Baudouin IV (roi de Jérusalem)

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Baudouin IV
Illustration.
Sceau de Baudouin IV, 1173.
Titre
Roi de Jérusalem

(10 ans, 8 mois et 5 jours)
Avec Baudouin V (1183-1185)
Couronnement en l'église du Saint-Sépulcre de Jérusalem
Régent Raymond III de Tripoli (1174-1177)
Prédécesseur Amaury Ier
Successeur Baudouin V (seul)
Biographie
Dynastie Maison de Gâtinais-Anjou
Date de naissance
Lieu de naissance Ascalon
Date de décès (à 24 ans)
Lieu de décès Jérusalem
Nature du décès Lèpre
Père Amaury Ier de Jérusalem
Mère Agnès de Courtenay
Fratrie Sibylle
Isabelle Ire
Religion Catholicisme

Baudouin IV (roi de Jérusalem)

Baudouin IV, parfois surnommé Baudouin le Lépreux, né en et mort en , est roi de Jérusalem de à sa mort. Il est reconnu comme une figure marquante de l'ère des croisades, par sa lutte contre la lèpre et ses victoires qui maintiennent l'intégrité du royaume de Jérusalem pendant plus de dix ans.

Il est couronné le , succédant à son père Amaury Ier. L’exercice réel du pouvoir revient jusqu'en à ses régents, les nobles Miles de Plancy puis Raymond III de Tripoli. Il est alors diagnostiqué de la lèpre, qui le défigure et l’empêche d’avoir un héritier.

La régence ayant pris fin, à l’âge de seize ans, Baudouin IV triomphe à la bataille de Montgisard où son armée, pourtant inférieure en nombre, remporte une victoire décisive face au sultan ayyoubide Saladin. Ce dernier parvient à contrecarrer Baudouin en , notamment à la bataille de Marj Ayoun où Baudouin échappe de peu à la capture, puis à la bataille du gué de Jacob.

Les dernières années de son règne sont difficiles. Après l’indécise bataille de Belvoir en , Baudouin met à nouveau Saladin en échec au siège de Kerak en . Ravagé par la lèpre, il ne peut qu'assister impuissant à la montée des factions au sein de son royaume. À sa mort en , son neveu Baudouinet lui succède sous la régence de Raymond III de Tripoli.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance[modifier | modifier le code]

Le royaume de Jérusalem au milieu du XIIe siècle.

Baudouin naît en 1161, vraisemblablement dans la place forte croisée d'Ascalon, bien qu'il n'existe pas de registre officiel en faisant mention[1]. Il est le fils d'Amaury, comte de Jaffa et d'Ascalon, et d'Agnès de Courtenay, comtesse consort[1], ce qui lui fait appartenir à la maison de Gâtinais-Anjou du royaume de France[2]. L'importance de cette filiation française est cependant à mettre en perspective, car Baudouin est aussi le premier prince à naître de deux parents eux-mêmes nés dans les États latins d'Orient[2].

Peu après sa naissance, son oncle Baudouin III, roi de Jérusalem, accepte de devenir son parrain sur proposition d'Amaury, et lui promet qu'il recevra un jour les rênes du royaume[3]. Le roi meurt sans héritier direct en 1163 ; Amaury lui succède le [1], mais il doit d'abord se séparer de son épouse Agnès, dont il est parent à un degré prohibé[4]. Baudouin est donc privé de sa mère pendant sa petite enfance[5], mais aussi de sa sœur Sibylle, envoyée au couvent Saint-Lazare de Béthanie, sous la garde de sa grand-tante Yvette[2].

Baudouin reçoit une éducation soignée[6]. Au palais royal, il joue souvent aux échecs, aux dés, aux osselets[7]. Excellent cavalier, il porte un attrait particulier pour l'histoire. Il a cependant une légère difficulté d'élocution, comme son père avant lui[8]. A l'âge de huit ans, il fait la connaissance de la princesse byzantine Marie Comnène que son père a épousé. Elle lui donne une sœur cadette, Isabelle[5].

Guillaume de Tyr découvrant les premiers symptômes de la lèpre du jeune Baudouin.

