Inertie du sommeil

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« Morgenstunde hat Gold im Munde » (L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt), gravure d'après un tableau de Toby Edward Rosenthal (de) publiée dans Die Gartenlaube (1889).

L’inertie du sommeil, aussi appelé "ivresse du sommeil", est une période qui survient au moment de l’éveil. Elle correspond à un état de l'organisme où les facultés cognitives et l’état d’éveil sont réduits. Cet état peut être ressenti lors de n’importe quel moment de transition sommeil-réveil[1]. Cependant, il est davantage observé lors de réveils nocturnes (après un sommeil profond), ou à la suite longues périodes d’insomnie[2]. Bien que les effets de l’inertie du sommeil soient souvent de courte durée, leurs conséquences potentielles sont très importantes[3].

Symptômes[modifier | modifier le code]

Les symptômes peuvent commencer à s'estomper aussi rapidement qu'une minute après le réveil, mais peuvent également durer jusqu'à plus de 2 heures après le réveil[4].

Causes[modifier | modifier le code]

Plusieurs facteurs ont une influence sur l'inertie du sommeil :

  • La privation du sommeil antérieur augmente l'intensité de l'inertie du sommeil. Des études ont également démontré qu'un sommeil réparateur à la suite d'une longue période sans dormir augmentait également l'inertie du sommeil[5].
  • Un réveil soudain pendant le sommeil profond augmente l'inertie du sommeil par rapport à un réveil au stade de sommeil peu profond 1 et 2 ou au stade du sommeil REM[4].
  • Le besoin du cerveau d’un réveil graduel dû à sa complexité. Des analyses d'électroencéphalogramme ont en effet montré que les parties frontales du cerveau se réveillent avant les parties pariéto-occipitales[6].
  • Des recherches ont démontré que l’inertie du sommeil pourrait être due à un réveil avant que les taux d'adénosine se soient dissipés dans le cerveau. L'adénosine est une substance chimique présente naturellement dans le cerveau qui joue un rôle essentiel dans le contrôle des cycles éveil-sommeil. En état d'éveil, l'adénosine se lie à des récepteurs spécifiques du cerveau, contribuant ainsi à accroître la sensation de fatigue au fil du temps[1]. Le taux d’adénosine augmente avec une privation du sommeil et se dissipe dans les heures de sommeil[7].
  • Des études ont également démontré un débit sanguin cérébral diminué immédiatement après le réveil par rapport à avant le réveil. Ce débit était rétabli environ 30 minutes après le réveil, corrélant avec la fin de l'inertie du sommeil[1],[8].
  • Les connections neuronales dans le réseau sensorimoteur sont plus basses au réveil, pouvant être comparées à celles du sommeil REM, expliquant la baisse au niveau du contrôle moteur vue lors de l'inertie du sommeil[9].

Diagnostic[modifier | modifier le code]

L’inertie du sommeil est habituellement évaluée en considérant les performances cognitives et durant les tâches comportementales. Ces performances sont généralement rapportées par deux modes : des déclarations de conscience faites par les patients eux-mêmes et des électroencéphalogrammes représentant l’activité cognitive lors de l’éveil[10]. Cependant, il est clair que ces méthodes ne sont pas idéales dans un contexte d’évaluation et de traitement clinique. Une étude effectuée en 2015 a donc élaboré un questionnaire que les patients peuvent utiliser pour déclarer non seulement leur état d’éveil, mais aussi leur inertie du sommeil de façon plus générale[11].

Le diagnostic de l’inertie du sommeil est compliqué, car il existe beaucoup de variabilité entre les individus[12]. Une étude de 2022 a cependant réussi à identifier quatre profils d’inertie du sommeil (SI) : Low SI, Mild SI, Moderate SI et Severe SI. Ces quatre groupes dépendent grandement de certains critères, comme l’âge, la durée du sommeil, la qualité du sommeil, la perturbation du sommeil, etc. Ces découvertes permettent de développer des outils d’évaluation et des plans d’intervention ou de traitement pour l’inertie du sommeil[3].

