Justice autochtone (Équateur)

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Séminaire sur la justice autochtone à Cuenca.

En Équateur, les communautés autochtones administrent leurs propres systèmes de justice, fondés sur des ordres juridiques distincts. Cette indépendance de la justice communautaire est reconnue par la Constitution.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le droit autochtone en Équateur remonte à l'histoire ancienne du pays, marquée par la présence de diverses cultures et peuples autochtones, tels que les Incas. Ces communautés ont longtemps résolu leurs conflits selon leurs systèmes juridiques liés à leurs cultures. Cependant, la colonisation espagnole des Amériques a imposé par la violence les coutumes, idéologies et normes juridiques européennes. Malgré cela, les ordres juridiques et traditions des peuples autochtones n'ont pas disparus, en partie à travers l'hybridation au sein du derecho indiano et la négociation de « droits coutumiers ».

Après la période coloniale, la domination exercée par les classes blanches-métisses au pouvoir a exclu les cultures juridiques autochtones du système étatique. Cependant, le mouvement autochtone a gagné en importance au fil du temps, jouant un rôle clé dans la vie politique du pays. La Constitution de 1998 a marqué un tournant en reconnaissant les droits autochtone et en établissant l'Équateur comme un État plurinational. En 2008, une nouvelle Constitution a confirmé et élargi ces droits, reconnaissant la juridiction autochtone dans le respect des normes constitutionnelles et des droits humains internationaux[1].

Organisation[modifier | modifier le code]

Chaque peuple indigène a ses propres coutumes, traditions et procédures pour résoudre les conflits[2].

Enjeux de l'articulation avec l'État[modifier | modifier le code]

San Lucas[modifier | modifier le code]

Dans la paroisse de San Lucas à Saraguro, dans la province de Loja, avant les années 1960-1970, les autorités traditionnelles étaient principalement les mayorales, nommées formellement par les tenientes políticos. Cependant, l'influence de la Mission Andine depuis les années 1960 a conduit à l'intégration de cabildos remplaçant progressivement les mayorales. Dans les années 1970, des organisations fédérées au second et troisième degré ont émergé pour renforcer l'identité ethnique.

Dans les communautés Tuncarta, Ñamari, Oñacapac et Kiskinchir du peuple Saraguro, la justice ordinaire est généralement préférée à la voie communautaire. Bien que les cabildos n'aient pas de rôles spécifiques pour résoudre les conflits, la reconnaissance croissante du droit indigène au niveau international et constitutionnel a entraîné un processus de réactualisation de certains éléments de la justice autochtone.

La paroisse de San Lucas a développé une institution spécialisée appelée Consejo de Administración de la Justicia Indígena, composée de délégués de 16 communautés sur les 23 de la paroisse. Ce conseil traite certains types de conflits résolus par des familles ou des cabildos, adoptant des procédures écrites influencées par le droit occidental. Les saraguros ont pris cette décision de manière autonome pour obtenir la reconnaissance de leurs décisions par la justice ordinaire, qui parfois méconnaît la compétence de la justice autochtone.

La relation entre les deux systèmes de justice, autochtone et étatique, présente une asymétrie. Bien que la justice autochtone reconnaisse celle de l'État, l'inverse n'est pas toujours vrai, avec des réticences à reconnaître la compétence de la justice autochtone, parfois criminalisée. Cette coexistence peut osciller entre la collaboration et la violence, reflétant une vision hiérarchisée où la justice autochtone est souvent ignorée ou perçue comme une simple médiation pour des conflits mineurs.

La Constitution de 1998 (es) a joué un rôle essentiel en légitimant la justice autochtone, mais malgré cette reconnaissance constitutionnelle, des tensions persistent[2].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (es) Cristian Ernesto Quiroz Castro, « Pluralismo jurídico y justicia indígena en Ecuador », INNOVA Research Journal, vol. 2, no 12,‎ , p. 49–58 (ISSN 2477-9024, DOI 10.33890/innova.v2.n12.2017.526, lire en ligne, consulté le )
  2. a et b (es) Agustín Grijalva Jiménez, « Conclusiones de todos los estudios: experiencias diversas y convergentes de la justicia indígena en Ecuador », dans Justicia indígena, plurinacionalidad e interculturalidad en Ecuador, Abya Yala, Fondation Rosa Luxemburg, (ISBN 978-9942-09-115-4, lire en ligne)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (es) Boaventura de Sousa Santos (dir.) et Agustín Grivalja Jiménez (dir.), Justicia indígena, plurinacionalidad e interculturalidad en Ecuador, Abya Yala, Fondation Rosa Luxemburg, (ISBN 978-9942-09-115-4, lire en ligne)
  • (es) Lourdes Tibán (dir.) et Raúl Ilaquiche (dir.), Kichwa Runakunapak Kamachik. Manual de administración de justicia indígena en el Ecuador, IWGIA, (lire en ligne)
  • (es) Francisco Santiago Zhumi Lazo et Diego Trelles Vicuña, « Los límites de la justicia indígena en el Ecuador », Polo del Conocimiento: Revista científico - profesional, vol. 5, no 8 (AGOSTO 2020),‎ , p. 1134–1169 (ISSN 2550-682X, lire en ligne, consulté le )
  • (es) Judith Salgado (dir.), Justicia indígena: aportes para un debate, Univ. Andina Simón Bolívar, (ISBN 978-9978-19-041-8)
  • Gerardo Miguel Nieves Loja, « El carácter reconstrutivo de la justicia indígena, en Chimborazo: perspectiva ética », Aufklärung: journal of philosophy, vol. 2, no 2,‎ , p. 79–102 (DOI 10.18012/arf.2015.25426, lire en ligne, consulté le )
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  • Hernan Geovanni Jiménez Torres, Beatriz del Carmen Viteri Naranjo, Mónica del Rocío Mosquera Endara et Hernan Geovanni Jiménez Torres, « La justicia indígena y la violación de los principios contemplados en la constitución del Ecuador », Revista Universidad y Sociedad, vol. 13, no 2,‎ , p. 176–183 (ISSN 2218-3620, lire en ligne, consulté le )
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Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]