L'année suivante, Baudouin reçoit comme précepteur l'archidiacre Guillaume de Tyr afin d'entamer sa formation en littérature[6],[9]. Ce dernier repère des signes de maladie chez Baudouin, alors qu'il joue avec ses camarades[10]. Le jeu consiste à enfoncer ses ongles dans les bras des adversaires pour les exhorter à dominer la douleur. Tous manifestent leur douleur mais, bien que ses camarades de jeu ne l'épargnassent pas, Baudouin ne ressent rien. Guillaume reconnaît immédiatement le symptôme d'une grave maladie, mais sans pouvoir identifier laquelle[10]. Des médecins sont consultés, tant chrétiens que musulmans, mais en vain[11].

En atteignant l'âge de la puberté, il est finalement diagnostiqué de la lèpre. Les extrémités et le visage sont les parties de son corps les plus gravement touchées[12].

Régence[modifier | modifier le code]

Couronnement de Baudouin IV dans Estoire d'Eracles, par son précepteur Guillaume de Tyr, XIVe siècle.

Le , le roi Amaury meurt après avoir vainement tenté d’empêcher la prise de l’Égypte par le sultan Nur ad-Din[13],[14].

Baudouin est sacré roi de Jérusalem à l'âge de treize ans le [15]. Il est confié à deux régents successifs, le connétable Miles de Plancy, mort assassiné dans une conspiration quelques mois après le sacre, puis le comte Raymond III de Tripoli, cousin de Baudouin et seigneur le plus puissant du royaume[16]. Guillaume de Tyr, l'ancien précepteur du jeune roi, est nommé archevêque de Tyr et chancelier du royaume[17].

Au début de l'année 1175, Saladin, fondateur et premier dirigeant du sultanat ayyoubide ayant succédé à la domination de Nur ad-Din, met le siège devant la ville d'Alep[18]. Les habitants de la ville font appel aux Francs afin d'effectuer une diversion[18]. C'est l'occasion pour Baudouin de mener, à quatorze ans, sa première campagne militaire[19]. A la fin du printemps, il sort de Jérusalem, puis traverse la Samarie et la Galilée[20]. La cible est Damas elle-même, dont l'arrière-pays est pillé puis incendié[21]. L'opération est renouvelée avec succès au mois d'août de l'année suivante[22]. Baudouin IV et Raymond III défont à Ain Anjarr une armée damasquine commandée par Shems ed-Doula Turan Shah, frère cadet de Saladin[23].

Compte tenu de son état de santé, Baudouin n'était certainement pas appelé à vivre longtemps et encore moins à concevoir un héritier[24]. Afin d'assurer la succession du royaume, un mariage est arrangé en 1176 entre sa sœur Sibylle et Guillaume de Montferrat, fils et héritier du marquis Guillaume V[24]. Nommé comte de Jaffa et d'Ascalon après son mariage, Guillaume est pressenti pour devenir roi lorsque Baudouin ne sera plus en mesure d'assumer ses fonctions[24]. Dès le début de l'année 1177, Guillaume tombe néanmoins malade et meurt quelques mois plus tard, laissant la veuve Sibylle enceinte du futur Baudouin V[24].

Règne[modifier | modifier le code]

Affirmation du pouvoir royal[modifier | modifier le code]

Onction de Baudouin IV, roi de Jérusalem, XVe.

En 1177, la régence de Raymond prit fin avec la majorité de Baudouin, alors âgé de seize ans[24]. Il ne ratifie pas le traité signé par Raymond avec Saladin en 1175, mais mène une série de raids dans les environs de Damas et de la vallée de la Bekaa. Il désigne comme sénéchal son oncle maternel, Josselin III d'Édesse, après avoir payé sa rançon. Josselin était son parent mâle le plus proche sans pour autant avoir de revendications sur le trône, ce qui en faisait aux yeux du roi un ami et confident.

Entre-temps, Baudouin préparait une offensive en Égypte. Il envoie Renaud de Châtillon à Constantinople en ambassade auprès de Manuel Comnène, afin d'obtenir l'aide navale de Byzance. Renaud avait récemment été libéré d'Alep, Manuel ayant payé sa rançon puisque Renaud était le beau-père de l'impératrice Marie d'Antioche. Baudouin œuvre également pour la restauration du patriarcat orthodoxe dans le royaume, et pour le mariage de Bohémond III d'Antioche et de sa petite-nièce Théodora Comnène, sœur de la reine Marie. Renaud revient en 1177, et fut récompensé par son mariage avec Étiennette de Milly, ce qui fit de lui le seigneur de Kerak et de l'Outre-Jourdain.

