Bonne foi en common law canadienne

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La bonne foi est un principe directeur du droit des contrats de la common law canadienne. Elle concerne « l’obligation d’exécuter honnêtement les obligations contractuelles »[1]. Il s'agit d'un principe à portée limitée qui ne peut l'emporter sur les stipulations contractuelles.

Position historique : imposer une exigence de bonne foi est une entrave injustifiée à la liberté économique des parties contractantes[modifier | modifier le code]

Traditionnellement, le droit des contrats de la common law ne reconnaissait pas la notion de bonne foi, sauf dans certains contrats spécifiques comme le contrat d'assurance. La common law considérait que cela constituait un avantage commercial pour les acteurs économiques par rapport au droit des territoires de droit civil. Cette position est énoncée à répétition par d'influents juges britanniques jusqu'au début du XXIe siècle. Il existait cependant une jurisprudence anglaise minoritaire qui remontait au XVIIIe siècle qui aurait été prête à reconnaître la bonne foi [2].

Critiques par les auteurs de doctrine[modifier | modifier le code]

Cette position traditionnelle a été critiquée d'un point de vue moral par des auteurs de doctrine de common law comme Swan, Bala et Adamski[3]. Pour ces auteurs, les déclarations répétées par les juges de common law à l'effet que le rejet de la bonne foi expliquerait en partie l'attractivité de la common law dans l'environnement économique international tiennent à « une sorte de fierté dénaturée ».

Reconnaissance du principe directeur de bonne foi par la Cour suprême du Canada[modifier | modifier le code]

Réagissant à ces critiques, la Cour suprême du Canada a étendu la portée de la bonne foi en common law canadienne. Dans l'arrêt Bhasin c. Hrynew de 2014, elle a décidé de « reconnaître l’existence d’un principe directeur de bonne foi qui sous-tend diverses autres règles plus spécifiques régissant l’exécution des contrats et qui se manifeste dans ces règles »[4].

L'arrêt Bhasin est ainsi devenu très influent en common law canadienne, il est abondamment cité dans les bases de données de décisions judiciaires[5].

Limites à son application dans la jurisprudence ultérieure[modifier | modifier le code]

Dans l'arrêt Société des loteries de l’Atlantique c. Babstock, la Cour suprême explique toutefois que « bien que la bonne foi soit un principe directeur du droit canadien des contrats, c’est un principe qui se manifeste dans des situations précises. En particulier, son application se limite généralement aux catégories existantes de contrats et d’obligations [...] Le contrat qui unirait la SLA et les demandeurs n’entre dans aucune des catégories de bonne foi établies. Les demandeurs n’ont pas non plus soulevé d’argument visant à élargir ces catégories reconnues »[6].

Contrairement au droit civil québécois qui oblige toute personne à « exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi » (art. 6 C.c.Q.[7]), la Cour suprême tend à limiter l'application du principe à des catégories existantes de contrats et d'obligations.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Joseph T Robertson, Good Faith as An Organizing Principle in Contract Law: Bhasin v Hrynew – Two Steps Forward & One Look, 2016 93-3 Canadian Bar Review 809, 2016 CanLIIDocs 166, <https://canlii.ca/t/75m>, retrieved on 2023-08-30
  2. « Good Faith in Canadian Contract Law », dans Special Lectures of the Law Society of Upper Canada 1985 — Commercial Law : Recent Developments and Emerging Trends (1985), 73, p. 75.
  3. Angela Swan, Nicholas C. Bala, Jakub Adamski. Contracts: Cases, Notes and Materials, 10th Edition. Toronto: LexisNexis Canada, 2020.
  4. Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71 (CanLII), [2014] 3 RCS 494, au para 63, <https://canlii.ca/t/gf84t#par63>, consulté le 2023-08-30
  5. Anne Tardif and Nathan Hoo, Bhasin 5 Years Later: What Has Become Clearer, What Remains Clear as Mud, 2019 39th Annual Civil Litigation Conference 12F, 2019 CanLIIDocs 3844, <https://canlii.ca/t/sqd9>, retrieved on 2023-08-30
  6. Société des loteries de l’Atlantique c. Babstock, 2020 CSC 19 (CanLII), [2020] 2 RCS 420, au para 65, <https://canlii.ca/t/j8tcc#par65>, consulté le 2023-08-30
  7. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 6, <https://canlii.ca/t/1b6h#art6>, consulté le 2023-08-30