Royale (salée)

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Consommé à la royale (en cubes)

Une Royale est une crème prise, cuite au four au bain-marie, faite à base d'œufs entiers ou de jaunes d'œufs. Dans la vieille cuisine on découpait la royale, éventuellement colorée et souvent muscadée, en losanges pour garnir les bouillons ou les consommés (soupe ou consommé à la royale). Les royales de purées de légume, de viande, poisson, crustacés ou coquillages, la royale de foie gras sont des purées souples cuites dans un moule formant des petits flans salés pour garniture.

Les termes suivants sont également employés: œufs au consommé, œufs à la Royale.

Dénomination[modifier | modifier le code]

En allemand ein Eierstich est une Royale au lait[1] qui servait de garniture de soupe, notamment de la soupe servie aux mariages des empereurs et plus généralement des Hochzeitssuppen (soupes de mariage). Il est aromatisé à la muscade[2].

En anglais le terme français (potage à la royale) n'est pas traduit[3], en italien Consommé alla Royale.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le potage à la Reine remonte au moins au XVIe, on le servait à la Reine Marguerite de Valois tous les jeudis à la cour des Valois. Il s'agit d'un potage garni d'un appareil à quenelle au blanc de volaille ou de perdreau[4] héritier du blanc-manger médiéval[5]. Pierre de Lune en 1656 donne sous le nom de potage à la Royale une garniture de blanc de perdrix liés aux champignons et aux pistaches[6]. Beauvillier donne une version où la garniture est liée à la crème de riz[7]. Chez François Massialot (1734) la soupe à la Royale est un bouillon garni de boulettes de blancs de faisan lié aux œufs et à la mie de pain[8], il donne une pâte à la Royale au fromage liée aux œufs qui se cuit en ramequin[9]. On rencontre encore très tard (1868) la définition du potage à la Royale comme potage à base de volaille[10].

Soupe de mariage allemande à la royale au lait

Carême décline le potage à la Royale en de nombreuses variantes du plus bel aspect[11], de là les potages crème de légumes, dit à la Royale de Gouffé garnis de Royales colorées (rouge de carotte, vert d'épinard) qui sont des purées de légumes muscadées cuites au bain-marie avec des œufs battus et du bouillon[12]. Gouffé nomme Royale la crème au consommé: consommé, jaunes d'œufs, muscade cuits ensemble au bain-marie découpé en petits cubes sur lesquels on verse le bouillon («Julienne garnie de crème au consommé dite Royale»)[13]. Gustave Garlin (1889) nomme cette garniture du potage à la Royale «Œufs au consommé» («Cet appareil, garniture du potage à la Royale, est très délicat. On peut le varier en le composant d’essences de gibier ou de volaille, d’un fumet de jambon»)[14].

Ce potage est inchangé jusqu'à nos jours, en 1997 Gilles de Pontavice donne les proportions suivantes: 2 blancs de volaille, 7 jaunes d'œufs, 2 louches de bouillon, cuisson au bain-marie[15]. Autre dénomination de la Royale salée (1885): «Œufs à la Royale» (la recette est donnée avec des jaunes d'œufs et un jus de viande ou de volaille et servie comme un plat d'œufs[16]).

Escoffier institue les Royales à la purée, qu'il nomme «Garniture à la Royale», brillante déclinaison de couleurs (haricots, tomates, pointes d'asperges, beurre de pistache, carottes etc.) pour décorer ses consommés, mais aussi de gouts: purée de langouste, de bisque d'écrevisse, de bécasse, au jambon, à l'oignon, au chou-fleur, à l'artichaut, au lait d'amande, au lait de coco[17]. Il les détaille en mille formes (carré, pastille, rond, cube, losange). Mais il va au delà de la garniture pour potage: Ces Royales écrit-il «peuvent servir de met léger, dans ce cas on sert ces petites délicatesses sans être détaillées, légèrement saucées et accompagnée d'une purée de légumes frais»[18]. En 1929, apparaissent les œufs à la Royale à la manière d'un flan, sans bouillon ou jus mais avec du lait (servis comme un flan salé, avec sauce tomate et garniture d'épinards)[19].

Ces multiples approches engendrent les nombreuses garnitures ou petits plats actuel sous forme de crème prise salée liée aux œufs ou Royale[20].

Découpage d'une royale moulée pour la soupe

Préparation[modifier | modifier le code]

Techniquement on distingue les royales aux œufs entiers (2 à 4 oeufs par litre), des royales au jaune d'œuf (de 10 à 16 au litre)[21]. Les royales à base de purées de légume, de viande etc. sont souvent crémées pour donner une onctuosité[22]. La royale Deslignac est une royale à la crème fraiche[23].