En septembre, le comte Philippe de Flandre débarque à Saint-Jean-d'Acre sous la bannière des croisés[25]. Baudouin propose à son cousin de prendre part à son projet d'invasion de l'Égypte, mais celui-ci refuse, prétextant qu’il était venu à Jérusalem pour effectuer un pèlerinage et non pour commander une armée[26]. Par ailleurs, Philippe sollicite le mariage de ses cousines, Sibylle et Isabelle, héritières potentielles du royaume de Jérusalem, avec deux de ses vassaux[26]. La haute Cour de Jérusalem, offusquée, refuse[26]. Philippe quitte le royaume et se rend à Antioche, où il participe à une offensive stérile contre la ville de Hama[26].

Le triomphe de Montgisard[modifier | modifier le code]

Baudouin IV à la bataille de Montgisard, par Charles-Philippe Larivière, 1842, conservé dans les salles des Croisades du Château de Versailles.

Baudouin est informé que Saladin, ayant appris les déboires du royaume et la présence de Philippe plus au nord, a franchi la frontière égyptienne le et lance son armée en direction d'Ascalon[27]. Pour y faire face, le roi organise ses maigres forces avec celles des quelques seigneurs présents avec lui : Balian d'Ibelin, Renaud de Châtillon, Baudouin d'Ibelin, Renaud Granier, et Josselin III d'Édesse[28]. Il sollicite également un contingent de Templiers en provenance de Gaza à Eudes de Saint-Amand, maître de l'ordre du Temple[29].

Le , l'armée de Baudouin rencontre celle de Saladin dans une bataille près du château de Montgisard[30]. La surprise est totale pour l'armée des musulmans, pour qui la débâcle est rapide, malgré une large supériorité numérique[31]. Malgré la souffrance provoquée par la maladie, Baudouin prend part à la bataille, jusqu'à la tombée de la nuit où Saladin bat en retraite[32].

Baudouin poursuit Saladin jusque dans la péninsule du Sinaï, où celui-ci parvient à s'échapper[33]. Le roi revient finalement à Ascalon, puis à Jérusalem où il est accueilli de manière triomphale[34]. Cette victoire de Montgisard, absolument inattendue, a un énorme retentissement jusque dans les points les plus reculés de la chrétienté, où elle est perçue comme un signe de Dieu[35].

Cependant, cette nette victoire ne change pas considérablement la situation du royaume. Les ressources de Saladin étaient larges, tandis que Baudouin souffrait toujours du manque d'hommes[36]. N'ayant pas les moyens de poursuivre durablement son adversaire en Égypte, il consacre les mois suivants à fortifier la frontière damascène, et ordonne l'érection du Chastelet, une forteresse sur le Gué de Jacob, afin de défendre le passage du fleuve Jourdain[36].

L'année terrible[modifier | modifier le code]

Au début du mois d', Baudouin IV participe à un raid visant à piller les environs de Damas[37]. Au cours d'une chevauchée à hauteur de la ville de Panéas, dans la seigneurie de Banias, le roi et Renaud Granier sont défaits par surprise par le neveu de Saladin, Farrukh-Shâh[38]. Il s'échappent miraculeusement grâce au sacrifice héroïque du connétable Onfroy II de Toron, mortellement blessé alors qu'il combattait aux côtés de Baudouin[39]. Ce dernier est fortement impacté par cette perte[40].

Les ruines du Chastelet en 2008.

Pour répondre à des raids de cavalerie arabe dans les environs de Sidon, Baudouin rassemble en juin une force sous son commandement personnel, aux côtés de Raymond III de Tripoli et de Eudes de Saint-Amand[41]. Baudouin quitte le château de Toron le [41]. Dans un premier temps, son armée défait les troupes de Farrukh-Shâh à la bataille de Marj Ayoun, avant que Saladin n'arrive avec le gros de ses forces et fait tourner le cours de la bataille en sa faveur[42]. L'armée franque est mise en déroute, tandis que Baudouin, Raymond et une partie des croisés parviennent à se réfugier dans la forteresse de Beaufort[42]. Suite à cela, Baudouin réunit ses troupes à Tibériade, où le comte Henri II de Champagne se rallie à lui[43].

