Débretonnisation

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La débretonnisation est un processus, volontaire ou non, de remplacement de la langue bretonne. Après la lutte historique contre l'utilisation du breton jusqu'au milieu du XXe siècle, elle concerne désormais des toponymes et appellations en breton dans une partie de la Bretagne historique, remplacés par des toponymes et appellations en français. Ce processus est documenté dans le Finistère, le Morbihan, et surtout la Loire-Atlantique où le phénomène de débretonnisation semble plutôt perçu comme la volonté d'effacer toute référence à la Bretagne.

Définition[modifier | modifier le code]

La débretonnisation est définie comme le « fait de supprimer la langue et la culture bretonne »[réf. souhaitée].

Histoire[modifier | modifier le code]

Ce mot apparaît dans des documents dès le début du XXe siècle, notamment pour désigner le travail fait dans les écoles de la République française, particulièrement depuis les années 1890-1900, pour empêcher l'usage de la langue bretonne au profit de la langue française[1]. La débretonnisation est cependant plus ancienne, ce processus commençant dès l'époque napoléonienne, quand de nouvelles hiérarchies ecclésiastiques sont nommées en Bretagne, en ayant le plus souvent des origines extérieures : Jean-Baptiste Caffarelli, Corse et proche de Bonaparte, est ainsi nommé au siège de Saint-Brieuc, de même que divers patriotes napoléoniens qui obtiennent des postes importants[2][pas clair].

Le phénomène s'accélère après 1945. En 1942, R.Panier décrit les habitants du Pays gallo comme une source de débretonnisation dans les bourgs de Saint-Connec et Croixhanvec où ils ont fait souche[3]. Il explique notamment que la commune « mixte, du temps de Sébillot, de Saint-Caradec », est désormais non-bretonnante[3]. R.Panier estime plus globalement que du fait de l'école primaire, du service militaire ou bien encore de la vie administrative, la totalité de la Bretagne bretonnante est désormais bilingue.

Durant la seconde moitié du XXe siècle, les enfants nés de parents non-bretonnants (eux-mêmes nés dans les années 1950), ou poussés à s'exprimer en français, deviennent adultes à leur tour : ils cessent majoritairement de transmettre la langue bretonne[4].

Lors des fusions de communes décidées en 2016-2017, plusieurs nouvelles communes créées par fusion de communes aux noms bretons sont baptisées de noms francisés (Évellys, Val d'Oust, Beaussais-sur-Mer, Les Moulins...), menant à une action collective par saisie du conseil culturel de Bretagne, et à une réponse de Jean-Yves Le Drian[5].

Selon des associations de défense de la langue bretonne, La Poste française pousserait à une débretonnisation de toponymes historiques[6], entre autres en demandant aux communes de dénommer les nouveaux lotissements en français, par exemple avec des noms d’arbres, de fleurs et d'animaux[7]. Le , les enseignants de breton et celtique de l'Université Rennes-II publient un communiqué pour s'opposer à la débretonnisation des toponymes, mettant en cause La Poste, et citant des exemples de francisation qu'ils jugent aberrants : Kroaz-hent (Le Carrefour) devenu « Le Croissant » ; Ker Saoz (La demeure du Saxon) devenu « Ker-Sauce » ; An Aod Korz (La côte des Roseaux) devenu « La plage du Corse », enfin Koh Grac’h (Le vieux Mont) devenu « Corps Gras »[6].

L'association Bretagne réunie est particulièrement active sur ces questions[8].

Dans L'Express, le journaliste Michel Feltin-Palas estime que sans contraintes d'utilisation pour assurer sa présence dans l'espace public, le breton aura disparu d'ici la fin du XXIe siècle[9].

Finistère[modifier | modifier le code]

En août 2019, un processus de débretonnisation dans la commune de Telgruc-sur-Mer, en Finistère, est le fait du maire de cette commune M. Dominique Le Pennec, qui baptise de nouvelles voies en français, notamment « impasse des Pélicans » et « rue des Cormorans »[10]. 32 nouvelles voies auraient été ainsi francisées en 2019[11]. Le , une manifestation contre cette débretonnisation réunit plus de 600 personnes sur la plage de Telgruc[11].

Face aux accusations qui lui sont faites de « colonisation française de noms de lieux », il propose finalement des plaques bilingues, tout en se défendant des propos de ses contradicteurs, qui d'après lui « ont des relents de populisme et de nationalisme », et en rappelant que le français est la langue officielle de la Bretagne[9].