Traitements et pistes de solutions[modifier | modifier le code]

Diverses approches visent à atténuer l'inertie du sommeil, bien que le traitement optimal demeure variable selon la personne. Les stratégies recommandées comprennent une hygiène de sommeil adéquate, la consommation de café au réveil, l'exposition à la lumière naturelle et des nuits suffisamment longues dans un environnement propice au sommeil[1],[2]. Généralement, les options de traitement dépendent de la cause sous-jacente de la somnolence excessive[1].

Se réveiller naturellement après une durée de sommeil optimale, environ 8 heures, a été suggéré pour minimiser les effets de l'inertie du sommeil[2].

Une étude de 2013 indique que mâcher de la gomme à la caféine au réveil peut significativement réduire cette inertie du sommeil[13]. La caféine, antagoniste de l'adénosine, réduit la sensation de fatigue et favorise l'éveil en bloquant temporairement les récepteurs d'adénosine[13].

Cependant, l'utilisation de la fonction «snooze» des alarmes de réveil a été associée à une augmentation de l'inertie du sommeil et de la fatigue après le réveil, selon une étude récente de 2022[2]. Cette fonction ramène le dormeur à un stade peu profond du sommeil (NREM sleep), caractérisé par une somnolence accrue au réveil. L'étude souligne l'importance d'une transition naturelle du sommeil à l'éveil pour minimiser les impacts indésirables[2].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Les conséquences de l’inertie du sommeil sont multiples, et peuvent aussi bien être négligeables, que plus impactantes au quotidien. Cette période où la fatigue est accrue, où les performances, tout comme la vigilance, sont diminuées, où l’organisme est désorienté, apparait comme une phase de latence avant que notre cerveau puisse être au maximum de sa productivité[3]. Alors que cela peut durer seulement quelques minutes, cela devient plus contraignant quand cette inertie du sommeil se prolonge sur plusieurs heures[4]. En effet, les états physique et psychique dans lesquels se trouvent l’organisme à ce moment-là s’apparentent à être sous l’effet de l’alcool[14].  

Par ailleurs, certaines personnes sont plus susceptibles de souffrir de cette diminution des capacités cognitives dans les premiers temps de l’éveil, notamment lorsqu’elles sont dans l’obligation de prendre des décisions dès les premiers instants de leur éveil, comme les personnes de garde dans le secteur médical, ou les pompiers[15]. Au-delà du secteur professionnel, les personnes sont différemment affectées en fonctions de leur chronotype[12]. Des expériences réalisées sur le sujet ont démontrées que les individus fonctionnant avec un chronotype du matin seraient atteintes pendant moins longtemps des symptômes de l’inertie du sommeil. Au contraire, les personnes avec un chronotype du soir, subiraient sur une plus longue durée cette diminution globale des capacités[12].

Risques[modifier | modifier le code]

De toute évidence, des risques s’ensuivent de cette inertie du sommeil. En effet, la diminution de la vigilance qui en résulte impacte directement la capacité de réflexe de l’organisme, ce qui peut créer des situations dangereuses comme des accidents de la route[16]. Une grande proportion des accidents de la route a lieu le matin, ce qui pourrait corréler avec la période d’inertie du sommeil.  