Le [44], le Chastelet encore inachevé par Baudouin tombe aux mains de Saladin à l'issue de la bataille du même nom[42]. Le château est rasé et sa garnison de Templiers massacrée[42].

Montée en puissance des factions[modifier | modifier le code]

Mariage de Guy de Lusignan et Sibylle, 1280.

En , Baudouin envoie Guillaume de Tyr auprès de l'empereur byzantin Manuel Ier Comnène pendant plus de sept mois, dans l'objectif d'améliorer les relations diplomatiques entre les deux États[45]. L'opération est un succès, mais l'empereur décède de maladie au mois de septembre, peu après le départ de Guillaume de Tyr[46].

Le royaume est alors traversé par deux courants de pensée : celui mené par Baudouin, qui estime que le royaume ne peut survivre qu’avec une politique de paix relative avec Saladin ; et celui de Guy de Lusignan et des autres croisés nés en Europe, qui ne comprennent pas ou mal cette politique de compromis et souhaitent en découdre avec les musulmans[47]. Les lois du royaume, qui nécessitent que le roi soit accepté par l’assemblée des barons, font que ce dernier parti peut prétendre au trône[48].

Malgré les protestations de Baudouin, le printemps 1180 voit ainsi le mariage de sa sœur Sibylle avec Guy de Lusignan, orchestré par la reine mère Agnès de Courtenay[49]. Des projets précédents consistant à marier Sibylle à Hugues III de Bourgogne, puis à Baudouin d'Ibelin, avaient tous avorté[49]. Guy n'étant que le fils cadet d'un petit seigneur du Poitou, le roi craint que ce mariage de Sybille n'ait été décidé que pour fragiliser son pouvoir[50].

L'allié des Courtenay, Renaud de Châtillon, seigneur d'Outre-Jourdain, rompt la trêve signée par Baudouin avec Saladin en attaquant une caravane arabe au cours de l'été 1181[51]. Baudouin doit se justifier auprès de Saladin et, affaibli par les intrigues, s'abstient de sanctionner Renaud[51]. En représailles, Saladin prend en otage un groupe de mille cinq cents pélerins échoués près de Damiette et réclame la marchandise volée par Renaud ; ce dernier refuse[51]. La reprise des combats semble inévitable pour Baudouin[51].

L'incompréhension du royaume est renforcée par la nomination d'un favori d'Agnès, Héraclius d'Auvergne, au patriarcat de Jérusalem[52]. Le parti des Courtenay et des Lusignan est désormais en position de force face à Baudouin.

Baudouin prend la décision d'envoyer vers Saladin plusieurs ambassadeurs, dans le but de négocier une trêve de deux années à partir de [53],[42]. Saladin accepte, tout en continuant les hostilités envers le comté de Tripoli, État vassal de Baudouin, qui n'avait pas pris part aux négociations[54].

Reprise des hostilités avec les musulmans[modifier | modifier le code]

La situation se tend à nouveau à partir de  : Baudouin ne peut qu'assister impuissant au massacre des Latins de Constantinople, provoqué par la montée en puissance d'Andronic Comnène qui enterre définitivement l'alliance franco-byzantine[46]. Par ailleurs, la période de trêve ayant touché à sa fin, Saladin dirige son armée vers Damas, puis descend en Galilée[55]. L'armée franque vient à sa rencontre devant la forteresse de Belvoir. La bataille est indécise et les deux adversaires revendiquent la victoire[55].

