Eaux et des Sols (CES).

Étymologie[modifier | modifier le code]

En langue mooré, zaï vient du mot « zaïégré » qui veut dire « se lever tôt et se hâter pour préparer sa terre » car la technique a l'inconvénient de nécessiter 300 heures de travail (pénible) à l'hectare[1].

Description[modifier | modifier le code]

Le zaï est une forme particulière de culture en poquet permettant de concentrer l'eau et la fumure (1 à 3 t/ha) dans des microbassins (30 à 40 cm de diamètre, 10 à 15 cm de profondeur) creusés à la daba (pioche à manche court) en quinconce tous les 80 cm où les graines seront semées (une douzaine de graines de sorgho sur les terrains lourds, ou du mil dans les terres sableuses ou gravillonnaires).

La terre retirée du trou est déposée en croissant en aval des trous afin de limiter l'érosion et piéger dans les poquets les sables, limons et matières organiques transportés par le vent.

La surface de sol qui n'est pas travaillée autour des trous sert d'impluvium, et permet donc d'augmenter la quantité d'eau retenue dans les poquets.

Les matières organiques déposées dans chaque microbassin avant la période des pluies attirent les termites du genre Trinervitermes qui creusent des galeries jusqu'à la surface ; ces structures biogéniques tapissées de fèces riches en minéraux permettent l'infiltration de l'eau et la formation de poches d'eau en profondeur, à l'abri de l'évaporation rapide, qui sont exploitées par les racines entre deux pluies.

On recouvre le poquet d'un peu de terre afin que les matières organiques ne soient pas emportées par le ruissellement dès les premières pluies importantes.

L'apport de matière organique (compost ou engrais) et l’utilisation de variétés adaptées de céréales permet de multiplier les rendements par 100[2]. Une récolte peut atteindre de 400 à 1 000 kg de céréales et autant de paille en fonction des pluies même sur une terre très pauvre.

Technique de culture zaï.

Zaï agroforestier[modifier | modifier le code]

On peut utiliser la même technique pour semer des graines d'arbres ou d'arbustes. Le zaï peut être amélioré par une technique de cordon pierreux améliorant la lutte contre le ruissellement.

Rôle[modifier | modifier le code]

Le zaï permet de répondre aux six règles importantes dans cette région pour restaurer la productivité agricole des terres :

  1. maîtriser le ruissellement et l'érosion, pour éviter que les fertilisants soient entraînés par les eaux ;
  2. restaurer la macroporosité et l'enracinement profond des cultures (travail profond) ;
  3. stabiliser les macropores en enfouissant des matières organiques, de la chaux ou du gypse ;
  4. revitaliser la couche superficielle du sol par l'apport de 3 à 10 t/ha de fumier ou compost fermenté ;
  5. rétablir un pH supérieur à 5 pour supprimer les toxicités aluminiques, manganiques, etc. ;
  6. corriger les carences du sol, ou plutôt, fournir aux cultures les compléments minéraux indispensables pour une production optimale de biomasse.

Aspect sociologique[modifier | modifier le code]

En région aride, le zaï est souvent une innovation agricole (ou une redécouverte) et devrait être une composante essentielle des programmes et politiques d'adaptation au réchauffement climatique[3].

Mais il a été constaté que les techniques du zaï ne sont pas toujours choisies ou utilisées, parfois faute d'expérience. Et les facteurs de choix d'une innovation agronomique[4],[5],[6],[7], ou du zaï en particulier, ne sont pas identiques selon le genre (homme/femme)[8] du ou de la « chef(fe) du ménage » ou de la famille[3] :

  • ainsi, dans les zones arides du Nord-Est du Kenya, quand le ménage est dirigé par un homme, ce dernier décidera de pratiquer le zaï en accordant plus d'importance à la superficie totale cultivée, à la manière dont l'érosion des sols est perçue, à l'appartenance à un groupe, et il agira plus en fonction de l'accès aux services de vulgarisation[3] ;
  • quand le ménage est dirigé par une femme, outre la superficie totale cultivée, l'appartenance à un groupe, d'autres facteurs d'influence seront la fréquence de formation, la possession et l'accès aux outils agricoles et la densité du bétail (sachant que posséder du bétail, avoir accès à la terre et aux outils agricoles sont considérés comme étant des mesures indirectes de l'autonomisation des femmes dans l'agriculture[3]).

