Discussion:Tekrour

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Quelques repères sur l’origine des termes : «  Tekrur » ("Tekrour"), « Takrur », « Tukloor », « Haalpulaar »[modifier le code]

par Niang Oumar

D’où vient le terme « Tekrur » ou « Takrur » qui a donné « Tukloor » en Wolof, avant de devenir, plus tard, « Toucouleur» en Français ? Ceux qu’on appelle ainsi se reconnaissent, eux-mêmes, sous l’appellation : « Haalpulaar », voulant dire littéralement : « ceux qui parlent Pulaar », langue avec laquelle ils entretiennent une forte identité.

Les « Haalpulaar »

Les « Haalpulaar » vivent majoritairement dans la moyenne vallée du fleuve « Senegal » (Sénégal) dans le « Fuuta Tooro », un vaste espace regroupant plusieurs entités territoriales : le « Dimat » ou « Dimar », le « Tooro », le « Halayɓe », le « Law », le « Bosseya », le « Yirlaaɓe », le « Damga » et le « Ngenaar ». Parmi ces différentes provinces du « Fuuta », le « Tooro » occupe une place à part, car, historiquement, il fait partie de l’un des plus anciens et importants royaumes du « Fuuta », ce qui justifie l’appellation : « Fuuta Tooro ».

« Tukloor » / « Tekrur »

Au Sénégal, comme on le sait, les « Haalpulaar » sont les « Tukloor ». Ce terme, qui vient du « Wolof », évoque leur passé historique, celui qui les relie au royaume « Tekrur » ou « Takrur », dont ils étaient les plus importants et anciens habitants. Le « Tekrur » ou « Takrur » est l’un des premiers royaumes a émergé dans l’espace sénégambien vers le 12ème siècle. Il est contemporain de l’empire du Ghana « Gana ». Il était situé dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal (« Senegal »), dans une zone fertile riche en pâturages, en récoltes abondantes, en eaux poissonneuses. Il était également le centre d’activités économiques liées au commerce de l’or, de la gomme arabique. Il réunissait en somme toutes les conditions pour être un véritable lieu de passage et de brassage ethnique entre : « Serer », « Wolof », « Fulɓe », « Soninke », etc., des peuples qui ont vécu des siècles durant l’espace tekrurien, où ils ont développé des liens historiques, culturels et linguistiques très étroits. Encore aujourd’hui, chez les Haalpulaar, cette diversité ethnique très composite qui s’est constituée à l’époque du Tekrur s’est maintenue au fil des siècles. Elle est toujours d’actualité. Dans le terme « Haalpulaar, contrairement aux idées répandues, la référence au « Pulaar » n’est pas le fruit du hasard, elle traduit un profond attachement de ce peuple à cette langue à la base de son identité ethnique, culturelle et historique.

Origine du terme « Tekrur » ou « Takrur »

D’où vient le terme « Tekrur » ou « Takrur » ? A ce sujet, beaucoup d’hypothèses sont avancées. Les plus en vogue font remonter l’origine du mot « Tekrur » à la forme « Takarir » utilisée par les maures arabo-berbères. Nous pensons que cette hypothèse n’est que partiellement vraie, car elle ne permet pas de rendre compte de la formation exacte à l’origine du terme « Tekrur » ou « Takrur ». Nous pensons que la formation du mot « Tekrur » ou « Takrir » associe en réalité les noms des deux plus anciennes provinces du Fuuta : « Law » + « Toor », car, de leur association, on obtient : « Takroor » / Tak-roor /, avec la forme « Tak » qui est variante de « Law », tandis que « roor » est la base qui évoque le nom de l’ancien royaume « Tooro » (Toor-o) (pour plus de détails, voir plus loin notre analyse des termes « Law » et « Tooro »).

