Soraya Boudia

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Soraya Boudia
Dominique Pestre, Nathalie Jas et Soraya Boudia concluent le congrès international "Carcinogens, Mutagens, Reproductive Toxicants: The Politics of Limit Values and Low Doses in the Twentieth and Twenty-first centuries" à la Maison interdisciplinaire des sciences de l'homme d'Alsace
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Distinction

Soraya Boudia, née en 1966, est une enseignante-chercheuse française en sociologie et histoire des sciences, des techniques et de l'environnement à l’université Paris-Cité et au sein du laboratoire Cermes3[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Soraya Boudia a une triple formation en physique (DEUG science et structure de la matière), en sciences de l'information et de la communication (maîtrise en information et communication scientifiques), et en histoire des sciences : elle a soutenu en 1997 et publié en 2001 sa thèse d'histoire des sciences dirigée par Dominique Pestre et consacrée à Marie Curie[2].

Elle a dirigé le Musée Curie de 1999 à 2003, puis a occupé un poste d’enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg de 2003 à 2011, et à l’Université Paris-Est de 2012 à 2014, avant de rejoindre l’Université Paris Cité[1].

Depuis 2022, Soraya Boudia est co-pilote du programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) exploratoire IRiMa ("Gestion intégrée des risques pour des sociétés plus résilientes à l’ère des changements globaux"), qui vise à "renforcer la position des scientifiques et experts français dans la communauté internationale, apporter un regard nouveau et contribuer à transformer les modes des gestions des risques et des catastrophes à différentes échelles"[3].

Travaux[modifier | modifier le code]

Ses travaux portent notamment sur l'expertise et la gouvernance des risques sanitaires et environnementaux (radioactivité, faibles doses, carcinogènes chimiques, déchets et résidus toxiques, pollution de l'air) et sur le gouvernement des technosciences à l'échelle globale (dont le Sud global)[1].

Histoire de la radioactivité[modifier | modifier le code]

Dans sa thèse, Soraya Boudia présente Marie Curie comme un véritable entrepreneur scientifique qui place le laboratoire Curie au centre d'un puissant réseau scientifique, industriel, médical, instrumental et métrologique[2]. Elle encadre plus tard la thèse d'Anne Fellinger sur les scientifiques français face au risque professionnel de la radioactivité entre 1901 et 1967[4], et collabore avec Nestor Herran sur la circulation et l'utilisation des isotopes du carbone radioactifs entre 1945 et 1965. Elle a travaillé également sur la controverse sur les dangers de la radioactivité pendant la guerre froide[5].

Patrimoine scientifique[modifier | modifier le code]

Soraya Boudia s'est intéressée à place de la physique nucléaire dans les musées de science au fil du temps, que ce soit avant[6] ou après[7] 1945. Plus largement, ses travaux interrogent les rapports entre patrimoine, savoirs et communautés savantes[8].

Construction de l'expertise sur les polluants et toxiques[modifier | modifier le code]

Dans le projet de recherche "Les cadres de l’expertise à l’épreuve des expositions aux faibles doses" (FADO), Soraya Boudia retrace "l’histoire des outils cognitifs et des processus politiques qui ont installé la problématique des faibles doses" et "examine les épreuves publiques que la question des expositions aux faibles doses de polluants engendre, tant pour les cadres de l’expertise que pour la décision et les politiques publiques", au travers de quatre dossiers : la radioactivité, les additifs et contaminants alimentaires, les ondes électromagnétiques et les nanoparticules[9]. Ce travail trouve son aboutissement dans deux ouvrages collectifs dirigé avec Nathalie Jas[10],[11], où les autrices arguent qu'il est "crucial de comprendre et analyser les changements qui se sont produit entre la fin des années 1960 et le début des années 1980 si l'on veut donner du sens à la structuration et au fonctionnement actuels de la régulation des toxiques"[11].

Soraya Boudia s'est notamment penchée sur le modèle de dose-effet linéaire sans seuil mobilisé pour le calcul de risque et la définition de normes d’exposition des rayonnements ionisants[12], et sur le problème des effets de faibles doses de radioactivité[13]. Elle a aussi travaillé avec David Demortain sur les sources historiques de l'analyse des risques, formalisées dans les années 1970 et 1980 au travers du rapport Risk Assessment in the Federal Government: Managing the Process (ou Red Book) du Conseil national de la recherche des États-Unis[14].