En août, Baudouin gagne Tyr à marche forcée en vue d'organiser la défense du royaume[56]. Le roi ordonne la réquisition des navires du port de Tyr afin d'organiser une flotte capable de tenir tête à la marine égyptienne[57]. Trente-trois galères, pour la plupart originaires des républiques de Gênes, Pise et Venise, sont ainsi lancées vers le nord[57]. La flotte de Saladin tente au même moment le siège de Beyrouth[58]. Baudouin envoie un messager à destination de Beyrouth, informant qu'il arriverait lui-même dans trois jours ; Saladin intercepte le message et préfère se retirer sous la menace du retour de Baudouin[59]. Entrant dans Beyrouth libérée, Baudouin se repose pendant plusieurs jours à Tyr puis à Séphorie, où il compte attendre la fin de l'été[60]. Il mène effectivement un raid en terre musulmane en septembre[61], puis un second en décembre, s'avançant jusqu'aux murailles de Damas[62]. Cependant, il se refuse à assiéger la ville, s'estimant mal préparé et préférant célébrer la Nativité à Tyr[62].

Baudouin IV accorde la régence à Guy de Lusignan, Passages d'outremer, XVe siècle.

Saladin se détourne alors du royaume de Jérusalem au détriment des Zengides ; il prend Édesse, Saruj et Nisibe, tente d'assiéger la ville de Mossoul[63], mais incapable de prendre la ville d'assaut, poursuit son chemin vers Sinjar, Diyarbakir, puis Alep en [64]. Baudouin est alors menacé par un Saladin disposant de plus de ressources que jamais, maître d'un sultanat ayyoubide allant de la Cyrénaïque au fleuve Tigre, et prêt à la reconquête de Jérusalem[63]. Installé à Saint-Jean-d'Acre, Baudouin détache une force de trois cents chevaliers en direction d'Antioche pour la protéger de Saladin, sur recommandation de Bohémond III d'Antioche[65].

Baudouin, dont l'état ne faisait qu'empirer, était désormais presque aveugle et incapable de marcher[66]. Sur les conseils de sa sœur Sibylle et du patriarche Héraclius, il confie la régence du royaume à Guy de Lusignan[66]. En parallèle de ses ordres, Renaud de Châtillon lance secrètement une attaque ambitieuse en direction de La Mecque[66]. Après s'être emparé d’Eilat sur le golfe d'Aqaba, il construit une flotte et mène un raid maritime sur la côte africaine de la mer Rouge[67]. Il poursuit son raid destructeur dans le Hedjaz, et réduit en cendres les flottes musulmanes stationnées à Médine et à La Mecque, contrevenant aux injonctions de Baudouin[67]. La civilisation islamique toute entière est horrifiée par cet outrage, dégradant encore un peu plus les relations de Baudouin avec Saladin[67]. Saladin reprend Eilat et détruisit la flotte de Renaud, qui s'était déjà retiré[67]. En , il envahit de nouveau la Palestine[67].

Une nouvelle fois, Guy de Lusignan convoque l’ost et se porte à la rencontre de l’armée musulmane, qu’il rejoint aux fontaines de Tubanie ; les Francs, en nette infériorité numérique, maintinrent une posture défensive et forcent Saladin à se retirer[68]. Excédé par son attitude, Baudouin entre dans une violente colère, se brouille avec son nouveau régent et le dépose[68]. Avec le soutien de Raymond III de Tripoli, il proclame héritier et successeur son neveu Baudouin V, tente de persuader sa sœur Sibylle d'annuler son mariage, et reprend immédiatement la conduite du royaume de Jérusalem[68].

Règne commun avec Baudouin V et mort[modifier | modifier le code]

Mort de Baudouin IV et couronnement de Baudouin V. Guillaume de Tyr, Historia et continuation, Acre, XIIIe siècle (BNF, Mss.fr. 2628).

En , les Francs célébrent le mariage d'Isabelle et d'Onfroy IV de Toron, à Kerak, lorsque les festivités sont interrompues par l'arrivée de Saladin avec une armée[69]. Des messagers se précipitent à Jérusalem pour implorer l'aide du roi[70]. Considérablement affaibli et désormais alité, Baudouin regroupe les forces qu'il lui reste et parvient à lever le siège[70]. Faisant une entrée triomphale dans Kerak, il reste plusieurs jours afin d'inspecter l'état des fortifications, réparer les dégâts et reconstituer les stocks de vivres, avant de retourner à Jérusalem[71].