On rappelle que le terme associé au nom « Fuuta » a été institué avec l’arrivée des Koliyaaɓe au 16ème siècle, une dynastie peule d’émanation Bafur (empire du « Gana »). Ils pratiquaient le culte Caamaaba (Mythe Caamaaba). Leur chef, de patronyme Bah, était un « Silatigi » (titre réservé au « grand initié »), son patronyme rappelle l’élément « Ba » contenu dans « Bafur », où l’on retrouve également la base « fur » formant le mot « Fuuta », mais également celui de « Fulɓe » (cf, Niang 2018).

Or, avant le « Fuuta », il y avait le « Namandiru », c’était « l’Ancien Fuuta » évoqué par beaucoup de sources traditionnelles : Kane, Soh, Kamara. Nous pensons que le nom du royaume « Namandiru » est en rapport avec la formation du mot «  Tekrur » ou « Takrur » utilisé par les arabo-berbères.

Ndaw / Namandiru

Historiquement, le « Namandiru » a été administré par les Ndaw, un clan d’origine « serer ». Or, morphologiquement, la formation du nom du royaume « Namandiru » se fait à partir du patronyme « Ndaw » dont elle est obtenue par permutation (cf Niang 2018). En effet : c’est la voyelle « a » qui permute à l’initiale pour donner « Na », suivie de la labiale « w », cette dernière se dissimile en « m » pour donner /Nama+ /ndir/ (issu de l’initiale « nd »). Les « Ndaw » apparaissent comme étant les principaux membres fondateurs du royaume qui porte leur nom : le « Namandiru ». Le « Fuuta » actuel, tel que nous le nous connaissons, a été en grande partie érigé sur le fondement de cet ancien royaume à dominante « Serer ».

'Ndaw / Law / Namandir'

Les « Serer » du clan « Ndaw » ont marqué l’histoire du « Fuuta », leur influence se retrouve encore aujourd’hui dans la plupart des noms de localités ou de provinces qui attestent de leur ancienne présence au « Fuuta ».

Lao / Law/ Ndao/ Ndaw

Le « Law » est une des provinces du « Fuuta ». Son nom vient de la dynastie « Lawar » (Law-ar) d’origine « serer ». On remarque que « Lawar » se rapporte à « Laman » qui fait référence au titre porté par le « Chef spirituel et propriétaire terrien » en milieu traditionnel « serer ». C’est aussi un ancien titre royal « serer ». Ces deux termes « Lawar » et « Laman » présentent des formes qu’on retrouve dans la première partie du radical de « Naman-dir ». Ce qu’on remarque surtout, c’est que « Law » est issu de « Ndaw », c’est ce dernier qui donne « Lawar », mais aussi « Gannar », par permutation. Les « Wolof » appellent d’ailleurs « Fuuta » par le terme « Gannar ». On note aussi que le nom « Law » évoque la formation du royaume « Tekrur » ou « Takrur ». En effet, c’est la base « Law » issue de « Ndaw » qu’on retrouve dans la première partie du radical formant le nom du royaume « Tak-rur », car, en langue « serer » (langue apparentée au « pulaar »), la labiale « w » peut varier en « k » c’est ainsi que « Ndaw », dont l’équivalent est «  Jaw » chez les « Haalpulaar », donne aussi « Njak » comme variante. Chez les « Fulɓe », le patronyme correspond est « Jah » (avec une variation de « h » en « k »). C’est donc cette base « law », dans un contexte d’association « Law + rur », qui donne : « Takrur » (cette association s’accompagne évidemment d’une transformation consonantique à l’initiale avec « l » qui varie en « t », deux consonnes de même ordre phonétique). Il est aussi fort probable que les « Lawɓe », à l’origine, soient une émanation de cette ancienne dynastie « serer » « Lawar » qui a fondé le « Law » et qui subsiste encore aujourd’hui sous forme de caste. Le titre porté par leur chef « Malaw » ( Ma-law) rappelle le nom de la province « Law » .

