Discussion:Kurt Eisner

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Kurt Eisner faussaire ?[modifier le code]

Voici un extrait du livre d'Alcide Ebray, La paix malpropre :

"L'aveu le plus caractéristique relevant de cette dernière catégorie a été ce qu'on a d'abord appelé le ‘‘document Lerchenfeld’’, et qu'on doit désormais appeler le ‘‘faux Eisner’’. Kurt Eisner, l'auteur de la révolution bavaroise et le premier président du conseil de la Bavière républicaine, prétendant que la connaissance de toute la vérité aiderait à la réconciliation des peuples, fit publier, dans l'officielle Bayrische Staatszeitung du 26 novembre 1918, le prétendu ‘‘document Lerchenfeld’’.

C'était un rapport que le comte Lerchenfeld, ministre de Bavière à Berlin, avait adressé à son gouvernement, le 18 juillet 1914, au sujet de la crise issue du conflit austro-serbe. Ce document était compromettant pour le gouvernement impérial. Car il en ressortait qu'il avait poussé l'Autriche à faire la guerre à la Serbie, sachant qu'il en résulterait une guerre générale, et sans rien faire pour l'éviter. Le ‘‘document Lerchenfeld’’ fut donc amplement exploité par les ennemis de l'Allemagne. La commission des responsabilités de la Conférence de la paix, et M. Barthou dans son rapport, en firent état pour prouver la culpabilité de l'Allemagne.

Or ce document était un faux, en ce sens que Eisner y avait supprimé une partie importante du texte, celle d'où il résultait que le gouvernement impérial ne croyait pas à une guerre générale, et avait même fait son possible pour localiser le conflit entre l’Autriche et la Serbie. En outre, sans doute pour donner plus d'autorité à ce document tronqué, Eisner l'avait attribué au comte Lerchenfeld, alors qu'il était en réalité de M. de Schoen, conseiller de la légation.

En 1922, cet incident eut son épilogue à Munich, M. Fechenbach, ancien secrétaire de Kurt Eisner, ayant poursuivi des publications qui l'avaient accusé de complicité dans la falsification du document. A cette occasion, le tribunal prit connaissance de l'avis d'experts allemands et étrangers, auxquels on avait posé cette question : – Se trouvait-on en présence d'un faux, et ce faux avait-il eu des conséquences dommageables en ce qui concerne la conclusion de la paix ? L'avis de l'expert français, M. Edouard Dujardin, professeur à la Sorbonne, se terminait ainsi : "... Après avoir reproduit intégralement tous les passages du rapport de M. de Schoen concernant la participation du gouvernement allemand dans la note qui allait être remise à la Serbie, la personne qui a publié le rapport de M. de Schoen dans la Bayrische Staatszeitung a supprimé, entre autres passages, non pas certains verbiages diplomatiques dont la suppression aurait pu se comprendre à la rigueur, mais précisément les passages capitaux où le gouvernement allemand était représenté comme décidé, d'une part, à limiter le conflit, et, d'autre part, à s'abstenir de toute mobilisation de ses troupes et à agir sur l'Autriche pour que celle-ci s'abstînt d'une mobilisation générale. Cette personne n'a donc pas commis la falsification qui consisterait à changer un mot, mais elle a commis celle, infiniment plus grave, qui consiste à fausser le sens d'un témoignage en en supprimant une partie essentielle. Ce n'est pas le mensonge naïf du gamin, c'est la fourberie d'Escobar.
En résumé, mon avis est que le texte tel que l'a publié la Bayrische Staatszeitung est l'une des falsifications les plus évidentes et les plus scélérates de l'histoire."

Kurt Eisner, l'auteur de cette falsification, était-il un « scélérat » ? S'il a sacrifié délibérément l'intérêt de son pays à celui de son parti, c'était un traître, mais, - circonstance atténuante, - un traître par fanatisme, donc à peu près irresponsable. S'il a cru que l'Allemagne, en plaidant coupable, obtiendrait l'indulgence de ses ennemis, c'était un homme stupide, et l'événement le lui aura fait comprendre à lui-même. Quoi qu'il en soit, on n'a pas voulu tenir compte, dans les pays de l'Entente, de la révélation du faux, et l'on a continué à y parler des aveux de Kurt Eisner."

(Alcide Ebray, La paix malpropre, Milan, Società editrice « Unitas », Viale Piave, 12 (Già Monforte), 1924, pp. 22-23.)

Ponsonby dit la même chose, plus brièvement :

« A famous case of falsification was the report issue by the Kurt Eisner revolutionary Government in Munich in November 1918 which purported to give the text of a dispatch from the Bavarian Minister at Berlin. As published, this report showed the German Government cynically contemplating the explosion of world war as the result of Austria's proposed coercive measures against Serbia. The incident gave rise to a libel action. Twelve foreign authorities examined the document, and all of them came to the conclusion that there had been falsification. The French Professor of the Sorbonne, M. Edouard Dujardin, declared:

"I am of opinion that the text such as published by the Bayerische Staatzeitung is one of the most manifest and most criminal falsifications known to history."

The full text showed that the German Government was contemplating not a world war but a localized war between Austria and Serbia. »

(Arthur Ponsonby, Falsehood in War-time: Propaganda Lies of the First World War, 1928, George Allen and Unwin)

Qu'en est-il ?
Marvoir (d) 14 octobre 2009 à 21:56 (CEST)[répondre]

Voici maintenant une défense de Kurt Eisner, parue dans le Flambeau (Bruxelles) en 1922 :

« Le " faux Eisner ".