Retiré dans son comté de Jaffa et d'Ascalon, Guy de Lusignan brandit toujours la bannière de la rébellion[68]. Plus décomposé que jamais, Baudouin se porte en litière à sa rencontre[72]. Parvenu à Ascalon, le roi se rend compte que les portes de la ville lui sont verrouillées, et somme à trois reprises Guy de lui ouvrir, sans succès[72]. Il rallie donc Jaffa, dont il destitue le gouverneur, un proche de Guy qui avait été nommé par lui[73]. Le patriarche Héraclius d'Auvergne, lui aussi soumis à Guy de Lusignan, excommunie l'ancien précepteur Guillaume de Tyr, acquis à la cause de Baudouin, pour un motif futile ; il le pousse à défendre sa cause à Rome où il mourut, probablement empoisonné[52].

En automne 1184, Saladin revient assiéger Kerak, mais échoua une seconde fois, et dut se retirer à nouveau sous la menace des troupes du royaume de Jérusalem[70]. Guy détenait toujours Ascalon, refusant en bloc l'entrée de la ville aux officiers du roi[70].

L'expédition qui permit de libérer Kerak et les conflits dynastiques avaient particulièrement affaibli Baudouin. Au début de l'année 1185, il proclame ses dernières volontés devant l'assemblée des barons. Son neveu Baudouinet devait lui succéder sous la régence de Raymond III de Tripoli[74]. Ce dernier refuse la tutelle personnelle du jeune Baudouin, qui est confiée à son grand-oncle, Josselin III de Courtenay, et l'enfant est couronné en l'église du Saint-Sépulcre[74].

Baudouin meurt à Jérusalem en à l'âge de vingt-quatre ans[74]. Son corps est déposé dans un sarcophage dans l'église du Saint-Sépulcre[75]. Son neveu Baudouinet lui succède[74].

Héritage[modifier | modifier le code]

Réformes administratives[modifier | modifier le code]

Baudouin IV fut un administrateur doté de bon sens tout au long de son règne[76].

En 1177, dans le cadre de la reconstruction des murailles de Jérusalem, il lève un impôt extraordinaire permettant de les financer ; mais cela est insuffisant pour le royaume qui fait banqueroute[77]. C'est donc la loi de finances qu'il promulgue en , en pleine période de conflit contre Saladin, qui lui vaut sa renommée[78]. Le royaume est divisé en deux circonscriptions fiscales, au nord et au sud d'une ligne allant de la ville de Cayphas à celle de Tibériade[79]. Parmi les dispositions qui sont prises, l'imposition des individus aisés financièrement à hauteur de 2% de leurs revenus déclarés, ainsi que 1% de la valeur de leurs biens ; ces taux diminuent pour les strates sociales inférieures[78]. Cette réforme permet rapidement à Baudouin de lever une armée de plus de deux mille soldats pour faire face à celle de Saladin[80].

Il s'agirait de l'une des premières traces d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune au Moyen-Âge[81].

Reconnaissance par le monde chrétien[modifier | modifier le code]

Dès la première année de son règne en son nom propre, marquée par la victoire éclatante de la bataille de Montgisard, Baudouin jouit d'un immense prestige au sein de la chrétienté[35]. Le prestige de Baudouin est alors comparable à celui des meneurs de la première croisade, Godefroy de Bouillon, Raymond de Saint-Gilles et Tancrède de Hauteville[33].

Cependant, les États pontificaux ne furent jamais vraiment acquis à la cause de Baudouin IV, considérant sa lèpre comme un châtiment de Dieu. En 1180, conscient de la faiblesse grandissante de Baudouin, le pape Alexandre III écrit dans une encyclique à son sujet[82] :

« Cet homme, Baudouin, qui tient les rênes du royaume, a été châtié par un juste châtiment de Dieu, comme nous croyons que vous le savez, et si gravement qu'il peut à peine supporter les supplices que subit son corps. Quel grave dommage, hélas, quelle perte terrible pour les personnes et les biens doit donc subir à cause de ses péchés cette terre »

— Alexandre III, Cor Nostrum

Le règne de Baudouin IV est également celui de la rupture entre le royaume de Jérusalem et l'Empire byzantin. Suite à la mort de Manuel Ier Comnène, initialement favorable aux croisés, la haine des Francs se répand puis atteint un moment paroxystique lors du massacre des Latins de Constantinople[46].