Selon Amos Mwenda Ndeke et ses collaborateurs (2023), les politiques de sensibilisation et de vulgarisation au zaï prônant une propriété équitable et sûre des actifs productifs doivent donc tenir compte du genre et répondre aux besoins et préférences spécifiques des agriculteurs, hommes et femmes[3].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Raphaël Belmin, Hamado Sawadogo et Moussa N'Dienor, « Cultiver sans eau ou presque : la technique du zaï au Sahel », sur theconversation.com, .
  2. « Consolidation des connaissances et des références sur la réhabilitation des sols dégradés dans la zone sahélienne sèche avec la technique du zaï mécanisé », sur cirad.bf (version du sur Internet Archive).
  3. a b c d et e (en) Amos Mwenda Ndeke, Jayne Njeri Mugwe, Hezron Mogaka et George Nyabuga, « Gender-specific determinants of Zai technology use intensity for improved soil water management in the drylands of Upper Eastern Kenya », Heliyon, vol. 7, no 6,‎ , e07217 (PMID 34169168, PMCID PMC8207220, DOI 10.1016/j.heliyon.2021.e07217, lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) Girma Gezimu Gebre, Hiroshi Isoda, Dil Bahadur Rahut et Yuichiro Amekawa, « Gender differences in the adoption of agricultural technology: The case of improved maize varieties in southern Ethiopia », Women's Studies International Forum, vol. 76,‎ , p. 102264 (ISSN 0277-5395, DOI 10.1016/j.wsif.2019.102264, lire en ligne, consulté le ).
  5. (en) A.W. Murage, J.O. Pittchar, C.A.O. Midega et C.O. Onyango, « Gender specific perceptions and adoption of the climate-smart push–pull technology in eastern Africa », Crop Protection, vol. 76,‎ , p. 83–91 (ISSN 0261-2194, DOI 10.1016/j.cropro.2015.06.014, lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) S. Wagura Ndiritu, Menale Kassie et Bekele Shiferaw, « Are there systematic gender differences in the adoption of sustainable agricultural intensification practices? Evidence from Kenya », Food Policy, vol. 49,‎ , p. 117–127 (ISSN 0306-9192, DOI 10.1016/j.foodpol.2014.06.010, lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) Agnes R. Quisumbing, Ruth Meinzen-Dick, Terri L. Raney, André Croppenstedt, Julia A. Behrman et Amber Peterman, « Closing the Knowledge Gap on Gender in Agriculture », dans Gender in Agriculture, Dordrecht, Springer, (ISBN 978-94-017-8615-7 et 978-94-017-8616-4, DOI 10.1007/978-94-017-8616-4_1 Accès payant, lire en ligne), p. 3-27.
  8. (en) H. Djoudi et M. Brockhaus, « Is adaptation to climate change gender neutral? Lessons from communities dependent on livestock and forests in northern Mali », International Forestry Review, vol. 13, no 2,‎ , p. 123–135 (ISSN 1465-5489 et 1743-9140, DOI 10.1505/146554811797406606, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Gideon Danso-Abbeam, Gilbert Dagunga et Dennis Sedem Ehiakpor, « Rural non-farm income diversification: implications on smallholder farmers' welfare and agricultural technology adoption in Ghana », Heliyon, vol. 6, no 11,‎ , e05393 (ISSN 2405-8440, DOI 10.1016/j.heliyon.2020.e05393, lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Dennis S. Ehiakpor, Gideon Danso-Abbeam, Gilbert Dagunga et Sylvester N. Ayambila, « Impact of Zai technology on farmers’ welfare: Evidence from northern Ghana », Technology in Society, vol. 59,‎ , p. 101189 (ISSN 0160-791X, DOI 10.1016/j.techsoc.2019.101189, lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Mercy Cheruto Kebenei, Monicah Mucheru-Muna et Felista Muriu-Ng’ang’a, « The potential of Zai pit technology and Integrated soil fertility management to enhance crop productivity in semi-arid regions of Sub-Sahara Africa: A review », International Journal of Environment, Agriculture and Biotechnology, vol. 8, no 1,‎ , p. 63-73 (e-ISSN 2456-1878, DOI 10.22161/ijeab.81.8, lire en ligne [PDF]).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]