Les royales doivent être tamisée ou passées au chinois étamine avant cuisson.

Cuisson[modifier | modifier le code]

La norme est la cuisson au bain-marie de façon à obtenir une coagulation lente des protéines. On trouve généralement au moins 45 min de cuisson dans un four à 110 °C / 230 °F suivi d'un refroidissement dans la même four[24]. Le temps de cuisson dépend de l'épaisseur de la royale, 20 min à 120 °C / 250 °F suivies de 20 min de refroidissement suffisent à une royale de foie gras[25], 25 min pour la royale de foin brûlé de A. Ducasse[26].

Escoffier dit d'éviter soigneusement l'ébullition du bain-marie.

Les œufs chinois ou japonais sont cuits à la vapeur, plus rapidement avec le même résultat.

Anthologie[modifier | modifier le code]

  • Roger Aubert. Le cardinal Mercier aux conclaves de 1914 et 1922. Bulletins de l'Académie Royale de Belgique. Année 2000. pp. 165 à 236[27]

« Le couronnement du pape Pie XI eut lieu deux jours plus tard, le samedi 11 février, cérémonie grandiose, qui se prolongea jusqu'à 13 heures. Le soir à 20 heures, Mercier assista à l'ambassade de France à un grand dîner, auquel étaient conviés également les cinq cardinaux français et le cardinal Bourne, archevêque de Westminster, ainsi que quelques invités de marque. Note : Le menu est conservé : «Consommé à la royale. - Loup poché sauce catalane. - Filet de bœuf Régence. - Poularde de Bresse rôtie. - Asperges en branches sauce mousseline. - Foie gras à la strasbourgeoise. - Salade francillon. - Glace Pompilia. - Dessert » (Lettre de Beyens à Jaspar, 13 février 1922) »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (de) « Eierstich selbst gemacht von Rührnix | Chefkoch », sur Chefkoch.de (consulté le )
  2. (de) « Eierstich », dans Wiktionary, (lire en ligne)
  3. Edith Nicolls Wellcome Library et National Training School for Cookery (Great Britain), High-class cookery recipes [electronic resource] : as taught in the school, London : Printed and published for the Lady Superintendent of the National Training School for Cookery by W. Clowes and Sons, (lire en ligne)
  4. comte de Courchamps, Néo-physiologie du goût, par ordre alphabétique; ou, Dictionnaire générale de la cuisine française, ancienne et moderne ..., Bureau du Dictionnaire général de cuisine, (lire en ligne), p. 389
  5. Madeleine Ferrières, Histoire des peurs alimentaires. Du Moyen Age à l'aube du XXe siècle: Du Moyen Age à l'aube du XXe siècle, Editions du Seuil, (ISBN 978-2-02-100863-0, lire en ligne)
  6. Pierre de Lune (16-16 ; auteur de livres de cuisine) Auteur du texte, Le Cuisinier, où il est traitté de la veritable methode pour apprester toutes sortes de viandes, gibbier, volatiles, poissons, tant de mer que d'eau douce : suivant les quatre saisons de l'année . Ensemble la maniere de faire toutes sortes de petisseries, tant froides que chaudes, en perfection. Par le sieur Pierre de Lune,..., (lire en ligne), p. 28
  7. M. Beauvillers, Le bon et parfait cuisinier universel contenant les ricettes de la cuisine proprement dite, de la charcuterie, de la patisserie, de l'office, etc., suivi d'une instruction sur le choix des vins, rédigé et mis en ordre d'après nos plus célèbres cuisiniers, Lébigre Frères Libraires, (lire en ligne), p. 14
  8. François Massialot, Le nouveau cuisinier royal et bourgeois, qui apprend à ordonner toutes sortes de repas en gras & en maigre, & la meilleure maniere des ragoûts les plus delicats & les plus à la mode; & toutes sortes de pâtisseries: avec des nouveaux desseins de tables. Ouvrage très-utile dans les familles, aux maîtres d'hôtels & officiers de cuisine, aux depens de la Compagnie, (lire en ligne), p. 394
  9. Francois Massialot, Le nouveau cuisinier royal et bourgeois; qui apprend à ordonner toute sorte de repas en gras & en maigre, & la meilleure manière des ragoûts les plus délicats & les plus à la mode; & toutes sortes de pâtisseries: avec des nouveaux desseins de tables, chez Claude Prudhomme [...], (lire en ligne), p. 299