Le « Tooro »

Dans le terme « Takrur » que nous découpons de la manière suivante : « Tak-rur », nous pouvons distinguer la base « rur » qui sert à former le nom du royaume « Tooro ». En effet, c’est la base « rur » qui donne « Toor-o ». La base « rur » se retrouve également dans le nom du royaume « Naman-dir », car, on dit aussi « Takrir ». Historiquement, le Tooro a été un royaume puissant dominé par les « Seɓɓe ». Son souverain portait le titre « Laam » ou « Lam Tooro ». Or, le terme «  Laam » ou « Lam » est issu de la base « law » en lien avec la dynastie serer « Lawar ». C’est cette base « law » qui donne par permutation «  Mad » qui signifie «  roi » en Serer. Le terme « Laam » ou « Laam-ɗo » en « pulaar » est encore plus apparent à travers « Laman », ancien titre royal d’origine « serer ».

Actuellement, chez les Haalpulaar, cette origine « Serer » subsiste toujours, on peut même dire qu’elle persiste à travers la caste : « Seɓɓe » (Seɗ-ɓe) » (au pluriel) et « ceɗɗo » (singulier). Ces deux mots ont une formation issue du mot « Serer » (Ser-er ), plus précisément de sa base « ser- » qui est ici soumise à une double alternance, d’abord, à l’initiale, avec « s » qui varie en « c », puis, à la finale, avec « r » qui varie en « ɗ ». Le « Laam Tooro » était du clan « Sal ». Ce patronyme « haalpulaar » renvoie au titre « Saltige » (Sal-tige) d’origine « serer », titre réservé aux « grands prêtres initiés ». Il est également connu des Fulɓe sous la forme « Siratigi » ou « Silatigi ». Les « Ceɓɓe » (Seɗ-ɓe) (donc « Serer ») représentaient la caste régnante. Cette caste guerrière a perdu de sa puissance, son pouvoir a décliné au profit de la nouvelle élite religieuse représentée par les « Tooroɓɓe » (Tooroɗ-ɓe) (leur nom est une réduplication obtenue à partir de « Toor » en « Tooror », ce radical est issu de la base « rur » contenue dans « Tek-rur »).

En effet, les « Serer » ont commencé à quitter le « Tekrur » vers le 10ème siècle. Ce mouvement migratoire a coïncidé avec les invasions almoravides (une coalition arabo-berbère). C’est le début de l’islamisation des populations tekruriennes. Les « Serer », connus pour leur attachement profond au culte des anciens, ont préféré prendre la route de l’exode. C’est ainsi qu’ils vont quitter progressivement les rives du fleuve Sénégal. D’ailleurs, le nom « Senegal » évoque le « Dieu » Serer  : « Rog sene », qui, par permutation, donne « sene » + « gor », puis « Senegal » (cf Niang 2018).

Dans le mot « Sene-gal », on retrouve : « Cen-a-ba », une autre désignation de l’animal mythique « Caam-aaba ». Toujours dans le mot « Sene-gal », l’élément « gal » renvoie à « Rog » qui évoque « la grandeur ». D’ailleurs, au Fuuta, le fleuve « Sénégal » est appelé : « Maayo mawgo », le mot « mawgo » signifie « grand », il a une construction en référence à l’élément « gal » contenu dans le mot « Sene-gal ». En langue Pulaar, « NGAL » correspond à la classe nominale pour exprimer la notion de « grandeur ». Or, chez les Serer, on retrouve cette même valeur dimensionnelle qui associe le Dieu « Rog » à « l’immensité ».

Sous la direction de leur « Laman », chef spirituel et religieux, les Serer vont entamer un long processus de migration qui les conduira sur les rives actuelles du « Sine » et « Saloum » qui deviendront leurs royaumes. Le nom du royaume « Sine » « fleuve sacré » évoque le fleuve « Sene-gal ». Nous pensons que ce clan « Ndaw » a eu une grande influence dans le « Namandiru » et que cette influence s’exerçait même bien au-delà des frontières du « Tekrur ». Elle s’étendait sur des tribus berbères comme les « Zenega », car leur appellation vient du « Senegal », qui évoque le nom du Dieu serer : « Rog Sen » ou « Rog Sene ».