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g et h (en) Trotti L. M. (2017). Waking up is the hardest thing I do all day: Sleep inertia and sleep drunkenness. Sleep medicine reviews, 35, 76–84. https://doi.org/10.1016/j.smrv.2016.08.005
  2. a b c d et e (en) Ogawa, K., Kaizuma-Ueyama, E. et Hayashi, M. (2022). Effects of using a snooze alarm on sleep inertia after morning awakening. Journal of Physiological Anthropology, 41(1), 43. https://doi.org/10.1186/s40101-022-00317-w
  3. a b et c (en) [Ma, Z., Chen, X.-Y., Wang, D., Zhu, Z., Niu, H., Huang, S., Zhou, X., Yang, Z. et Fan, F. (2022). Who is the hardest to wake up from sleep? An investigation of self-reported sleep inertia using a latent profile analysis. Journal of Sleep Research, 31(5), e13552. https://doi.org/10.1111/jsr.13552]
  4. a b c d et e (en) Silva, E. J. et Duffy, J. F. (2008). Sleep inertia varies with circadian phase and sleep stage in older adults. Behavioral Neuroscience, 122(4), 928935. https://doi.org/10.1037/0735-7044.122.4.928
  5. (en) CJ Hilditch, WC Dement et MA Carskadon, « Testing the Rip Van Winkle Effect: Sleep Extension following Nominal and Restricted Sleep », Eat, Sleep, Work, vol. 3,‎ , p. 2–17 (ISSN 2205-0612 et 2206-5369, DOI 10.21307/esw-2020-001, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Vladyslav V. Vyazovskiy, Nanyi Cui, Alexander V. Rodriguez et Chadd Funk, « The Dynamics of Cortical Neuronal Activity in the First Minutes after Spontaneous Awakening in Rats and Mice », Sleep, vol. 37, no 8,‎ , p. 1337–1347 (ISSN 0161-8105 et 1550-9109, DOI 10.5665/sleep.3926, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Hans P.A. Van Dongen, Nicholas J. Price, Janet M. Mullington et Martin P. Szuba, « Caffeine Eliminates Psychomotor Vigilance Deficits from Sleep Inertia », Sleep, vol. 24, no 7,‎ , p. 813–819 (ISSN 1550-9109 et 0161-8105, DOI 10.1093/sleep/24.7.813, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) T. J. Balkin, « The process of awakening: a PET study of regional brain activity patterns mediating the re-establishment of alertness and consciousness », Brain, vol. 125, no 10,‎ , p. 2308–2319 (ISSN 1460-2156, DOI 10.1093/brain/awf228, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Changwei W. Wu, Po-Yu Liu, Pei-Jung Tsai et Yu-Chin Wu, « Variations in Connectivity in the Sensorimotor and Default-Mode Networks During the First Nocturnal Sleep Cycle », Brain Connectivity, vol. 2, no 4,‎ , p. 177–190 (ISSN 2158-0014 et 2158-0022, DOI 10.1089/brain.2012.0075, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Marzano, C., Ferrara, M., Moroni, F. et De Gennaro, L. (2011). Electroencephalographic sleep inertia of the awakening brain. Neuroscience, 176, 308317. https://doi.org/10.1016/j.neuroscience.2010.12.014
  11. (en) Kanady, J. C. et Harvey, A. G. (2015). Development and Validation of the Sleep Inertia Questionnaire (SIQ) and Assessment of Sleep Inertia in Analogue and Clinical Depression. Cognitive Therapy and Research, 39(5), 601612. https://doi.org/10.1007/s10608-015-9686-4
  12. a b et c (en) Ritchie, H. K., Burke, T. M., Dear, T. B., Mchill, A. W., Axelsson, J. et Wright Jr, K. P. (2017). Impact of sleep inertia on visual selective attention for rare targets and the influence of chronotype. Journal of Sleep Research, 26(5), 551558. https://doi.org/10.1111/jsr.12525
  13. a et b (en) Rachel A. Newman, Gary H. Kamimori, Nancy J. Wesensten et Dante Picchioni, « Caffeine Gum Minimizes Sleep Inertia », Perceptual and Motor Skills, vol. 116, no 1,‎ , p. 280–293 (ISSN 0031-5125 et 1558-688X, DOI 10.2466/29.22.25.PMS.116.1.280-293, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Drew Dawson et Kathryn Reid, « Fatigue, alcohol and performance impairment », Nature, vol. 388, no 6639,‎ , p. 235–235 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, DOI 10.1038/40775, lire en ligne, consulté le )
  15. (en) Cassie J. Hilditch et Andrew W. McHill, « Sleep inertia: current insights », Nature and Science of Sleep, vol. 11,‎ , p. 155–165 (PMID 31692489, PMCID PMC6710480, DOI 10.2147/NSS.S188911, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) Johanna Wörle, Barbara Metz, Michael B. Steinborn et Lynn Huestegge, « Differential effects of driver sleepiness and sleep inertia on driving behavior », Transportation Research Part F: Traffic Psychology and Behaviour, vol. 82,‎ , p. 111–120 (DOI 10.1016/j.trf.2021.08.001, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]