Morbihan[modifier | modifier le code]

Le processus de débretonnisation est également documenté à Sarzeau, Plouay, et Monterblanc[7].

Loire-Atlantique[modifier | modifier le code]

Un processus de débretonnisation volontaire concerne la Loire-Atlantique, territoire de culture historique bretonne, en raison de son rattachement à la région administrative des Pays de la Loire : d'après Pierre-Yves Le Rhun, la Loire-Atlantique « est à la fois un département breton et le principal département des Pays de la Loire tant par son poids démographique et économique que par le choix de Nantes comme siège du Conseil Régional »[12]. D'après lui, ce département est débretonnisé surtout depuis la réforme régionale de 1982[12].

Pami les manifestations de cette débretonnisation figurent la promotion récente de l'identité, jugée artificielle, « ligérienne »[13], et l'utilisation du terme de « Grand Ouest » pour désigner la Bretagne administrative et la Loire-Atlantique[14]. Les organismes publics, comme la SNCF et les compagnies d'autobus, facilitent le rapprochement inter-départements dans la région Pays de la Loire au détriment des relations avec la Bretagne, ce qui contribue à éloigner les habitants de Loire-Atlantique de la Bretagne administrative[15].

En janvier 2015, Patrick Mareschal qualifie de « révisionnisme » l'hypothétique transformation du château des ducs de Bretagne, à Nantes, en « château de la Loire » et dénonce la suppression, selon lui, du mot Bretagne dans des documents édités par le conseil régional des Pays de la Loire[16].

Un cas de débretonnisation documenté dans ce département est celui des galettes Saint-Michel, produit créé par un militant breton en 1905 dans le pays de Retz, dont les publicités antérieures vantaient les origines bretonnes, mais siglé comme un produit des Pays de la Loire depuis le rachat de l'entreprise[17][réf. à confirmer].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Marcel Guieysse, La Langue Bretonne : Ce Qu'elle Fut, Ce Qu'elle Est, Ce Qui Se Fait Pour Elle Et Contre Elle, Nouvelles Éditions Bretonnes, , 271 p., p. 21.
  2. Jean Markale, Les grandes heures de la Bretagne, Pygmalion, 721 pages (ISBN 978-2-7564-0379-3 et 2-7564-0379-2).
  3. a et b Albert Dauzat, Le Français moderne, vol. 10, Éditions d'Artrey, , p. 108.
  4. Fañch Broudic, Qui parle breton aujourd'hui ? Qui le parlera demain ?, vol. 4 de Leoriou bihan, Brud Nevez, , 153 p., p. 61.
  5. Tangi Leprohon, « Bretagne. Des noms de communes qui font jaser », Le Telegramme,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. a et b « Breton : « Il est temps que cette entreprise de destruction cesse ! » », sur Ouest-France.fr, (consulté le ).
  7. a et b « Bretagne : vers la fin des noms de rues en breton ? / Actu Morbihan », sur actu.fr, (consulté le ).
  8. Arnaud Wajdzik, « Loire-Atlantique. Ces Bretons vont-ils changer le cours de l'Histoire? », sur Ouest-France.fr, (consulté le ).
  9. a et b « Le maire, les noms de rue et la diversité culturelle », sur LExpress.fr, L'Express, (consulté le ).
  10. Yvon Ollivier, « Débretonnisation : Monsieur le maire ne voit pas le problème !!! », sur Agence Bretagne Presse (consulté le ).
  11. a et b « Plus de 600 manifestants contre la francisation de noms bretons », sur www.20minutes.fr (consulté le ).
  12. a et b Pierre-Yves Le Rhun, « La persistance du blocage » dans Bretagne, une division territoriale insurmontable ? (2014), Skol Vreizh, 2014 [lire en ligne].
  13. « Des Bretons vaccinés contre la « ligériose » », 20 minutes, .
  14. Gilles Delahaye, « Le « Grand Ouest » ou la ligériose ordinaire de la presse quotidienne », sur Agence Bretagne Presse (consulté le ).
  15. Bretagne réunie, « Bretagne : une partition imposée, une identité bafouée » (consulté le ).
  16. « Mareschal critique la débretonnisation du département », sur Ouest-France.fr, (consulté le ).
  17. « Débretonnisation du Pays Nantais : Les galettes Saint-Michel produit typique des....Pays de la Loire ! », sur 7seizh.info, (consulté le ).

Annexe[modifier | modifier le code]