Tekrur/ Takarir/ Kowri

Les Maures arabo-berbères appellent généralement les « Noirs » sans distinction par le terme : « Kowri ». Nous pensons que ce dernier a une formation issue du mot « Tekrur », que nous découpons en « Te-krur », c’est sa dernière partie qui est contractée en « Kwr », ce qui donne « Kowri », « Kwar », « Kawar ». Dans le terme « Kawar », on retrouve « Lawar » (mais aussi Gannar) qui évoque cette ancienne dynastie « serer » dans le « Fuuta ».

Podor wuro Njaak

Le nom de la ville « Podor » est associé à l’ancien royaume « Tekrur », à son histoire. Cette ville est considérée par certains comme la capitale du « Tekrur ». Là, aussi, l’influence « serer », surtout à travers le clan « Ndaw », est indéniable. En effet, la formation du mot « Podor » est obtenue à partir du terme « Ndaw », avec la labiale « w » qui permute à l’initiale et se dissimile en « p », suivie de la voyelle « a », ce qui donne « Pador », puis « Podor » (car il y a une harmonisation vocalique dans le radical, puisqu’en Serer « or » est locatif (comme en « pulaar »), beaucoup de localités « serer » se terminent par : « -or ».

Contrairement aux idées répandues, « Podor » ne signifie pas le « pot d’or » qu’on attribue aux Français. Cette légende a été alimentée par les traditions locales faisant état de « l’or » caché par les « Serer » dans les environs de « Podor » lorsqu’ils ont commencé à migrer vers le Sud. Au-delà de cette anecdote, les traditions locales sont cependant unanimes pour reconnaître que « Podor » est par excellence « Wuro Njaak » « village » ou « localité » des « Njaak » qui sont des « Serer ». Le nom de ce clan « Njaak » est une variante du patronyme « Ndaw ». Le patronyme « Ndaw » subsiste toujours chez les « Haalpulaar » sous la forme : « Jaw », «  Jak », « Njak » ou« Njac ». La variante « Jak » est proche du patronyme fulɓe « Jah ». Encore aujourd’hui, dans le contexte fuutanke, le clan des « Jah » est très proche de celui des « Njac » ou « Jak », « Njat », mais également des « Njay » (variante wolof du patronyme Ndaw), ils sont tous unis par le « denɗiraagal », du fait de cette ancienne origine commune. Effet, linguistiquement, le patronyme « Ndaw » est en lien avec le patronyme Fulɓe « Jah », car, c’est la présence de la prénasale « N » associée à l’alvéolaire « d » qui tend à palataliser cette dernière en « J », d’où la forme du patronyme « Jaw » chez les Haalpulaar, « Jah » chez les (Fulɓe), « Njaay » chez les (Wolof) des variantes proches de : « Jak », « Njak », « Njac », « Njat ». Toutes ces formes patronymiques se construisent en référence à « Ndaw », car ce dernier a une dimension mythique (voir plus loin).

Podor / Duwoyra / Duwe

Les Maures arabo-berbères appellent « Podor » par le terme « Duwoyra ». Nous pensons que cette appellation est liée à l’un des affluents du Fleuve « Sénégal » qui est « Duwe » (Doue). Dans le mot « Duwoyra », on retrouve « Duwe ». C’est un affluent du « Senegal » important dans la mythologie « fulɓe », car certaines traditions au Fuuta considèrent que le Serpent mythique « Caamaaba » se serait d’abord jeté dans le « Duwe » avant de rejoindre le fleuve « Senegal » (Sénégal).