  10. « La Vie parisienne : mœurs élégantes, choses du jour, fantaisies, voyages, théâtres, musique, modes / par Marcellin. p. 215 », sur Gallica, (consulté le )
  11. Marie-Antoine (1784-1833) Auteur du texte Carême, Le pâtissier national parisien, ou Traité élémentaire et pratique de la pâtisserie ancienne et moderne : suivi d'observations utiles au progrès de cet art. Tome 1 / par M. A. Carême,..., (lire en ligne), p. XXXVIII
  12. Jules Gouffé, Le livre de cuisine: comprenant la cuisine de ménage et la grande cuisine, Hachette, (lire en ligne), p. 357
  13. Jules (1807-1877) Auteur du texte Gouffé, Le livre de cuisine : comprenant la cuisine de ménage et la grande cuisine / par Jules Gouffé ; pl... dessinées... par E. Ronjat, (lire en ligne), p. 353
  14. Gustave Getty Research Institute, Le cuisinier moderne, ou, Les secrets de l'art culinaire : menus, haute cuisine, pâtisserie, glaces, office, etc. : suivi d'un dictionnaire complet des termes techniques, Paris : Garnier frères, libraires-éditeurs, 6, rue des Saints-Pères, 6, (lire en ligne), p. 74
  15. Gilles Internet Archive, La cuisine des châteaux de la Loire, Rennes : Editions Ouest-France, (ISBN 978-2-7373-2175-7, lire en ligne), p. 14
  16. Gil Blas, (lire en ligne), p. 3
  17. Auguste (1846-1935) Auteur du texte Escoffier, Le guide culinaire : aide-mémoire de cuisine pratique / par A. Escoffier ; avec la collaboration de MM. Philéas Gilbert, E. Fétu, A. Suzanne, [et al.] ; dessins de Victor Morin, (lire en ligne), p. 9 et sq.
  18. Auguste Escoffier, Ma Cuisine: Édition commentée, annotée et illustrée par Pierre-Emmanuel Malissin, Syllabaire éditions, (ISBN 978-2-36504-264-2, lire en ligne)
  19. Le Nouvelliste de Bretagne, (lire en ligne), p. 6
  20. Petite_préparation Préparation, « Appareil à crème prise salée et Royale », sur Bloc-Notes Culinaire (consulté le )
  21. Gilles CHARLES et Editions BPI, LA CUISINE EXPLIQUEE, Editions BPI, (ISBN 978-2-85708-725-0, lire en ligne), p. 556
  22. Gilles CHARLES et Editions BPI, LA CUISINE EXPLIQUEE, Editions BPI, (ISBN 978-2-85708-725-0, lire en ligne), p. 449
  23. (en) The French Cooking Academy, « Consommé with Deslignac Royales », sur French Cooking Academy, (consulté le )
  24. Samuel Albert, Produits d'ici idées d'ailleurs: 45 recettes savoureuses pour cuisiner comme un chef, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-45716-5, lire en ligne)
  25. Anne-Sophie Pic et Mickaël Roulier, SCOOK Recettes Classiques pour tous, Hachette Pratique, (ISBN 978-2-01-231319-4, lire en ligne)
  26. Alain Ducasse, Ducasse chez vous, LEC communication (A.Ducasse), (ISBN 978-2-84123-903-0, lire en ligne), p. 40
  27. Roger Aubert, « Le cardinal Mercier aux conclaves de 1914 et 1922 », Bulletins de l'Académie Royale de Belgique, vol. 11, no 1,‎ , p. 165–236 (DOI 10.3406/barb.2000.23358, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Préparation de la soupe aux œufs chinoise

La royale n'a rien à voir avec l'œuf battu versé et cuit dans la soupe tel que dans les

  • Einlaufsuppe ou Eierflaumsuppe d'Allemagne ou d'Autriche ou la Stracciatella (dans laquelle on ajoute du fromage)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • Royales diverses pour consommé dans le guide culinaire d'Escoffier p.146 et suivantes [1]

« Nous faisons observer qu’il est de règle absolue qu’une royale ne doit, et ne peut du reste être détaillée que quand elle est complètement froide ; c’est-à-dire quand le tassement intérieur qui se produit pendant le refroidissement est assuré.

On ne doit pas perdre de vue que les détails d’une royale, quelle qu’en soit la forme, doivent être d’une régularité et d’une correction absolues.

Enfin, pour conserver à ces préparations leur extrême délicatesse, il est important de ne pas dépasser la quantité d’œufs entiers ou de jaunes indiquée, et qui est réglée pour en assurer la juste solidification. »