Gouvernement des risques et des crises à l'échelle globale[modifier | modifier le code]

Avec Emmanuel Henry, Soraya Boudia a interrogé les mécanismes et les enjeux de la mondialisation des risques sanitaires et environnementaux dans le projet "Européanisation des risques sanitaires et environnementaux" qui donne naissance à un autre ouvrage collectif[15]. Elle a publié avec Nathalie Jas un ouvrage grand public qui "analyse les modes de gouvernement des substances dangereuses et leurs effets délétères qui aujourd’hui s’imbriquent et se superposent dans les politiques nationales et internationales"[16].

La question du capitalisme, qui irrigue ces travaux, se retrouve également dans une étude du "travail politique et cognitif mené par de nombreux acteurs pour mettre l’environnement en économie et en marché avant la fin des années 1980", dont l'histoire "ne se confond pas avec celle du néolibéralisme ni n’en découle"[17].

Prenant comme terrain l’industrie des terres rares, Soraya Boudia a étudié "la crise des terres rares" marquée par l’envol des prix sur les marchés mondiaux et la politique chinoise des quotas au cours de la période 2010-2011[18].

Ignorance et inaction[modifier | modifier le code]

S'intéressant aux liens entre production de l'ignorance et inaction publique, Soraya Boudia a examiné la faiblesse des politiques publiques contre la pollution atmosphérique urbaine en Afrique (projet Globalsmog[19]) et le recyclage des déchets dans l’économie circulaire[20].

Elle explique ainsi que l'agnotologie "s'est plutôt focalisée sur la production volontaire du doute et de l'ignorance, organisée par des groupes politiques ou économiques" tandis que «les études de l'ignorance » (ignorance studies) "se penchent plus largement sur les mécanismes sociaux, politiques et institutionnels de l'ignorance. Car il existe bien des manières de ne pas savoir. Tout d'abord, on peut savoir ce qu'on ne sait pas, ou bien ne pas savoir ce qu'on ne sait pas, ou encore choisir d'ignorer ce que l'on sait…"[21].