Duwe / Dubbaango /ɓogge

A partir de « Duwe », c’est la gémination de « w » en « bb » dans le radical qui permet de construire « Dubb-aango ». Le terme « Dubbaango », c’est le nom que reçoit « Bogge » (« ɓogge ») et ses environs. Il est couramment utilisé par les Maures arabo-berbères. « Duwe » donne aussi « Demet » des « Halayɓe » (avec la voyelle « e » qui permute dans le radical (à la place de « u »), puis la labiale « w » qui se dissimile en « m », tandis que « d » permute en finale (sous sa forme non-voisée en « t »), d’où « Demet ».

Le nom de la ville de « Bogge » (« ɓogge ») est issu de « Dubbaango » : (Du)-bbaango, précisément, à travers sa partie « -bbaango » avec la voyelle finale « o » qui permute à l’initiale du radical (à la place de la voyelle « aa »), cette permutation a pour effet de reporter la gémination en position finale, d’où « Bogge » (« ɓogge »). Le nom du village «  Dubunge » évoque aussi « Dubbaango » comme celui de « Tulde Dubaango ». Le nom de la localité « Ba Kaw » est issu, lui aussi, de « Du-bbaango ». Les habitants de « Bakaw » font partie des « Purinaaɓe », avec le radical « pur » issu de la base « Dub » qui, par inversion, donne « Puri ». Toutes ces localités ont des noms qui les relient au mythe « Caamaaba » à travers l’affluent « Duwe ».

D’après l’historien Amadou Oumar Dia, les premiers occupants des localités « Halayɓe » sont les « Dubenaaɓe » (Dub-enaaɓe). Dans cette appellation, on retrouve évidemment le radical associé à l’affluent « Duw-e ». Comme on le verra plus loin, d’autres localités ou provinces du « Fuuta » ont également un lien avec cet affluent mythique du « Senegal ». Parmi les « Halayɓe » de « Demet », on compte les « Lam », leur patronyme est étymologiquement relié à celui des « Ndaw » dont il est issu. Les « Lam » sont détenteurs de « Kolaaɗe ». Selon une légende toujours en cours, c’est le « Goral lamlamuwal » qui aurait défriché ces « Kolaaɗe » « grands domaines de terre ». Cette légende n’est pas dénudée de fondement, car, les « Laman » sont aussi de « grands propriétaires terriens » en milieu « serer ». Leurs alliés sont les (Wagne), ce patronyme pourrait être aussi d’origine « serer », issu de « Ndaw » dont il est obtenu par inversion (comme le patronyme « Wan » ). Le patronyme « Jiggo » est, quant à lui, formé à partir de « Duwe » mais à travers sa variante « Dimar ou Dimat » (voir plus loin).

Le nom de la localité de « Sara Ndoogu » est associé à « Roog », « Dieu serer », le ciel est son royaume céleste. En « Pulaar », le mot « Ndoongu » désigne « le ciel dans sa partie horizontale ». Dans le mot « Ndoongu », on retrouve « Ndoog » qui renvoie à « Roog ». Le terme « Ndoongu » donne aussi le patronyme « Ndongo ». Ces localités, à travers leur toponymie, attestent de cette ancienne présence « serer » dans le Fuuta au temps du Tekrur. De nos jours, consciemment ou inconsciemment, cet héritage millénaire se perpétue sous nos yeux. L’exemple le plus frappant est le nom que porte l’Association « Jammi Kume », qui regroupe la jeunesse de la ville de « Bogge ». Or, dans cette appellation « Jammi Kume », on retrouve le mot « Jammi » « tamarinier » avec une base lexicale issue de « Jaw » laquelle est reliée à « Ndaw » comme variante, tandis que « Kume » rappelle « Kumen », le Berger mythique de « Caamaaba ».