Dans la culture[modifier | modifier le code]

Le règne de Baudouin IV influença grandement les chroniqueurs de son époque. Il fut suggéré que le personnage du Roi Pêcheur dans Perceval ou le conte du Graal, écrit vers l'an 1180, est en réalité une représentation de Baudouin[83].

Sombrant dans l'oubli, le personnage de Baudouin IV est finalement réutilisé par Ridley Scott dans son film Kingdom of Heaven, où il est interprété par Edward Norton. Cette œuvre semble être la toute première à populariser Baudouin comme un roi au masque de fer, qu'il utilise pour dissimuler les blessures infligées à son visage par la lèpre[84]. En réalité, et contrairement à cette idée reçue, Baudouin recouvrait son visage de mousseline blanche, et seulement pour recevoir des ambassadeurs dans les dernières années de sa vie[85].

Ascendance[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Aubé 1999, p. 56.
  2. a b et c Aubé 1999, p. 58.
  3. Aubé 1999, p. 57.
  4. Aubé 1999, p. 60.
  5. a et b Aubé 1999, p. 61.
  6. a et b Aubé 1999, p. 63.
  7. Aubé 1999, p. 62.
  8. Aubé 1999, p. 66.
  9. Aubé 1999, p. 65.
  10. a et b Aubé 1999, p. 67.
  11. Aubé 1999, p. 68.
  12. Aubé 1999, p. 67-68.
  13. Aubé 1999, p. 94.
  14. Grousset 1949, p. 231-237.
  15. Runciman 1987, p. 404.
  16. Aubé 1999, p. 100-105.
  17. Aubé 1999, p. 106.
  18. a et b Aubé 1999, p. 112.
  19. Aubé 1999, p. 115.
  20. Aubé 1999, p. 116.
  21. Aubé 1999, p. 117.
  22. Aubé 1999, p. 119.
  23. Aubé 1999, p. 121.
  24. a b c d et e Runciman 1987, p. 411.
  25. Runciman 1987, p. 414.
  26. a b c et d Runciman 1987, p. 415.
  27. Runciman 1987, p. 416.
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  29. Grousset 1949, p. 621.
  30. Aubé 1999, p. 176-182.
  31. Runciman 1987, p. 417.
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  35. a et b Aubé 1999, p. 189.
  36. a et b Runciman 1987, p. 418.
  37. Aubé 1999, p. 220.
  38. Aubé 1999, p. 221.
  39. Runciman 1987, p. 419.
  40. Aubé 1999, p. 223.
  41. a et b Aubé 1999, p. 225.
  42. a b c d et e Runciman 1987, p. 420.
  43. Aubé 1999, p. 233.
  44. Aubé 1999, p. 234.
  45. Aubé 1999, p. 245.
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  47. Grousset 1949, p. 732.
  48. Grousset 1949, p. 743.
  49. a et b Runciman 1987, p. 423.
  50. Runciman 1987, p. 424.
  51. a b c et d Runciman 1987, p. 431.
  52. a et b Runciman 1987, p. 425.
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  55. a et b Runciman 1987, p. 432.
  56. Aubé 1999, p. 313.
  57. a et b Aubé 1999, p. 314.
  58. Runciman 1987, p. 433.
  59. Aubé 1999, p. 317.
  60. Aubé 1999, p. 318.
  61. Aubé 1999, p. 325.
  62. a et b Aubé 1999, p. 336.
  63. a et b Runciman 1987, p. 435.
  64. Runciman 1987, p. 434.
  65. Aubé 1999, p. 376.
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  84. Kingdom of Heaven (2005) - IMDb Consulté le .
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Personnage de Baudouin IV[modifier | modifier le code]

Romans[modifier | modifier le code]

Films[modifier | modifier le code]

Jeux vidéos[modifier | modifier le code]

Musique[modifier | modifier le code]

  • Le groupe Death in June lui dédie une chanson intitulée Leper Lord dans son album Nada! sorti en 1985.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Biographies[modifier | modifier le code]

Ouvrages généralistes[modifier | modifier le code]

Articles spécialisés[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]