Tetramorium inquilinum

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Tetramorium inquilinum est une espèce de fourmis européennes ectoparasites et cleptoparasites. Elle a été décrite par le myrmécologue suisse Heinrich Kutter[2]. L'espèce est inhabituelle par l'absence de caste ouvrière, les reines et les mâles vivant entièrement aux dépens de colonies de Tetramorium[3].

Taxonomie[modifier | modifier le code]

L'espèce a originellement été décrite en 1950 par Heinrich Kutter (d) sous le taxon Teleutomyrmex schneideri[4], espèce type du genre Teleutomyrmex, en référence à son professeur et ami Otto Schneider-Orelli. Lors du classement de Teleutomyrmex comme synonyme junior de Tetramorium[5], l'espèce est renommée en T. inquilinum car Tetramorium schneideri existe déjà, en référence à Oskar Schneider[6]. Ce nouveau nom fait référence au mode de vie parasite de l'espèce, typique de l'ancien genre Teleutomyrmex.

Le classement de Teleutomyrmex, et d'autres genres, comme synonyme junior de Tetramorium est vivement contesté par une partie de la communauté Myrmécologique Européenne, qui estime que c'est une simplification posant problème et n'étant pas fidèle à la réalité biologique[7].

La localité type de l'espèce est Saas-Fee, Valais, Suisse, où Heinrich Kutter trouva les holotypes dans un nid de Tetramorium caespitum[8].

Distribution[modifier | modifier le code]

Cette espèce a été trouvée dans les Alpes suisses[4] les Alpes françaises[8],[9] les Pyrénées françaises[10] Espagne[11] et le Turkménistan[12]. À cause de son mode de vie parasite et de la rareté de ses observations, l'espèce est considérée comme vulnérable bien que l'état des populations soit très mal connu[13]. En moyenne il semblerait que sur les populations de Tetramorium hôte, environ un nid sur 100 soit parasité par T. inquilinum[8].

Morphologie[modifier | modifier le code]

Tetramorium inquilinum présente de nombreuses adaptations morphologiques à son mode de vie parasite[14]. Comme chez plusieurs espèces de fourmis inquilines, la femelle est beaucoup plus petite que la reine hôte. Elle a un gastre large, aplati et concave, ainsi que des griffes très développées, qui lui permettent de s'accrocher et de se lover contre le corps de la reine. Les femelles mesurent en moyenne 2,5 millimètres de long. Mâles et femelles ont de petites mandibules qui ne leur permettent pas de se nourrir eux-mêmes[8]. Le cerveau chez cette espèce[15], ainsi que de nombreuses glandes[16], sont très réduits, tandis que les organes reproducteurs sont très développés[8]. Les individus présentent des poils glandulaires très développés sur tous le corps, qui semblent être propres à l'espèce ou au moins aux espèces de l'ancien genre Teleutomyrmex[16].

Comportement[modifier | modifier le code]

Tetramorium inquilinum semble être très peu active dans le nid de son hôte, profitant largement des soins des ouvrières Tetramorium caespitum. Les gynes restent accrochés le plus souvent sur le dos de la reine hôte, et il a été observé jusqu'à huit gynes T. inquilinum sur une reine T. caespitum[2]. Les poils glandulaires que porte T. inquilinum sont sans doute à l'origine d'une structure permettant aux individus T. inquilinum de ne pas être rejetés par la colonie hôte[8], un mécanisme de mimétisme chimique ou d'apaisement comme c'est le cas chez d'autres espèces similaires[17].

À la suite du constat que T. inquilinum n'inhibe pas la production d'individus sexués[8] chez la reine hôte comme la plupart des autres inquilines[18], Wegnez et al. ont émis l'hypothèse que les gynes T. inquilinum étaient capables d'essaimer avec les sexués de T. caespitum. Cependant, cela n'a jamais été observé.

Reproduction[modifier | modifier le code]