Duwe / Dimar / Jum

Le « Duwe », comme affluent du Sénégal, coule jusqu’à « Dimar » (Dimat), une autre province du « Fuuta ». Là aussi, l’affluent « Duwe » prend le nom « Dimar », d’où le nom de la province. De la forme « Dimar » ou « Dimat » issue de « Duwe », on peut dériver le patronyme « Jiggo », car c’est la labiale « w » à travers sa variante « m » qui gémine en « gg », d’où « Jiggo ». Le nom « Dimar » ou « Dimat » rappelle celui de « Demet », leur lien, c’est bien sûr l’affluent « Duwe » dont ils sont obtenus par dérivation. Ce même affluent « Duwe » prend aussi le nom « Jum » (Dioum). C’est aussi un patronyme. Plusieurs localités ou provinces du Fuuta ont des noms qui évoquent le mythe Caamaaba. C’est ainsi que le nom associé à la province « Damga » a un radical « Daw » en référence au culte de Ndaw. Le nom « Ngenaar », autre province du Fuuta, à travers son radical, évoque « Geno ». Le « Yirlaaɓe » avec leur Arɗo Ngiril (Ng-ir-il) fait référence à « Ilo » frère jumeau de « Caamaaba ». Le « Tooro » comme le « Law » font également référence au mythe « Caamaaba » à travers le culte de « Ndaw ».

Le Tekrur / Namandiru / le culte de « Ndaw »

Nous pensons que le clan « Ndaw » fondateur historique du royaume « Namandiru » a eu une grande influence non seulement dans la formation et le peuplement de l’Ancien « Fuuta », mais également dans l’émergence et la pratique de certaines croyances religieuses traditionnelles fondées sur le culte de « Ndaw ».

« Faddundu ndaw »

En effet, le clan « Ndaw », par son patronyme, est relié au culte « Ndaw » connu des « Fulɓe » à travers le pentagramme « Faddundu ndaw ». Dans la cosmogonie « Fulɓe », il est question d’une étoile représentée symboliquement sous la forme d’un pentagramme, une étoile à cinq branches, qu’on appelle « Faddundu ndaw ». Cette Etoile mythique et symbolique est mentionnée par Hampate Ba. Or, dans le terme « Faddundu ndaw », on identifie clairement le mot « Ndaw » qui signifie « autruche », cet animal est symboliquement associé au clan « Ndaw », à leur patronyme. Les Ndaw entretenaient sans doute un lien sacré avec cet animal mythique.

Ndaw/ Fulɓe Fadduɓe / Jah Ogo

Selon plusieurs historiens, dont Oumar Kane, les « Serer » du clan « Ndaw » ont administré le « Namandiru » avec les « Jah Ogo », première dynastie « Fulɓe ». Les « Jah Oogo » sont communément appelés par le terme « Fulɓe fadduɓe » (voir Oumar Kane). Or, sur le plan linguistique, le terme « fadduɓe » a lien évident avec le mot « faddundu » associé au clan « Ndaw » et à l’animal mythique « l’Autruche ». Ce qu’on remarque surtout, c’est que, c’est le terme « Ndaw » qui, par permutation, permet de former le radical « fadd ». Dans les croyances mythiques « Fulɓe », le « Ndaw » est un animal sacré. Il est doté de pouvoirs magiques, car ses empreintes s’apparentent à une étoile à cinq branches, ce qui lui confère un caractère sacré, magique et protecteur (d’où l’expression : « mi faddini hooram »). Cette étoile à cinq branches symbolise l’univers à travers ses quatre points cardinaux : « Fuɗ-naange », « Hir-naange », « Rewo » et « Worgo » et la dernière pointe haute de l’étoile représente l’Univers céleste, le domaine du Dieu créateur : « Geno ».

Ndaw / « Dawaa »

Le fait que « Ndaw », comme animal mythique et sacré, soit associé symboliquement à une étoile à cinq branches, nous permet de faire le rapprochement avec une autre étoile connue des anciens qui est « Dawaa » : c’est « l’Etoile la plus brillante » encore visible dans le ciel au petit matin, la dernière à disparaître avant le lever du Soleil. On remarque que les termes « Ndawaa » et « Ndaw » sont morphologiquement identiques et sémantiquement reliés. Ce qui laisse supposer que le nom du royaume « Namandiru » pourrait évoquer le culte du « Ndaw » et que ce culte serait en rapport avec l’Etoile « Dawaa ».

