Les Néréides (Théophile Gautier)

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Les Néréides
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Les Néréides est un poème publié en 1853 par Théophile Gautier dans la seconde édition du recueil Émaux et Camées.

Le poème décrit un tableau à l'aquarelle représentant les Néréides en mer. Le peintre cité : Théophile Kniatowski, fait référence au peintre polonais Teofil Kwiatkowski qui a exposé à Paris au Salon en 1846 et 1847 ; Gautier dans son ouvrage Salon de 1847 fait ce commentaire : « Parmi les portraitistes au pastel (…) le Polonais Théophile Kwiatkowski, qui serait fort connu (…) s’il jouissait d’un nom prononçable ».

Le poème ne figure pas dans l'édition originale de 1852 d'Émaux et Camées ; il a connu plusieurs versions[1].

En 1848 ou 1849, Teofil Kwiatkowski avait offert ou vendu à Théophile Gautier son tableau Les Sirènes[2] ; c'est de ce tableau dont Gautier s'inspire, mais sans en faire une pure description[3] ; il s'inspire également d'autres tableaux qui représentent fréquemment ces figures mythologiques à son époque, notamment Les Néréides du peintre Auguste Gendron (exposé au salon de 1850) ou la fresque d'Horace Vernet achevée en 1847 pour le plafond du salon de la Paix (ou salon des pas perdus) au Palais Bourbon à Paris, La Paix entourée des génies de la vapeur, sur terre et sur mer (un des tableaux représente La Vapeur mettant en fuite les dieux marins)[4].

Texte[modifier | modifier le code]

J'ai dans ma chambre une aquarelle
Bizarre, et d'un peintre avec qui
Mètre et rime sont en querelle,
- Théophile Kniatowski.
Sur l'écume blanche qui frange
Le manteau glauque de la mer
Se groupent en bouquet étrange
Trois nymphes, fleurs du gouffre amer.
Comme des lis noyés, la houle
Fait dans sa volute d'argent
Danser leurs beaux corps qu'elle roule,
Les élevant, les submergeant.
Sur leurs têtes blondes, coiffées
De pétoncles et de roseaux,
Elles mêlent, coquettes fées,
L'écrin et la flore des eaux.
Vidant sa nacre, l'huître à perle
Constelle de son blanc trésor
Leur gorge, où le flot qui déferle
Suspend d'autres perles encor.
Et, jusqu'aux hanches soulevées
Par le bras des Tritons nerveux,
Elles luisent, d'azur lavées,
Sous l'or vert de leurs longs cheveux.
Plus bas, leur blancheur sous l'eau bleue
Se glace d'un visqueux frisson,
Et le torse finit en queue,
Moitié femme, moitié poisson.
Mais qui regarde la nageoire
Et les reins aux squameux replis,
En voyant les bustes d'ivoire
Par le baiser des mers polis ?
A l'horizon, - piquant mélange
De fable et de réalité, -
Paraît un vaisseau qui dérange
Le chœur marin épouvanté.
Son pavillon est tricolore ;
Son tuyau vomit la vapeur ;
Ses aubes fouettent l'eau sonore,
Et les nymphes plongent de peur.
Sans crainte elles suivaient par troupes
Les trirèmes de l'Archipel,
Et les dauphins, arquant leurs croupes,
D'Arion attendaient l'appel.
Mais le steam-boat avec ses roues,
Comme Vulcain battant Vénus,
Souffletterait leurs belles joues
Et meurtrirait leurs membres nus.
Adieu, fraîche mythologie !
Le paquebot passe et, de loin,
Croit voir sur la vague élargie
Une culbute de marsouin.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Charles de Spoelberch de Lovenjoul, « Les Néréides », dans Histoire des oeuvres de Théophile Gautier, Paris, Charpentier, (lire en ligne), p. 40-43.
  2. Myriam Robic, « "Des dieux que l’art toujours révère" - L’hellénisme d’Émaux et Camées », Rencontres,‎ , p. 175-194.
  3. (en) David Kelley, « Transpositions », dans Peter Collier, Robert Lethbridge (dir.), Artistic Relations : Literature and the Visual Arts in Nineteenth-Century France, New Haven, Yale University Press, (lire en ligne), p. 178-191.
  4. Claudine Gothot-Mersch, notice dans : Théophile Gautier, Émaux et Camées, Paris, Gallimard, collection « Poésie », 1981, p. 261.

Liens externes[modifier | modifier le code]