Eleuthère. — J'ai vaguement entendu parler de cette affaire. Un tribunal allemand aurait convaincu de faux le défunt Kurt Eisner et presque justifié son assassinat. Mais je n'attache pas plus d'importance à ces fantaisies qu'à la littérature radico-socialiste sur « Poincaré-la-Guerre ». C'est drôle, mais c'est si loin de l'histoire!

Gallion. — C'est de la politique, mon cher, et de la plus dangereuse. Il faut la suivre. Devant le Volksgericht de Munich vient de se plaider un procès-symptôme: le secrétaire de Kurt Eisner, président du Conseil de la Bavière révolutionnire, contre Prof. Dr. Cossmann et consorts. Le secrétaire s'appelle Fechenbach. Il avait porté plainte pour calomnie, Cossmann et les autres l'ayant accusé de faux. Eisner, vous le savez, voulait désolidariser l'Allemagne nouvelle d'avec l'Allemagne impériale. Il somma les Affaires étrangères de Berlin de publier leurs dossiers. Comme Berlin refusait, il entra aux archives de Munich, y prit à poignées les documents accusateurs, et les jeta à la foule. Il donna surtout le rapport d'un chargé d'affaires bavarois à Berlin, M. von Schoen. Entre parenthèses, il l'attribua au comte Ler- chenfeld, mais l'erreur fut tout de suite réparée. Seule- ment, Kurt Eisner ne publia pas ce texte in-extenso. Il choisit les passages les plus caractéristiques. On s'en est avisé récemment. Depuis lors, c'est chose démontrée pour tous les Allemands, les démocrates comme les autres, qu' Eisner fut un « empoisonneur de sources ». Au procès de Munich, de soi-disant experts l'affirmèrent, et les juges « coulèrent » cette affirmation en forme de jugement. Les journaux de la guerre en manchettes cli- chèrent une rubrique du « faux Eisner ». Le traité de


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Versailles était par terre, puisque l'article 1 er reposait uniquement sur le rapport Schoen.

Eleuthère. — Votre opinion, là, entre nous?

Gallion. — Mon opinion? Voici une des phrases du rapport von Schoen qu'Eisner a jugé bon d'omettre: (( L'attitude des autres puissances vis-à-vis du conflit austro-serbe dépend essentiellement du point de savoir si l'Autriche se contenterait d'un châtiment de la Serbie ou réclamerait pour soi des compensations territoriales. Dans le premier cas on réussirait à localiser la guerre, dans le cas contraire de graves complications sont inévi- tables. » Eisner a pareillement négligé des phrases comme celles-ci : « La Russie n'interviendra pas, aussi longtemps que l'intégrité territoriale de la Serbie ne sera pas mena- cée ». « L'Angleterre ne bougerait que s'il était question de démembrer la Serbie », etc.. Les experts soutiennent que M. von Schoen montre Berlin préoccupé de localiser le conflit. Or, M. von Schoen, qui admet que la locali- sation serait impossible en cas de démembrement de la Serbie, examine complaisamment — dans des passages supprimés, eux aussi, par Eisner — trente-six projets de partage de la Serbie. Vous voyez que les omissions d' Eisner, en somme, profitaient surtout à la Wilhelm- strasse.

Eleuthère. — Je croyais qu'Eisner avait « altéré » aussi des textes relatifs à la neutralité belge?

Gallion. — En effet, il a oublié, le gredin, le rapport Lerchenfeld, du 5 août 1914, qui nous apprend que « Moltke a énergiquement déconseillé d'acheter la neutra- lité britannique en respectant la neutralité belge... »

Eleuthère. — Voyons, soyez sincère. Ne ressort-il pas, tout de même, de ce procès bavarois, que le gouver- nement impérial n'a pas systématiquement, obstinément, exclusivement désiré, préparé, provoqué la guerre mon- diale? Ne croyez-vous pas qu'à de certains moments, certains Boches, moins féroces qu'on ne l'a dit, sou-


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haitaient une petite guerre, hermétiquement localisée, ou même une opération de police sans bruit et sans mas- sacre?

Gallion. — Je vous le concède. On aurait voulu régler leur compte aux Serbes, sans que l'Europe s'en mêlât. On eût préféré à une guerre contre la Russie et la France, une guerre contre la Russie toute seule. On aurait volontiers occupé Paris, sans s'attirer une mauvaise affaire avec les Anglais. Du moins, quelques bons Allemands, les modérés, bornaient ainsi leurs des- seins. Kurt Eisner n'a pas mis en lumière les raison- nables propos de ces justes, de ces sages. Vraiment, vous faites trop d'honneur aux juges de Munich, en prenant au sérieux leurs puérils considérants. Ils ne m'intéressent que par leur impudence. J'aperçois une tentative qu'il importe de dénoncer. C'est un symptôme de rébellion, vous disais-je. Ce jugement de Munich, tout absurde qu'il est, passera dans les manuels d'histoire. L'an prochain, on l'enseignera dans les écoles rhénanes, si nous ne pour- suivons là-bas une urgente épuration. C'est pourquoi, allons dans la Ruhr, et chassons de la Rhénanie les fonc- tionnaires, les instituteurs, les Schulràte et les Landrâte prussiens. »

(Le Flambeau, vol. 3, Bruxelles, 1922, pp. 108-111. Trouvé sur : http://www.archive.org/details/1922leflambeau02bruxuoft Le format pur texte est bon.)
Marvoir (d) 15 octobre 2009 à 18:01 (CEST)[répondre]