Entretenue par ses hôtes, Tetramorium inquilinum a une fécondité élevée, comme le laissent suggérer leurs gonades hypertrophiées[16]. Les femelles les plus âgées pondent en moyenne deux œufs par minute[2].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. BioLib, consulté le 11 novembre 2020
  2. a b et c Hölldobler, Bert, 1936-, Journey to the ants : a story of scientific exploration, Belknap Press of Harvard University Press, (ISBN 0674485254, 9780674485259 et 0674485262, OCLC 30111664, lire en ligne)
  3. (en) Edward O. Wilson, « The Social Biology of Ants », Annual Review of Entomology, vol. 8, no 1,‎ , p. 345–368 (ISSN 0066-4170 et 1545-4487, DOI 10.1146/annurev.en.08.010163.002021, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b (de) Heinrich Kutter, « Über eine neue, extrem parasitische Ameise », Bulletin de la société entomologique suisse, vol. 23,‎ , p. 81-94 (DOI 10.5169/SEALS-401089, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Philip S. Ward, Seán G. Brady, Brian L. Fisher et Ted R. Schultz, « The evolution of myrmicine ants: phylogeny and biogeography of a hyperdiverse ant clade (Hymenoptera: Formicidae): Phylogeny and evolution of myrmicine ants », Systematic Entomology, vol. 40, no 1,‎ , p. 61–81 (DOI 10.1111/syen.12090, lire en ligne, consulté le )
  6. (de) Carlo Emery, « Beiträge zur Kenntniss der palaearktischen Ameisen. », Öfversigt Af Finska Vetenskaps-societetens Förhandlingar,‎ , p. 145-146 (lire en ligne)
  7. (en) B. Seifert, A. Buschinger, A. Aldawood et V. Antonova, « Banning paraphylies and executing Linnaean taxonomy is discordant and reduces the evolutionary and semantic information content of biological nomenclature », Insectes Sociaux, vol. 63, no 2,‎ , p. 237–242 (ISSN 0020-1812 et 1420-9098, DOI 10.1007/s00040-016-0467-1, lire en ligne, consulté le )
  8. a b c d e f et g Philippe Wegnez, David Ignace, Els Lommelen, Maximilien Hardy, Johan Bogaert et Carin Nilsson, « Redécouverte de Teleutomyrmex schneideri Kutter, 1950 dans les Alpes françaises (Hymenoptera: Formicidae) », Bulletin de la Société royale belge d’Entomologie/Bulletin van de Koninklijke Belgische vereniging voor entomologie, vol. 151,‎ , p. 52-27 (lire en ligne)
  9. (en) A. Buschinger, « New records of rare parasitic ants (Hym., Form.) in the french Alps », Insectes Sociaux, vol. 32, no 3,‎ , p. 321–324 (ISSN 0020-1812 et 1420-9098, DOI 10.1007/BF02224921, lire en ligne, consulté le )
  10. A. Buschinger, Teleutomyrmex schneideri Kutter 1950 and other parasitic ants found in the Pyrenees (Hymenoptera, Formicidae)., antbase.org, (lire en ligne)
  11. X. Espadaler et D. Cuesta, « Teleutomyrmex schneideri Kutter, 1950 en España (Hymenoptera, Formicidae) », Graellsia, vol. 62, no 2,‎ , p. 261–262 (ISSN 1989-953X et 0367-5041, DOI 10.3989/graellsia.2006.v62.i2.69, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Alfred Buschinger, « Social parasitism among ants: a review (Hymenoptera: Formicidae) », Myrmecological News, vol. 12,‎ , p. 219-235 (lire en ligne)
  13. « The IUCN Red List of Threatened Species », sur IUCN Red List of Threatened Species (consulté le )
  14. (en) Kadri Kiran, Celal Karaman, Albena Lapeva-Gjonova et Volkan Aksoy, « Two new species of the "ultimate" parasitic ant genus Teleutomyrmex KUTTER, 1950 (Hymenoptera: Formicidae) from the Western Palaearctic », Myrmecological News, vol. 25,‎ , p. 145-155 (lire en ligne)
  15. (de) R Brun, « Das Zentralnervensystem von Teleutomyrmex schneiden Kutt. ♀ (Hym. Formicid.) », Mitteilungen der Schweizerischen Bulletin de la société entomologique suisse,‎ , p. 73-86 (lire en ligne)
  16. a b et c (de) Karl Gösswald, « Histologische Untersuchungen an der arbeiterlosen Ameise Teleutomyrmex schneideri Kutter (Hym. Formicidae). », Bulletin de la société entomologique suisse, vol. 26,‎ , p. 81-128
  17. (en) Nigel Franks, Murray Blum, Roy -Keith Smith et Anthony B. Allies, « Behavior and chemical disguise of cuckoo antLeptothorax kutteri in relation to its hostLeptothorax acervorum », Journal of Chemical Ecology, vol. 16, no 5,‎ , p. 1431–1444 (ISSN 0098-0331 et 1573-1561, DOI 10.1007/BF01014079, lire en ligne, consulté le )
  18. (en) R. Savolainen et K. Vepsalainen, « Sympatric speciation through intraspecific social parasitism », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 100, no 12,‎ , p. 7169–7174 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 12740442, PMCID PMC165848, DOI 10.1073/pnas.1036825100, lire en ligne, consulté le )

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