Prix et distinctions[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Soraya Boudia (préf. Dominique Pestre), Marie Curie et son laboratoire : Sciences et industrie de la radioactivité en France, Paris, Édition des archives contemporaines, , 234 p. (ISBN 2-914610-01-7, BNF 37654442)
  • Soraya Boudia (dir.), Anne Rasmussen (dir.) et Sébastien Soubiran (dir.) (préf. François Hartog, postface Jean Davallon), Patrimoine et communautés savantes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Art & société », , 297 p. (ISBN 978-2-75350-906-1, EAN 9782753509061, ISSN 1272-1603, BNF 42124224)
  • (en) Soraya Boudia (dir.) et Nathalie Jas (dir.), Toxicants, health and regulation since 1945, London, Pickering & Chatto, coll. « Studies for the Society for the social history of medicine » (no 9), , 193 p. (ISBN 9781848934030, BNF 43546275)
  • (en) Soraya Boudia (dir.) et Nathalie Jas (dir.), Powerless science?, New York, Berghahn books, coll. « The environment in history: international perspectives » (no 2), , 280 p. (ISBN 9781782382362, BNF 44335561)
  • Soraya Boudia (dir.) et Emmanuel Henry (dir.), La mondialisation des risques : Une histoire politique et transnationale des risques sanitaires et environnementaux, Rennes, Prennes universitaires de Rennes, coll. « Res publica / Sociologie de l'Europe politique », , 212 p. (ISBN 978-2-7535-4177-1, ISSN 1264-1642, BNF 44418680)
  • Soraya Boudia et Nathalie Jas, Gouverner un monde toxique, Versailles, Éditions Quae, coll. « Sciences en questions », , 121 p. (ISBN 978-2-7592-2946-8, ISSN 1269-8490, BNF 45698141)
  • (en) Bernadette Bensaude-Vincent (dir.), Soraya Boudia (dir.) et Kyoko Sato (dir.), Living in a nuclear world : From Fukushima to Hiroshima, Abingdon ; New York, Routledge, coll. « History and philosophy of technoscience », , 330 p. (ISBN 9781032130637, BNF 47047845)
  • Soraya Boudia (dir.) et Emmanuel Henry (dir.), Politiques de l'ignorance, Paris, La Vie des idées.fr, coll. « laviedesidées.fr », , 108 p. (ISBN 978-2-13-083389-5, ISSN 2265-5077, BNF 47018376)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c « Soraya Boudia », sur www.cermes3.cnrs.fr (consulté le )
  2. a et b (Boudia 2001)
  3. « PEPR IRiMa : « Il y a un besoin crucial d’innover en termes de politiques de gestion des risques et des crises » », sur www.cnrs.fr (consulté le )
  4. Soraya Boudia et Anne Fellinger, « Radioactivité et santé au travail : trajectoire historique d'un problème », Histoire et sociétés : revue européenne d'histoire sociale, no 23,‎
  5. « Naissance, extinction et rebonds d’une controverse scientifique : les dangers de la radioactivité pendant la guerre froide », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, no 25,‎ , p. 157-170 (DOI 10.3917/mnc.025.0157)
  6. Philippe Molinié et Soraya Boudia, « Exhibiting Sparks of Big Science to the Public: Electrostatics, Atomic Machines and Experience of Paris Palais de la Découverte », IEEE Transactions on Dielectrics and Electrical Insulation, vol. 16, no 3,‎ , p. 751–757 (DOI 10.1109/TDEI.2009.5128515)
  7. Soraya Boudia, « Expositions, institutions scientifiques et controverses publiques. Le cas du nucléaire (1945-2000) », MédiaMorphoses, no 9,‎ , p. 49-54 (DOI 10.3406/memor.2003.2306)
  8. « Communautés savantes et ambivalences patrimoniales », dans Patrimoine et communautés savantes,
  9. Soraya Boudia, Francis Chateauraynaud et al. « Les cadres de l'expertise à l'épreuve des expositions aux faibles doses » (lire en ligne) [PDF]
    — ANR, Colloque bilan et perspectives. Programme Santé Environnement - Santé Travail (Paris, )
  10. (Boudia et al. 2013)
  11. a et b (Boudia et al. 2014)
  12. Laura Barbier et Soraya Boudia, « Circulez, il n’y a rien à voir. Modèles, incertitudes et santé au travail dans l’industrie nucléaire », Terrains & travaux, vol. 38, no 1,‎ , p. 95-118 (DOI 10.3917/tt.038.0095)
  13. Soraya Boudia et Claude Gilbert (dir.), chap. 1 « Les problèmes de santé publique de longue durée. Les effets des faibles doses de radioactivité », dans Comment se construisent les problèmes de santé publique, Paris, La Découverte, coll. « Recherches / Territoires du politique », (DOI 10.3917/dec.gilbe.2009.01.0035)
  14. Soraya Boudia et David Demortain, « La production d'un instrument générique de gouvernement. Le « livre rouge » de l'analyse des risques », Gouvernement et action publique, vol. 3, no 3,‎ , p. 33-53 (DOI 10.3917/gap.143.0033)
  15. (Boudia et al. 2015)
  16. (Boudia et al. 2019)
  17. Soraya Boudia, « Des instruments pour mettre en économie l’environnement. L’économicisation par approximation et occultation », Écologie & politique, vol. 2016/1, no 52,‎ , p. 45-61 (DOI 10.3917/ecopo1.052.0045)
  18. Soraya Boudia, « Quand une crise en cache une autre : la « crise des terres rares » entre géopolitique, finance et dégâts environnementaux », Critique internationale, vol. 85, no 4,‎ , p. 85-103 (DOI 10.3917/crii.085.0085)
  19. (en) « GLOBALSMOG » (consulté le )
  20. Soraya Boudia et Baptiste Monsaingeon, « Verdir et perpétuer l’ignorance. Les déchets à l’âge de la transition écologique », dans Politiques de l’ignorance, PUF, coll. « laviedesidées.fr », , 108 p. (EAN 9782130833895)
  21. Arnaud Gonzague, « Connaissez-vous l'agnotologie, cette science du bobard ? », L'Obs,‎ (lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]