Ce culte devait être largement pratiqué dans le « Tekrur », ce qui explique que ce dernier pouvait être aussi apparaître sous le nom de « Namandir », car dans la formation du nom du royaume « Nama-ndir », on retrouve, en effet, dans la première partie du radical : « Dawaa ». Dans « Nam -a-ndir », on retrouve aussi « Tak-rur » ou « Tak-rir », où, précisément, c’est « k » en tant que variante de « w » qui se dissimile en « m ». Cette Etoile « Dawaa » est traditionnellement reliée à l’expression « Gila Dawaa dawi ». A l’origine de cette expression, on trouve le mot « Dawaa » qui désigne l’Etoile « matinale », la dernière encore visible dans le ciel avant de disparaître, d’où le sens du verbe « daw-de » qui signifie « partir tôt », au moment où l’étoile point encore à l’horizon. Ce verbe est relié à l’intensif « law » qui rappelle le nom de la province « Law ». L’Etoile « Dawaa » sert de guide, de point de repère, d’orientation, car elle indique la « voie », d’où « laawol » (laaw-ol) où l’on retrouve la racine « Law » en relation avec les termes « daw » et «  Dawaa ».

En Wolof, le mot équivalent est « yoon » « voie ». Or, ce mot fait référence à une autre étoile connue et sacrée pour le peuple Serer : c’est l’Etoile « Yoonir » (Yoon-ir) « compagnon », où l’on retrouve « Yoon ». On remarque que le terme « Yoonir » d’origine « serer » a une construction morphologique qui évoque clairement le mot « hoodere » (hood-e-re), qui, en pulaar, signifie « étoile ».

Dans le terme « Namandir » issu de « Ndaw », on retrouve également la base servant à former le prénom « Hamadi » porté par l’ainé en milieu Haalpulaar avec comme valeur affective : « Amar » ou « Amaa », «  Malal », « Mali », « Malaw » ou (Malabbo). Avec le terme « Ndaw », on peut également former, par permutation, « Mad » qui désigne un titre royal serer . Le titre royal « Dam-el » (Wolof), encore plus apparent, est issu de « Ndaw » . Chez les Haalpulaar, le titre équivalent est « Lam », « Laam » ou « Laamɗo » issu de « Ndaw » ou de « Laman ».

« Serer jaam Tukloor » ou « Tukloor jaam Serer »

« Serer » et « Haalpulaar », ces deux peuples, encore aujourd’hui, ont gardé le souvenir de cette origine commune et ancienne qui remonte à l’époque du « Tekrur », au temps du « Namandiru » quand il était administré par les « Ndaw ». Ce lien si particulier qui les unisse encore aujourd’hui, ils l’expriment dans le cadre de la « parenté à plaisanterie ». Pour cela, les « Serer » utilisent le mot « massir » dans lequel on distingue le radical qui donne « maccuɗo » en « Pulaar » (« mass = macc »). C’est ce radical qui donne également « jaam » « esclave » en Wolof. On remarque aussi que c’est le mot « Ndaw » qui, par réduplication, donne « Jam-baar » en wolof comme en pulaar. La proximité entre ces deux peuples se vérifie aussi au niveau de la langue, car le « Pulaar » comme le « Serer » utilisent les mêmes classes nominales pour désigner les humains : au singulier « o » (en Pulaar) / « o », « ox » (en Serer) au pluriel : « ɓe » (en Pulaar) / « we » (en Serer), où leurs marqueurs du pluriel : « we », « ɓe » ont la particularité d’appartenir à un même ordre phonétique, celui des labiales.

Nous espérons, à travers cette dernière contribution, avoir ouvert, au mieux, la réflexion, à défaut, nourri le débat sur la richesse de notre langue « Pulaar / Fulfulde ». Elle nous relie à notre propre passé, à nos origines : historique, culturelle, mythique, symbolique, spirituelle.

Niang Oumar Société Linguistique de Paris